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Discrimination lundi 9 mai 2011

Georg Kreis se retirera à la fin de l'année

Par Denis Masmejan
Le mandat du président de la Commission fédérale contre le racisme s'achève. Son successeur n'est pas encore désigné

Georg KreisGeorg Kreis, le président de la Commission fédérale contre le racisme (CFR), arrive au terme de son mandat. Il quittera ses fonctions comme prévu à la fin de cette année, a-t-il indiqué au Temps, confirmant une information parue dimanche dans Sonntag. Le Conseil fédéral doit lui trouver un successeur. Selon l'hebdomadaire, le conseiller d'Etat fribourgeois indépendant Pascal Corminboeuf aurait été approché pour lui succéder. L'actuel titulaire se refuse à toute déclaration à ce sujet.

Georg Kreis aura assumé la présidence de la Commission fédérale contre le racisme depuis sa création en 1995. Son mandat était limité à douze ans, mais le Bâlois, à la demande de Pascal Couchepin, avait accepté de rester en fonction pour une ultime période de quatre ans.

La CFR avait été créée, en même temps qu'entrait en vigueur la norme pénale contre le racisme, pour permettre à la Suisse de ratifier la convention internationale contre la discrimination raciale, celle-ci exigeant que les Etats signataires mettent en place une politique préventive.

Durant son mandat, Georg Kreis, professeur d'histoire à l'Université de Bâle, membre en son temps de la Commission Bergier et membre du Parti libéral-radical, a été la cible des attaques récurrentes de la droite nationaliste, UDC en tête.

Le Temps: Quel regard portez-vous sur vos seize années de présidence?

Georg Kreis: Il faut distinguer plusieurs phases. Au début, les réactions à notre travail étaient plutôt positives, nous sentions un soutien. Puis au début de cette décennie, avec les crispations dans la société, les critiques sont devenues plus fortes. Mais je n'ai jamais eu l'impression que c'était un travail que l'on pouvait achever. Il ne se termine jamais. Notre objectif ne peut être qu'une limitation des dommages. Notre principale tâche est de développer la sensibilité de la population aux thèmes qui nous occupent.

– Que révèlent ces critiques ?

– Ce qui m'a frappé, c'est le caractère très superficiel de certaines des questions qui nous étaient adressées. Peut-on encore parler des Tsiganes, peut-on prononcer le mot nègre? Il y a quelque chose de stupide à vouloir absolument des règles sans jamais s'interroger sur le sens de ces règles, sinon pour dénoncer la prétendue muselière que la prévention du racisme imposerait aux propos tenus autour du Stammtisch. Et puis, j'ai constaté une forme de sport consistant à savoir jusqu'où l'on pouvait aller trop loin. Les reproches qui nous étaient adressés révèlent une difficulté à se mettre dans la peau de l'autre, à éprouver de l'empathie, à se demander comment l'on réagirait soi-même si l'on était en butte au racisme. Mais pour dire cela, je me fonde uniquement sur les réactions constatées, publiques. Il y a évidemment la majorité silencieuse.

– Il reste que dans une société démocratique, la question des limites à mettre au débat public est aussi difficile que légitime...

– On nous a souvent interpellés comme si la CFR était un juge ou un arbitre. Mais ce n'est pas notre rôle principal. La commission a d'abord une fonction de prévention. La crainte qui a prévalu était que les opinions majoritaires seraient soumises, dans leur expression publique, à des limites trop étroites. On accepte que la liberté d'expression ne permette pas d'offenser des individus. Mais cette limite est ressentie comme une «prison» dès lors qu'elle empêche également d'offenser des groupes humains. Ce que je peux dire, c'est que sans la norme pénale contre le racisme, on ne prendrait pas au sérieux ce que nous disons.

– Vous paraissez pessimiste.

– Pas pessimiste, non. Mais sans illusions. Je reste convaincu que cette norme pénale est nécessaire, que la CFR l'est aussi. J'ai reçu beaucoup de reconnaissance de la part des victimes, qui se tournaient vers moi comme si je leur avais témoigné de l'amitié, alors que ce n'était qu'un devoir de ma part.