compilation : Georges Tafelmacher
Loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire (LAAM)
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Alliance contre nature (GSsA-ASIN) : 49% Union Bancale Sacrée (UBS-PSS-Armée) : 51% |
©Adminis. Fédérale
Juste une poignée de voix...
Ce n'est que par quelques 35'000 voix de différence que la loi militaire a "gagné". Autrement dit, 6 "non" de plus dans chaque commune de Suisse auraient suffi pour qu'elle soit rejetée. Tel n'a pas été le cas. Mais la victoire étriquée du gouvernement laisse grand ouvert le débat sur la politique militaire, et ceci alors que le dispositif mis en place pour gagner n'aura pas été des moindres. Au delà du strict résultat comptable, c'est en effet à l'aune de la campagne du Conseil fédéral que l'issue du scrutin doit être jugée. De ce point de vue, l'investissement inhabituel du gouvernement dans cette votation aura été chichement payé avec 51% seulement de votes favorables.
Une campagne tout terrain
Comparable, tant par son ampleur que par la méthode, à celui qu'il avait fourni lors du vote sur l'achat de nouveaux avions de combat, l'effort de l'exécutif a porté sur trois plans. Tout d'abord, la campagne du gouvernement et des partis qui le composent, a tenté de limiter les enjeux à une simple question d'autodéfense des soldats suisses à l'étranger. Taisant le fait que l'armement pour la protection des troupes était déjà possible, cette approche avait un double but: celui de faire appel au bon sens – «puisqu'ils y sont déjà, autant leur donner les moyens d'assurer leur mission» – et celui de stimuler un sentiment d'humiliation de l'honneur national. Destiné aux franges de l'électorat nationaliste, cet argument était complété par celui des «nécessaires interventions à l'extérieur pour endiguer l'arrivée massive de réfugiés sur le territoire suisse». Il a fait mouche puisque, par exemple, Lucerne ou Zoug, connus pour leur réticence en matière de droit d'asile, ont approuvé la loi militaire. Flattant sur un côté les sentiments xénophobes, le Conseil fédéral a parallèlement mené campagne en direction de l'autre versant avec l'argument désormais devenu traditionnel de l'ouverture de la Suisse sur le monde. Comme lors de l'adhésion au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale, c'est en termes de solidarité et d'ouverture que la loi militaire a été présentée, et ceci grâce au relais complice de la direction du parti socialiste suisse dont la campagne a été directement financée par... l'Union de banques suisses.
La direction du PSS a fait la différence
De plus, l'intervention directe dans le débat politique du président "socialiste" de la Confédération pour fustiger les méthodes grossières de l'Union démocratique du centre n'a fait que renforcer cette logique de ralliement au projet gouvernemental pour ne pas renforcer "le fascisme rampant" du camp de M. Blocher. À ce titre aussi, le relais fourni par la direction du PSS par l'implication directe de certaines de ses personnalités au -lointain- passé pacifiste a été déterminante, notamment dans le canton de Zürich. Cette logique d'abdication qui suppose le renoncement à une politique de gauche face à la montée de la droite dure n'était pourtant pas inéluctable. À titre d'exemple, le front uni de la gauche et des syndicats du cantons de Zürich a permis, ce même 10 juin, de repousser un projet gouvernemental de privatisation des services de l'électricité. Le même front au niveau de tout le pays contre la loi militaire aurait certainement signifié son refus massif par le peuple.
Des médias en tenue de combat
Présentée comme l'expression de la raison contre les extrémismes, la campagne du Conseil fédéral a également bénéficié d'un appui inconditionnel des médias notamment de celui de la télévision. D'une partialité à toute épreuve, celle-ci n'a pas arrêté de relayer le point de vue officiel en faisant la part belle aux reportages sur commande sur ces "pauvres soldats suisses au Kosovo humiliés de devoir être protégés par des troupes étrangères" ou aux mises en exergue des délires nationalistes de l'ASIN et de l'UDC. Présentant systématiquement le vote comme un choix entre une Suisse ouverte sur le monde – fût-ce de manière militaire – et une autre repliée sur elle-même, les médias se sont, une fois encore et sauf quelques rares exceptions, alignés sur la position officielle donnant de la sorte le triste spectacle d'une presse en tenue de combat. A ce titre, les attaques officielles contre le présentateur vedette de la télévision Suisse alémanique coupable de trop d'indépendance d'esprit sont plus qu'inquiétantes...
Une victoire à la Pyrrhus
Dans un tel contexte, les 49% de "NON" sortis des urnes sont loin d'être un échec; bien au contraire, c'est le succès du Conseil fédéral qui prend des allures de victoire à la Pyrrhus. Alors que, avec la majorité du Parlement il avait à tout prix voulu élargir son champ de compétences ainsi que le type de missions à effectuer à l'étranger, il a été obligé, tout au long de la campagne, de se défendre de vouloir participer directement à des opérations guerrières et d'affirmer plus d'une fois que son objectif n'est pas l'adhésion à l'OTAN. Il est dès lors mal placé pour s'engager dans une telle direction sans mettre sa crédibilité en péril, alors que son projet a été refusé par presque la moitié des électrices et des électeurs.
Ainsi, c'est le projet dit "Armée XXI" qui a du plomb dans l'aile dans la mesure où il prévoit expressément un rapprochement plus marqué avec l'OTAN et l'augmentation importante du budget militaire. Cette logique, ces choix devisés à plus de trente milliards de francs n'expriment pas seulement la folie de grandeur des militaires suisses. Ils sont l'expression helvétique de l'adéquation de l'OTAN, décidée en avril 1999, aux nouvelles réalités de la mondialisation marchande. Cette adéquation comporte un double aspect : la transformation de l'OTAN en gendarme du monde et l'augmentation massive des dépenses militaires. A ce titre, le projet "Armée XXI" marque la soumission de fait de la Suisse à ces décisions prises à Washington.
49% pour de prochaines batailles
Dans ce contexte, il paraît difficile que le Conseil fédéral puisse s'appuyer sur une poignée de voix pour imposer ces choix. Et, à ce titre, il y a fort à parier que le succès rencontré par le "Non" antimilitariste dans les localités traditionnellement à gauche va constituer la base sur laquelle pourra se consolider l'opposition à ce projet de nouvelle armée. C'est à travers deux nouvelles échéances électorales au cours de ces prochains mois que cette opposition pourra se manifester autour des deux initiatives du GSsA, celle pour la création d'un service civil volontaire pour la paix, véritable instrument d'ouverture vers le monde extérieur, et celle pour l'abolition d'une armée suisse aussi coûteuse qu'inutile.
©pour le GSsA, Paolo GILARDI
Bilan
Le 10 juin il a manqué de 38'000 voix, sur 2 millions, pour que la révision partielle de la loi concernant les missions de l'armée soit refusée. Christiane Brunner et ses sponsors (l'Union Bank of Switzerland et le Parti Radical Démocratique, qui ont financé la campagne du "OUI" socialiste au niveau national avec au moins 100'000 francs) se disent soulagé-e-s. Les motivations du soutien des banques, des partis bourgeois, de la Société Suisse des Officiers et d'économiesuisse (l'organisation faîtière de l'économie privée helvétique qui coordonnait la campagne pour le "OUI") sont claires. D'une part il s'agissait de permettre le renouveau de l'armée, de l'autre, à défaut de collaboration au niveau fiscal (pour maintenir le secret bancaire), il fallait donner quelques gages de collaboration aux partenaires occidentaux de la Suisse, au moins au niveau militaire. Il est plus difficile par contre de comprendre la position du Parti Socialiste Suisse. Son soutien au référendum aurait empêché encore davantage à Blocher de revendiquer pour lui une victoire du "NON", et une telle victoire aurait mis en sérieuses difficultés les banques, les bourgeois et les militaires.
«La main invisible du marché exige le gant de fer du militarisme». *
Le soir du 10 juin, à la télé romande, Jaques-Simon Eggly expliquait encore une fois que les interventions militaires servaient à "stabiliser" des régions en conflit. Il était relayé à la télé alémanique par la présidente du comité socialiste pour le "OUI", Barbara Haering-Binder, qui expliquait que la participation suisse à l'intervention militaire de la KFOR contribue à "stabiliser le chaos" (sic) dans les Balkans. L'UBS, économiesuisse et les bourgeois défendent la stratégie de domination du capital occidental, qui consiste à poursuivre son enrichissement au détriment des 4/5 de la planète en accompagnant l'exploitation économique d'un instrument de répression militaire pour tenir sous contrôle ("stabiliser") les situations exaspérées par l'accroissement des ravages sociaux et environnementaux provoqués justement par cette exploitation éhontée. Le néo-militarisme comme bras armé du néo-libéralisme : de la défense du territoire à la défense des intérêts des puissances dominantes. Comme ailleurs dans le monde occidental, cette perspective a trouvé en Suisse un appui extrêmement important auprès de la génération d'anciens soixante-huitards devenus "raisonnables" (Andreas Gros, Verts-Bâle). Tony Blair avait rappelé que c'est elle (Blair, Clinton, D'Alema, Schröder et Fischer, Jospin) qui a permis de bombarder la Yougoslavie et le Kosovo au nom de valeurs morales. En Suisse c'est l'aura de féministe, syndicaliste et tiers-mondiste de Ruth Dreifuss qui a convaincu la majorité des délégué-e-s du PSS à soutenir le "OUI" le 10 juin, et c'est le "bo-bo" (bourgeois-bohémien) et ex-soixante-huitard Moritz Leuenberger qui a finalement convaincu de nombreux hésitant-e-s des milieux urbains que le choix du 10 juin était une question morale puisqu'il fallait défendre l'ouverture et la culture démocratique de notre pays contre l'obscurantisme et l'intolérance de Blocher. Pour la compréhension des comportements électoraux, il serait intéressant de comparer le vote du Kreis-5 de Zurich (le quartier de "gauche" zurichois, où le oui l'a emporté dans une proportion de 2 à 1) avec celui du quartier genevois des Pâquis, qui a voté exactement à l'inverse: 2 à 1 pour le "NON".
Bilan du GSsA
Pour le GSsA, un premier bilan de la campagne est globalement positif. Certes, nous serions dans une position politiquement plus attrayante si le "NON" l'avait emporté. Mais malgré une configuration difficile (les "NON" de gauche se sommant aux "NON" de droite) et les efforts de marginalisation de notre campagne dans les médias, nous avons réussi à développer auprès d'un public assez large une prise de conscience et une perspective de gauche notamment sur plusieurs aspects :
Il s'agit maintenant de poursuivre ce travail avec toutes les forces qui ont soutenu le référendum du GSsA, pour développer et renforcer ces perspectives dans le cadre de la construction d'une véritable pôle d'opposition de fond à la gestion social libérale du système dominant dont la Suisse fait partie.
©GSsA - Tobia Schnebli
(*) Citation d'un passage d'un interview à Claude Serfati (Gauchebdo, 25.5.01). Serfati (auteur de La mondialisation armée, le déséquilibre de la terreur, Textuel, 2001) était parmi les intervenant-e-s les plus remarqué-e-s du meeting organisé à Genève par le GSsA dans le cadre de la campagne pour la votation du 10 juin.
Échec Provisoire
On les aurait entendues gémir, les pleureuses de la paix musclée, si la révision de la loi sur l'armée avait capoté. Il s'en est fallu de peu: quelque 35'000 voix sur l'ensemble du pays. Revers du nationalisme étroit et victoire de la solidarité active? Tout le contraire, en fait.
La droite nationaliste et xénophobe, incarnée par l'Union démocratique du centre (UDC), était, on le sait, profondément divisée sur le sujet. Certes, sur le plan national, le parti recommandait le "NON". Mais six sections cantonales de l'UDC soutenaient "leur" ministre de la Défense Samuel Schmid dans son projet de révision. Selon une certaine conception de la paix, aller mettre de l'ordre à l'étranger, c'est empêcher un flot d'immigrants d'arriver jusqu'à nos portes. C'est aussi grâce à cette "ouverture" particulière que le "OUI" s'est imposé. Notamment à Berne, Fribourg et Vaud, où l'UDC cantonale appelait au "OUI".
La vraie ouverture
Il y a cependant une autre vision de l'ouverture, largement défendu à gauche, qui impliquait de glisser un "OUI" dans l'urne. Celle d'une paix acquise par la coopération civile plutôt qu'imposée par les armes. Les résultats du vote montrent que cette conception est partagée par une large partie de la population helvétique. En effet, dans de nombreux cantons, le "NON" n'a rien à voir avec les thèses isolationnistes et égoïstes du parti blochérien ou de l'Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN). Ainsi à Genève et Jura, cantons où l'ouverture est une tradition et l'UDC insignifiante. Cette victoire locale du "NON" est d'autant plus remarquable que tout avait été fait pour tromper le citoyen sur la portée de la révision de la loi militaire.
On a ainsi excité le sentiment de fierté nationale en prétendant que la sécurité de nos soldats était nécessairement à charge de troupes étrangères alors que la loi en vigueur autorisait déjà l'autodéfense. On a utilisé sans retenue l'argument d'une armée au service de la paix, alors que le Parlement fédéral avait refusé de donner la garantie que nos troupes ne participeraient qu'à des opérations de maintien de la paix. On a, de plus, assimilé perfidement tout refus de cette révision de la loi militaire à une volonté de repli: «Vous n'allez quand même pas voter comme l'UDC! Combien se sont laissé intimider ?
La forte proportion du "NON" progressiste laisse espérer que le Conseil fédéral utilisera avec circonspection les nouvelles possibilités offertes.
Reste le véritable enjeu de la votation d'hier. Non, comme on l'a fait croire, l'établissement d'une solidarité internationale, mais le maintien d'une armée nationale devenue inutile. Sur ces deux thèmes, le peuple aura l'occasion de se prononcer à nouveau, de façon bien moins brouillée. En effet, on pourra bientôt voter pour une politique de sécurité crédible (c'est-à-dire sans armée) et une vraie solidarité grâce à un service volontaire pour la paix.
© MANUEL GRANDJEAN - LE COURRIER - N°130 du lundi 11 Juin 2001
Mauvaise nouvelle: "les dividendes de la paix" qui étaient censés résulter de l'effondrement de l'URSS s'avèrent aujourd'hui au mieux un espoir suranné. Claude Serfati démontre comment nous nous acheminons vers le renforcement des systèmes militaro-industriels, et non vers leur dissolution lente. Et combien leur vitalité se nourrit de la mondialisation. La production d'armes se révèle un terrain d'investissement plus que jamais attractif pour le capital financier. Pour preuve, le budget militaire actuel des Etats-Unis frôle les niveaux atteints pendant la guerre froide. Les investisseurs institutionnels siègent désormais aux conseils d'administration des grands groupes producteurs d'armes des deux côtés de l'Atlantique, y compris en France. Leur logique marchande ne peut que nourrir la militarisation de la planète et les inégalités entre les pays. Derrière "la main invisible du marché" apparaît la poigne de fer du militarisme.
Communauté de vues entre USA et UE
Entrevue de Claude Serfati, économiste à l'Uni de Versailles, parue dans Gauchebdo n°21, mai 2001.
À l'heure où la Suisse a voté le 10 Juin 2001 sur une intégration plus poussée de l'armée suisse dans les organisations militaires internationales, on constate au plan mondial que les chiffres des budgets militaires des pays industrialisés sont en constante augmentation depuis dix ans. Claude Serfati, économiste, maître de conférence et chercheur à l'Université de Versailles-Saint-Ouentin-en-Yvelines, a donné son explication.
Comment expliquez-vous l'augmentation des budgets militaires des États ces dix dernières années ?
Claude Serfati : L'augmentation des budgets – sous couvert de course aux armements – est une tendance lourde depuis la Seconde guerre mondiale, même si la baisse de la décennie 1980-90 à fait croire un peu vite à certains qu'on allait bénéficier de "dividendes de la paix" après la chute du Mur de Berlin. Cette tendance à la militarisation de la planète qu'on constate, par exemple, dans le fait que onze des seize pays de l'OTAN (ainsi que la Chine et la Russie) ont augmenté leur budget militaire ces trois dernières années, est encore plus marquée aux USA, qui à eux seuls, rappelons-le, représentent 36% des dépenses mondiales. William Clinton avait décidé une augmentation du budget militaire de 110 milliards de dollars sur cinq ans. George W. Bush a décidé de relancer le programme de défense anti-missiles. Cela répond, de mon point de vue, à trois raisons : le fait d'abord qu'au plan macro-économique le processus de mondialisation du capital, dominé par la logique financière, s'est accéléré et qu'il est porteur d'inégalités sociales et de désastres environnementaux. La "main invisible du marché" exige donc le gant de fer du militarisme. Un autre élément fondamental réside dans la donne géopolitique actuelle, avec le statut de "super-puissance solitaire" des USA. Cette suprématie mondiale fait de ce pays le pilier de l'ordre mondialisé, tout en entraînant ses alliés européens à augmenter leur budget militaire. Dernier élément : la transformation en profondeur du système militaro-industriel. Ces industries, qui se sont profondément enracinées dans l'économie et la société des pays vainqueurs, ont connu de profondes transformations depuis dix ans. Aux États-Unis, les investisseurs institutionnels financiers ont pris les leviers de commande. Cela entraîne une dynamique propre du système soumis encore plus à des exigences de rentabilité de la part des actionnaires. Ce qui exige, entre autres choses, une augmentation des commandes de la part du client (le département de la défense).
La domination américaine dans un monde unipolaire va-t-elle conduire à redéfinir les missions des armées ?
C.S.: En dehors de la lutte contre ce que l'administration américaine appelle les "États-voyous" comme l'Irak ou des adversaires potentiels comme la Russie ou la Chine, l'agenda sécuritaire met au centre "la nécessaire défense de la propriété privée et le maintien de la stabilité des réseaux", qu'ils soient financiers, énergétiques (pour les USA, le réseau pétrolier a été le premier réseau global) ou même commerciaux. La défense de la globalisation - c'est-à-dire de la défense de leurs intérêts économiques figure désormais en haut des priorités de sécurité nationale des États-Unis. A cela s'ajoutent subsidiairement d'autres missions contre les menaces urbaines ou les dangers de révolte, dans les grandes mégalopoles du monde, de certaines "classes dangereuses" victimes de la polarisation des inégalités induites par la mondialisation du capital.
Face à la prédominance américaine dans le cadre de l'OTAN, peut-il y avoir une autonomie de la défense européenne ?
C.S.: Je ne crois pas à l'indépendance d'une défense européenne, pas même à son autonomie réelle, d'autant plus qu'il n'y pas fondamentalement d'antagonisme entre l'OTAN et l'Europe en matière de vision économique ou géopolitique. Les gouvernements européens, et singulièrement après la crise financière asiatique de 1997, se sont adaptés à la vision néolibérale américaine et ne contestent pas le modèle. Et ce d'autant plus que l'intégration économique transatlantique est très poussée. Les investissements directs à l'étranger (IDE) sont considérés comme un indicateur significatif de la mondialisation. Depuis 1997, près de deux tiers des flux d'IDE mondiaux sont réalisés entre les États-Unis et l'Union européenne. Dans le même temps, les industries d'armement européennes sont dépendantes, particulièrement du point de vue technologique et de la dimension de leurs marchés, de leur homologues américaines. Elles cherchent donc à nouer des alliances avec leurs partenaires américains. Ce qui devrait déboucher à plus ou moins long terme sur la constitution d'alliances transatlantiques autour des groupes américains (par exemple Boeing, Lockheed, Raytheon ou Northrop Grumman).
Au plan militaire, face à la montée de l'insécurité globale et aux nouveaux dangers, les USA n'ont ni volonté ni la possibilité d'assumer à eux seuls le rôle de "gendarme du monde". Les Européens devront apporter leurs contributions à la défense du "nouvel ordre mondial" annoncé par G. Bush en 1991, en gérant les désordres autour de la zone transatlantique : à l'Est ou en Afrique. Ces missions sont clairement en phase avec les déclarations du Sommet de l'OTAN à Washington en 1999.
Claude Serfati est chercheur au Centre d'économie et d'éthique pour l'environnement et le développement à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publié "Production d'armes, croissance et innovation" (Economica, 1995), et a contribué à l'ouvrage "Les pièges de la finance mondiale : diagnostics et remèdes" coordonné par François Chesnais et Dominique Plihon (Syros I Alternatives économiques, 2000), "La Discorde" (Textuel) et "La mondialisation armée" (Textuel, 2001)
©GSsA et Gauchebdo
Nous devons vivre avec des contradictions fondamentales !
Cette loi militaire contient une contradiction fondamentale
En effet, si la situation dans un pays préalablement "stabilisé" par des forces d'imposition combattantes dégénère au point où nos soldats doivent avoir "besoin" de se défendre avec des armes, alors ils seront en contradiction avec l'article 66a, al.2 qui interdit la participation aux actions de combat !
Si nous suivons les politiciens favorables à cette loi dans leur raisonnement – faire notre part pour empêcher les tyrans de massacrer leur peuple – alors nous devons participer à des actions de combats ou de soutien à des actions de combats menées par des troupes aguerris, professionnels et bien équipés, ce qui est formellement interdit par l'article 66a, al.2.
De plus, l'article 66b al.3. "En cas d'engagement armé", est en contradiction encore plus grave avec l'art.66a al.2 car un "engagement armé" est de fait une participation à une action de combat !
D'une manière générale, les tenants du "OUI" ne veulent rien savoir de ces subtilités et de leurs conséquences sur la validité finale, la crédibilité et la portée générale de cette loi. Ce qui nous amène à une constatation pour le moins machiavélique: et si c'était le centre-droite lui-même qui titillerait l'ASIN pour qu'elle dérape ainsi pour que le "NON" paraisse connoté si "mauvais" que toute personne sensée ne pourrait sentir que du dégoût si elle se met en tête de s'opposer à cette loi ?
Quelques conclusions nécessaires :
Si nous voulons poursuivre notre présence sur cette terre, nous devons raisonner selon les notions de résolution pacifique des conflits. Cette évolution se fera dans le sens d'une compréhension et une élucidation des raisons des explosions de la violence pour parvenir à un équilibre mondial et à un vécu pacifique entre les gens et les communautés. Nous pouvons sans autre faire le constat de l'incapacité totale des armées de résoudre quelconque problème de société et la dissuasion armée n'a jamais empêché les situations de déséquilibre social. Israël est la preuve que 50 ans de "représailles militaires" n'ont jamais résolu le problème palestinien, au contraire, il semble que c'est l'escalade des armes et cela à cause de l'obsession sécuritaire des israéliens, de leur volonté de se défendre par la seule force militaire et de leur religiosité si rigoureuse.
Le militaire – et notamment l'officier donc – en plus de passer son temps à se préparer à une hypothétique guerre, doit également avoir des capacités dans l'aide en cas de catastrophe et le maintien de la paix. Malgré le fait que la Constitution le lui permet, est-ce bien normal ? Car si le militaire prépare la guerre, c'est aux civils de faire la paix. Si le militaire est instruit pour tuer l'ennemi, c'est aux civils d'aider en cas de catastrophe.
À quoi peut bien servir l'armée ?
Abordons concrètement les problèmes de sécurité contemporains: en quoi l'armée nous a-t-elle préservée notre sécurité face aux écoliers qui n'hésitent pas à utiliser des armes à feu et des méthodes mafieuses pour obtenir ce qu'ils veulent, face aux entrepreneurs qui détruisent la vie civile, face aux abus de pouvoir de la part des administrations? En quoi la dissuasion par les armes permet-elle de nous éviter de graves désagréments et nous donne-t-elle des meilleures chances de vivre en "paix"? En effet, face aux problèmes actuels que soulèvent la pensée-unique néolibérale, en quoi l'armée m'offre-t-elle la possibilité de défendre mes proches, ma liberté et mes biens et comment un F/A-18 peut-il être considérer comme un moyen crédible de défense dans les conditions sociales qui nous sont faites par la nouvelle dictature économique? Si l'armée pouvait nous défendre contre l'emprise et les ravages de la néo-économie de compétition, cela se saurait et la gauche partirait joyeusement au combat, canon de 20mm à la hanche! Mais, pour le moment, l'armée est surtout utile pour réprimer les rages découlantes de l'application stricte des théories économiques néolibérales occidentales !
© G.Tafelmacher
Dossiers préparés par
©Georges Tafelmacher & SuisseForum