LE COURRIER spacer SUISSE   pg.11

Jeudi 05 novembre 2020


 

Les opposants à l’initiative dite «Pour des multinationales responsables» se cachent derrière un site de «vérifications des faits» pour communiquer leurs arguments.

 

Les opposants avancent masqués

 

SOPHIE DUPONT

  

en-fait.ch

  

Votation À côté d’un article rédactionnel de 24 heures consacré à l’initiative pour des multinationales responsables, un pavé publicitaire attire l’œil: «Les faits sur l’initiative multinationales. Pour vous forger votre opinion, lisez notre dossier.» Le pavé redirige sur le site en-fait.ch, dont la page d’accueil mentionne: «Nous voulons contribuer à dépassionner l’importante discussion sur l’initiative «multinationales responsables» et ainsi favoriser la culture du débat. «succèSuisse» a demandé à des journalistes indépendants, des auteurs et des scientifiques, entre autres, d’examiner les faits et de vérifier l’exactitude de déclarations à propos de l’initiative.»
Cette présentation ne laisse pas entendre que le site a été créé par les opposants à l’initiative. C’est pourtant le cas. La mention «Non à l’IniMulti le 29.11 a KVI» sous forme de sticker rouge suffit-elle à lever toute ambiguïté? C’est seulement dans la rubrique «qui nous sommes» qu’un lien redirige vers le site de succèSuisse, comité économique «Non à l’initiative multinationales».

 

«Contre-vérités»

 

Les initiants s’insurgent contre la démarche à travers une vidéo publiée dimanche et largement partagée sur les réseaux sociaux. Ils dénoncent à leur tour des «contre-vérités» et pointent du doigt l’agence de communication mandatée, Furrerhugi, qui travaille également pour Glencore. «Il y a un manque de transparence. Les opposants font leur campagne sous couvert d’une structure, succèSuisse, qui est absente du débat public», relève Marine Vasina, coordinatrice romande de la campagne. paragraphe.
En affirmant procéder à une «vérification des faits», le site en-fait.ch confronte des arguments des initiants à ceux des opposants ou des multinationales elles-mêmes. Ils répondent par exemple à l’affirmation «Les mines de Glencore empoisonnent des enfants aux métaux lourds» en avançant que la société tente d’assainir la mine péruvienne de Cerro de Pasco acquise en 2017 que d’autres entreprises ont au-paravant polluée. Soit l’argumentation de Glencore elle-même. L’accaparement des terres? «À relativiser», pour le site, qui précise que les gouvernements des pays concernés décident eux-mêmes des terres fertiles mises à disposition des multinationales. Il passe ainsi sous silence les violations des droits humains et considère que seuls les gouvernements locaux sont responsables, autre argument des opposants. Dans une autre «vérification des faits», le site cite le Centre patronal et le PLR pour avancer que des PME pourraient être touchées par l’initiative. Ce qui est présenté comme contributions indépendantes consiste bien en des arguments partisans.

 

Tamedia épinglé

 

Pourquoi le cacher? Pour Philippe Nantermod, membre de succèSuisse, qui découvre le site lors de notre appel, le sticker «Non à l’IniMulti» et la mention de l’organisation annoncent la couleur. Il juge la démarche transparente. Pour le conseiller national PLR, une «vérification des faits» s’apparente à un vrai/faux, utilisé régulièrement en campagne de votation. «Les partisans misent sur une campagne émotive, comme le fait généralement l’UDC, c’est leur choix. Dans ce contexte, il me paraît nécessaire de remettre l’église au milieu du village avec une argumentation honnête, sincère, factuelle», avance-t-il. Outre la plate-forme en-fait.ch, les opposants ont leur site officiel, «Non à l’initiative de responsabilité des entreprises», au visuel clair.
Quant au groupe de presse Tamedia, qui publie des annonces pour le site de campagne à côté d’articles rédactionnelles consacrés à la votation, il avait été épinglé par le Conseil suisse de la presse en juillet dernier pour avoir violé le code de déontologie. En indiquant «Les faits sur l’initiative multinationales. Pour vous forger votre opinion, lisez notre dossier», des pavés publicitaires ne se distinguaient pas de façon claire et lisible des contributions rédactionnelles, selon le CSP. Celui-ci a constaté que la mention «publicité» manquait et que la police de caractère utilisée ressemblait fort à celle des textes rédactionnels. Il a aussi pointé du doigt les termes utilisés – notre dossier, les faits – qui portent à confusion. Sur les annonces qui passent actuellement, la mention «publicité» existe mais la typographie n’a pas été adaptée. Pourquoi? Sans répondre directement à notre question, Tamedia nous affirme par écrit qu’une «séparation stricte est établie entre l’éditorial et la publicité, en terme de contenus ainsi que des équipes». «Les contenus publicitaires sont créés exclusivement par le département Commercial Publishing, totalement détaché et indépendant de nos rédactions et n’a donc aucun lien avec le journalisme», rapporte Nicole Bänninger, porte-parole du groupe. I

  

  

citation

 

  

Liens

  

en-fait.ch : vérification    des faits - info

successuisse.ch : examiner les faits   info

  

  

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