Note du compilateurG.P.T.
L’IA est devenue omniprésente mais sans qu’on ait vu les conséquences de son introduction intempestive dans nos sociétés et sans avoir au préalable mieux préparer la société et les gens pour un emploi optimum. Comme c’est la grande industrie, la finance, les gouvernements et les petits voyous et leurs intérêts propres qui sont aux commandes, le revers de la médaille sera funeste pour le développement d’un humain social, conscience, participatif, en phase avec lui-même et les autres. Le pire étant que l’on va justifier et imposer l’IA au nom du progrès – que l’on ne peut arrêter – sans voir que ses multiples autres utilisations nous mèneront fatalement dans un mur si épais qu’aucune réglementation préviendra le désastre final... Au final, le prix payé pour l’IA sera salé car ses désavantages dépasseront nettement les avantages espérés compte tenu de l’état actuel du monde et de ses dirigeants.
Lisons entre les lignes de cette compilation pour comprendre le fond du problème... G.P.T. Pully, le 11 mai 2023 |
24heures du jeudi 11 mai 2023
L’éditorial
Rubrique Vaud & Régions
Ne pas se laisser ringardiser
ChatGPT est arrivé à l’école sans lui demander son avis. Peut-on lui en vouloir La politesse reste un embarras purement humain. Certains élèves, soit plus flemmards, soit plus rusés que les autres, n’ont pas attendu que les enseignants organisent la résistance pour se ruer sur l’outil.
C’est de bonne guerre, et même une forme d’intelligence que de savoir prendre des raccourcis. Seulement, celui-ci est peut-être trop vertigineux pour être accepté. Une machine qui «pense» à notre place, envoyant nos cerveaux prendre la poussière, voilà qui promet une crise existentielle planétaire. Lui ouvrir les portes de l’école au lieu de la chasser, est-ce bien raisonnable ?
Eh bien oui. Se blinder contre un «intrus» déjà installé n’aurait aucun sens. Car l’intelligence artificielle (IA) ne fait que s’échauffer. Avec ou sans la bénédiction de l’école, elle déferlera sur le monde à une vitesse qui donnerait le tournis à Alan Turing, l’informaticien qui la préfigurait il y a un peu moins d’un siècle. C’est probablement fléchir devant les GAFA, qui s’en frottent les mains, mais cela fait des années qu’ils ont gagné la partie Quand les aéroports seront organisés par l’IA, nous serons bien contents que les aiguilleurs du ciel sachent lui parler depuis la tour de contrôle.
Alors oui, ça commence à l’école. Oui, ça signifie la restructuration des cours, l’obsolescence de certains exercices de style, la valorisation de nouvelles compétences comme la lucidité face à des sources d’information toujours plus hétérogènes. Vous ressentez un vertige? Nous n’avons pas le choix. Les élèves ont déjà un coup d’avance sur les enseignants. Le risque est que le fossé numérique se creuse dans l’ombre et accouche d’une génération mal préparée à ses propres défis d’avenir. Il ne faut pas se laisser ringardiser.
De la même manière que l’arrivée de la calculatrice n’a pas «sauvé» les cancres en mathématiques - les consignes devenant simplement plus exigeantes -, ChatGPT ne pourra pas servir de cache-misère aux élèves qui transpirent en écrivant un devoir de français. Du moins, pas si l’école s’adapte aux nouvelles règles du jeu. Et coupe l’herbe sous le pied à tous les petits tricheurs, qui auront eu bien raison d’avoir essayé.
Thibault Nieuwe Weme
Thibault Nieuwe Weme
ChatGPT, nouveau meilleur ami des élèves ?
De l’école au gymnase, l’intelligence artificielle (IA) est toujours plus sollicitée comme «messager clandestin». Théo*, 16 ans, gymnasien de la région lausannoise, admet sans détour l’avoir déjà utilisée à trois reprises dans le cadre de travaux notés. «Je l’utilise comme un outil de recherche ultrarapide, et qui permet du sur-mesure. Si tu lui poses les bonnes questions, il fait la recherche à ta place, te propose des formulations bien tournées et t’allonge ou te raccourcit le résultat selon tes besoins.»
Pour une dissertation sur l’ascension sociale de Georges Duroy dans «Bel-Ami», Théo a par exemple demandé à ChatGPT de définir quelques termes utiles pour son introduction, puis lui a donné pour mission de trouver des passages clés du livre qui illustrent la montée en grade du personnage principal. «Après, il faut rester vigilant, car j’ai remarqué que l’IA n’hésite pas à inventer des passages qui n’existent pas! Dans tous les cas, je ne livre pas le texte tel quel. Je le retravaille pour éviter de me faire «cramer», et aussi un peu par ego.»
Résultat des courses: des travaux notés entre 4,5 et 5, alors que Théo peine généralement à obtenir la moyenne en français. «Mais je suis conscient qu’il ne faut pas que ça devienne une habitude, précise-t-il. Je le vois surtout comme une manière de gagner beaucoup de temps, tout en restant maître du travail et d’envoyer l’IA au charbon pour la partie ennuyeuse de la recherche d’infos.»
ChatGPT fait également de l’œil aux plus jeunes. Élève de 9e année dans la Broye vaudoise, Maxime* a utilisé l’agent conversationnel pour rédiger un exposé sur les cellules, qu’il lui a suffi de lire devant la classe. D’après ses dires, il ne fait qu’imiter de nombreux amis. Si son enseignante l’a mal récompensé, en raison d’une présentation trop collée à sa feuille, l’écolier est prêt à recommencer et à améliorer sa stratégie, notamment «pour aller chercher des informations complémentaires qu’on n’aurait pas apprises en cours».
Paresse intellectuelle ?
Du côté des enseignants, les réactions divergent. On ne sait pas encore bien s’il faut considérer l’IA comme un allié ou comme un adversaire. Enseignante de français dans un gymnase lausannois, Sylvie*, qui souhaite garder l’anonymat, est «très inquiète» pour le délitement du niveau des élèves. «On me dira qu’avec Wikipédia, ça fait plusieurs années que les élèves ont pris l’habitude de prendre des raccourcis. Mais avec les IA, on passe à la vitesse supérieure La reprise d’infos prémâchées devient encore plus facile, tout en étant plus compliquée à détecter de notre côté. J’ai peur qu’à terme les jeunes ne parviennent plus à exprimer par eux-mêmes des pensées complexes, et que notre société devienne paresseuse.»
Même crainte pour Françoise Emmanuelle Nicolet, présidente de l’Association vaudoise des maîtres de gymnase. «Obtenir des résultats en quelques clics, évidemment que c’est tentant et parfois pratique, mais cela délaisse complètement le chemin intellectuel On ne pourra pas blinder l’école contre le numérique, mais il va aussi falloir qu’elle reste un bastion des compétences humaines.» La dissertation est-elle en voie de disparition? «Au contraire, elle a plus que jamais sa place à l’école. Certains élèves eux-mêmes m’ont fait part de leurs inquiétudes par rapport aux argumentaires élaborés de toutes pièces par l’IA. Ça m’a rassurée.»
D’autres enseignants accueillent l’IA avec plus d’enthousiasme. C’est le cas de Philippe Rochat, prof d’informatique au Gymnase de Morges, qui a autorisé ChatGPT dans ses cours à certaines conditions. «C’est aussi une marque d’intelligence que de savoir «monitorer» l’IA pour qu’elle aille chercher les infos dont vous avez besoin. Seulement, comme toute source, mes élèves doivent faire mention de l’IA, avec passage entre guillemets, pour chaque résultat trouvé. L’honnêteté doit rester essentielle à tout travail», insiste-t-il.
«Ce serait une erreur d’interdire ChatGPT à l’école, poursuit-il. On est là pour former nos élèves sur les outils de demain.» Seule réserve de l’enseignant: les injustices que risque de produire l’ère des «marchands d’intelligence». «Il existe déjà des versions premium qui permettent de meilleures performances, et surtout de passer sous le radar des logiciels antitriche. On pourrait très bien imaginer qu’à l’avenir, les élèves plus aisés, qui ont payé une version premium, obtiennent de meilleurs résultats que les autres.»
Professeur à la HEP Vaud, Nicolas Perrin juge lui aussi que l’IA peut constituer une chance pour l’école. «Elle nous oblige à nous intéresser aux processus de production et non au produit rendu, ce qui est un enjeu énorme pour la formation. C’est l’occasion de remettre l’apprentissage au cœur de la démarche éducative, de connaître les limites de son propre savoir et de désacraliser le produit en tant que tel.»
La lutte est vaine
Pour la sociologue Michelle Bergadaà, spécialiste du plagiat en milieu académique à l’Université de Genève, rien ne sert de lutter contre l’IA à l’école. «Notre manière de concevoir la connaissance va être totalement révolutionnée, c’est une certitude.» À partir de là, aux enseignants de s’adapter selon elle. «Ils vont devoir remettre l’oralité au centre des cours, en insistant sur la formation du doute, et non pas de certitudes. Il faudra également se rendre davantage sur le terrain avec les élèves, en leur demandant de rendre des travaux sur ce qu’ils ont observé.»
Au niveau de la triche, spécialité de la chercheuse, là aussi, inutile de se débattre. «Le problème de l’analogie dans les textes est déjà réglé. Désormais, l’IA varie ses réponses pour une seule et même consigne. Les opérateurs ont tout intérêt à satisfaire les tricheurs; le combat est perdu d’avance.» La seule bonne réaction à avoir, «c’est, pour les profs, de se tenir au courant et d’apprendre à travailler en bonne intelligence avec l’IA».
Car malgré tout, la sociologue reste «plutôt heureuse» de l’époque qui s’annonce. «Les gens qui n’ont que des certitudes seront ébranlés. Mais pour les curieux de nature, c’est une bonne révolution.» Et à ceux qui crient au risque d’abrutissement de la société? «Les gens bêtes seront encore plus bêtes, et les intelligents encore plus intelligents. Concernant la fraude, il ne faut pas s’inquiéter: la vie se charge de rattraper les idiots, leurs limites sont vite remarquées.»
Notons qu’il n’y a pas qu’aux élèves que ChatGPT fait gagner du temps. L’IA peut en effet venir en aide aux enseignants dans la préparation de leurs cours. Au moment de faire de la «différenciation» par exemple, soit le fait de fournir des exercices personnalisés aux élèves en fonction de leurs compétences. Une tâche pénible pour les enseignants; l’affaire de quelques secondes pour ChatGPT.
Trop tôt pour savoir quelle importance l’école vaudoise donnera concrètement à l’IA. Les discussions sont vives en salle des maîtres, mais encore précoces du point de vue institutionnel. «Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y aura pas d’interdiction, prévient Suzanne Peters, directrice générale adjointe de l’enseignement postobligatoire. Qu’on soit éthiquement d’accord ou pas, l’IA va se déployer. Il faut montrer aux élèves comment ne pas en être esclave, et apprendre à l’utiliser de manière bénéfique. Le département définira certaines limites, mais restera fidèle à sa mission de former les élèves à la société de demain.»
* Prénoms d’emprunt
Autre domaine où l’IA risque de bouleverser les habitudes: le travail à domicile. Aux yeux de Gregory Durand, président de la Société pédagogique vaudoise, l’intrusion de l’IA dans les copies scolaires est l’occasion de «revoir certaines règles sur les devoirs qui n’ont aujourd’hui plus de sens». Au lieu de laisser travailler les élèves à la maison, à l’abri des regards de l’enseignant, mieux vaudrait tout faire en classe, «ce qui donne aussi de meilleurs points de repère sur l’avancée du projet et les contributions personnelles de chaque élève».
Car le problème n’est pas nouveau. «Il y a vingt ans, c’étaient les parents qui écrivaient les dissertations à la maison, se rappelle Gregory Durand. Faire travailler les élèves depuis chez eux, c’est ouvrir la porte aux aides non prévues par l’école, qu’elles soient numériques ou pas.» Cette impression est partagée par Suzanne Peters, directrice générale adjointe de l’enseignement postobligatoire. «Nous ne sommes pas dans une course à l’outil qui permet de détecter les travaux réalisés par ChatGPT, plutôt sur une réflexion transversale sur le sens des travaux faits à domicile», précise-t-elle. À noter que face à la triche 2.0, l’antidote parfait n’existe pas encore. L’IA s’améliorant en permanence, les logiciels de contre-attaque ont souvent un train de retard.
TNW
Le travail prend une grande part de notre temps et occupe une place prépondérante dans notre société. Qui dit travail dit collègues, collaborations, interactions, etc. Pour parvenir à faire coexister tout ce monde et à viser l’efficacité, les organisations sont attentives à engager des profils capables de maîtrise de soi et d’attitudes positives malgré les difficultés rencontrées.Dans cette même lignée, et ce pour cadrer et aligner les pratiques aux missions,des procédures sont ainsi créées et appliquées. En standardisant et en rationalisant, on réduit l’interprétation, la subjectivité et le risque d’erreurs dans un but d’efficience. Le revers de la médaille, c’est que chacun se retranche derrière l’application de la procédure.
Il y a moins d’échanges,de sens critique et de compréhension pour ce que font les autres autour de soi. Avec l’apparition de l’intelligence artificielle (IA), cette tendance se poursuit. Certaines entreprises n’hésitent pas à investir dans cette technologie en y voyant des opportunités, notamment celle d’assigner à la machine des tâches de notre cahier des charges afin d’économiser du temps et des ressources humaines.
Certes, l’IA peut soutenir, voire faciliter certains processus, encore faut-il la paramétrer de manière réfléchie. En revanche, ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que l’IA est totalement dépourvue d’intelligence émotionnelle. Cette différence est sans appel lorsqu’il faut pouvoir apprécier une situation et agir en conséquence. Les marches à suivre ou les avatars sont bien démunis face à la complexité de cette tâche.
Dans cette perspective, au lieu de travailler sur notre capacité à comprendre nos propres émotions, à savoir ce qui les provoque et à déterminer ce qu’on en fait, au lieu de développer notre empathie en sachant reconnaître les émotions d’autrui et s’y ajuster, au lieu d’encourager le partage plus ouvert de nos émotions pour améliorer la communication et au lieu de favoriser la remise en question des pratiques, nous nous remettons entièrement à l’IA.
Finalement sous l’emprise de l’IA, nous ne pouvons plus nous apprivoiser et donc comprendre davantage les approches individuelles pour mieux fonctionner collectivement. Ainsi déconnectés de notre entourage professionnel, nous ne serons plus à même de «vivre ensemble», à en perdre notre sens critique et la possibilité de déployer des actions efficaces et adaptées en fonction de la situation.
Et si, plutôt, nous nous attelons plutôt au développement de ce qui nous caractérise fondamentalement pour ainsi exploiter notre plein potentiel ?
Avant d’essayer de nous répliquer ou de nous calibrer, valorisons ce qui reste de notre super pouvoir !
L’intelligence artificielle (IA) va impacter défavorablement les emplois dans les métiers de bureau et de secrétariat, selon une étude de l’Observatoire du marché du bureau «Amosa» menée dans plusieurs cantons alémaniques et présentée mardi à Zurich. Les métiers du marketing et de la vente, du commerce de détail, du secteur commercial et de la production industrielle sont les premiers menacés par le développement des outils de l’IA comme l’application ChatGPT.
Dans le marketing, par exemple, l’IA pourrait être de plus en plus utilisée pour reconnaître les modèles de comportement et les besoins des clients, a déclaré la responsable de l’étude, Katharina Degen, lors de la présentation de l’étude.
L’IA pour la recherche et la santé est primordiale. Le revers de la médaille c’est qu’elle va faire perdre des milliers d’emplois dans une société qui s’appauvrit chaque jour. De plus, elle va faire croire aux c..s qu’ils seraient intelligents.
Réponse de Georges Tafelmacher :
L’IA pour la recherche et la santé est peut être primordiale mais cela ne peut excuser les conséquences de son introduction intempestive dans nos sociétés sans avoir au préalable mieux préparer la société et les gens pour un emploi optimum. Comme c’est la grande industrie, la finance, les gouvernements et les petits voyous et leurs intérêts propres qui sont aux contrôles, le revers de la médaille sera funeste pour le développement d’un humain social, conscience, participatif, en phase avec lui-même et les autres.
Au final, le prix payé pour la recherche et la santé par l’IA dépassera nettement les avantages espérés...
Réponse de Gino Serra : Mais je suis tout à fait d’accord avec vous Georges mais il n’en demeure pas moins qu’au niveau de la santé l’IA a déjà sauvé de nombreuses vies et devrait être limitée seulement au niveau médical et j’espère comme vous qu’une réglementation sera imposée afin de ne pas dépasser certains avantages qui sont utiles.
Cédric W. Marsens-Photographe :
Déjà que de nombreux êtres humains réagissent comme des robots et qu’à leur tour des robots pourraient réagir comme des humains (???) que la communication se fait de plus en plus par des réseaux soit-disant sociaux interposés, j’ai de plus en plus l’envie de finir mes jours dans un coin pratiquement désert avec tous les livres que je me suis encore promis de lire. Ou alors de reprendre mes vieux rêves des années 60 et créer une communauté dans un coin tranquille avec ce qu’il reste encore d’amis non virtuels pour finir nos vieux jours en humains...
Georges Tafelmacher à Cédric W. Marsens-Photographe :
À voir le nombre de politiciens même très à droite qui réclament des règlements pour contrôler l’IA, cela doit quand dire que cette IA n’est pas aussi inoffensive que la propagande actuelle la laisse croire. Au contraire, puisqu’il faut réglementer l’IA, c’est qu’elle est bien plus dangereuse que même l’atome à laquelle plusieurs "experts" font référence pour que l’on continue son exploitation...
Faut lire entre les lignes de tous ces papiers qui prônent ou s’extasient sur l’IA et tout de suite on comprend que derrière cet engouement pour l’IA, il y a des objectifs non-avoués...
Décortiquons ce que disent les propagateurs de l’IA et leurs intentions derrière...
Georges Tafelmacher :
On nous met sous telle pression avec cette IA à un tel point que notre cerveau va bientôt éclater...
À croire que c’est devenue obsessionnelle...
Point final de Georges T. :
On peut voir, qu’avec cette discussion, parce que l’IA peut être justifiée parce qu’elle peut sauver des vies, on passe chat sur braises sur les problèmes qu’elle suscite et on est prêt à excuser sa mauvaise utilisation. Avec l’IA, nous avons tous été dépouillés de notre intelligence et de nos talents au bénéfice d’une machine qui se croit elle, très intelligente et pleine de talent...
Le Temps du mardi 22 août 2017
Expert
Solange Ghernaouti, directrice du Swiss Cybersecurity Advisory & Research Group, associate fellow, GCSP
L’ère des technosciences est arrivée. Elle repose sur des instruments que l’homme est loin de maîtriser, mais auxquels il accorde toute sa confiance. Il est urgent de débattre de leur contrôle, écrit Solange Ghernaouti, directrice du Swiss Cybersecurity Advisory and Research Group. Il y va de l’avenir de l’humanité.
En offrant de nouveaux possibles, les avancées technologiques façonnent l’évolution de nos comportements, tout en créant de nouvelles habitudes et dépendances. Opportunités pour certains, risques pour tous, forgent le changement de société dont nous sommes témoins et acteurs. Avec la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, de l’informatique et des sciences cognitives, nous sommes passés à l’ère des technosciences. Le vivant et le non-vivant, interconnectés par un Internet de toutes choses, sont des sources inépuisables de données et de génération de flux informationnels. Le corps, le cerveau humain, les mouvements, les comportements, les sentiments ou les émotions sont un minerai informationnel capté et traité en permanence par des opérations arithmétiques et logiques.
Les fournisseurs de technologies considèrent l’individu comme un système d’information. Connecté, il participe bon gré, mal gré à l’exploitation de ses données. Il alimente un marché a priori sans limite. Il favorise à son insu l’apprentissage des machines, le développement d’algorithmes prédictifs, de systèmes d’aide à la décision, d’intelligence artificielle ainsi que le courant transhumaniste. Ainsi, il contribue à la délégation de ses responsabilités et de ses libertés à des ordinateurs avec lesquels il interagit mais aussi qui peuvent agir pour lui, le remplacer, l’influencer, le surveiller, le contrôler.
Humain simplifié
La possibilité de l’amélioration artificielle des capacités humaines physiques et cognitives laisse entrevoir un horizon d’êtres hybrides issus de l’électronique et du biologique. Utiliser des technologies à des fins non thérapeutiques, c’est considérer l’humain comme une chose à améliorer. Le risque que cette transformation artificielle soit réalisée dans un cadre normatif des manières d’être, de penser et d’agir, imposé par des acteurs hégémoniques des technosciences et fervents adeptes de l’ultralibéralisme, n’est pas négligeable. Dès lors, l’individu pourrait se retrouver amputé de ce qui fait sa condition humaine, de sa personnalité, de ses forces et faiblesses. L’expression d’humain augmenté est alors un abus de langage car il s’agit d’un humain transformé, standardisé, voire simplifié, mais surtout un humain piloté et contrôlé, via les technosciences, par des entités licites ou illicites qui les contrôlent. En effet, le risque de détournement, d’usage abusif, criminel et terroriste des objets connectés, équipements électroniques, systèmes informatiques et réseaux de télécommunication est réel, comme en témoigne le nombre d’incidents de sécurité plus ou moins graves révélés en permanence et affectant tous types d’infrastructures, y compris celles critiques ou a priori hautement protégées.
L’humain doit-il être modifié, éventuellement augmenté par la technique? A partir de quelle technologie, quantité de technologies ou degré de d’intégration de celle-ci dans le corps peut-on encore définir un être comme étant humain? Est-ce que la frontière de la peau permet de faire la différence dans l’hybridation du biologique et du technique? L’effraction corporelle est-elle nécessaire ou doit-on déjà considérer une personne dépendante aux objets technologiques et connectée en permanence, comme un mutant, un primitif du futur ?
Qui prendra le contrôle
S’il est difficile aujourd’hui de maîtriser la cybersécurité, de réduire les vulnérabilités, de lutter contre la cybercriminalité, d’éviter les dérives comme par exemple la surveillance de masse, la fin de la vie privée, du libre arbitre, de l’autonomie ou de la démocratie, de réguler ou encore d’instaurer les niveaux de confiance nécessaires au bon fonctionnement de la société, qu’en sera-t-il demain avec des systèmes encore plus complexes, plus miniaturisés et invisibles, plus intriqués, interconnectées et interdépendants, plus «intelligents» ?
Comment sécuriser toute la chaîne des acteurs, systèmes, processus, algorithmes, services liés aux Big Data, à l’intelligence artificielle, à l’Internet de toutes choses? Comment s’assurer de la sécurité, de la fiabilité, de la sûreté de tous les composants et de toutes leurs interrelations, durant tout leur cycle de vie (développement, fabrication, implantation, gestion, utilisation, élimination) ?
La complexité des environnements technologiques mis en place est devenue telle que l’humain ne peut penser pouvoir la maîtriser qu’en ayant recours à encore plus de données, plus d’algorithmes, de processeurs interconnectés et de traitements. Cette fuite en avant est paradoxale puisqu’il ne les maîtrise pas, ne les comprend pas, mais est enclin à leur accorder sa confiance et à se soumettre à eux. Dans tous les cas, la question centrale demeure: qui sera en mesure de contrôler ces nouvelles infrastructures technologiques ?
Redéfinir le bien commun
Les sciences du vivant et de l’ingénierie soulèvent des enjeux sociétaux et défis idéologiques pour tous, comme c’est déjà le cas avec l’usage des drones tueurs qui pourraient devenir autonomes et décider de tuer sans contrôle humain. Il est urgent, hors des injonctions d’innovation et des discours messianiques qui accompagnent le développement des technosciences, de débattre de ces questions afin de contribuer à la définition du bien commun et du bien vivre avec les technologies sans en être esclave. C’est à ce prix que l’humain pourra conduire de façon éclairée et responsable le développement d’une technocivilisation ouvrant la voie à un humanisme renouvelé et au service des générations futures. Notre devenir ne doit pas être la résultante de logiques financières et de puissance hors de contrôle, ni dépendre de dictatures technico-économiques. Celles-ci ignorent le principe de précaution et sont rarement synonymes de progrès social et politique.
«L’expression d’humain augmenté est un abus de langage car il s’agit d’un humain transformé, standardisé, voire simplifié, mais surtout un humain piloté et contrôlé, via les technosciences, par des entités licites ou illicites qui les contrôlent»
Paraphrase personnelle :
«Notre devenir est la résultante de logiques financières et de puissance hors de contrôle. Nous dépendons de dictatures technico-économiques qui ignorent le principe de précaution et sont rarement synonymes de progrès social et politique.»
Autres pages sur la "trans-humanisation" de l’homme :
Comment l’économie suisse : peut profiter de la numérisation - Le Temps 22 septmebre 2017
Des patrons, dont Elon Musk, mettent en garde contre les «robots tueurs» - Le Temps - 21 septembre 2017
Le «transhumanisme» : ce mouvement qui rêve d’un homme émancipé - ARTE 18 janvier 2019
Un homme augmenté : mais à quel prix ? - Cahiers Technologies - novembre 2020
L’Hybridation de l’Humanité : À l’Ère de la Technocratie - Forbes Magazine - Baptiste Tricoire - 09 novembre 2020
Quand l’homme est "augmenté" : par les robots - L’Obs - Boris Manenti - 19 mars 2014
24heures du jeudi 25 mai 2023
L’éditorial
Emmanuel Borloz - Chef de la rubrique Vaud & Régions
Pour anticiper ce qui nous attend demain, rappelons-nous de ce qui s’est passé hier. Retour en 39-45. Pour «réparer» les blessés de guerre, la chirurgie reconstructive se développe à vitesse grand V. Quelques années plus tard, changement de paradigme. On ne se contente plus de réparer. On améliore, on peaufine, on transforme: bienvenue dans l’ère de la chirurgie esthétique.
Aujourd’hui, avec l’avènement des interfaces cerveau-machine, qui permettent de se servir de son cerveau comme d’une télécommande, l’histoire se répète. Là encore, on commence par réparer. La paraplégie, la tétraplégie, Parkinson, les AVC, des patients amputés qui retrouvent un membre devenu entre-temps robotique, des exosquelettes complets pour des personnes atteintes du syndrome d’enfermement Les perspectives sont à la hauteur de la prouesse technologique. Elles sont vertigineuses.
On devine la suite. Dopée par la concurrence, les progrès techniques et un intérêt commercial indéniable, la technologie finira par sortir du champ thérapeutique. Préparez-vous à la neurochirurgie esthétique. Le rêve - ou le spectre - du transhumanisme, qui vise à augmenter nos capacités par la science et la technologie, n’a jamais été si proche.
Le neuroscientifique de l’EPFL Grégoire Courtine, que la question de l’homme augmenté «n’intéresse pas», soupire quand on lui pose la question. Mais il sait que c’est inévitable. «Comment pourrons-nous empêcher quelqu’un de s’offrir une thérapie pour augmenter ses capacités cérébrales?»
L’homme augmenté arrive. Dans un premier temps, on n’y prendra pas garde. Les débuts pourraient même être ludiques. Demain, fini les manettes de consoles de jeux vidéo, on guidera les personnages à l’écran par la pensée. Peut-être même verrons-nous notre voiture tourner à droite simplement parce que nous l’avons voulu.
Et après? Nos cerveaux finiront-ils par fusionner avec une intelligence artificielle comme certains l’imaginent déjà? Face au champ des possibles, la boîte à fantasmes tourne à plein régime. Quitte à effrayer.
Pour nous rassurer, écoutons ceux qui savent. Comme Yohann Thenaisie, comédien-neuroscientifique de pointe de passage à Lausanne ce week-end pour une conférence-spectacle. Son message démystificateur: n’ayez pas peur des cyborgs.
Nous avons le droit d’avoir peur des cyborgs !
Emmanuel Borloz
Oubliez la créature de Frankenstein, Robocop et Terminator. En quelques années, les cyborgs qui ont longtemps fait les beaux jours de la science-fiction sont devenus complètement ringards. Balayés par l’avènement d’une nouvelle génération de créatures mi-hommes, mi-machines aux prouesses vertigineuses: nous.
Le phénomène de l’homme réparé, qui remonte aux premières prothèses d’orteil en Égypte il y a plus de 3000 ans pour arriver aux lentilles de contact et aux pacemakers, n’est certes pas nouveau. Mais c’est peu dire qu’il s’est emballé ces dernières années. Penser au fauteuil roulant pilotable par la pensée ou, plus récemment, à cette main robotique qui prend, elle aussi, les pensées d’un patient pour des ordres suffit à s’en convaincre.
Jeu télévisé dystopique
La raison de ces progrès fulgurants qui nous rapprochent toujours plus de l’organisme cybernétique (cyborg) tient en trois mots: interface cerveau-machine. Avec des possibilités vertigineuses à la clé: pouvoir contrôler des objets par la pensée. En deux mots, la technologie s’appuie sur la lecture de l’activité électrique du cerveau. Le patient imagine effectuer un mouvement précis, ce qui génère une activité cérébrale caractéristique. L’ordinateur et ses algorithmes la décodent et la transforment en commande pour une machine (prothèse, fauteuil roulant, etc.).
Voilà la toile de fond qu’a choisie Yohann Thenaisie pour la conférence-spectacle qu’il donnera dans quelques jours dans le cadre des Mystères de l’UNIL. Titre de l’événement dystopique: «Qui veut devenir un cyborg?» Tout un programme. «Il s’agit d’un faux jeu télévisé qui permettra à un volontaire d’être transformé en cyborg sur scène», détaille le docteur en neurosciences et accessoirement vainqueur international du concours «Ma thèse en 180 secondes» en 2021.
Comprendre l’inconnu
Vulgarisateur scientifique hors pair, le jeune homme profitera surtout de la mise en scène pour démystifier les capacités quasi magiques des interfaces cerveau-machine. «Ce qui m’intéresse, c’est d’expliquer la science qu’il y a derrière. Je vais montrer comment on connecte le cerveau à une intelligence artificielle, mais je tiens surtout à expliquer pourquoi on le fait. De loin, ça a effectivement l’air magique, mais en réalité, lorsque l’on comprend le fonctionnement électrique du cerveau, c’est très simple. En me basant sur des films tels qu’«Inception» ou «Eternal Sunshine of the Spotless Mind», j’explore la frontière entre science et fiction et je montre où en est la recherche. Je présenterai par exemple comment on parvient à littéralement effacer des peurs dans le cerveau ou la manière grâce à laquelle des chercheurs parviennent à lire dans les rêves. C’est vraiment très compliqué. À l’inverse, contrôler une machine à distance est bien plus simple.»
L’inconnu faisant souvent peur, autant le comprendre, explique en substance le comédien neuroscientifique. «Il y a beaucoup de fantasmes et de peurs derrière tout ça. Délimiter la frontière entre science et fiction, c’est aussi aider le public à aiguiser son esprit critique.» Ancien de l’UNIL, Yohann Thenaisie était le doctorant d’un autre grand spécialiste de l’homme réparé: Grégoire Courtine. Hasard du calendrier, le neuroscientifique de l’EPFL et la neurochirurgienne du CHUV Jocelyne Bloch, déjà connus aux quatre coins du monde pour avoir développé un protocole qui permet aux paraplégiques de remarcher, annoncent aujourd’hui même une première mondiale.
Grâce à une interface cerveau-machine, un patient paraplégique est parvenu à contrôler sa marche par la pensée. Autant dire que les cyborgs 2.0, Grégoire Courtine connaît. «Yohann, qui travaillait au CHUV avec nous sur la maladie de Parkinson, est très doué pour la science, il aurait parfaitement pu rester chercheur chez nous. Avec son côté théâtral, il s’est tourné vers la vulgarisation scientifique. Vu son excellente connaissance du domaine, le résultat doit être probant.»
Le spectre du transhumanisme
La conférence-spectacle ne l’abordera pas, mais qui dit homme réparé finit irrémédiablement par dire aussi homme augmenté. Si les interfaces cerveau-machine offrent des perspectives phénoménales pour de nombreuses thérapies, la possibilité de les voir utilisées à d’autres fins est plus que probable. Neuralink, propriété d’Elon Musk, est sur les rangs. «L’homme augmenté ne nous intéresse pas, mais c’est inévitable! Dans un futur plus ou moins proche, on va vivre ce qu’on a vécu avec la chirurgie. Après la chirurgie esthétique, place bientôt à la neurochirurgie esthétique», soupire Grégoire Courtine.
Cette tentation du transhumanisme, où la science et la technologie ambitionnent d’augmenter nos capacités physiques et mentales, n’a pas échappé au photographe lausannois Matthieu Gafsou, qui a travaillé sur le sujet il y a quelques années. Dans sa traque aux biohackers qui portent des implants expérimentaux, il a notamment rencontré l’artiste Neil Harbisson (voir photo). L’homme, qui ne voit qu’en noir et blanc, est connu pour avoir une antenne plantée dans le cerveau qui convertit les couleurs en ondes sonores. Son combat pour avoir décroché le droit d’apparaître sur son passeport avec son antenne fait dire à certains qu’il est officiellement le premier cyborg de l’histoire.
«Comme nombre de transhumanistes, il avait une foi quasi mystique dans la science, ça n’avait plus rien de rationnel, considère Matthieu Gafsou.
Certains croient même à l’immortalité. Je vois dans le transhumanisme une stratégie mise en place par l’être humain pour faire face à ses crises existentielles. Au final, ce que j’ai trouvé de plus touchant chez ces gens, c’est le reflet de la fragilité de la condition humaine, qui nous réunit.»
«Qui veut devenir un cyborg ?»
«L’être humain amélioré, entre possibilités vertigineuses et fantasmes effrayants»
UNIL, Bâtiment Amphipôle, conférence de Yohann Thenaisie, docteur en neurosciences, dimanche 4 juin à 11h.
Inscriptions: www.mysteres.ch
24heures du samedi 10 juin 2023
Cybercroissance
Après l’inauguration en grande pompe du Campus Unlimitrust à Prilly, des universitaires doutent de l’efficacité d’une telle initiative. L’enthousiasme était de la partie, il y a quelques jours, au moment d’inaugurer le Campus Unlimitrust à Prilly. Lancé par l’entreprise vaudoise Sicpa, ce «premier centre d’excellence au monde dédié à l’économie de la confiance» était applaudi tant par les instances économiques que par les autorités, de l’échelon communal jusqu’au Conseil fédéral.
Alain Détraz
C’est que la multiplication des actes de piratage informatique souligne la vulnérabilité de l’industrie numérique. Les talents réunis sur le site de Prilly permettront-ils l’émergence de solutions? On navigue entre espoirs et doutes. Associé à celui de Genève, le Canton de Vaud avait mis en place une communauté lémanique réunissant les secteurs privé et public actifs dans la sécurité informatique, sous le nom de Trust Valley. «Trust»: ce terme anglais signifiant la confiance était apparu auparavant à l’EPFL, qui a fondé le Center for Digital Trust. Du côté de Genève est née également Swiss Digital Initiative, qui compte ériger des standards éthiques dans le domaine numérique. Ce mouvement se fait à l’échelle globale et Vaud a placé le Campus Unlimitrust dans sa liste des huit pôles d’innovation.
Mais cet élan pourra-t-il produire un monde informatisé débarrassé de tout risque? La vision est trop belle pour être vraie aux yeux de certains. Parmi eux, la spécialiste en cybersécurité de l’Université de Lausanne, Solange Ghernaouti, met en doute cette tendance depuis des années. Elle est connue pour cette position et ne faisait d’ailleurs pas partie des invités à l’inauguration du campus de Prilly.
Vulnérable dès la conception
Pour cette professeure, le problème se situe à la conception même des produits numériques. «Ce qui est problématique, c’est de développer un sentiment de confiance pour masquer le fait que les produits numériques commercialisés sont vulnérables, qu’il n’y a pas de conception sécurisée. Le coût de l’insécurité est en fait celui des mesures destinées à combler un défaut initial de sécurité, finalement supporté par les utilisateurs.» dit Solange Ghernaouti.
Dans ce contexte, l’universitaire voit d’un œil critique le développement de cette notion de confiance. «L’origine du mot «confiance» vient de «foi» et de «confier». Suffit-il de croire être en confiance pour être en sécurité? Penser être en sécurité alors que ce n’est pas le cas est plus dommageable que d’agir en toute connaissance des risques encourus.»
Dans un monde de plus en plus interconnecté et dépendant au numérique, «l’approche qui consiste à soutenir une démarche pour continuer à vendre des casseroles percées, tout en proposant des solutions pour les boucher, n’est peut-être pas la meilleure pour répondre aux enjeux civilisationnels auxquels nous sommes confrontés», craint Solange Ghernaouti.
Responsabiliser les entreprises
Alors que des données des douanes et de la police fédérale se promènent sur le darknet après la cyberattaque de Xplain, la question de la sécurité se pose plus que jamais. La Confédération a confié à des géants américains et chinois (dont Microsoft, Amazon et Alibaba) des services de Cloud public sans que cela ne soulève les foules. «La Suisse a déjà perdu la bataille numérique du fait de sa dépendance croissante envers des fournisseurs étrangers, qui possèdent les infrastructures et les données nécessaires au développement économique, à la cybersécurité et à l’intelligence artificielle», déplore Solange Ghernaouti.
Au final, la spécialiste estime que le salut réside dans une prise de conscience, ainsi qu’une responsabilisation des dirigeants politiques et économiques, afin que l’utilisateur final ne soit pas le seul à payer le prix de sa vulnérabilité.
À l’Université de Genève, le professeur en systèmes d’information Jean-Henry Morin se demande aussi «s’il est correct ou souhaitable de parler d’économie de la confiance». «Il est temps d’envisager ces questions sous l’angle des principes fondamentaux de nos sociétés numériques, dit-il. En particulier sur l’enjeu de la responsabilité numérique, dont celle des entreprises est l’une des dimensions fondamentales.»
Tribune - Philippe Arnaud
«Il n’y aura pas de croissance sans confiance», déclarait François Hollande au G8,
en ajoutant : «Et il n’y aura pas de confiance sans croissance.»
Comment comprendre l’omniprésence de la confiance dans les discours sur l’économie ?
La confiance est-elle la panacée, pour un monde en crise ?
Quelles sont ses différentes formes ?
Peut-on la définir ?
La mesurer ?
Telles sont les questions auxquelles l’ouvrage d’Eloi Laurent, conseiller scientifique à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et spécialiste du développement durable, essaie de répondre à la lumière des auteurs classiques et des débats contemporains.
À la confiance de proximité qui régissait les groupes fermés a succédé une confiance plus abstraite dans les institutions. Cette évolution nourrit un sentiment d’inquiétude, notamment en France. C’est une force à la fois discrète et mystérieuse, un signe de foi dans l’avenir, un ingrédient indispensable de la vie sociale : quand la confiance irrigue une communauté, elle la protège des tourments. Sans confiance, les citoyens se garderaient bien de déposer leurs avoirs dans une banque, ils ne confieraient pas le destin politique de leur pays à des élus, ils ne se tourneraient pas vers des magistrats pour obtenir justice, ils ne s’en remettraient pas à leur médecin pour conserver une bonne santé. «Faire confiance, c’est parier, dans un monde incertain, qu’autrui aura un comportement coopératif», résume Claudia Senik, directrice scientifique de la Fondation pour les sciences sociales (FSS).
«CALCUL FONDÉ SUR L’INTÉRÊT»
«La confiance se présente (...) comme une expérience interindividuelle reposant en partie sur un calcul fondé sur l’intérêt, calcul immergé dans un bain social», écrit l’auteur. La confiance n’est pas quelque chose d’entièrement rationnel... même si elle n’est pas irrationnelle. Elle reste un phénomène subjectif, au point qu’il serait plus judicieux de parler de "confiances", au pluriel. L’auteur s’attache d’ailleurs à séparer les "vraies confiances" des "fausses confiances". Parmi les "vraies confiances" figure en bonne place la confiance dans les institutions, qui jouent un rôle majeur dans les démocraties.
En revanche, les notions de confiance dans l’avenir ou de confiance en soi sont trompeuses, affirme l’auteur, parce que floues.
Par exemple, l’Insee publie depuis 1987 un indicateur de confiance des ménages. Mais il mesure davantage des anticipations que la confiance elle-même.
DAVANTAGE À UNE CROYANCE
Il y a une autre forme de confiance que l’auteur classe dans une catégorie hybride: la "vraie-fausse" confiance. C’est la "confiance généralisée" dans les vertus de l’homme ou du progrès, qui s’apparente davantage à une croyance. Un des faits frappants, en matière de mesure de la confiance, est que les résultats des enquêtes diffèrent des pratiques observées. Preuve que les gens ne disent pas toute la vérité dans les enquêtes. Le Prix Nobel d’économie Amartya Sen rappelait qu’un écart peut se former entre le fait de se déclarer heureux et le fait de l’être véritablement.
D’où le scepticisme qui accueille parfois l’injonction «Ayez confiance !». La précarité sociale, observe Eloi Laurent, pèse lourdement sur la défiance à l’égard du politique, et des institutions en général. «Ce n’est pas la défiance qui explique les difficultés sociales, mais le contraire», écrit-il.
La confiance est-elle la panacée, pour un monde en crise ?
«Économie de la confiance», d’Eloi Laurent. La découverte, 124 pages, 10 euros. DR
Tiré de l’article du «Le Monde» - L’insoutenable légereté de la confiance
«Aie confiance, aie confiance...» ou : comment endormir ses futures victimes !
24heures du samedi 10 juin 2023
Interview
Le professeur et écrivain français Marc-André Selosse sera à l’UNIL, mardi prochain. Le prolifique scientifique dit poursuivre un «combat de rue». Il a donné une conférence «La biodiversité est aussi un outil au service de l’avenir» à l’UNIL. Avant-propos et interview.
Marine Dupasquier
Marc-André Selosse, le thème de votre conférence est «la biodiversité est aussi un outil au service de l’avenir». N’est-ce pas un peu utilitariste ?
Ce n’est pas aberrant d’avoir cette approche anthropocentrée, car la crise de la biodiversité est un problème pour l’humain. En effet, depuis 500 millions d’années, il y a déjà eu cinq crises, dont certaines plus catastrophiques que celle que nous sommes en train de vivre. À chaque fois, ça revient, car l’évolution biologique est un processus générateur de diversité. Le souci pour nous, c’est que cela prend un temps considérable.
Actuellement, nous perdons ces millions d’années d’évolution qui ont conduit, par sélection, des espèces à réaliser des fonctions qui nous sont essentielles. Par exemple, un climat vivable, la bonne qualité de l’eau ou la fertilité des sols. L’homme est complètement dépendant de la biodiversité. C’est là qu’il doit puiser sa motivation à agir, car on constate que l’impératif moral ne fonctionne pas. En fait, il faut considérer notre intérêt humain comme une béquille pour nous remettre sur le droit chemin en matière de préservation de la biodiversité.
Sommes-nous conscients à quel point la crise de la biodiversité nous affecte directement ?
Pas vraiment. Pourtant, la biodiversité commence à l’intérieur de nous, dans le microbiote, c’est-à-dire l’ensemble des bactéries et levures que nous possédons sur la peau et dans notre tube digestif. Celles-ci représentent 2000 à 5000 espèces de microbes et cette diversité participe à bon nombre de nos fonctions. Lorsqu’on compare les Occidentaux, avec leur vie hyperhygiénique, à leurs ancêtres ou à des tribus d’Amazonie, on s’aperçoit qu’ils ont 1,5 à 3 fois moins de diversité microbienne. Cette faiblesse devient source de maladies du métabolisme, du système immunitaire, et même du système nerveux. Il est vrai que nous ne sommes pas tous égaux, car la génétique et la qualité de vie jouent aussi. Mais la courroie de transmission qui fait la maladie, c’est l’érosion de la biodiversité de notre microbiote.
Pourquoi cette ignorance générale ?
En Occident, nous vivons dans le mythe que les fondamentaux sont lire, écrire et compter. Alors même qu’il y a des jours où l’on ne compte pas, où l’on n’écrit pas, où l’on ne lit pas. En revanche, chaque jour, on mange, on respire, on boit et on a des gestes de consommation qui impactent les écosystèmes et qui peuvent donc nous impacter en retour. Là où on a misérablement échoué, c’est qu’on ne nous a pas enseigné dès le plus jeune âge le «savoir-vivre»; c’est-à-dire ce que cela implique d’être vivant.
À une époque, on n’en était pas conscient, mais désormais, on connaît les raisons qui ont précipité la crise planétaire, environnementale et sanitaire. Malgré tout, on est en train d’élever, comme hier, une génération dont le lien à la nature est corrompu et qui refera les mêmes erreurs du passé.
Comment faire bon usage de cette «béquille» ?
Dans le climat d’écoanxiété et d’écoculpabilité où nous évoluons, il est rassurant de se dire que la génération précédente - si elle a foiré pas mal de choses - a créé, par son investissement dans la recherche en écologie, une boîte à outils qui permet des voies de sortie. On peut chercher des solutions qui ne consistent pas en des gestes rajoutés, mais qui se servent de la biodiversité. Un exemple, c’est diversifier les variétés dans les cultures ou replanter des haies qui stoppent la diffusion des maladies; c’est s’appuyer sur certains microbes du sol, dont des champignons, pour mieux nourrir et protéger les plantes.
Et qu’en est-il des jardins-forêts ?
L’agroforesterie, si elle est bien maîtrisée, pourrait augmenter les rendements. Il faut prendre ce qu’il y a de meilleur dans l’agriculture de nos ancêtres. Et les jardins-forêts sont loin d’être une découverte. Regardez l’Amazonie: cette fameuse forêt vierge l’est devenue après que les Européens y ont amené leurs maladies aux Amérindiens. Les populations ont été décimées et les civilisations se sont effondrées.
Aujourd’hui, on découvre de gigantesques complexes sacrés, des anciennes voies de circulation En fait, la forêt était continuellement peuplée de personnes qui pratiquaient une agroforesterie particulièrement forestière, avec une occupation de toutes les hauteurs de la végétation. Quand ils sont partis, la forêt s’est juste refermée.
On vous dit excellent vulgarisateur, quel est votre secret ?
Je dirais que la première règle, c’est de ne pas parler de sa propre recherche. On finit forcément par en parler abusivement, en se perdant dans des détails techniques. On ne vulgarise bien que lorsqu’on vulgarise aussi le travail des autres; quand on parle pour la communauté scientifique. La deuxième règle à garder en tête, c’est l’empathie.
Le but n’est pas de raconter aux gens ce que vous savez, mais de les prendre comme ils sont et de leur proposer une autre perspective sur le monde. Éventuellement, cela entraînera une réaction qui changera leurs habitudes.
Lausanne, UNIL, Anthropole. Auditoire 1031, mardi 13 juin 19 h
Est-ce par coquetterie exacerbée? Par ego démesuré? Par espèce de nostalgie ?
Faut-il y voir le signal d’une IA devenue autonome plus tôt que prévu, corrigeant à larges rasades de palette graphique la moindre imperfection de l’épiderme humain, ce truc mou et obsolète ?
Ou ne serait-ce que stratégie commerciale érigeant le Jeune, le Lisse et le Charnu en idéal de la musique pop, que quelques rides scélérates ne sauraient égratigner ?
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page compilée par G.P.T.
Georges P. Tafelmacher