Qui est derrière la folie IA ?

 

qui est derriere

 

 

Mettre en question les inventeurs de l’IA

Il est essentiel d’analyser l’IA en prenant en compte ses inventeurs, ses auteurs, ses propagateurs, soit toutes les personnes qui, d’une manière ou d’une autre, trempent leurs mains dans ce nouveau avatar.

Or que pouvons nous constater ?

Que la très grande majorité de ces personnes sont adeptes un courant de pensée appelé le "cornucopianisme" qui désigne ainsi le credo de la croissance éternelle. Soit que l’expansionnisme éternel serait possible dans un monde fini, que nous pourrons croître à l’infini sans endommager la planète, sans nuire à l’environnement. Ce credo des plus spécieux est en train d’envahir tout les recoins de la pensée néolibérale et même, est utilisé pour démolir en règle les fondements de l’écologisme.

Ne nous laissons pas prendre par cette nouvelle tendance qui, en fait, n’est pas si "nouvelle" que cela car elle daterait déjà du 19e siècle dès le début de l’industrialisation massive. Il fallait donner à cet élan une justification pour faire adhérer les gens et les faire marcher dans "le sens du progrès" malgré son côté irrationnel, illogique et franchement démentiel...!

Lisons ci-dessous les critiques bien-senties contre ces "cornucopiens" et leur concupiscence avec tout ce qui peut apporter un profit, un bénéfice, du fric quoi...!!

 

Note du compilateurG.P.T.     compilation

 

 

 

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Le Courrier du lundi 28 août 2023

 

CONTRECHAMP

 

INVITÉ·ES

 

Les cornucopiens sont parmi nous !

 

Economie • En vogue chez les économistes des 19e et 20e siècles, la pensée cornucopienne – ou credo de la croissance éternelle – perdure à l’heure de l’urgence écologique et climatique. Étrillant la pertinence du concept, deux spécialistes en sciences de la Terre et de l’environnement questionnent sa survivance au sein des cercles de décideurs politiques et économiques.

 

AURÉLIEN BOUTAUD ET NATACHA GONDRAN **

 

Marcon et Musk
«Les cornucopiens continuent de mobiliser les mêmes recettes fondées sur la course en avant technologique». Échange entre Emmanuel Macron et Elon Musk à l’Elysée, à Paris, le 15 mai 2023. KEYSTONE

 

Dans les colonnes des journaux, à la tête de nombreuses entreprises, parmi les instances gouvernementales, au sein de nombreux syndicats, sur les plateaux de télévision : les cornucopiens sont là, parmi nous. Partout.

 

Mais si vous l’ignorez, ce n’est pas à cause d’un quelconque complot de leur part. D’ailleurs, la plupart des cornucopiens ignorent qu’ils le sont et, qui sait, peut-être l’êtes-vous vous-même sans le savoir! Car ce terme, qui ne date pourtant pas d’hier, est très peu utilisé dans le monde francophone.

 

De quoi s’agit-il ?

 

Tirant son étymologie du mythe de la corne d’abondance (cornucopia en latin), le cornucopianisme se construit autour de cette idée centrale, merveilleusement résumée par l’économiste Julian Simon (1932-1998), l’un des principaux auteurs cornucopiens, pour qui toutes les limites naturelles peuvent être repoussées en mobilisant une ressource ultime et inépuisable: le génie humain. Le cornucopianisme désigne ainsi un courant de pensée, omniprésent à droite et à gauche de l’échiquier politique, qui considère la technologie comme la solution ultime aux problèmes environnementaux.

Que ce soit Elon Musk, qui envisage de coloniser Mars pour quitter une planète devenue invivable, en passant par le prince saoudien Mohammed Ben Salmane, pour qui les technologies de stockage du CO2 permettront à sa monarchie pétrolière d’atteindre la neutralité carbone, jusqu’à Emmanuel Macron investissant des milliards dans la pour l’instant très chimérique aviation décarbonée, les exemples de propos cornucopiens ne manquent pas dans l’actualité. Mais où trouvent-ils leurs racines ?

 

Un courant de pensée qui prospère chez les économistes

 

On prête généralement à l’économiste américain Kenneth Boulding (1910-1993) cette citation célèbre : «Pour croire qu’une croissance matérielle infinie est possible sur une planète finie, il faut être fou ou économiste

De fait, si les cornucopiens ne sont pas forcément fous, la genèse de leur pensée doit beaucoup aux théoriciens de l’économie moderne.

Lorsque, dans un célèbre essai de 1798, l’économiste et homme d’église Thomas Malthus émet l’idée que les ressources naturelles constituent un facteur limitant de l’expansion, la réaction de ses confrères économistes est immédiate. Pour eux, ce ne sont pas les ressources qui sont limitées, mais notre capacité à les exploiter. Friedrich Engels, futur théoricien du communisme, écrit par exemple: «La productivité du sol peut être indéfiniment accrue par la mobilisation du capital, du travail et de la science

Car après tout, se demande Engels, «qu’est-ce qui est impossible à la science

Cette manière de penser, déjà largement présente chez certains philosophes des Lumières comme René Descartes ou Francis Bacon, va être développée et affinée par les économistes tout au long du 19ème et du 20ème siècle. Ceux-ci se persuadent en effet rapidement que les deux principaux facteurs de production, à savoir le capital et le travail, sont substituables.

Grâce au progrès technique, il est par exemple possible de remplacer le travail humain par du capital technique, c’est-à-dire par des machines. Dans l’esprit des économistes, qui ont peu à peu réduit la nature à une sous-catégorie du capital, le même raisonnement peut s’appliquer au capital naturel : il «suffit» de le substituer par du capital artificiel.

 

La magie de la substitution : ou comment la croissance pourrait devenir éternelle

 

Cette idée apparaît d’autant plus séduisante aux yeux des économistes qu’elle permet, sur le papier, de rendre la croissance éternelle. Après tout, si une partie du capital artificiel remplace le capital naturel dégradé, alors le stock de capital «total» peut indéfiniment s’accroître. C’est mathématique. Mais dans la vraie vie, comment opérer une telle substitution ?

Comme le pressentait Engels, il faut introduire dans les équations économiques un facteur supplémentaire : la technologie. Deux types de leviers sont principalement envisagés pour repousser les limites naturelles.

Le premier consiste à intensifier l’exploitation des ressources afin d’accroître leur disponibilité. C’est typiquement ce qui est advenu dans les années 2000 avec l’émergence de la fracturation hydraulique, dont l’usage a permis d’accéder à des énergies fossiles (les gaz et pétroles de schiste) jusque-là inexploitables. Grâce à la technologie, la quantité de ressources accessibles a donc augmenté. Qu’il s’agisse des énergies fossiles, des ressources minérales ou encore de la biomasse, les exemples d’intensification de ce type sont légion depuis les débuts de la révolution industrielle.

Le second levier consiste à remplacer une ressource par une autre. Pour reprendre l’exemple des énergies fossiles, chacun comprend que, quel que soit le degré d’intensification de leur exploitation, celles-ci finiront par s’épuiser. La substitution consiste dès lors à prendre le relais en remplaçant les énergies fossiles par une autre forme d’énergie qui, entre temps, aura été rendue plus facilement accessible grâce, là encore, au progrès technique. Les économistes dominants des années 1970 comptaient par exemple beaucoup sur des technologies de rupture comme la fission nucléaire pour remplacer les énergies fossiles.

 

De la théorie à la pratique: quelques failles du raisonnement cornucopien

 

Les cornucopiens ont-ils raison ?

D’un côté, il faut leur reconnaître certaines réussites. L’épuisement des ressources naturelles tant redouté dès le début du 19ème siècle n’est pas advenu au cours des deux cents ans qui ont suivi. Comme ils le prédisaient, une partie de la rente issue de l’exploitation des ressources naturelles a été investie dans la recherche et le développement, permettant d’accroître considérablement notre capacité à exploiter la nature.

En revanche, si le levier de l’intensification a formidablement fonctionné, celui du «remplacement» a jusqu’à présent échoué. Comme le remarquent certains historiens de l’environnement, loin de se substituer, les ressources nouvellement exploitées se sont en réalité toujours additionnées aux précédentes. Et rien ne prouve qu’une telle substitution puisse un jour advenir, en particulier concernant les énergies fossiles. Le nucléaire, que les économistes des années 1970 imaginaient pouvoir se substituer aux fossiles dans la première moitié du 21ème siècle, ne représente que 4% de l’énergie primaire consommée dans le monde, et sa part baisse depuis une trentaine d’années.

Enfin, le raisonnement cornucopien bute aujourd’hui sur une conséquence paradoxale de sa propre réussite. En intensifiant la production des ressources naturelles, la civilisation industrielle a généré des flux de matière et d’énergie qui se sont souvent avérés très supérieurs à ce que les écosystèmes pouvaient assimiler. Le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, l’acidification des océans, l’omniprésence des polluants toxiques dans notre environnement, le bouleversement des cycles biogéochimiques sont autant de conséquences directes de l’intensification de l’exploitation de la nature.

Or, pour faire face au défi sans précédent posé par ces nouvelles limites planétaires, les cornucopiens continuent de mobiliser les mêmes recettes fondées sur la course en avant technologique. La substitution consisterait cette fois-ci à réparer ou remplacer des services écologiques que la nature ne parvient plus à maintenir. Qu’il s’agisse de remplacer les insectes pollinisateurs par des robots, d’opacifier l’atmosphère pour contrebalancer le réchauffement climatique ou encore de capter le carbone atmosphérique afin de le réinjecter dans la lithosphère, les cornucopiens ne manquent pas d’idées.
Même si, jusqu’à présent, elles restent très hypothétiques.

Cornucopiens graphique

 

Sur 9 variables du système Terre monitorées, au moins 5 font aujourd’hui l’objet d’un dépassement de frontière planétaire. Stockholm Resilience Centre,, CC BY

 

Une nouvelle forme de «conservatisme technologique» ?

 

À l’heure de l’urgence écologique et climatique, la pensée cornucopienne est-elle encore pertinente? On peut en douter. Mais alors, pourquoi est-elle si présente parmi les décideurs politiques et économiques ?

Peut-être tout simplement parce que la pensée cornucopienne a ce mérite immense: en prétendant prolonger la domination de l’humain sur la nature grâce à la technologie, elle permet à ses défenseurs de ne pas débattre des conditions sociales, culturelles, économiques et politiques qui permettraient de nous réconcilier avec les limites planétaires. Cet optimisme technologique est d’ailleurs l’une des douze excuses listées par l’Université de Cambridge pour repousser à plus tard l’action face au dérèglement climatique. Pour paraphraser et détourner un slogan écologiste, il semble bien que le plus important pour les cornucopiens soit en effet là : «ne pas changer le système, quitte à changer le climat».

 

Cornucopiens usines

Illustration de la révolution industrielle anglaise réalisée par Samuel Griffiths en 1873. Cette période est considéré à la fois comme celle de l’expansion des idées cornucopianistes, mais aussi, pour certains, comme les débuts de l’Anthropocène. Samuel Griffiths/Wikipedia, CC BY

 

«Pour croire qu’une croissance matérielle infinie est possible sur une planète finie, il faut être fou ou économiste.»

Kenneth Boulding

  

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Auteurs·es **

  

  1. Aurélien Boutaud Aurélien Boutaud - Chercheur associé à l’UMR 5600 EVS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

  2. Natacha Gondran Natacha Gondran - Professeur en évaluation environnementale, Saint-Etienne – Institut Mines-Télécom

  3. «The Converstion» - Les Cornucopiens sont parmi nous/li>

 

Autres pages :

Quand l’idéologie du progrès capture notre avenir - Philippe Bihouix

C’est l’idéologie du progrès qui nous tue - Reporterre - avril 2014

L’idéologie du progrès nous a conduits au bord de l’extinction - Jeremy Rifkin - "La Nouvelle République" nov. 2022

 


 

Définitions :

 

cornucopien \kɔʁ.ny.kɔ.pjɛ̃\ Nom commun – français masculin

 

  1. Futurologue qui estime que les innovations technologiques permettront à l’humanité de subvenir éternellement à ses besoins matériels.

  2. Le cornucopien est celui qui vit dans le mythe de la corne d’abondance selon lequel l’avenir est un progrès continu et illimité où l’humain continuera à maîtriser son environnement grâce à sa puissance technique et à son inventivité.

    (Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer, 2015)

  

Étymologie de «cornucopien» - du latin cornu copiae («corne d’abondance»).

 

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

  

Citations contenant le mot «cornucopien»

 

«Ce ne sont pourtant pas les solutions pour faire autrement qui manquent, mais plutôt l’incapacité à faire notre deuil cornucopien d’un monde sans fin. Tôt ou tard, l’économie va devoir ralentir. Soit nous l’anticipons pour créer du pouvoir de vivre, soit nous le subirons sans espoir de préserver le pouvoir d’achat. Pour garder la main sur notre destin, nous devons rendre désirable l’immatériel qui rend heureux, au détriment du matériel qui rend jaloux. Nous devons apprendre à générer le besoin du non-besoin et flécher le meilleur de la technologie au service du toujours moins, jusqu’à ce que nous nous resynchronisions aux limites planétaires.»

- TF1 INFO - «Urgence climatique : osons la radicalité de la vérité !»

«Un cornucopien (du latin cornu copiae: corne d’abondance) est un individu qui pense que les innovations technologiques permettront à l’homme de subvenir éternellement à ses besoins. Devant lui s’ouvre un avenir radieux, où l’intelligence humaine et les bontés de la nature (qui ne se limite pas à la Terre!) apporteront des solutions à tous les problèmes auxquels nous pouvons être confrontés. Sa devise, c’est «Hardi, haut les cœurs, en avant!»

- Le Courrier - «Vous avez dit cornucopien ?»

«Le débat sur la question technologique débute à la fin des années 1940: les «néo-malthusiens» commencent à alerter sur les conséquences environnementales et l’épuisement prochain des ressources, dus à l’augmentation combinée de la population et de la consommation par personne. Très vite, les «cornucopiens» (du latin cornu copiae, la corne d’abondance), souvent économistes ou prospectivistes, promettent au contraire un futur de plus en plus radieux et reprochent à ces «prophètes de malheur» (doomsayers) de négliger un paramètre essentiel: le progrès technologique, qui permet de faire «plus avec moins» et a toujours su repousser, depuis des siècles, le spectre de la pénurie.»

- Philippe BIHOUIX.

«Vouloir fonder une société d’innovateurs est stupide»

- LE FIGARO

 

fumées

 

Définition de concupiscence

 

  1. Religion - désir des biens et plaisirs terrestres. Aspiration de l’homme qui le porte à désirer les biens naturels ou surnaturels.

  2. Attirance naturelle de l’homme pour les biens terrestres, impliquant un dérèglement des sens et de la raison, conséquence du péché originel. Vieilli ou par plaisanterie, désir sexuel, sensualité.

  3. Passion, convoitise à l’égard d’un bien matériel

 

Citations contenant le mot «concupiscence»

«Le mouvement de l’amour, quand il est mauvais, se nomme concupiscence, et l’on en distingue trois sortes : la concupiscence des sens, qui est la volupté; la concupiscence de l’esprit, qui est l’ambition; et la dernière, qui tient de l’une et de l’autre, parce qu’elle a pour objet les moyens de les satisfaire, la cupidité.»
- Ozanam, Essai sur la philos. de Dante,1838, p. 111.

«Le mot de concupiscence charnelle, pareil à un lourd crapaud élastique, n’a de plein sens que si on l’applique aux familles poussées à même le sol. Les lourds repliements d’appétits sensuels, les énormes convoitises tapies des années durant, ne sont possibles qu’à la campagne, où les maisons sont encore des êtres qui s’observent, se haïssent, gémissent au même souffle d’air et se frôlent et se bousculent dans le travail de leurs bras occupés à remuer la terre.»
- Marcel Aymé, La jument verte, Gallimard, 1933, collection Le Livre de Poche, page 229.

 

pomme

 

 

Nota du compilateur :

Étrange comment les deux mots de sonorité similaire «cornucopiens» et «concupiscence» se ressemblent dans leurs définitions, ce qui donnerait des «cornucopiens concupiscents»... soit un pléonasme...!!

  


  

Note du compilateur   G.P.T.

 

Tout cela nous amène à questionner l’Idée même de "Progrès"

Ci-dessous les critiques bien-senties contre le "Progrès" basé sur la notion de tout ce qui peut apporter un profit, un bénéfice, du fric quoi et, plus grave, sur la notion de la croissance infinie...!!

 

 

Les illusions du progrès !

  

Le Progres

L’ivresse d’un tout autre qui naîtrait avec la Révolution française aurait été «pour le monde un phénomène qui semble tourner en dérision toute la sagesse historique», déclarait Woltmann en 1799 : «Jour après jour, de nouveaux phénomènes se sont développés à propos desquels on savait de moins en moins interroger l’histoire.» Kant était passé par là avec son affirmation qu’un futur, qui n’aurait rien à voir avec le présent ou le passé, était à envisager et à attendre. Il faisait le pari que «de nouvelles expériences, analogues à celle de la Révolution française, s’accumuleraient à l’avenir et permettraient d’apprendre et d’assurer une progression continue vers le meilleur.» Avec Kant, l’avenir est porteur de progrès. L’espérance déborde l’expérience.

  

Le progrès ?

L’ivresse de l’accélération naît avec la Révolution industrielle et ses promesses illusoires de richesse. Ludwig Büchner, naturaliste et frère de Georg, l’auteur de "La mort de Danton", s’enthousiasmait en 1884 : «De nos jours le progrès d’un siècle équivaut à celui de millénaires dans les siècles précédents, (...) chaque jour ou presque apporte quelque chose de neuf.»

  

Le progrès ?

Une nouvelle conviction. Les avancées techniques seront partagées et produiront aussi des avancées morales et politiques. «L’idée de progrès est liée à la croyance que nous nous rapprochons du bien absolu, ce qui permet à beaucoup de mal de se manifester»: parole hautement prédictive du peintre surréaliste René Magritte. Notre monde contemporain ne semble-t-il pas voué à une profonde méfiance envers cette notion de progrès? Pourtant, arborée sur la bannière de tous les partis souhaitant échapper à l’opprobre réactionnaire, elle a accompagné tout le XIXe siècle et une grande partie du siècle suivant. Ce n’est qu’à partir des années 1970 qu’émerge un soupçon, de plus en plus obsédant: ne serait-elle en définitive pas frelatée et ne contiendrait-elle pas, identifiée au PIB, les germes de la crise écologique à venir ?

Contesté longtemps par les «anti-Lumières», selon l’expression de Zeev Sternhell, qui dénoncent autant l’avènement de la société libérale que celui du socialisme, le progrès, par sa promesse d’amélioration de l’individu appelé à se perfectionner, par sa consécration de l’inventivité humaine lovée dans l’essor technologique et ses promesses de prospérité et de confort, a d’abord guidé les libéraux. Mais, associé à une conquête infinie de la liberté et de l’égalité à travers une extension continue de la démocratie, il fut aussi l’étoile polaire de la gauche socialiste, toutes tendances confondues.

 

La critique du progrès n’est pas d’abord celle de la technique et des leurres qu’elle pourrait produire, mais celle de cette conception de l’histoire que l’on dit «téléologique». Ce que Edgar Quinet ne supportait plus, en 1857, c’était cette croyance que le progrès serait l’ensemble des efforts accomplis pour faire advenir la liberté. L’événement révolutionnaire lui-même pourrait devenir une sorte de péripétie, ses échecs comme ses réussites nivelés. Un paradoxe est là; le progrès permet de légitimer l’existant, du présent comme du passé, et même de considérer que ce présent constitue une fin en soi, une sorte de «fin de l’histoire». C’est bien ce qui exaspère Edgar Quinet.

Lorsque Walter Benjamin s’insurge à son tour véhémentement contre une histoire qui adhère à cette notion de «progrès indéfectible», il bataille avec les communistes allemands et leur conception du matérialisme historique. Il bataille avec l’optimisme de ses interlocuteurs à un moment où le pire est en train de se réaliser sous leurs yeux, mais où ils persistent à croire que les progrès techniques, y compris soviétiques, vont conduire à l’émancipation. Il bataille avec ceux qui continuent à s’accrocher à cette flèche du futur et refusent de comprendre que la seule issue est alors d’interrompre le temps. «Il se peut que les révolutions soient l’acte par lequel l’humanité qui voyage dans le train tire le frein d’urgence.»

 

Étaient-ils – la révolution et le progrès – pleins d’illusions ?

 

Lire plus :

 

Le mouvement des techno-critiques  -  Ils ont critiqué le progrès   CRNS Société

 

Christopher Lasch  -  la critique du progrès   Presse Esprit

  


  

compilation par Georges Tafelmacher (G.P.T.)

dans son site : Ché Tafel - TAFELMACHER-GEORGES.COM