Revue de presse

  

24heures du mardi 22 juin 2021

  

SUISSE

  

Avions de combat

  

Ces quatre aléas politiques pèsent sur le choix du jet

  

F-35

  

L’annonce de Viola Amherd est imminente. Retour sur les événements qui ont pu influencer la décision de la ministre de la Défense.

Florent Quiquerez - Berne

  

Le compte à rebours a commencé. Ce mercredi – ou au plus tard le 30 juin – Viola Amherd, ministre de la Défense, devrait dévoiler le choix du nouvel avion de combat de l’armée suisse. La dernière étape d’une longue procédure qui s’est déroulée dans le plus grand secret.

  

Après un oui du bout des lèvres le 27 septembre dernier, le Conseil fédéral a reçu une enveloppe de 6 milliards de francs pour acquérir sa nouvelle flotte. Quatre appareils sont sur les rangs. Le gouvernement préférera-t-il acheter un avion européen avec le français Rafale ou l’Eurofighter, issu d’un consortium emmené par l’Allemagne? Jettera-t-il plutôt son dévolu sur un des deux jets américains, le Super Hornet de Boeing ou le F-35 de Lockheed Martin? Les paris sont ouverts, mais dans la Berne fédérale, on murmure qu’après avoir longtemps fait la course en tête, le Rafale ferait face à une remontée du F-35. Selon la «NZZ» et l’émission «Rundschau» de la SRF, c’est le modèle qui aurait le mieux réussi les tests effectués par Armasuisse.

  

Afin de se forger une opinion, le Conseil fédéral a fixé différents critères techniques, financiers et en matière de collaboration. Viola Amherd a aussi promis une totale transparence. Mais comme elle l’a dit elle-même au début de la procédure, «à la fin, dans la pondération, je ne peux pas exclure qu’il y ait des réflexions politiques». Et justement, de nombreux événements politiques qui peuvent peser sur le choix du gouvernement sont intervenus ces derniers mois. La preuve en quatre exemples, commentés par deux membres de la commission de politique de sécurité, Francois Pointet (PVL/VD) et Pierre-Alain Fridez (PS/JU).

  

1. Le spectre de l’accord-cadre

  

En déchirant sèchement l’accord-cadre, le Conseil fédéral ne s’est pas fait que des amis du côté de l’Union européenne (UE). Dans ce contexte tendu, un achat à 6 milliards à la France ou à l’Allemagne peut-il permettre d’arrondir les angles? «Le mélange des genres, c’est délicat, répond François Pointet. Ce qu’on a raté avec l’UE, c’est l’accord-cadre. Donner un sucre pour calmer la grogne, je ne suis pas convaincu.»

  

Pour Pierre-Alain Fridez, même si les deux dossiers ne sont pas comparables, «ne pas acheter européen serait une gaffe supplémentaire». Pour lui, la Suisse est à la croisée des chemins. «Elle doit décider avec qui elle veut se défendre.» Un aspect géostratégique que met aussi en avant François Pointet: «Choisir un avion, c’est choisir ses alliés.»

  

2. L’initiative guillotine

  

Il y a un mois, le Groupe pour une Suisse sans armée et la gauche déposaient deux textes d’initiatives populaires dirigées contre les deux modèles américains. La stratégie est claire: si le Conseil fédéral achète le Super Hornet ou le F-35, ils lancent la récolte de signatures. «Nous tentons un coup de poker en voulant donner la parole au peuple sur le choix de l’avion, précise Pierre-Alain Fridez. Les modèles européens sont plus adaptés à la police aérienne que les américains, avant tout destinés à la guerre.»

  

Les jets américains sont-ils hors course? Pour François Pointet, «c’est un moyen de pression extrêmement fort. Si on additionne les gens qui ne veulent pas d’avion de combat du tout aux antiaméricains, une telle votation serait très difficile à gagner.» Pour lui, ça va donner du grain à moudre, si le Conseil fédéral choisit Washington.

  

3. Le bal des ministres

  

Elle les aura tous vus en quelques semaines. Viola Amherd s’est entretenue successivement avec ses homologues français, allemand et américain au sujet des avions de combat. Ces relations bilatérales humaines peuvent-elles avoir une influence dans la dernière ligne droite? «La politique, ce sont aussi des rencontres personnelles, reconnaît François Pointet. Mais c’est difficile de dire quelle part a le feeling dans une telle procédure. L’appel d’offres est très serré, et je n’aimerais pas être celui qui doit choisir à la fin.»

  

Pierre-Alain Fridez relativise le poids de ces visites. «Mais ce qui me paraît évident, c’est que nous avons plutôt intérêt à collaborer avec les pays qui nous entourent. Si on veut se défendre, il vaut mieux pouvoir le faire avec nos voisins, et donner un signal clair à la France ou à l’Allemagne.»

  

4. L’atout Joe Biden

  

La venue en Suisse d’un président américain, c’est rarissime. Est-ce que Joe Biden a profité de son entrevue avec Guy Parmelin pour mieux lui vendre un de ses avions, ce qui pourrait expliquer la remontada du F-35? «J’ai du mal à imaginer que ce soit cela la raison, estime Pierre-Alain Fridez. Il devait plutôt être concentré sur sa rencontre avec Vladimir Poutine.» Pour lui, le fait qu’on parle davantage du F-35 tient sans doute au fait qu’il fait partie des avions de luxe que rêvent d’acquérir les militaires.

  

«Toutes les discussions peuvent jouer un rôle», réagit quant à lui François Pointet. Mais pour lui, la remontada du F-35 tient à autre chose: «C’est un appareil très cher. Or l’avionneur a certainement fait pression sur le prix, afin d’avoir une chance de décrocher le mandat. Ce sera intéressant de voir la grille d’évaluation du Conseil fédéral.»

 

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27 septembre 2020

 

Avenir des Forces aériennes

 

La Suisse alémanique sauve Amherd et ses avions de combat

 

Les votants disent oui du bout des lèvres, à 50,1%, à l’achat de nouveaux jets pour 6 milliards de francs. La ministre de la Défense est soulagée.

 

Lire plus : Amherd et ses avions de combat

  

 


  

  

24heures du mardi 30 juin 2021

 

Avions de chasse

 

La Suisse snobe la France et achète des F-35 américains

 

Les FA-18 seront remplacés par 36 avions furtifs F-35A. Le jet US a été jugé plus performant et bien moins cher.

 

C’est la fin du suspense sur l’une des emplettes nationales les plus émotionnelles. Le Conseil fédéral vient de dévoiler son choix. Il va acheter des 36 avions furtifs F-35 avec l’enveloppe de six milliards de francs que lui a confiée le peuple suisse en septembre dernier à un cheveu, 50,1% de oui, soit 8670 voix. C’est une lourde défaite pour le Rafale français qui a été jugé moins performant.

L’avion américain a déclassé son concurrent français ainsi que l’européen Eurofighter et son compatriote Super Hornet. Il a été jugé meilleur sur 3 des 4 critères principaux. Il a obtenu le meilleur résultat en terme d’efficacité notamment grâce à «ses systèmes innovants, très performants et largement connectés pour la protection et la surveillance de l’espace aérien».

 

Le plus vendu en Europe

 

Il récolte aussi le plus de points concernant «l’exploitation et la maintenance, l’instruction avancée et la grande sécurité d’approvisionnement pendant toute la durée de vie de l’appareil». Avantage appréciable sur ses concurrents: il est l’avion le plus vendu au nombre d’unités dans le monde et aussi en Europe.

Il se distingue encore au niveau de la coopération technique. Seul point noir, les affaires compensatoires où il «n’obtient pas le meilleur résultat au moment du dépôt de l’offre».

 

2 milliards de francs en moins à terme

 

Mais ce qui a aussi séduit le gouvernement helvétique, c’est le prix du jet américain. C’est la grande surprise. On disait la Rolls-Royce du ciel très cher; finalement Lockheed Martin a fait l’offre la plus appétissante: 5,068 milliards de francs pour 36 avions à l’achat. Quant aux coûts d’acquisition et d’exploitation, ils se montent à environ 15,5 milliards de francs sur 30 ans pour le F-35A, soit 2 milliards de francs de moins que le deuxième candidat le moins cher.

Pour expliquer cette différence, le DDPS met en avant les changements qu’entraîne l’utilisation du F-35 à l’entraînement, dans le rapport entre heures de vol et vol sur simulateur. Le jet américain nécessite environ 20 % d’heures de vol en moins que les autres candidats et près de 50 % de décollages et d’atterrissage en moins que les actuels avions à réaction des Forces aériennes qu’il remplacera. Les nuisances sonores des avions, notamment sur la base aérienne de Payerne (VD) resteront toutefois au niveau actuel, le F-35A étant plus bruyant au décollage (+ 3db).

Le Conseil fédéral a tranché mais la messe n’est pas encore tout à fait dite. Une coalition composée du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), du Parti socialiste et des Verts a déposé des initiatives populaires pour empêcher l’achat d’un avion américain. Le peuple pourrait donc être amené à voter une nouvelle fois sur cet objet.

 

 

La fiche d’identité du F-35A Lightning II

 

youtube
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La vitesse maximale du F-35 est de 1950 km/h. Son rayon d’action au combat est de 1100 kilomètres. Le site de production européen se situe en Italie. Suite à l’expression de craintes sur la souveraineté, Lockheed Martin a promis à la Suisse le stockage de toutes les données de ses avions sur sol helvétique ainsi que le transfert des compétences cyber permettant de les exploiter.

L’appareil de l’avionneur américain Lockheed Martin est considéré comme l’avion le plus technologique. Monoplace monomoteur, de cinquième génération, multirôle, l’appareil a fait l’objet de critiques acerbes aux États-Unis en 2018 et 2019, par la Cour des comptes notamment, parce qu’il avait une disponibilité jugée insuffisante (environ 50%). Des problèmes opérationnels surviennent également en 2020. Le constructeur rétorque que la disponibilité de ces appareils s’est améliorée au fil du développement du programme.

 

Nombre d’avions vendus à l’étranger: 952

 

Pays qui en ont acheté: Australie, Belgique, Canada, Danemark, Israël, Corée du Sud, Royaume-Uni, Italie, Japon, Norvège, Pologne, Pays-Bas, Singapour, Émirats Arabes Unis.

 

 


 

 

24heures du mardi 30 juin 2021

 

Réactions courroucées en France

 

Le niveau de dépendance technique et militaire créé par le F-35 est plus élevé que celui de l’OTAN, estime un expert français, qui y voit un choix politique.

 

F-35

 

«Acheter le F-35, c’est faire le choix d’une perte d’autonomie»

 

«Décidément, la Suisse fait le choix de tourner le dos à l’Europe!» Peu après l’annonce du Conseil fédéral, la correspondante à Bruxelles de la RTS rapporte la réaction courroucée du secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune. Du côté du Ministère des armées – on se souvient que Florence Parly s’était déplacée à Berne au mois de mars pour rencontrer la conseillère fédérale Viola Amherd –, on fait profil bas et ne publie pas de communiqué. Expert en question de défense, Jean-Dominique Merchet apporte un regard français – et tranché – sur la décision.

 

Le F-35 meilleur et moins cher, ça vous surprend ?

 

C’est une blague, je ne prends pas cette évaluation très au sérieux. Tout le monde sait que le F-35 est plus cher que le Rafale. Mais surtout, la Suisse a essentiellement besoin d’un avion de défense aérienne, en tout cas c’était la mission attribuée au F/A-18. Or le F-35 n’est pas un avion de supériorité aérienne, il est conçu essentiellement pour des frappes au sol. Il y a donc quelque chose d’étonnant, à mon sens un choix politique.

 

Pourtant les pressions politiques parlaient plutôt en faveur d’un appareil européen.

 

Je ne parle pas de ces pressions-là, mais d’un choix géopolitique. Celui de s’intégrer au système de défense américain. Plus encore qu’un avion, le F-35 est un système informatique. Chaque fois qu’il se pose, on sort ses cartes de mémoire et toutes ses données repartent immédiatement dans le cloud. Vous ne pouvez pas décoller, entretenir l’avion ou préparer une mission sans être dans le cloud, et ce cloud est sous contrôle américain. L’autonomie de la Suisse, je ne parle même pas de son indépendance, va être extrêmement réduite avec un tel avion.

 

Ce choix limiterait l’indépendance du pays ?

 

Acheter du F-35, c’est plus important qu’être membre de l’OTAN pour la Suisse. Vous vous intégrez à un système technique. Comme membre de l’OTAN, le niveau d’intégration est beaucoup moins exigeant que la dépendance technique et militaire créée par l’acquisition du F-35. Cela me semble évident. Tout ce que feront vos avions, toutes les données repartiront systématiquement dans le cloud contrôlé par le constructeur et les Américains. C’est une perte d’autonomie.

 

Votre regard n’est-il pas faussé par votre patriotisme ?

 

Ce n’est pas le choix d’un avion américain qui me pose problème, mais celui du F-35. Les Suisses auraient-ils pris la nouvelle version du F/A-18, que d’ailleurs les Allemands vont acheter, cela ne me choquerait pas du tout.

 

Merchet

  

 


 

  

24heures du 01 juillet 2021

  

À LA UNE

  

Avec ses jets, la Suisse fait un camouflet à la France

  

Acquisition Le Conseil fédéral a tranché. Avec le budget de 6 milliards que lui a donné le peuple en septembre, il va acheter 36 F-35 américains plutôt que des Rafale français ou des Eurofighter.

  

Choix • Le jet de Lockheed Martin a supplanté ses concurrents sur trois des quatre critères retenus. C’est le plus vendu dans le monde, le moins cher, et il offre la meilleure coopération technique.

  

Opposition • L’achat attendra, puisque le Groupe pour une Suisse sans armée, le Parti socialiste et les Verts ont déposé des initiatives pour empêcher l’achat d’un avion américain.

  

F-35 Benedicte

  

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Point fort page 3

  

Avions de combat

  

Viola Amherd prend tous les risques avec le F-35

  

Amherd

  

L’appareil américain est sorti premier de l’évaluation, devant les jets français, européen et celui de Boeing. Il est aussi le meilleur marché. Mais l’achat est très controversé.

  

Lise Bailat, Arthur Grosjean

  

Donald Trump ne portait pas le F-35 made in America dans son cœur. L’ancien président américain l’a même qualifié d’«échec volant».

  

C’est pourtant cet appareil que le Conseil fédéral a choisi pour assurer la défense aérienne de la Suisse ces trente prochaines années. Il l’a préféré au Rafale du Français Dassault, à l’Eurofighter d’un consortium européen et au Super Hornet de Boeing. «Le résultat de l’évaluation globale montre que le F-35 est l’avion le plus indiqué pour la Suisse», affirme la conseillère fédérale Viola Amherd.

  

L’avion américain est sorti à la première place dans trois domaines sur quatre: l’efficacité, le support (maintenance, changement de pièces, etc.) et la coopération. Il n’obtient pas le meilleur score uniquement dans le domaine des affaires compensatoires. À croire sur parole: les détails de l’évaluation resteront secrets pour garder les données des constructeurs confidentielles.

  

L’offre la moins chère

 

Le jet développé par l’avionneur Lockheed Martin est connu pour sa technologie. Mais la surprise est venue du prix. Le constructeur a fait l’offre la moins chère: 36 appareils pour 5,086 milliards de francs à l’achat. Quant aux coûts d’acquisition et d’exploitation, ils se montent à environ 15,5 milliards de francs sur trente ans, soit 2 milliards de francs de moins que le deuxième candidat le moins cher.

 

À peine crédible pour certains experts: le F-35 n’est pas épargné par la critique, aux États-Unis notamment, en raison de problèmes de surcoût et de disponibilité. Pilonnée de questions à ce sujet, Viola Amherd maintient: «Nous nous basons sur des faits. Nous avons reçu des offres contractuelles contraignantes.» Et la juriste valaisanne de rappeler que, si l’offre n’est pas respectée, il y a une possibilité de se retourner contre l’avionneur.

  

Le risque de la claque populaire

  

Le différentiel de prix à long terme s’explique en partie par le fait que le F-35 nécessite 20% d’heures de vol en moins que les autres candidats. Les pilotes doivent moins s’entraîner, l’avion serait plus facile à maîtriser. Le F-35 doit ainsi permettre de diminuer d’un quart les émissions de CO2 des forces aériennes par rapport à aujourd’hui. En revanche, côté bruit, les nuisances globales resteront identiques, le F-35 étant plus bruyant (+3dB) au décollage.

 

La secrétaire politique du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), Pauline Schneider, est remontée comme un coucou, car elle ne croit pas un instant que ce soit l’avion le moins cher. «Au contraire, c’est le plus cher. On n’a pas besoin d’un avion luxueux alors que cet argent pourrait être utilisé pour des soins Covid et pour la défense du climat. Et il est très problématique de se lier au commerce militaire des États-Unis, qui aura toutes les données en direct sur nos avions.» Le GSsA, le PS et les Verts vont ainsi activer leurs plans et combattre l’achat de 36 F-35 par le biais d’une initiative populaire.

 

Bien que sensible à la question de la souveraineté, l’UDC s’aligne sur le choix du F-35. Le conseiller national Thomas Hurter (UDC/SG), lui-même pilote, ne croit pas au risque d’espionnage. «L’évaluation nous a permis de voir jusqu’où l’on peut porter notre autonomie. L’offre nous assure la souveraineté sur les données. Après, si vous voulez assurer l’entière souveraineté de la Suisse, alors il nous faut construire un avion nous-mêmes.»

  

Et la droite ne craint pas un nouveau vote, même si le dernier – sur la seule enveloppe financière – s’est joué à moins de 9000 voix. «Si nous n’étions pas prêts à acheter américain, alors il ne fallait pas leur ouvrir l’appel d’offres, affirme Martin Candinas (Le Centre/GR). L’évaluation est très claire.»

  

Fâcher l’Europe

  

Selon nos informations, le choix d’acheter le F-35 a, cela dit, profondément divisé le Conseil fédéral. Dire non à un avion français et européen, après l’échec de l’accord-cadre avec l’UE, reste délicat. Le chef du groupe parlementaire socialiste au parlement, Roger Nordmann (PS/VD), a réagi sur Twitter. «Ahurissant: le Conseil fédéral choisit un avion US. Pour parachever la rupture avec nos voisins et partenaires européens, on ne pouvait faire mieux. Mais pour notre avenir en Europe, on ne pouvait faire pire.»

  

«Dans un appel d’offres international avec un tel cahier des charges, il faut vraiment qu’il y ait une quasi-égalité entre des dossiers pour que l’aspect géopolitique entre en ligne de compte», affirme pour sa part le sénateur Olivier Français (PLR/VD). Viola Amherd abonde. Et la ministre rappelle que les Américains sont aussi des partenaires de défense de la Suisse, membres de l’OTAN.

  

citations

  


  

  

L’éditorial

  

Le F-35, ou la grosse cavalerie américaine

  

À première vue, il n’y a pas de quoi actionner son siège éjectable. La Suisse remplace sa flotte d’avions américains F/A-18 par une nouvelle flotte d’avions américains de nouvelle génération. Les F-35 sont de loin meilleurs que les autres, et leur prix défie toute concurrence. Bingo.

  

Mais dans ce ciel azur des top guns, il y a quelques gros nuages noirs susceptibles de secouer les carlingues. En optant pour l’avion américain contre le Rafale français ou l’Eurofighter européen, la Suisse inflige un nouveau camouflet aux pays de l’Union européenne après avoir déchiré le projet d’accord institutionnel. Premier trou d’air.

 

Outre ce tangage extérieur, il y a aussi de fortes turbulences intérieures. La gauche et le GSsA ont promis de lancer des initiatives populaires contre l’achat d’un avion US. On peut considérer qu’il s’agit là d’un antiaméricanisme primaire, il n’en reste pas moins que cet appel au peuple peut retarder, voire couler l’achat des nouveaux jets.

  

Le Conseil fédéral s’est-il fourvoyé en évacuant la dimension politique pour se concentrer uniquement sur les capacités techniques? Non. Lors de l’achat raté du Gripen, on avait reproché au gouvernement de n’avoir pas sélectionné le meilleur avion, en l’occurrence le Rafale. Ironie de l’histoire, ce dernier est aujourd’hui déclassé par plus fort que lui.

  

Et il y a peut-être aussi une dimension politique cachée pour le Conseil fédéral. Quand cela cogne vraiment au niveau sécuritaire, c’est encore la cavalerie américaine, avec ses militaires et ses services secrets, qu’on appelle pour régler le problème. Une assurance tous risques en quelque sorte.

  

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interview

 

  


  

  

24heures du mardi 02 juillet 2021

  

Avions de combat

  

Un long chemin de croix attend le jet furtif américain

  

Choisi par le Conseil fédéral, le F-35 décroche la timbale. Mais il a encore quatre pièges à éviter.

  

Il a survolé l’évaluation. Pour la ministre de la Défense, Viola Amherd, pas de doute, c’est le F-35 que la Suisse doit acquérir. Elle propose donc au parlement l’acquisition de 36appareils. Mais avant de débouler sur le tarmac helvétique, les jets du constructeur Lockheed Martin devront surmonter quatre obstacles.

  

L’été de tous les dangers

  

Le F-35 est sorti premier de l’évaluation. Mais les conclusions du rapport resteront secrètes. De quoi alimenter les fuites durant les mois d’été. Lors du choix du Gripen en 2012, le Département de la défense avait dû faire face à de nombreuses indiscrétions à l’interne, mais aussi à des attaques distillées dans la presse par ses adversaires.

  

Aujourd’hui, un ex-cadre d’ArmaSuisse nous dit s’étonner du prix si avantageux du F-35. «J’espère qu’ArmaSuisse a fait son travail consciencieusement, prévient François Pointet (PVL/VD). Car les derniers achats ont souvent été problématiques.» Pas de quoi effrayer le sénateur Werner Salzmann (UDC/BE): «Le peuple doit comprendre que le Conseil fédéral s’est engagé à ne pas révéler certaines données confidentielles des avionneurs.»

  

L’écueil de la Coupole

  

Si le F-35 a reçu le feu vert du gouvernement, il doit encore convaincre le parlement. La gauche sera vent debout contre le projet; les bourgeois majoritairement pour. La partie est-elle pliée? Pas forcément. Du côté du PLR, de l’UDC, ou des Vert’libéraux, certains élus doutent de l’intérêt d’acheter américain, qui pour des raisons de souveraineté, qui pour éviter de froisser nos voisins européens.

  

«Nous allons demander des éclaircissements au Conseil fédéral», admet François Pointet. Mais il refuse de tout mélanger. «L’affront à l’UE a été fait avec l’enterrement de l’accord-cadre. Ici, il s’agit de politique de sécurité.» Pour Werner Salzmann, l’UDC finira par se ranger derrière le F-35. «La gauche devrait réfléchir à deux fois, car c’est l’avion qui a le meilleur bilan environnemental.»

  

La chausse-trape populaire

  

Dès l’annonce du choix du F-35, la gauche et le GSsA ont mis leur menace à exécution et commencé à récolter des signatures. La stratégie: une initiative populaire pour contrer cet achat. Le 27 septembre 2020, la population avait dit oui du bout des lèvres au principe d’acquérir un nouveau jet. Les antiaméricains peuvent-ils tout faire capoter? «Une initiative nécessite la double majorité. Je pense que nous réussirons à convaincre les cantons de voter non», répond Werner Salzmann.

  

La bataille sera rude à Berne, Zurich ou encore en Valais, qui pourraient basculer dans le camp des antiavions. En 2014, les Vert’libéraux avaient précipité l’échec du Gripen. «À ce stade, je ne sais pas ce que décidera notre assemblée», reconnaît François Pointet.

  

Les retombées économiques

  

Le seul domaine dans lequel le F-35 n’a pas fini en tête, c’est dans les affaires compensatoires. En cas d’achat d’armement, des compensations de la part du fournisseur sont exigées au travers de contrats avec des entreprises suisses. Une mesure régulièrement pointée du doigt pour ses effets réels sur l’économie.

  

Le choix du jet américain va-t-il faire des déçus, alors que certaines PME misent sur ces investissements? «Le F-35 n’a pas terminé en tête sur cet aspect, mais il a atteint les objectifs fixés par la Confédération», répond Werner Salzmann. «Notre parti s’est toujours montré critique sur les affaires compensatoires, note François Pointet. Mais il y a un contrat entre l’avionneur et la Suisse. Il s’agit de le faire respecter.»

FQU

  

  

Office fédéral de l’armement «armasuisse» :

Air2030 : le Conseil fédéral décide de l’acquisition de 36 avions de combat de type F-35A

  

  


  

  

24heures du samedi 03 juillet 2021

  

Avions de combat

  

La Suisse souhaite acheter le F-35A américain.

 

Le F-35 choisi par la Suisse est bombardé par les critiques. Merveille technologique, avion du futur et aubaine économique, ou chasseur déficient, très cher sur le long terme: le F-35 va devoir désormais endurer ce combat en Suisse.

  

Christophe Passer

  

Amherd

 

  

Sous le feu, les tirs arrivent de partout, du ciel et du sol, du parlement au quidam. Missiles ou canons, surtout en Suisse romande, poursuivent le F-35 depuis l’annonce du choix du Conseil fédéral mercredi dernier. La Suisse, annonçait Viola Amherd, aimerait faire l’emplette de 36 de ces chasseurs furtifs américains bourrés d’écrans et de technologie. C’est le meilleur et le moins cher, a-t-elle expliqué, à peu près tout le reste étant classé secret-défense.

  

Depuis, les considérations politiques, idéologiques, européennes, transatlantiques, nationales ou cantonales ont explosé (lire ci-dessous). L’avion de chasse, avant de voler en escadrille dans le ciel suisse, devra donc commencer par démontrer son aptitude à résister à ces turbulences-là. Mais que sait-on du F-35 ?

  

Un monstre technologique, vraiment ?

  

C’est à la fois la vérité et le défaut actuel de sa cuirasse. La vérité: le F-35 est le seul avion de combat de cinquième génération disponible dans la sélection suisse. «Le Rafale ou l’Eurofighter sont aujourd’hui peut-être plus au point, mais en bout de course, explique Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la «Revue militaire suisse». «En 2030, quand ce nouvel avion commencera à être livré à l’armée suisse, on ne construira même plus de Rafale. La fenêtre temporelle, 2030-2070, est celle du F-35.»

  

Les experts américains eux-mêmes répertorient cependant depuis des années (le projet a été lancé dans les années 1990) des centaines de défaillances de l’avion. Le dernier rapport du Pentagone, l’hiver dernier, en comptait encore... 871, dont une dizaine de niveau 1, susceptibles de mettre en danger la sécurité des pilotes et des avions, ou de nuire aux missions. Les critiques ont été sans fin: système informatique de bord vulnérable aux cyberattaques (on soupçonne les Chinois de l’avoir déjà piraté), plantage du radar, mauvaise réaction à la foudre, casque du pilote ultranovateur mais affichant de façon confuse les informations dans la visière (multipliant notamment les fausses alertes), soute à munitions qui s’échauffe, etc.

  

Alexandre Vautravers: «Certaines critiques sont exactes, mais elles sont normales dans le cadre d’un avion en développement. Ce qui me semble clair depuis longtemps, c’est que le F-35 est too big to fail. L’investissement et le nombre de pays engagés, de l’Italie au Canada, de la Belgique à l’Australie, sont si importants que le programme continuera et va en permanence s’améliorer.» RUAG, l’entreprise d’armement suisse, a aussi déjà, via sa filiale, les licences nécessaires à l’entretien des F-35… australiens. «Il y a déjà un savoir-faire sur cet avion.» Donald Trump, avant son arrivée à la Maison-Blanche, avait pourtant pointé les problèmes du programme F-35, le déclarant «hors de contrôle». Mais il avait décidé de le laisser poursuivre.

  

Vautravers pointe une réalité interne aux États-Unis: «Les attaques de Trump étaient un argument de campagne républicain. Il faut savoir qu’aux États-Unis le F/A-18 Super Hornet, concurrent du F-35 de Lockheed Martin, c’est Boeing et les États du Nord. Le F-35, ce sont les usines et l’industrie du Sud. Ils se critiquent en permanence mutuellement, cela nourrit ensuite les partisans des uns ou des autres.»

  

Le bon choix stratégique, concrètement ?

  

Un avion furtif pour faire de la surveillance aérienne, cela peut paraître étonnant. Mais le spécialiste nuance de nouveau: «Le temps est révolu où différents avions de combat avaient des missions spécifiques: observation, interception, bombardement, etc. Aujourd’hui, et le F-35 est typique de cela, un petit nombre d’avions très polyvalents est plus efficace qu’un grand nombre d’appareils spécialisés.»

  

Concernant l’aspect de la police du ciel, Vautravers pointe même un vrai avantage à l’avion américain: «Selon le droit aérien, vous êtes obligés d’identifier visuellement l’avion que vous voulez contrôler, voire obliger à se dérouter ou à atterrir. L’optronique du F-35 dépasse largement celui des autres candidats: il est capable de lire l’immatriculation d’un autre avion à 37 kilomètres de distance.» Quant à son aspect furtif, il a une utilité méconnue: «En mission, vous devez souvent accompagner un avion qui porte par exemple un armement avec d’autres, chargé d’identifier les cibles, ou de surveiller. Le F-35 peut agir vite et sans escorte.»

  

Une aubaine économique, réellement ?

  

C’est ce qui a le plus étonné: l’achat du F-35 coûterait au final 2 milliards de moins à la Suisse sur trente ans (total prévu: 15,5 milliards de francs), a expliqué ArmaSuisse. Avant de préciser vendredi que le contrat avec Lockheed Martin n’engageait l’avionneur que pendant les dix premières années. Après, on ne peut guère anticiper l’évolution des coûts. Car l’avion est aussi réputé cher à l’emploi: 38’000 dollars l’heure de vol, avec des coûts d’entretien augmentés par des composants qui ont tendance à s’user plus rapidement que prévu, des trains d’atterrissage aux turbines.

  

Son programme a déjà coûté plus de 428 milliards de dollars, record de l’histoire américaine, une somme que certains imaginent monter aux alentours de 1700 milliards au final. Mais son prix d’achat de départ (5,06 milliards de francs pour les 36 appareils) a cependant bel et bien baissé, le F-35 ayant eu longtemps cette réputation d’être le plus cher en lice. Alexandre Vautravers n’est cependant pas si étonné: «Le F-35 bénéficie d’économies d’échelle importantes. Plus de 400 avions déjà en fonction, plus de 800 en commande. Le Rafale ne dépassera guère les 300 exemplaires au final. Et puis observez la balance commerciale entre les États-Unis et la Suisse: elle est de presque 50 milliards de francs en notre faveur. En achetant américain, la Suisse fait aussi un pas vers un meilleur équilibre.»

  

Vautravers

  


  

  

Lettres de Lecteurs

  

MacArthur

Le choix qui a été fait ne peut que créer une distance entre la politique est le peuple. Obscur, irresponsable, indéfendable, malheureux.

La faible majorité acceptante pour cet achat d'avion doit nous pousser à trouver une solution qui satisfasse tout de même un peu chacun. C'est-à-dire, acheter les avions oui, mais européens.

  

  

Liberté et patrie 1798

Les ennemis intérieurs de notre armée Suisse qui va du groupuscule libertaire du Gssa a des partis politiques représentés dans notre démocratie par les socialistes aux vert.e.s qui on dans leurs programmes politique la destruction de l'armée et du capitalisme ou les verts libéraux.

Ils dise que l'armée dépense sans compter l'argent des contribuables ,mais quand on peux avoir un avion de 5 génération avec 2 milliards de moins que des concurrents de pays européens avec des avions de 4 génération . La Suisse devrait refaire un nouvelle appel d'offres avec une demande de rabais supplémentaire Supérieur au 2 milliards du f35 ou un accord cadre au condition Suisse sur l'Europe .

Pas amis entre pays comme dans les entreprises privée la loi du plus fort !

(sic)

  

  


  

  

Le F-35 face aux critiques

  

Le parlement refuse d’être mis devant le fait accompli. À gauche comme à droite, les élus exigent plus de transparence sur l’évaluation qui encense le jet américain. Viola Amherd est sous pression.

  

Florent Quiquerez

  

La posture devient délicate pour Viola Amherd. La ministre de la Défense – qui a fait de la transparence sa marque de fabrique – est poussée dans ses retranchements. Faire passer le F-35 au parlement ne sera pas une sinécure. Face au choix du jet américain, les critiques ne faiblissent pas.

  

Une évaluation affirmant que le F-35 a surclassé ses concurrents mais qui reste top secrète, une expertise – rendue deux jours avant le verdict – estimant que le Conseil fédéral n’avait pas d’autre choix sur le plan juridique, et un rapport de plausibilité, dont les annotations sont plus longues que les conclusions; voilà qui commence à faire beaucoup pour les élus.

  

«Il y aura une votation à gagner, et je me vois mal mener campagne avec juste une sorte de catéchisme.» Jean-Luc Addor (UDC/VS)

«On nous demande de croire sur parole les conclusions d’un office (ndlr: ArmaSuisse) qui ne brille pas par sa transparence», réagit Jean-Luc Addor (UDC/VS), qui rappelle la menace de l’initiative de la gauche. «Le débat sera chaud, il y aura une votation à gagner, et je me vois mal mener campagne avec juste une sorte de catéchisme.» Pour lui, le Département de la défense (DDPS) doit faire preuve de transparence avec les Commissions de politique de sécurité (CPS). «Il doit nous prouver que le choix du F-35 est aussi évident qu’il le dit.»

  

Les fuites dans les médias

  

La gauche aussi est remontée. «J’aimerais un contravis juridique, car je ne comprends pas les arguments fondant l’expertise de l’Office fédéral de la justice, réagit Fabien Fivaz (Verts/NE). Jusqu’ici, le DDPS a toujours refusé de répondre aux critiques sur le F-35, prétextant que l’évaluation était en cours. Faudra-t-il attendre la prochaine séance de la CPS fin août pour avoir des réponses, ou la session du parlement? Ou faut-il compter sur les fuites dans les médias ?»

  

Thierry Burkart (PLR/AG) n’est pas aussi critique. «Nous n’avons pas d’accès à tous les détails de l’évaluation. Mais nous devons recevoir les informations qui permettent de vérifier que l’estimation d’ArmaSuisse est plausible.»

  

Pour Charles Juillard (Centre/JU), Viola Amherd a tout intérêt à un maximum de transparence sur ce dossier. «Lorsque la CPS traitera du programme d’armement 2022, elle va examiner le choix du F-35 sous toutes les coutures. Et ce qu’on n’obtiendra pas au niveau de la CPS, on l’aura au niveau des Commissions de gestion.»

  

  


  

  

Le Temps du 1er juillet 2021

  

À LA UNE

  

F-35, l’erreur stratégique de Viola Amherd

  

Viola Amherd s’est réfugiée derrière des arguments techniques et économiques pour justifier l’achat de 36 avions américains F-35. Elle semble, malheureusement, avoir oublié les critères politiques et géostratégiques.

  

Amherd

  

Le Conseil fédéral a décidé: il veut acheter des avions américains, les F-35 A. La majorité du gouvernement a donc suivi Viola Amherd qui, elle-même, s'en est remise au choix des militaires. Désormais, c'est à la ministre de la défense d'assumer cette option dores et déjà très contestée.

  

Tendue, peu convaincante, refusant de répondre aux questions en français, elle n'a cessé de répéter le même mantra: les critères étaient objectifs et le F-35A est de loin le meilleur dans le rapport coûts/ bénéfices. Par contre, il n'était pas très bon dans le domaine des affaires compensatoires, mais de cela, la Valaisanne a très peu parlé. Tout comme, elle a semblé ignorer les aspects politiques d'une telle décision. Sur le plan géostratégique, un choix européen aurait permis de calmer nos pays voisins après l'échec de l'accord-cadre. Au niveau interne, l'option américaine irrite fortement la gauche qui tentera de faire échouer cet achat, que ce soit au parlement ou par le biais d'une initiative populaire. Viola Amherd va devoir se montrer plus convaincante.

  

Vincent Bourquin, chef de la rubrique suisse

  

  

Les Américains s’imposent dans le ciel suisse

  

Le Conseil fédéral a jeté son dévolu sur le F-35 de l’avionneur Lockheed Martin, pour renouveler la flotte des forces aériennes helvétiques. Sceptique face à ce choix, la gauche annonce qu’elle lancera une initiative pour contrer cet achat.

  

Les retombées industrielles du F-35 en question

  

La décision du Conseil fédéral d’opter pour l’avionneur américain Lockheed Martin n’est pas la meilleure en termes d’affaires compensatoires, selon plusieurs observateurs. Ils craignent en outre un report des commandes en raison d’une nouvelle votation promise par la gauche.

 

 


  

 

LE COURRIER - LA LIBERTÉ - MERCREDI 23 JUIN 2021

 

Le jet F-35 remonte la pente

 

La ministre Viola Amherd le favoriserait et a de bonnes chances devant ses collègues.

 

F-35

 

PHILIPPE BOEGLIN

 

Armée de l’air • Le F-35 donne le tournis. Pas seulement parce qu’il est surnommé la «Rolls-Royce» ou la «Ferrari» des airs. Mais aussi parce qu’il serait sur le point de devenir le prochain avion de combat de l’armée. Selon la NZZ et la télévision alémanique SRF, le F-35 aurait les faveurs de la ministre de la Défense Viola Amherd. Une information que le département de la conseillère fédérale valaisanne ne confirme pas. Mais rien ne laisse présager pour l’instant, à sonder l’entourage de plusieurs de ses collgues, que le Conseil fédéral lui impose un autre chasseur. La décision finale interviendra le 30 juin, voire aujourd’hui déjà.

Pour le F-35 conçu par Lockheed Martin, le parcours a été semé d’embûches. L’engin américain est controversé sur ses terres pour des problèmes techniques et ses coûts d’entretien. En plus, du point de vue géopolitique, plusieurs acteurs appelaient en Suisse à un candidat européen, et la gauche fait pression en ce sens. Viola Amherd n’excluait d’ailleurs pas la composante politique lorsqu’elle déclarait le mois dernier à la NZZ que «si nous ne prenons pas le jet avec le meilleur rapport coût-utilité, nous dirons quelles réflexions de politique de sécurité sous-tendent notre choix».

Finalement, rien de tout cela. Jet de la cinquième génération, le F-35 brûlerait la politesse à ses trois rivaux, le français Rafale (du constructeur Dassault), l’euro-allemand Eurofighter (Airbus) et l’américain F/A-18 Super Hornet (Boeing). La conseillère fédérale Viola Amherd s’appuierait sur les capacités techniques de l’appareil et sur son offre plus avantageuse.

 

Près de six milliards.

 

Il lui reste à passer l’écueil du Conseil fédéral, ce qui, au jour d’aujourd’hui, paraît bien emmanché. Aucune levée de boucliers ne semble se profiler. Dans certains départements fédéraux bourgeois, on ne souhaite pas se mêler outre mesure des décisions de Viola Amherd qui, avec son rapport d’experts sous le bras, est considérée comme la mieux armée en arguments. Des interrogations émergent quand même. Chez le ministre des Finances Ueli Maurer, elles portent apparemment sur l’enveloppe totale de près de six milliards.

Aux Affaires étrangères, le ton est autre: le libéral-radical Ignazio Cassis plaide pour un chasseur européen. Il espère arrondir les angles avec l’Union européenne, juste après l’arrêt brusque des négociations sur l’accord institutionnel. Mais il convainc peu dans d’autres ministères. «Acheter un avion n’apporterait pas grand-chose», entend-on à Berne.

En théorie, l’opposition au F-35 devrait venir des deux ministres socialistes. Leur parti a fait savoir qu’il lancera une initiative populaire avec les Verts et le Groupe pour une Suisse sans armée en cas d’achat américain. Simonetta Sommaruga et Alain Berset mettront-ils beaucoup de forces dans cette bataille? Ce n’est pas clair. Toujours est-il qu’en défiant les milieux antimilitaristes, Viola Amherd prend le risque politique d’une nouvelle votation, après celle gagnée d’un cheveu en septembre 2020. Le scrutin sera certes ardu à remporter pour la gauche, puisqu’elle devra cette fois-ci réunir la majorité des cantons en plus de celle du peuple. Mais le processus devrait ralentir l’acquisition des jets.

Le F-35 a des atouts à faire valoir. Il a fait la meilleure offre d’achat. «Et de loin», entend-on à Berne. Selon la NZZ, il a aussi mieux réussi les tests à Payerne en 2019. Et il promettrait de bas frais fixes d’entretien pour la durée souhaitée de 30 ans.

 

Un avion critiqué

 

Les coûts de possession représentent un aspect clé, car le F-35 a la réputation d’être cher. Aux États-Unis, la question fait débat jusqu’au parlement. Il y a quelques jours, la NZZ, par sa correspondante sur place, écrivait que le jet avalait 30'000 dollars à l’heure, même si son fabricant assure pouvoir revenir autour de 25'000, une barre qui resterait plusieurs milliers de francs au-dessus de ses concurrents Rafale et F/A-18 Super Hornet...

Sur le plan opérationnel, les critiques sont aussi bien réelles. En octobre 2020, le Pentagone (l’armée américaine) remarquait que le jet «présentait encore un grand nombre de lacunes» – 871 sur une année.Apparemment, Lockheed Martin a trouvé le moyen de rassurer le DDPS. I

 

 


  

  

Le Courrier du jeudi 01 juillet 2021

  

éditorial

  

AVION DE CHASSE OU DE LUXE ?

  

PHILIPPE BACH

  

F-35

  

Le F-35A l’a emporté, du moins au niveau du Conseil fédéral. L’exécutif suisse a tranché hier: il préfère l’avion de chasse étasunien de Lockheed Martin au Rafale du français Dassault, à l’Eurofighter de l’européen Airbus ou au Super Hornet de Boeing, l’autre candidat du pays de l’oncle Sam. Selon les autorités helvétiques, l’avion retenu a toutes les qualités: plus beau, plus sophistiqué, moins cher...

La gauche prévoit une initiative pour bloquer cette dépense de plus de 5 milliards de francs. Et même de 25 milliards si on prend en compte l’ensemble des coûts sur la durée de vie de ces engins. Les tenant·es d’une armée suisse de pointe hurlent au déni démocratique: le peuple n’a-t-il pas approuvé en septembre dernier – à 50,1% de voix seulement, il est vrai – le principe d’un tel achat? On rétorquera que la manœuvre était cousue de fil blanc: on a fait voter le peuple la tête dans un sac. Ce qui est toujours plus commode pour faire passer un projet.

Car le choix du Conseil fédéral, eût-il été connu, aurait peut-être fait pencher la balance du côté du non. Se lier de la sorte aux États-Unis est-il très raisonnable après le lâchage de l’Europe par Donald Trump, ce qui aurait plaidé pour une option européenne? Quant à cet engin haut de gamme et sophistiqué, est-il bien adapté à l’armée suisse? D’autant plus qu’il s’agit d’un avion furtif, plutôt adapté à l’attaque.

Quoi qu’il en soit, il sera légitime de débattre à nouveau de l’utilité d’un tel investissement mammouth. Et ce même si une telle initiative est loin d’être gagnée. Le Souverain n’aime pas être interrogé deux fois sur le même objet. I

  

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Le F-35 gagne le ciel suisse

  

Sur le gril dans certains pays, l’avion de combat américain remporte la mise en Suisse. Le Conseil fédéral et la ministre Viola Amherd excluent les aspects géopolitiques de leur décision pour ne retenir que le coût.

  

PHILIPPE BOEGLIN

  

Armée de l’air • C’est le moins cher et le plus efficace dans les airs. Le rapport d’évaluation technique de l’Office fédéral de l’armement (armasuisse) débouche sur un constat clair et net, suivi par la ministre de la Défense, Viola Amherd, et l’ensemble du Conseil fédéral: le F-35A devient le futur avion de combat de l’armée. Malgré les doutes entourant son prix sur 30 ans d’utilisation. Les trois rivaux, le français Rafale, l’européen Eurofighter et l’américain F/A-18 Super Hornet en restent pour leurs frais. Pour un peu plus de 5 milliards de francs (sur un crédit plafonné à six), la Suisse veut acquérir 36 avions, dont l’entrée en service doit intervenir en 2030.

Exit les considérations géopolitiques, pourtant omniprésentes dans le débat, et auxquelles Viola Amherd n’avait pas fermé la porte lors de certaines déclarations – ce dont elle s’est défendue hier en conférence de presse. «La priorité a toujours été le rapport coût-utilité, et là, le F-35A ressort clairement en tête de l’évaluation d’armasuisse», justifie la centriste valaisanne. En filigrane de cet achat, la question des partenariats entre États n’a pas pesé lourd.

  

«Dos tourné à l’Europe»

  

Les pays des autres prétendants (France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne) ont aligné des offres politiques, mais n’ont pas renversé la vapeur. «Il n’y avait aucune marge de manœuvre pour des critères politiques. Cela n’aurait été possible que si deux candidatures étaient égales», martèle Viola Amherd, se référant à une expertise de l’Office fédéral de la justice, rendue... deux jours plus tôt.

L’ambassade d’Allemagne à Berne «regrette» l’issue dans un communiqué. Relayé par la RTS, le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune déplore que la Suisse fasse «le choix de tourner le dos à l’Europe». En face, le fabricant du F-35A, Lockheed Martin, se dit «honoré».

La réplique des antimilitaristes de gauche, hostiles aux appareils américains, est prête au décollage. Elle prendra la forme d’une initiative populaire, et donc d’une nouvelle votation. Viola Amherd ne cède pas à «ce calendrier hypothétique». Elle jette son dévolu sur le F-35A. Ses experts lui accordent l’utilité globale la plus élevée, avec 336 points, distançant les autres de 95 points ou plus.

Le bombardier furtif se révèle le meilleur dans trois des quatre critères: dans l’efficacité, grâce à son avance technologique, dans le support et dans la coopération. Il ne se fait dépasser que dans les contreparties industrielles (mandats à confier aux entreprises suisses pour «compenser» l’achat) et devra montrer patte blanche en couvrant 60% du prix d’achat quatre ans au plus tard après la dernière livraison. Dans ce domaine, des critiques se sont élevées en Belgique à l’égard de Lockheed Martin.

Les services de Viola Amherd soulignent les atouts procurés par l’avance technologique du F-35A. Sa «supériorité dans l’information» ouvre de nouvelles perspectives dans l’entraînement des pilotes. Le rapport entre heures de vol et de simulateur s’en retrouve modifié. Résultat, le F-35A «nécessite 20% d’heures de vol en moins» que les autres, et «près de 50% de décollages et d’atterrissages en moins» que les F/A-18 actuels de l’armée. Cela signifie aussi moins d’émissions de CO2.

Sur le plan pécuniaire, le Conseil fédéral débourse 5,068 milliards pour 36 engins. Le renchérissement s’ajoutera jusqu’au moment du paiement, mais le cadre de six milliards sera respecté, écrit-il. En prenant en compte les frais fixes sur 30 ans, l’avion américain revient à 15,5 milliards au total. Il bat nettement ses poursuivants, le premier d’entre eux coûtant environ deux milliards de plus. C’est la conclusion de l’Office fédéral de l’armement (armasuisse). Elle déclenche des interrogations. Car le F-35A fait l’objet de controverses depuis des années aux États-Unis pour ses coûts d’exploitation.

  

Le prix questionné

 

Le sujet s’est invité au parlement, et dans les rapports d’autorités de contrôle, comme le Government Accountability Office. Son prix à l’heure de vol a été publiquement chiffré comme plus élevé que l’autre candidat américain, le F/A-18 Super Hornet. Des déclarations au Parlement français indiquaient également un ordre de grandeur plus bas pour le Rafale.

En fait, armasuisse n’a pas intégré les éléments étrangers à son évaluation. «Les coûts à l’heure sont difficilement comparables entre pays, il est difficile de savoir ce qu’ils contiennent. Nous avons pris une fourchette de 55'000 à 60'000 francs par heure de vol», déclare Darko Savic, chef de projet à l’office fédéral.

Le Département de la défense s’est basé sur les montants avancés par les constructeurs – un choix considéré comme naïf par certains connaisseurs. «Les offres lient les fabricants», insiste Viola Amherd, ajoutant qu’un cabinet d’avocats zurichois, Homburger SA, a jugé que le rapport d’armasuisse était «plausible».

En sus de la flotte aérienne, le Conseil fédéral avalise un autre achat, celui de la défense sol-air de longue portée. Ici aussi, le candidat américain ressort vainqueur. Le système Patriot, conçu par Raytheon, défait l’européen Samp/T. Il pèse environ 3,6 milliards sur 30 ans.

Les enjeux financiers rebondiront au parlement, qui devra approuver les crédits. La prochaine échéance tombe au début 2022, avec la présentation du message annuel sur l’armée.  I

  

Amherd

  

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La Suisse votera (volera!) sur le F-35

  

L’initiative promise par la gauche et le GSsA a déjà débuté. Elle irrite les conservateurs. Alors que la ministre de la Défense Viola Amherd justifiait encore son choix face aux journalistes, le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), les Verts et les socialistes lançaient déjà un appel aux signatures. Moins de deux heures plus tard, plus de 6500 personnes avaient rempli le formulaire en ligne. Annoncée en mai dans l’éventualité où Berne choisirait un appareil américain, l’initiative contre le F-35 a déjà débuté. Personne ne doute que la gauche réunira les 100'000 signatures nécessaires à faire voter le peuple et les cantons. Pour la secrétaire politique du GSsA, Pauline Schneider, «le Conseil fédéral peut se préparer à une défaite».

En septembre, le principe même d’un crédit pour des avions de combat avait engendré un vote très serré. La décision s’est jouée à 8670 voix. Les analyses de Tamedia semblaient montrer un scepticisme de la population face aux modèles proposés par les États-Unis. Le vert Fabien Fivaz sourit: «Le Conseil fédéral a fait le pire choix possible pour le pays, mais le meilleur pour nous.» Pour le parlementaire neuchâtelois, «un milliard de réinvestissements ont été promis à la Suisse romande mais ces marchés compensatoires sont le point faible de Lockheed-Martin». Il insiste: «Le gouvernement a manqué l’opportunité d’une véritable réflexion géostratégique avec l’Europe, pour se rendre dépendant des technologies américaines».

Le socialiste Pierre-Alain Fridez acquiesce: «Il faut que nous arrêtions de tacler nos voisins.» Pour lui, «la votation du mois de septembre était un hold-up démocratique». Auteur d’un livre sur la défense, le conseiller national jurassien analyse: «Le F-35 est un avion de guerre et ce n’est pas ce que nous recherchions pour assurer nos missions de police aérienne». Il ne croit pas que le modèle le plus sophistiqué puisse aussi être le moins cher: «J’accorde une confiance très limitée aux gens d’armasuisse, qui sont les champions des estimations foireuses et qui se sont déjà trompés plusieurs fois». Par ailleurs, il s’inquiète pour la sécurité des données: «Les services secrets américains seront toujours dans le cockpit.»

Cette offensive annoncée a particulièrement irrité l’UDC. Dans un communiqué, elle reproche aux socialistes de ne pas soutenir la protection de la population: «Encore une fois, la gauche écologiste ne respecte pas une décision démocratique pour la seule raison qu’elle n’est pas du même avis.» Sur le fond, et malgré quelques voix discordantes, le parti considère que «le choix du modèle incombe aux instances spécialisées de l’armée et au Conseil fédéral». Le Centre avance le même argument pour soutenir sa conseillère fédérale: «La population a donné son accord pour l’achat de nouveaux avions et le choix du type d’appareil est l’affaire des experts.» Les Vert’libéraux restent prudents et «examineront d’un œil critique le choix du Conseil fédéral».

  

XAVIER LAMBIEL

  

F-35 brule

  

 


  

 

RTS

 

L’avion de combat américain F-35 a été choisi par le Conseil fédéral

 

La Suisse devrait acquérir 36 avions de combat de type F-35A du fabricant américain Lockheed Martin, a annoncé mercredi le Conseil fédéral. Le Parlement devra encore se prononcer. Lors des évaluations, le F-35 «s’est détaché» de ses trois autres concurrents en affichant l’utilité globale «la plus élevée» et les coùts «les plus faibles».

 

RTS
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Air & Cosmos  :  Un fer à repasser peut-il voler ?

  

  

F-35 brule

  

Il aura fallu attendre la victoire du F-35 en Suisse pour que la Cour des comptes américaine pointe du doigt l’explosion des coûts de maintenance du programme. Mais au delà de cette problématique déjà décrite par l’article de Pascal Samama, la qualité du service n’est pas non plus au rendez-vous, tant au niveau de la fourniture des pièces détachées pour les pays étrangers, qu'au niveau des travaux de MCO. Une situation qui ne sera pas sans conséquences sur la disponibilité opérationnelle des pays ne disposant que d’une flotte réduite d'appareils.

  

  


  

  

GSsA : Initiative «Stop F-35»

  

ÇA VIENT DE TOMBER: Stop aux avions de combat F-35 !

  

La nouvelle vient de tomber : le Conseil fédéral a annoncé qu’il souhaitait acquérir le F-35 comme nouvel avion de combat pour la Suisse. Par conséquent, nous lancerons une initiative «Stop F-35» !

  

Voulez-vous nous soutenir ?

  

Outre les innombrables faiblesses techniques du F-35 et la dépendance scandaleuse à l'égard des services secrets américains qui va de pair avec l'acquisition d'avions de combat américains, cet avion de combat de luxe est également complètement surdimensionné et hors de prix. Cette acquisition à revient jeter jusqu'à 30 milliards de francs par la fenêtre pour des jouets surdimensionnés destinés à quelques officiers. De plus, ils n’apportent aucune solution face aux vrais problèmes de notre temps tels que la crise sanitaire ou du climat.

  

Nous avions déjà annoncé en mai que nous lancerions une initiative si le F-35 était l’avion choisi par le Conseil fédéral, et c’est ce qui s’est passé. En choisissant cet avion, le Conseil fédéral ignore l'avis de la majorité de la population, qui ne veut pas du F-35. Nous allons faire s’écraser cet avion de combat de luxe dans les urnes !

  

  

Nous vous invitons également à transmettre l'appel situé sur la page à autant de personnes que possible !

De plus amples informations sur le lancement de l'initiative suivront prochainement.

  

Nous ne lâcherons rien !

  

Allez-vous nous aider à récolter les signatures ?

Je vous aide : listes tracking

  

Salutations pacifistes,

Judith, Jonas, Thomas, Nadia, Moritz, Saskia, Pauline, Anja

  

  

intiative GSsA

  

  


  

  

Retout à la page «F-35_avion.html»

  

  

  

Compilation - Armée - initiative du 30 juin 2021
DATE DE MISE-EN-PAGE : 05.07.2021  -  DERNIER AJOUT : 05.07.2021
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