Politique

soldat fou de la securite

Politique de Sécurité


conception maniaco-bourgeoise de la sécurité

Le rapport sur la sécurité intérieure


Une dérive autoritaire est en marche !


Le 30 mai dernier, le Département fédéral de justice et police publiait son "Rapport sur la sécurité intérieure". Ce document très indigeste est le reflet inquiétant de l'état d'esprit qui domine les conceptions maniaco-bourgeoises de la sécurité, fondées sur la recherche incessante d'ennemis potentiels. Mais il conditionne aussi l'attitude des bureaucrates et des élu-e-s, qui vont ainsi pouvoir donner libre cours à leur "imagination" pour statuer et légiférer contre des dangers qu'ils ont largement contribué à susciter par leurs visions paranoïaques de la société.

Il est longuement question de menaces fictives, mais rien n'est dit des véritables risques qui mettent en péril notre sécurité, liés à la globalisation de l'économie, transformée en une formidable machine à faire du fric et à exploiter les masses ouvrières en se débarrassant des quelques garde-fous qui garantissaient certaines formes de solidarité et d'entraide. Pourtant, le principal danger réel qui nous menace aujourd'hui, c'est la toute-puissance des détenteurs de capitaux et le système impérialiste mercantile de compétition acharnée qu'elle sous-tend. Ils sont régis par la loi absolue du plus fort et du plus performant, dont la valeur suprême est la création de richesses dans le seul intérêt des plus riches !

Un écran de fumée

Ce rapport n'est qu'un amalgame pour faire passer ceux et celles qui refusent ce désordre du monde pour des assassins et des poseurs de bombes, et donc de se donner une raison "objective" de nous surveiller. Nos paranoïaques patentés persistent à voir dans le gauchisme et l'islamisme "Les Dangers absolus" car, comme cela, les autres périls – réchauffement climatique, pollution, raréfaction des matières premières, étouffement des villes par la voiture, OGM, augmentation des inégalités, spéculation immobilière, privilèges de classe, etc. – apparaissent comme mineurs, sans conséquences, voire techniquement maîtrisables. En fixant l'attention sur des dangers présentés comme prioritaires, on occulte les vrais problèmes. C'est peut-être là aussi le but de ce rapport...
L'extrême droite est perçue comme moins dangereuse que l'extrême gauche, car la seconde met directement en cause la nature même du pouvoir, ce que la première ne fait pas, qui s'accommode bien du système, surtout de son armée, de ses armes, de son culte de la nation, de ses drapeaux et de sa fascination pour une société en rangs serrés et uniformisés. Même lorsqu'il traite de l'extrémisme de droite, ce rapport parle surtout des "violences" de la gauche, d'où l'impression renforcée que l'insécurité actuelle est surtout causée par l'extrême gauche. Il fait planer le doute sur la probité des militant-e-s politiques de gauche et met en question la validité de leurs combats et sa signification politique. Les gauchistes sont toujours associés aux attentats, à l'anarchie et à la contestation de tout ordre social. Comme nous avons pu le constater lors du G8 à Evian, en 2003, tout est fait pour criminaliser les mouvements de lutte contre l'impérialisme, contre la mainmise des industriels sur nos vies quotidiennes, contre la transformation de la société en un vaste supermarché, contre la marchandisation du monde...

Lire entre les lignes

Ce n'est pas la pertinence des faits relevés qui fait l'intérêt de ce rapport, mais les intentions qui se cachent entre ses lignes. Son but principal est certes de plaider pour le renforcement de la police fédérale et de faire passer des lois qui permettent la surveillance à distance, les perquisitions sans mandat, les écoutes téléphoniques préventives, les arrestations sans charges ni jugement et la détention sans condamnation. Il s'agit aussi de durcir le contrôle des frontières, de légitimer la mise en fiches des individus (maintenant électroniques!) et de justifier les nouvelles tâches policières (prévention, préemption, etc.), qui supposent un équipement sophistiqué. La montée en puissance de l'État pénitence se décline ainsi sur tous les tons: intensification de la "guerre contre le terrorisme", légitimation de moyens d'exception, répression accrue de la délinquance juvénile, de l'incivilité, mais aussi de tout ce qui peut rappeler l'esprit soixante-huitard !
Les vraies menaces sont ainsi passées sous silence, ou du moins banalisées, par rapport aux dangers supposés que l'on dénonce. Pas un mot sur le creusement des inégalités, sur la montée de la précarité, sur la défiscalisation des nantis, sur les pouvoirs discrétionnaires des entreprises transnationales, sur la spéculation immobilière, sur la mobilité forcée et la flexibilisation de la force de travail, sur les délocalisations, les transports qui rapportent, la crétinisation des gens, la consommation boulimique, le droit du plus fort, le pouvoir financier, la publicité normative, la morale qui formate, la formation qui moralise, l'école qui sélectionne et brime... C'est un détournement caractérisé de l'opinion publique à des fins politiques pour renforcer l'arbitraire du pouvoir et les prérogatives de celles et ceux qui en profitent.

L'ennemi intérieur

Avec ce rapport, tout semble fait pour désigner l'ennemi, en l'occurrence les gens du peuple, les ouvriers, les réfugiés, les pauvres qui râlent contre le système, et surtout la gauche de la gauche qui le conteste. Mais le plus inquiétant est de constater la répétition, année après année, des mêmes âneries, comme nous pouvons le voir en reprenant le rapport de 2004 sur l'extrémisme en Suisse. Brique après brique, nous assistons à la construction d'une politique sécuritaire par ces mêmes personnages qui ont tout fait pour que le monde soit comme il est, et qui trouvent dans ces rapports à répétition des justifications pour imposer leur programme répressif. La lutte pour la défense des libertés et contre l'érosion continue de nos droits est une priorité trop négligée par la gauche officielle, lorsqu'elle n'entonne pas les mêmes refrains sécuritaires que la droite. Si la lecture du "Rapport sur la sécurité intérieure" peut servir à quelque chose, c'est surtout à nous en rappeler l'importance !

Georges Tafelmacher
À Gauche Toute! - Groupe pour une Suisse sans Armée




RAPPORT SUR LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE DE LA SUISSE 2006

analyse non exhaustive des grandes lignes de ce rapport

Le rapport dit :

= Jusqu'à présent, rien ne permet de prouver avec certitude que des préparatifs concrets en vue d'un attentat aient eu lieu en Suisse.
Il n'empêche que ce danger fictif est présenté comme une menace réelle alors que depuis 2004, il n'y a eu aucun attentat en Suisse et que seuls deux furent perpétrés en Europe, soit moins d'un attentat par an; les années 80-90 nous avaient habitué à mieux alors comment justifier qu'il y aurait une dégradation de la situation ?

= Si la situation de la Suisse est jugée positive, l'avenir politique du monde pour les prochaines années est quant à lui considéré comme plus sombre et plus tendu.
Toujours cette même tendance de voir l'avenir du monde en noir tout en laissant entendre que les dirigeants n'ont aucune responsabilité dans le devenir sombre et tendu de ce monde car ils ne font que se conformer au pragmatisme de la real-politique. Et qu'en Suisse, ma foi, nous sommes des petits anges qui souffrent de la connerie humaine comme si nous étions au-dessus de ces contingences.

= Le terrorisme islamiste déployé par Al-Qaïda s'est transformé au cours des dernières années en un mouvement mondial indépendant...
Mais rien n'est dit sur le mouvement de globalisation de l'économie transformée en une formidable machine à faire du fric et à exploiter les masses ouvrières qui cherche à s'affranchir des principes de la solidarité, de l'entraide, d'un "vrai" humanisme. Le seul mouvement mondial réellement indépendant à l'œuvre ces temps et qui représente un réel danger, est celui de la toute-puissance de l'économie !

= L'idéologie, la stratégie et la tactique d'Al-Qaïda ont fait de nombreux sympathisants dans les sociétés du monde arabe et du monde islamique en général jusque dans les communautés musulmanes immigrées en Occident.
Mais rien n'est dit sur les raisons pour lesquelles ces gens sont si remontés contre nous et notre système planétaire d'impérialisme commercial, fait de compétition acharnée, régi par la loi absolue du plus fort et du plus capable économiquement et dont la valeur suprême est la création de richesse faite par les exploités pour les riches.

= Il convient d'observer le rôle international que jouent les extrémistes de gauche suisses. Une demande d'entraide judiciaire de l'Italie dans le cadre d'une opération menée contre les Nouvelles Brigades rouges a notamment donné lieu à des perquisitions à Zürich en février 2007.
C'est un amalgame pour nous faire passer pour des assassins et des poseurs de bombes et donc de se donner une raison "objective" pour nous surveiller.

= Il n'a pas pu être prouvé en 2006 que la Suisse avait hébergé des actes préparatoires concrets d'attentats terroristes au sens strict.
Ce qui n'empêche pas à nos paranoïaques patentés de quand même voir en les islamistes et les gauchistes «le danger absolu», ce qui fait que les autres dangers (pollution, raréfaction des matières premières, suffocation urbain par la voiture automobile, OGM à Pully, exclusivité de classe, transfert de richesses, spéculation immobilière, l'effondrement des défenses immunitaires, etc.) apparaissent comme mineurs, sans vraies conséquences et, par la grâce des EPFL et Z, techniquement maîtrisables. En fixant l'attention sur un danger ressenti comme plus grand, on escamotte les vrais dangers. C'est peut être là le vrai but de ce rapport !

= Les interdictions à court terme font croître la probabilité de voir les extrémistes de droite réagir violemment vis à vis des autorités et de la police et d'agir encore plus discrètement dans l'organisation de leurs rencontres.
Donc, il ne faudrait plus les "contrôler" ni faire de la "prévention" envers eux comme on le fait avec cette gauche ressentie comme plus retorse et active politiquement car les extrémistes de droite ne mettent pas fondamentalement en question la société !  C'est très bizarre qu'on n'applique pas ce beau principe à la gauche agissante alors que la surveillance et les interdictions concernant la gauche sont légions.

= Seul un petit nombre d'extrémistes de droite s'intéressent à la politique: leurs activités en la matière n'ont jusqu'à présent pas bouleversé le paysage politique.
Donc l'extrême droite est moins dangereuse pour le pouvoir que l'extrême gauche car la gauche met directement en cause la nature même du pouvoir ce que ne fait pas la droite qui s'accommode bien du système surtout tout en ce qui concerne l'armée, les armes, la nation, les drapeaux et la fascination des rangs serrés et uniformisés...

= Le 8 janvier 2006, des extrémistes de droite et de gauche se sont affrontés à Winterthour. Dans le même temps, 15 à 20 extrémistes de gauche ont attaqué un restaurant considéré comme étant un repère des milieux de gauche. Malgré la violence employée, ils ne sont pas parvenus à pénétrer dans le local, mais ont néanmoins causé d'importants dommages matériels.
Malgré le fait que le chapitre parle de l'extrémisme de droite, il est surtout consacré aux violences de gauche d'où l'impression que ces incidents sont surtout le fait de l'extrême gauche.

= En 2006, le nombre d'actions de sympathie et de solidarité de l'extrême gauche en faveur de prétendus prisonniers politiques a augmenté.
Non seulement on fait planer le doute sur la probité des prisonniers politiques mais on met en doute la validité de leurs combats et de la nature politique de ce combat. C'est ce qui nous distingue de ces fous de droite dont le seul combat est celui qu'ils livrent contre les étrangers, les différents, les non-conformes.

= Le secrétariat de l'Aide Rouge s'est aidé pour ce faire des relations entretenues depuis des décennies par un de ses dirigeants avec des chefs de file de groupes terroristes des années 70 et 80.
Les gauchistes sont toujours associés aux bombes, à l'anarchie et à la contestation de la société. Comme nous avons pu le constater lors du G8 à Evian en 2003, tout est fait pour criminaliser les mouvements de lutte contre l'impérialisme des nantis, contre la mainmise des industriels dans nos vies quotidiennes, contre la transformation de la société en un vaste supermarché, contre la marchandisation de la vie.

= Si les actions des antimondialistes violents perdent en intensité, celles des petits groupes pourraient gagner en importance.
C'est un conditionnel qui se veut réalité ! Cela vise surtout les militants impliqués dans les luttes locales et dans la défense des petites causes particulières (réfugiés, grèves, initiatives, etc.)

= les extrémistes de gauche violents et principalement lesdits autonomes, ont cherché l'affrontement avec les extrémistes de droite.
On laisse entendre que c'est toute la faute aux extrémistes de gauche si les extrémistes de droite sont si violents, ils n'avaient pas à les attaquer. Sous entendu que si les extrémistes de gauche fichaient la paix aux extrémistes de droite, ceux-ci ne seraient pas aussi violents et ne casseraient rien !  En présentant ainsi les extrémistes de gauche comme étant les provocateurs de ces affrontements, ce rapport fait la part belle aux extrémistes de droite et d'une certaine façon, les dédouane en les rendant quasi inoffensifs et innocents !

= Principaux événements d'extrême gauche enregistrés en 2006...
Ces événements sont consciencieusement répertoriés sur une page entière alors les principaux événements de l'extrême droite enregistrés en 2006 ne couvrent qu'un petit paragraphe insignifiant où ces événements paraissent de peu d'importance. De plus, dans le chapitre censé traiter de l'extrémisme de droite, ce rapport est surtout consacré à ce qu'il considére comme violences de gauche !

= Le nombre d'incidents notables liés à l'extrême gauche est passé de 140 en 2005 à 227 en 2006, soit une augmentation de 62%. Cette augmentation est due à la multiplication des actions de solidarité en faveur de prisonniers, qui représentent 35 % des événements enregistrés.
Les actions de solidarité en faveur de prisonniers politiques semblent représenter un grave danger alors que l'agissement des néo-nazis au Grütli ne serait qu'un incident facilement contrer par une présence policière et militaire forte. Mais la nature des "incidents" de gauche semble relever plutôt de l'action anti-autoritaire, de la contestation, de la protestation et du droit de manifester. A Lausanne, bloquer les TLs est considéré comme un incident dit "violent" et perturbateur criminalisable digne de figurer dans le répertoire d'incidents du rapport sur la sécurité intérieure !

= Il est intéressant de noter que les auteurs des attentats à l'explosif sont de plus en plus souvent issus de l'extrême gauche.
Ben voyons!! Il n'y a pas eu beaucoup attentats depuis 2004, seulement une bombinette faite de pétards (mouillés !) et une tentative avortée avec des bouts de ficelles et de rondelles. Mais on ne parle pas des feux que l'extrême droite a allumé dans les têtes bien-pensantes, dans les locaux juifs et arabes et chez les antifas.

Autopsié par Georges Tafelmacher




LA  LOI   et   LE  TASER

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SOCIÉTÉ • Le pistolet à électrochocs s'inscrit dans un contexte de répression renforcée, issu de la logique du "tout sécuritaire"

la ex-conseillère nationale Anne-Catherine MENÉTREY-SAVARY

«L'index suisse de police risque de devenir un répertoire "fourre-tout" rassemblant des données sur des citoyens qui ne sont même pas suspectés de délit.»

On a beaucoup glosé à propos du Taser, le pistolet à électrochocs dont la Confédération voudrait pouvoir user pour renvoyer par contrainte les migrants indésirables. Alors parlons-en, justement! Pas seulement pour revenir sur les curieuses aventures parisiennes de notre Tartarin de Tarascon, le conseiller national UDC Yvan Perrin, mais surtout pour évoquer le contexte de répression renforcée dans lequel le choix de cette arme s'inscrit: loi sur les mesures de contrainte, loi sur la sécurité intérieure, code de procédure pénale, loi sur les systèmes d'information de police, internement à vie, investigations secrètes, fichiers des empreintes génétiques, cameras de surveillance et j'en passe. Une illusion de sécurité contre une vraie atteinte aux libertés !

Pourquoi essayer le Taser et pas le reste ?

Mais d'abord le Taser. C'est à contrecœur que je me suis laissée entraîner dans l'escapade parisienne du Matin pour une démonstration de cet engin. Je continue à ne pas comprendre l'intérêt qu'il peut y avoir à se faire envoyer une décharge de 50'000 volts dans le dos. Pour en conclure quoi: qu'on y survit? En l'occurrence, le contraire eût été plus déterminant, mais le pire n'est jamais certain! De toute manière, l'expérience ne prouve strictement rien! C'est Le Courrier qui révélé que la durée de la décharge avait été réduite de moitié. Pour ma part, j'avais posé toutes ces questions: quelle différence si on tire dans le dos ou de face ou ailleurs, selon les circonstances? Aucune, m'a-t-on assuré. La décharge expérimentale est-elle la même dans tous les cas, même intensité, même durée? Absolument, fut la réponse: 50 000 volts, 2 secondes: c'est standard! De toute façon, même si on m'a menti, je savais que la situation n'avait rien de comparable: tomber sur une moquette moelleuse, en étant retenu par deux solides gaillards, n'a strictement rien à voir avec la décharge infligée à un homme qui résiste ou qui cherche à s'enfuir. Sans compter le stress, élément déterminant, dont les conséquences sont potentiellement catastrophiques. Pour en revenir au sens de l'expérimentation, la question que je me pose est pourquoi essayer le Taser et pas le reste? La loi sur les mesures de contrainte prévoit aussi d'autres moyens tout aussi graves, contre lesquels nous nous sommes également élevés. Pourquoi Yvan Perrin n'a-t-il pas testé les menottes aux pieds? Ou tenté de rejoindre la salle du Conseil national avec un molosse aux trousses, comme c'est aussi prévu pour chasser les requérants d'asile récalcitrants? L'absurdité de la chose est apparue de façon évidente lors de ce show parisien, ce petit happening de salon, pour la promotion d'un gadget très "tendance".

Yvan Perrin s'est vu féliciter pour sa bravoure, faisant définitivement passer les témoins critiques pour des couards! Ce qui m'a le plus frappée, c'est la perversion du discours et de la mise en scène. Outre l'effet de banalisation, ses partisans, dont Christoph Blocher lui-même, parlent de cette arme comme d'un moyen "humain". Quant au promoteur parisien, il s'est efforcé de me convaincre que cet engin est quasiment un bienfaiteur de l'humanité. «Savez-vous combien de vies il a épargnées ?», m'a-t-il demandé. Non! je ne savais pas, et je ne voulais pas savoir! Je songeais simplement que cette arme cruelle et dangereuse, que l'ONU considère comme un moyen de torture, peut se trouver soudain transfigurée en quelque chose qui sauve des vies. Une autre perversion du discours découle de la loi elle-même. Le conseiller national UDC Yvan Perrin répète à l'envi que le Taser n'est pas approprié pour renvoyer des migrants, mais qu'il est utile pour maîtriser un forcené, et que c'est ce que veut la loi. Or ce n'est pas parce que, par un tour de passe-passe de dernière minute, on a étendu son application à tous les cas de contrainte et à toutes les criminalités qu'on peut tranquillement se racheter une conscience en se disant qu'on ne visera que des abominables criminels et non des pauvres réfugiés! La loi s'appliquera bel et bien et principalement aux requérants déboutés, comme en témoigne abondamment le débat du Conseil national. Elle a déjà servi à cela dans certains cantons; elle a été élaborée dans ce but. Mais la banalisation va plus loin: le site internet de Taser (Taser France) laisse entendre que ce pistolet à électrochocs devrait être mis à disposition de tous ceux qui craignent pour leur sécurité, employés de banque ou propriétaires de villas. Si l'on n'y prête garde, on aurait ainsi de quoi réduire à l'immobilité tout ce qui bouge, du manifestant au migrant désespéré, du mari violent à l'adolescent révolté, du fan de foot excité au voleur de voiture. C'est dans l'air du temps! Le conflit social se gère désormais par la répression. Sur le plan pénal, les décisions récentes les plus emblématiques sont le refus de la médiation pénale et l'internement à vie. Ainsi le code de procédure pénale fédéral, dans sa première version, proposait que certaines infractions puissent être réglées par une procédure de médiation, laquelle mettrait en présence, sous le regard d'un tiers, l'auteur du délit et sa victime en vue d'une sanction qui porte réparation du dommage causé. C'est une justice qui raccommode le tissu social au lieu d'une justice qui tranche et qui enferme, une justice réparatrice et préventive, à la place d'une justice exclusivement punitive. Eh bien c'est raté! Cette innovation a été biffée, sous la pression du conseiller fédéral Blocher, qui a prétendu avec obstination que le Conseil fédéral avait changé d'avis et n'en voulait plus! La médiation, à ses yeux, malgré des rapports qui démontrent le contraire, c'est trop cher et trop long. Il est plus simple et plus expéditif d'enfermer et d'exclure, voire de déporter les délinquants d'origine étrangère, avec leur famille, dans le pays de leurs ancêtres. Autrefois, c'était le bagne, ailleurs le goulag, ici l'exclusion. Ce choix à courte vue ne tient évidemment pas compte du prix des récidives ou de la désinsertion sociale.

La logique de l'enfermement

Exit donc l'approche éducative et l'objectif de réhabilitation de la sanction pénale. Il faut punir! On a même entendu des partisans de la ligne dure en matière de délinquance des mineurs dénoncer des sanctions telles que les travaux d'intérêt général pour le motif que les jeunes y prennent plaisir! C'est dans la même perspective que s'inscrit l'internement, qu'il soit à vie ou non ce qui ne fait de toute manière pratiquement pas de différence! Dans le débat sur cette initiative et sur le code pénal dans lequel elle trouve sa place, il a été subtilement précisé que l'internement n'est pas une sanction, mais une mesure. Ce changement de vocabulaire a passé inaperçu, et pourtant la différence est fondamentale! En effet, un régime de sanctions se fonde sur une logique contractuelle: il y a un délit et il y a un tarif pour cet acte. Le condamné le sait, le supporte ou l'accepte même, parce qu'il paie sa dette à la société, selon l'expression consacrée. Avec les mesures, et tout particulièrement l'internement à durée indéterminée, cet aspect contractuel disparaît au profit d'un régime autoritaire. Il n'y a plus de contrat de réinsertion, il n'y a plus qu'un rapport de force. Il n'y a plus de partenariat dans la réhabilitation, il n'y a plus que l'enfermement, sous une forme qui équivaut à une mort sociale. «Mais il s'agit de délinquants !» m'objectera-t-on. «N'est-ce pas légitime de prévenir le crime par la surveillance et la punition? Quand on n'a rien à se reprocher, on n'a rien à craindre de la police et de la justice, des cameras de surveillance ou des fichiers de données.» Voire !...

L'index suisse de police qui se met en place, en partie dans la perspective de l'entrée de la Suisse dans l'espace Schengen, risque de devenir un répertoire "fourre-tout", rassemblant des données aussi sur des citoyens qui n'ont commis aucun délit, et qui ne sont même pas suspectés d'en avoir commis. Par exemple des victimes d'infraction et des témoins. Des autorités civiles y auront accès. Quant à la loi sur les mesures pour la sécurité intérieure (LMSI), elle prévoit que des données peuvent être collectées sur des personnes qui ont eu des contacts, à leur insu, avec des personnes suspectées de terrorisme. Je dois donc personnellement m'attendre à figurer dans l'index des fichiers de la police fédérale pour avoir eu l'imprudence de recueillir, dans sa prison, le témoignage d'un ex-pirate de l'air libanais. J'assume. Mais combien d'autres peuvent être mis sous écoute pour avoir simplement côtoyé un voisin dont ils ignoraient qu'il pouvait être, allez savoir, un "terroriste"? «Pas grave, diront certains, tant qu'on a sa conscience pour soi !» Certes. Sauf que ce fichage aura peut-être des répercussions négatives sur des projets, des emplois, des voyages...

police fouineuse Caméras de surveillance omniprésentes, fichages de manifestants, écoutes, contrôles d'urine dans les écoles, garde-à-vue de hooligans ou de fans de foot, couvre-feu pour les mineurs, contrôles d'identité, données biométriques sur les passeports ou même sur les billets d'avion pour les États-Unis, on ne dialogue plus, on surveille, on encadre et on réprime. Tout cela au nom de la sécurité. La sécurité de qui, au juste? On l'ignore. Ce qu'on sait en tout cas c'est que ceux qui ont peur sont parfois responsables de la violence institutionnelle déployée au nom de leur sécurité et que cette violence peut avoir pour effet d'augmenter le danger qu'on prétendait combattre. Si les braves gens affirment qu'ils ne craignent rien de cette répression, on peut avoir des craintes pour ceux qui risquent de se trouver dans le champ du viseur, celui de la caméra, du policier, de la matraque ou du Taser.


photo KEYSTONE


Petite réponse succincte à Anne-Catherine

Mes félicitations pour cet article percutant que tu as fait paraître dans "LE COURRIER" du jour. Très fort et très juste, c'est ce qu'il nous fallait pour remettre les idées en place et dénoncer ces attitudes de droite qui minent la société en divisant les gens entre les "bons" et les "mauvais" (citoyens) et qui instaurent le règne d'une élite autoproclamée pour qui toute la faute des dérapages sociaux sont le fait de ces gens qui..., de ces gens que...!

Ce qui m'étonne dans cette affaire, c'est que nous n'avons rien appris des exemples d'Allemagne en 1933, ou du Chili en 1973 où toute une société a fonctionné selon la logique de la répression, de l'emprisonnement et de la peur de l'autorité. Triste constat de l'immobilisme autoritaire et le maintien sous joug d'une population soumise de la part d'une caste qui se fonde sur la modernité et la mobilité pour asseoir son règne !

Bientôt sera discutée dans nos chambres fédérales, les modifications de diverses lois, notamment celle sur la sécurité intérieure, et nous nous demandons ce que nous pouvons faire à notre niveau pour mener le combat contre ce durcissement inacceptable de lois qui sont censées "protéger la population" (malgré elle et à son détriment !) mais où, au final, c'est d'un contrôle absolu de la-dite population à laquelle on assiste.

Cette année sera celle d'une lutte tous azimuts contre les velléités de cette droite monstrueuse de finaliser son concept manichéen et dichotomique de la société tout en soignant ses affaires lucratives et ses fortunes gigantesques (ceci expliquant peut être cela !) et j'espère que tu pourras nous fournir, à l'instar de ton article dans "LE COURRIER" de ce jeudi 27 décembre, des munitions autrement plus percutantes pour terrasser la bête immonde qui ne veut, décidément et malgré les horribles guerres mondiales, pas mourir. Pour combien de temps encore devons-nous vivre sous la coupe de ces maîtres et saigneurs du monde ??

Pour tous ceux qui croient n'avoir rien à se reprocher, je leur demande : avez-vous assez aimé les gens, avez-vous essayé de comprendre pourquoi les gens font ce qu'ils font, avez-vous assez d'empathie pour tous ceux qui n'ont pas votre chance, n'avez-vous pas constamment regardé les gens par le bout de la petite lorgnette, ne les avez-vous pas constamment jugé et condamné, etc...

En tous les cas, saches que je suis tout entièrement avec toi et je te souhaite bien du courage, de l'énergie et de la motivation pour continuer tes dénonciations de ce qui se passe et tes mises-en-lumière de ces aberrations que l'on cherche à nous faire gober et, surtout, accepter !!!

Reçois donc mes quelques vœux chaleureux pour t'accompagner tout le long de cette année 2008 qui risque d'être celle du tout et n'importe quoi !!!

G.Tafelmacher
GSsA/Vd - PULLY

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LIENS

Administration fédérale  Le rapport sur la sécurité en Suisse

Parlement fédéral  demande de rapport









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