La Votation du 10 Juin 2001
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©Armée et administration militaire
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©GSsA
Dernière ligne droite pour la votation
Armée : Le groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a récolté
quelques 62000 signatures contre l'envoi de soldats suisses à l'étranger.
Au secrétariat du GSsA, on a carburé à l'énergie : Luc Gilly, permanent du mouvement et Tobia Schnebli, coordinateur du référendum, sont partis avec le caddie pour remplir quelques listes devant un grand magasin de la place et ont même trouvé le temps pour expliquer à un jeune Jurassien à la coupe rasta comment utiliser au mieux le matériel de récolte de signatures. L'UDC et son bras armé l'ASIN (Association pour une Suisse indépendante et neutre) ont aussi lancé un référendum. Les signatures s'additionnant, le vote aura de toute façon lieu. Mais, en terme de rapport de force, il est bien sûr important que le référendum "de gauche" ait abouti. Ne serait-ce que pour pouvoir développer, dans le matériel de votation, un discours contre l'engagement dans les conflits à l'étranger qui ne soit pas celui d'une extrême-droite repliée sur le réduit suisse.
CAMPAGNE MALADROITE
Deux tiers des signatures récoltées l'ont été en Suisse alémaniques. Le "Roestigraben" constaté lors des dernières votations du 26 novembre dernier n'est donc pas de mise. Selon Tobia Schnebli, «C'est sans doute que la campagne qui a été menée en Suisse alémanique l'a été sur une base maladroite, et la gauche a essayé de vendre l'initiative comme allant dans le sens d'armée XXI. Le Souverain n'a pas marché et a préféré suivre l'initiateur de cette réforme, Adolf Ogi».
Pour Tobia Schnebli, la révision de la loi militaire pose problème sur le fond. Elle permet l'envoi de soldats dans des conflits à l'étranger non seulement pour des opérations de maintien de la paix mais aussi pour des mesures dites d'imposition de la paix. C'est-à-dire des interventions de type guerre du Golfe. Les milieux pacifistes avaient pourtant attiré l'attention du Parlement sur le flou volontairement laissé dans la loi qui parle "d'opération de soutien à la paix", concept
qui englobe les deux notions, tant de maintien que d'imposition de la paix. Ils n'ont pas été entendus. Seule clarification : celle consistant à conditionner l'engagement de la Suisse à un mandat de l'ONU ou de l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
LE COURRIER
Note du GSsA :
Notre référendum a abouti !
La réussite du référendum pour une politique de paix constitue
un signal clair contre l'armée et son rapprochement à L'OTAN.
Les perspectives d'une véritable politique de paix, pour l'ouverture
et la solidarité civiles de la Suisse sont beaucoup plus facilement défendables
car nous ne devons plus tenir compte des signatures récoltées
par la droite isolationniste, qui ont eu apparemment des difficultés
(ils doivent récolter contre l'avis de leurs chefs militaristes!).
C'est ces prochains jours que cela va se jouer pour la votation du 10 Juin
: nous dépendons d'un effort de la part de toutes et tous pour la réussite
du "NON" ! ! ! !
Signalons, dans la dernière livraison du journal du GSsA -
n°48
- la traduction d'une interview croisée entre un militant du GSsA Nico Lutz
et de la parlementaire socialiste Barbara Haering, favorable à la loi,
paru dans la WochenZeitung. Un texte qui permet de mieux comprendre pourquoi
un clivage traverse la gauche sur l'opportunité ou non de soutenir le
référendum. Au niveau fédéral, ni les Verts ni le
PS n'ont en effet cru utile de se joindre à la démarche.
Merci, et à bientôt,
pour le GSsA, Tobia Schnebli
©LE COURRIER
Cher Monsieur, chère Madame,
Résumé :
Au mois de mars, nous avons publié dans la WoZ et dans le Courrier un appel
sous le titre "Pour une politique extérieure solidaire - pas de chèque
en blanc pour des engagements armés". Que vous ayez signé ce
manifeste ou non, nous estimons que nous devons vous faire part de l'état
de la discussion concernant la menace d'un référendum de politique
de paix contre la révision partielle de la loi militaire (LAAM).
La situation actuelle
La gauche a déjà remporté un premier succès partiel
contre la stratégie du DDPS pour obtenir une révision de la LAAM
au pas forcé: lors de la session de juin, le Conseil des Etats a lié
les engagements armés à l'étranger de l'armée à
un mandat obligatoire de l'ONU ou de l'OSCE. La commission de politique de sécurité
du Conseil national a accepté cette modification de manière presque
unanime (alors qu'elle s'y était encore opposé au mois de février)
et il est pratiquement certain que le Parlement suivra cette proposition. Face
à nos menaces de référendum le PRD, le PDC et surtout le
DDPS ont fait une concession en adoptant l'une des exigences minimales en matière
de politique de paix. En revanche, le DDPS a réussi à s'opposer
avec succès contre une amélioration substantielle sur le deuxième
point critique, dont l'importance est fondamentale. La gauche n'a pas réussi
à faire fléchir ni le Conseil des Etats ni la commission de politique
de sécurité du national sur la participation à des engagements
de guerre pour l'imposition de la paix ainsi que l'armement nécessaire
à ces opérations. Le texte actuel permet toujours cette possibilité;
seule la participation immédiate à des actions de combat est exclue.
Cela signifie que lors de la participation à des opérations d'imposition
de la paix, la participation concrète de l'armée suisse serait
décidée au cas par cas au niveau des "Rules of engagement".
Le soutien logistique ou des engagements de reconnaissance dans le cadre d'opérations
d'imposition de la paix seraient toujours possibles. Seule la renonciation aux
opérations d'imposition de la paix limiterait sérieusement la
marge de manoeuvre des militaires. Si le Conseil national refuse d'apporter
cette correction (limitation aux opérations de maintien de la paix),
la révision de la LAAM irait bien plus loin que le projet de corps de
"casques bleus" de 1994 et serait inacceptable de notre point de vue
d'une politique de paix.
Le sens de la critique du point de vue de la politique de paix
Dans l'appel publié au mois de mars au sujet de la révision de
la loi militaire, de nombreuses organisations et personnes individuelles ont
formulé une position d'un point de vue de la politique de paix, de gauche
et indépendante. Premièrement, l'appel critique le renforcement
continuel de l'idéologie de l'interventionnisme militaro-humanitaire.
Il rejette l'idée que la paix globale et les droits humains peuvent être
assurés pour le meilleur et en dernière instance par les moyens
militaires des Etats riches et puissants du Nord. Au lieu de cela, il demande
d'investir davantage dans une politique de prévention et de dé-escalade
des conflits qui s'attaque en priorité aux causes de ceux-ci. Deuxièmement,
au-delà de cette critique de fond, l'appel posait trois simples conditions
minimales dont l'acceptation etait nécessaire pour éviter le lancement
du référendum de la part des groupes et organisations pacifistes:
mandat obligatoire de l'ONU ou de l'OSCE, limitation aux opérations de
maintien de la paix et armement limité à l'autodéfense
(dans le sens du maintien de la paix de l'ONU). L'acceptation de ces conditions
dans la révision de la LAAM rendrait la nouvelle loi à peu près
équivalente au projet de création d'un corps de casques bleus
de 1994.
Le sens de ces trois conditions est évident: on veut éviter que
la Suisse contribue encore davantage à la réorientation de l'interventionnisme
armé pour la paix à laquelle on assiste aujourd'hui. Cette tendance
marginalise encore davantage l'ONU au profit de l'OTAN et bientôt du corps
d'intervention rapide de l'Union Européenne. Elle réduit la portée
des interventions de caractère plus policier que militaire pour le maintien
de la paix comme élément d'une politique de paix internationale,
pour les remplacer avec un interventionnisme répressif et militaire comme
"dernier recours" dans le cadre d'une gestion neolibérale des
conflits. C'est aussi l'abandon de l'idée du droit international au profit
de la poursuite d'une politique de puissance, poursuivie avec des alliances
d'intérêts. Il ne s'agit donc pas d'un combat futile sur des questions
de vocabulaire. L'enjeu de ce débat est une nouvelle orientation de la
politique étrangère: il vaut donc la peine de s'y pencher de près.
Avec le texte actuel, la Suisse pourra participer à une politique répressive
face aux conflits, menée par l'OTAN (avec l'aval du Conseil de sécurité
de l'ONU). Cela n'a rien à voir avec la solidarité, telle que
nous l'entendons. Au contraire, cela ouvrirait les possibilités de participer
à une politique de défense des intérêts des pays
riches et puissants du Nord. Cela ne peut pas être notre perspective.
La gauche ne peut pas se laisser dicter sa position par les isolationnistes
de l'ASIN en disant automatiquement "OUI" si ceux-là lèvent
le drapeau du "NON". Nous sommes favorables à l'adhésion
à l'ONU et à une politique de paix au niveau international et
nous sommes fondamentalement favorables au processus d'intégration européenne.
Mais nous ne confondons pas la solidarité avec les soldats, ni un ordre
international plus juste avec le contrôle global régi par des moyens
militaires. Il serait très dommageable si la demande symbolique, que
nous partageons, pour une "ouverture" de la Suisse servait de prétexte
pour une militarisation de la politique étrangère. A moyen terme
cela compromettrait les chances de l'ouverture politique et civile.
Référendum de politique de paix, case postale 6874, 3001 Berne, Tél. 031 302 77 33 Fax. 031 302 88 78
Berne - Genève, le 17 avril 2001
©GSsA
Le véritable enjeu de la nouvelle loi militaire n'est pas l'armement pour la protection des soldats !
La loi militaire actuelle permet déjà d'engager l'armée dans
des opérations de "maintien de la paix" et autorise "certaines
personnes à faire usage de leurs armes pour assurer leur propre protection"
(Art. 66, al. 3). Cela laisse au Conseil fédéral une grande liberté
d'interprétation. Au Kosovo, la protection de la Swisscoy est assurée
par des gardes de fortifications armés. Les autres soldats suisses prennent
également leurs fusils d'assaut quand ils quittent leur camp.
En autorisant tout armement nécessaire "à l'accomplissement
de la mission [des militaires]" (même des chars et des avions), la
nouvelle loi supprime toutes ces limites. Cette loi fait adhérer la Suisse
au système de gestion militaire des crises par les riches Etats de l'OTAN.
Elle a pour rôle de légitimer un nouvel armement d'une armée
qui a perdu ses ennemis.
Plus question de se limiter au "maintien de la paix"
La majorité du parlement a supprimé la limitation explicite aux
missions de maintien de la paix contenue dans la loi actuelle. Le nouveau texte
autorise les opérations de "soutien à la paix", ce qui
inclut aussi l'imposition de la paix, de l'aveu même du département
de la Défense. Ces interventions se font sans l'accord des parties en
conflit. La guerre du Golfe est un exemple d'imposition de la paix sous mandat
de l'ONU.
Tout en excluant la participation à des actions de combat, la nouvelle
loi permettrait à la Suisse de participer à une guerre dirigée
par l'OTAN. Elle reflète la nouvelle idéologie de dissuasion :
les privilégiés se barricadent et s'arment contre les réfugiés
de la misère. Ce n'est pas par la voie militaire que la Suisse deviendra
politiquement plus ouverte et solidaire.
Guerres humanitaires ?
En Irak, la guerre du Golfe tue 200 000 civils, sans renverser le dictateur
Saddam Hussein. Aujourd'hui, l'embargo tue chaque jour des enfants (500 000
morts en 10 ans !), Saddam est toujours au pouvoir et les bombardements anglo-américains
frappent encore régulièrement la population. En Somalie, en 1993,
l'armée américaine débarque en prime time en direct à
la TV. L'opération est un fiasco humanitaire et politique. Les chefs
de guerre sont toujours au pouvoir. Les armes lourdes et légères
laissées par les occidentaux les aident à poursuivre leurs activités.
La population, elle, crève toujours de faim. Dans les Balkans, 14 tonnes
de missiles à l'uranium appauvri et la destruction d'industries et de
centrales électriques ont causé une pollution durable. Les troupes
internationales maintiennent le statu quo et ne favorisent en rien l'élaboration
d'une solution politique équitable et à long terme. Les criminels
de guerre restent encore impunis. Seul le dictateur serbe Milosevic est tombé,
mais sous la pression pacifique de la rue, pas par les bombardements ! Cependant,
certains tirent leur épingle du jeu, par ex. les entreprises occidentales,
qui se voient garantir de juteux marchés de reconstruction par la présence
de contingents militaires de leur pays d'origine.
L'argent, nerf des guerres
Dans le monde, on dépense chaque année 800 milliards de dollars
pour les armées, soixante fois plus que pour la résolution civile
des conflits. La Suisse voudrait renforcer cette disproportion avec ses armes
et ses soldats. Cela n'a rien à voir avec les vrais besoins de solidarité
du monde.
© gssa/ge
Le 10 juin le peuple devra se prononcer sur la nouvelle loi sur l'administration militaire.
Apparemment anodine, cette nouvelle loi est grave de conséquences. C'est
pourquoi, l'Assemblée des délégué-e-s de notre syndicat,
réunie le 23 mars dernier, recommande à ses membres et à
l'USS de voter deux fois "non" à la double révision de
la loi sur l'administration militaire.
En effet, sous prétexte d'assurer l'autodéfense des soldats suisses
en mission à l'étranger - ce que la loi actuelle permet déjà
- la nouvelle loi autoriserait pour la première fois depuis la fondation
de la Confédération l'engagement de troupes helvétiques
dans des conflits armés à l'extérieur des frontières.
En guerre comme dans le Golfe
Verra-t-on dès lors des jeunes soldats suisses participer activement
à des guerres comme celle du Golfe? C'est ce que le nouvelle loi soumise
au peuple autorise, c'est ce que le Conseil fédéral et la majorité
du Parlement semblent souhaiter puisque, d'après la loi, les troupes
suisses pourraient participer à des opérations de guerre internationales
pour la "promotion" de la paix. Celles-ci devraient être décidées
par l'ONU ou par l'Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe, l'OSCE. Or, c'est justement avec l'aval de l'ONU que la guerre du
Golfe a eu lieu ; c'est avec son "autorisation" que l'embargo auquel
l'Irak est soumis depuis dix ans a déjà tué plus de 500'000
enfants. Ainsi, au moment où les Chambres fédérales refusent
la création d'un corps civil pour la paix, c'est sous couvert de "solidarité",
qu'elles veulent une participation directe de la Suisse aux structures militaires
de maintien d'un certain ordre international, en définitive, aux guerres
de l'OTAN. C'est en effet cette organisation militaire dirigée de main
de fer par le gouvernement des Etats-Unis qui met en pratique les mandats décidés
par l'ONU.
Des guerres qui ne résolvent rien
Alors qu'en Irak, dans les Balkans ou encore en Somalie la gestion militaire
des conflits montre chaque jour ses limites, la Suisse n'a pas à apporter
sa contribution musclée. En effet, malgré le fait que Saddam Hussein
est encore au pouvoir en Irak, malgré le fait que l'intervention au Kosovo
et les bombardements sur la Serbie n'aient rien résolu - et la reprise,
ces dernières semaines, des hostilités au nord de la Macédoine
en est la preuve dramatique - le Conseil fédéral et une très
grande majorité du Parlement s'obstinent à prétendre que
la Suisse devrait participer militairement à ce genre de conflit. Or,
rien n'est plus éloigné de la recherche de la paix que la participation
à ces interventions militaires. En y prenant part, la Suisse participerait
d'une sur-militarisation de la planète qui prive les peuples des moyens
essentiels pour assurer le développement social et économique,
seul garant d'un avenir pacifique, solidaire.
Que ta main gauche ne sache pas ce que tu fais de la droite . . .
Receleuse de capitaux en fuite qui privent les peuples des moyens d'assurer
le développement, fervente adepte du libre commerce qui prive les pays
les plus pauvres des moyens vitaux, hôte attentionnée des puissants
de ce monde venus décider de l'avenir de la planète dans ses stations
de montagne, la Suisse voudrait accréditer l'idée d'un engagement
militaire solidaire.
Rien n'est plus hypocrite !
Étre solidaires, participer à un développement pacifique de la
planète ce n'est pas envoyer des soldats surarmés seconder les
GI's américains et autres Rambos britanniques. Étre solidaires c'est
d'abord supprimer le secret bancaire et rendre aux peuples ce qui leur a été
volé. Etre solidaires, c'est aussi augmenter considérablement
l'aide au développement puisque, alors que l'ONU recommande que chaque
Etat y consacre 0,7% du produit national brut, la Suisse ne lui accorde que
0,38%. Etre solidaires, c'est aussi annuler la dette des pays du Tiers Monde,
c'est instaurer des formes de commerce équitable avec les pays pauvres.
Quand les banques décident de la politique étrangère
Refuser de s'acheminer sur cette voie pour contribuer à trouver des
solutions aux drames qui déchirent la planète c'est soumettre
la politique internationale de la Suisse à la volonté des banques
et des grandes industries. En refusant de reconnaître le génocide
arménien pour ne pas nuire aux relations commerciales avec la Turquie,
la majorité du Parlement a montré que ce sont des préoccupations
de nature purement commerciale qui président à la définition
de la politique étrangère. Le Conseil fédéral en
a fait de même en rejetant l'adhésion à l'Europe pour satisfaire
aux besoins des multinationales. En mobilisant la troupe pour protéger
le Forum de Davos pour protéger ceux qui planifient la destruction des
services publics, des structures de solidarité dans la société,
les autorités helvétiques ont fait la démonstration la
plus limpide de ce qu'ils veulent de l'armée.
Faut-il dès lors leur donner les moyens militaires pour mener cette
même politique sur le plan international ? Pour que, demain, on envoie
nos enfants mourir pour défendre les intérêts de Novartis
ou ceux de l'U.B.S. ? C'est pourquoi l'assemblée des délégué-e-s
du syndicat des services publics SSP-vpod invite l'ensemble de ses membres à
voter "NON" ! le 10 juin à la participation suisse aux guerres de l'OTAN !
©pgilardi@freesurf.ch
L'aile blochérienne de l'Union démocratique du centre (UDC) ne veut pas d'un envoi de soldats suisses armés à l'étranger. Est-ce une raison suffisante pour approuver cette mesure ?
On pourrait le croire, à considérer la position adoptée
le week-end dernier par le Parti socialiste suisse (PSS). En effet, par 41 voix
contre 15, les délégués roses ont décidé
de ne pas soutenir le référendum du Groupe pour une Suisse sans
armée (GSsA) afin, dixit leur nouvelle présidente Christiane Brunner,
"d'éviter que cette décision ne soit interprétée
comme un signe de non-ouverture". Se confirme donc, après la triste
prestation du groupe socialiste lors de l'élection du nouveau conseiller
fédéral, une ligne Brunner: la dominance d'une volonté
tactique indigente sur toute considération de fond.
Or, la perspective d'envoyer des soldats armés à l'étranger
n'est pas anodine. A qui cette mesure profitera-t-elle? A la paix? Evidemment,
prétendent les militaires et la majorité de droite des Chambres
fédérales qui, le 6 octobre dernier, ont voté la révision
de la loi militaire allant dans ce sens. Littéralement, le texte permet
des "engagements pour la promotion de la paix" qui "peuvent être
ordonnés sur la base d'un mandat de l'ONU ou de l'Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE)". Mais,
une fois retirée la tenue de camouflage rhétorique, c'est une
autre réalité qui transparaît. Le passage de la loi devant
le Conseil national donne un premier indice. C'est en vain que des élus
ont tenté de faire remplacer l'expression "promotion de la paix"
par celle, bien plus précise, de "maintien de la paix". Alors
que cette seconde notion désigne en droit international la participation
à un processus de paix défini avec l'accord des parties en conflit,
le concept de "promotion de la paix" est une invention helvétique.
Son ambiguïté pourrait couvrir la participation à des opérations
"d'imposition de la paix". C'est-à-dire des interventions guerrières,
parfois défendables, mais toujours sélectives (pourquoi intervient-on
ici et pas là?), lors desquelles les stratèges ne reculent devant
aucun "dégât collatéral".
Quant au "maintien de la paix" par des forces armées, même
s'il peut évidemment jouer un rôle positif dans un contexte précis,
il n'exclut pas les dérapages. De la pitoyable expédition américaine
"Restore Hope" en Somalie, à l'abandon de Srebrenica par l'ONU
en passant par la protection des auteurs du génocide rwandais par l'opération
française "Turquoise", les exemples ne manquent pas, hélas!
Plus fondamentalement, confier la sauvegarde de la paix aux professionnels de
la guerre est une aberration. A moins de considérer la paix comme le
maintien d'un ordre, parfois manifestement injuste, qui permet à une
communauté de prospérer. A considérer les quelque 1200
milliards de francs dépensés chaque année par les gouvernements
de la planète, cette conception domine nettement. La préservation
égoïste d'intérêts particuliers . . . ce n'est d'ailleurs
pas une autre doctrine qui dicte aux blochériens leur isolationnisme
armé. Quant à une paix basée sur la justice, l'égalité
des droits et le développement, elle recueille nettement moins de soutien,
à en juger notamment les difficultés financières rencontrées
par les organisations qui y travaillent.
L'histoire suisse laisse en héritage deux traditions. Furieusement antinomiques.
L'envoi de mercenaires dans toutes les mêlées ou l'action pacifique
par des moyens civils. Plutôt que de perpétuer la première
en entrant dans la logique des puissants, il vaudrait mieux renforcer la seconde
par un développement de la coopération et de la solidarité.
Mais voilà! Si l'armée suisse n'a rien à offrir à
la paix, en revanche la "promotion de la paix" peut redonner aux militaires
helvétiques une légitimité. Sans danger immédiat,
sans péril aux frontières, l'armée subit des assauts répétés.
Grâce aux missions à l'étranger, elle peut même espérer
demain dépenser plus qu'aujourd'hui, quand il faudra harmoniser les systèmes
d'armement après avoir pris pendant des décennies le soin de les
singulariser.
En soutenant la révision de la loi militaire - laquelle, si le référendum
aboutit, sera probablement soumise au peuple le 10 juin 2001 - on oeuvre pour
l'armée et non pour la paix. Or, c'est un supplément d'âme
qui fait cruellement défaut dans le monde. Pas un supplément d'armes.
©LE COURRIER
Qu'est-ce que la paix?
Et par voie de conséquence, à quoi sert-elle et comment ?
Ce n’est pas tant la question que sa conséquence qui importe.
En effet, cette définition, choisie ou de circonstance, va avoir une
influence sur toutes les réactions et sur toutes les actions qui seront
vécues ou entreprises par la suite. Il est donc utile d’avoir une
définition aussi large et complète que possible, et cela tout
en restant simple afin de pouvoir appliquer cette définition en toutes
circonstances.
La langue apporte-t-elle une réponse suffisante en définissant
la paix comme une absence de conflit ? Deux éléments sont à
analyser ici, le conflit et son absence. Déjà le conflit en lui-même
n’est pas automatiquement synonyme d’absence de paix, puisque, bien
au contraire et logiquement il devrait, par anticipation ou par réaction,
favoriser la création de la paix et l’expérience nécessaire
à la continuation de la paix ! Si tel n’est pas le cas, si le conflit
n’évolue pas de façon pacifique, et si de plus les moyens
utilisés tant dans le conflit lui-même que dans la recherche de
sa solution, créent des dommages supplémentaires, alors effectivement
il y a non seulement conflit, mais de plus trouble de la paix.
Ensuite, l’absence de conflit n’est pas non plus un signe de paix
certain, une garantie, puisque cette absence n’apporte en rien l’assurance
ou les connaissances utiles pour résoudre de façon constructive
les conflits futurs et donc pour perpétuer la paix.
La définition linguistique doit donc être complétée,
en ce sens que la paix est certes un état (de bien-être ou d’harmonie
par exemple), mais elle est aussi un acte, un choix et un moyen - adéquat
et utile - pour maintenir cet état, pour l’approfondir et l’améliorer.
Autrement dit, la paix cela se cultive, et l’expression «culture
de la paix» telle qu’elle a été choisie par l’Unesco
est intéressante.
D’autres domaines des sciences se sont-ils penchés sur la définition
de la paix ? Les sciences politiques, la sociologie, la psychologie, la stratégie
et le droit auraient certes l’usage d’une définition de la
paix. Le droit s’y est essayé. Il reste beaucoup à faire,
en particulier par ce que les moyens choisis (ou à disposition) ne sont
pas à la hauteur des buts fixés. Le droit international interdit
la guerre, mais comme il n’impose pas d’alternative, on utilise
encore trop souvent la guerre pour éviter la guerre. Plus intéressante
est la question de savoir si la paix est un droit humain. L’acceptation
juridique (et justiciable) de la notion permettrait d’obtenir une définition
institutionnelle de la paix, et ceci on l’espère - progressivement
? - pour l’ensemble de l’humanité. On notera alors que les
méthodes d’application de ce droit, devront être elles-mêmes
pacifiques, ce qui suppose d’abord une prépondérance de
la prévention et ensuite des procédures qui permettent de transcender
le conflit, et cela afin qu’en connaissance de cause, il ne se reproduise
pas.
Finalement, je pense que c’est à chacune et chacun de se faire
sa définition de la paix, et de se donner les moyens pour l’appliquer.
Pour moi la paix (et son exercice courageux et continu) est donc tout simplement
une qualité humaine !
© Christophe Barbey
A) Blocher est contre l'envoi de soldats suisses armés à l'étranger.
B) Blocher, c'est la voix de l'isolationnisme égoïste.
C) Etre contre Blocher, c'est donc être pour l'ouverture.
D) Pour faire preuve d'ouverture, il faut donc être pour l'envoi de soldats suisses armés à l'étranger.
CQFD.
C'est avec, pour seule cartouche dans le barillet, ce syllogisme indigent qu'une large majorité des délégués du Parti socialiste suisse (PSS) a décidé de soutenir samedi la révision de la loi sur l'armée, laquelle sera soumise à référendum le 10 juin prochain. Blocher a joué les épouvantails. Parmi les marionnettes qui ont choisi de définir le socialisme comme le bas-relief - l'empreinte inversée - du blochérisme, figurent en tête la conseillère fédérale Ruth Dreifuss et la présidente du parti Christiane Brunner.
Heureusement, il existe quand même une forte minorité rose qui ne marche pas au pas cadencé. Samedi, 74 délégués sur 211 - des Romands pour la plupart - ont vu plus loin que la visière du képi. Nul besoin en effet d'être grand clerc pour remarquer que l'opposition pacifiste à l'envoi de soldats armés à l'étranger n'a rien de commun avec le refus des isolationnistes de l'Association pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) de Christoph Blocher. Cette dernière promeut l'égoïsme national - pourquoi nos fils iraient-ils risquer leur vie à l'étranger, soit : pour des étrangers... ?
Les pacifistes du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) s'engagent au contraire pour une générosité réaliste. Le GSsA ne s'est en effet pas contenté d'un référendum contre l'envoi de troupes armées à l'étranger. Il a également lancé une initiative "pour un service civil volontaire pour la paix". Au lieu de confier le maintien de la paix à l'armée - ce qui est quand même intrinsèquement contradictoire - le GSsA propose de multiplier les coopérations civiles à l'étranger. "La solidarité crée la sécurité", estime-t-il. A l'inverse, il tombe sous le sens que l'insécurité fait vivre les armées.
Ayant perdu sa raison d'être depuis dix ans, notre Grande Muette se cherche une nouvelle vocation. Sa survie passe aujourd'hui par l'intégration dans un dispositif militaire plus large. Bien que le Conseil fédéral s'en défende par pure stratégie politicienne, la nouvelle loi militaire aura bien pour effet de rendre l'armée suisse plus compatible avec l'OTAN. Idem pour la réforme Armée XXI, qui lui permettra d'être technologiquement intégrable dans une force multinationale.
Ensuite, des opérations de maintien de la paix à des expéditions d'imposition de la pax americana, il n'y aura plus qu'un glissement sans contrôle démocratique.
Ce jour-là, les socialistes qui ont choisi le militarisme contre le pacifisme pourront toujours se mordre les doigts.
Christoph Blocher a recommandé le non pour la votation "OUI à L'Europe". Le peuple a voté à 70% de NON et, selon le raisonnement PSS, il a fait le lit de celui-ci et serait donc blochérien. Le même a recommandé un OUI à la modification de la loi sur le travail et le peuple a voté à 65% de OUI. Ce peuple, en mêlant son vote à celui de Blocher, est donc coupable de connivence avec l'extrême droite (qui se dit du "centre"!). Blocher s'est battu pour le OUI à la loi sur le personnel de la Confédération. Le peuple l'ayant accepté à 56%, serait en fait, toujours selon le raisonnement PSS, parce qu'il est d'accord avec LUI et que donc le peuple pense comme lui et devient, par ce fait, le complice du blochérisme. Nous pouvons constater, sans ajouter plus d'exemples, les faiblesses d'une telle argumentation.
Nous avons entendu des politiciens de gauche fustiger le "pacifisme fondamentaliste" alors que le danger fondamental qu'est le "militarisme fondamentaliste" et que personne n'est venu condamner pour le moment, sévit dans toute son horreur. Entendons-nous des cris pour réclamer la fin de la militarisation de la société pour résoudre les problèmes humains ? Entendons-nous des politiciens dénoncer le recours aux armes comme étant contraire aux Conventions du Droit de l'Homme ? Entendons-nous les bonnes consciences prêtes à imposer un changement de mentalité par la loi, venir fustiger les militaristes pour leur fondamentalisme, pour leur façon de toujours penser selon les principes des rapports de forces et d'imposition de la paix en tuant les gens s'il le faut ? Ils veulent la mort des extrémistes de tout bord, alors pourquoi ne pas commencer avec le plus extrémiste de tous : le militaire ?
Mais le vrai problème est que cette mentalité, se diffusant à travers toutes les couches de la société, fera que les polices seront encore mieux armées que les soldats, encore plus militarisées que les militaires eux-mêmes et que tous les problèmes de société seront traités avec la même optique, la paix par les armes, engrenage fatal engluant ses enfants. Remarquons que l'acquisition d'armes ne peut aboutir qu'à une escalade car il y aura toujours un fou pour envisager le pire et imaginer encore plus d'armes, encore plus grosses, encore plus puissantes, encore plus meurtrières, contre lesquelles il n'y a aucune défense.
Georges Tafelmacher
GSsA/VD, OSL, Gauche en Mouvement
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