L'Armée veut "produire de la sécurité" mais contrairement à ce qu'elle pense, la sécurité ne se "produit" pas mais est créée par la participation de tous les citoyens au développement d'une mentalité permettant la construction sociale. Les militaires cherchent à la redonner un nouveau lustre en la donnant des nouvelles missions telle la protection de la société de toutes menées oppositionnelles. La sécurité est au premier rang des préoccupations des autorités et dirigeants !
Comment rendre les justifications militaires acceptables même si c'est au détriment de la Paix...
compilation : Georges Tafelmacher
Ch. Keckeis : Si nous voulons donc conserver à notre armée sa triple mission - défense nationale, missions subsidiaires (surveillance et garde de certains sites) et promotion de la paix, il faut automatiquement une armée de milice mais réduite.
MM : Mais quel est l'ennemi maintenant?
Ch.K. : Les choses sont aujourd'hui beaucoup plus complexes: bon nombre de menaces qui n'étaient pas du ressort de l'armée le sont devenues. Moi, je fais l'appréciation des risques tous les matins! Je commence par ça! Piloté par le renseignement, je reçois un bulletin de la dernière nuit: appréciation stratégique, menace terroriste, prolifération des armes de destruction massive, criminalité organisée, commerce d'armes, trafic de drogue, guerre de l'information. On demande à l'armée de couvrir entre 100 et 200 objets en Suisse qui serait théoriquement l'affaire de la police et d'autres services. Mais il n'y a que l'armée qui soit capable de rayonner et de marquer la présence par des soldats, afin de rendre beaucoup plus difficiles des actes terroristes.
MM. : L'armée se tourne donc de plus en plus vers la sécurité intérieure...
Ch.K. : Nous avons d'énormes problèmes de sécurité intérieure! Jusqu'à présent, nous n'avons pas été suffisamment efficaces. Il manque dans notre pays 1000 policiers - certains disent même 1600 - afin de produire la sécurité intérieure voulue et garantir la paix. Donc, chaque jour, l'armée engage 1000 à 1200 soldats pour la sécurité intérieure. Nous mettons également du personnel à la disposition du corps des gardes-frontières, auquel 300 hommes font défaut. Tout cela, ce sont des missions subsidiaires de l'armée...
MM. : Et si, pour ces tâches subsidiaires, on créait un équivalent des "carabinieri" en Italie ou d'une Garde civile en Espagne?
Ch.K. : Cela me fait très mal que certains trouvent ces tâches subsidiaires "pas dignes" de l'armée et qu'elles se feraient au détriment de la défense du pays. Si CNN se mettait à diffuser des images montrant une ambassade ou un consulat brûler à Genève, Berne ou Zurich, c'est toute la place financière qui en prendrait un coup! Mais il y a une sorte de rêve qui perdure en Suisse qui voudrait que le pays soit absolument en sécurité, alors qu'il ne l'est pas du tout! Et la sécurité ne tombe pas bibliquement du ciel...
MM. : Vous allez faire peur à tout le monde, là !
Ch.K. : Pas du tout! Je ne suis pas le type à faire peur. J'aimerais simplement qu'on soit conscient des réalités. Et il faut avoir l'honnêteté intellectuelle de dire que la Suisse n'est plus ce pays pépère dont certains continuent de rêver. Si les faits que moi je vois tous les jours étaient connus du citoyen suisse moyen, eh bien il aurait tout de suite la compréhension voulue pour les missions subsidiaires qui nous incombent. Il en demanderait même davantage.
MM. : Mieux vaut ces missions subsidiaires que de s'entraîner sur un talus en vue d'un type d'attaque conventionnelle qui n'aura jamais lieu?
Ch.K. : Oui. J'aurais vraiment de la peine, vous voyez, d'avoir une armée qui ne servirait à rien. Moi, je veux pouvoir regarder dans les yeux chaque citoyen et lui garantir qu'on engage l'armée pour quelque chose d'utile, et que les investissements, de plus en plus réduits, sont utilisés intelligemment! J'aimerais même faire plus.
MM. : Sur le plan de la sécurité extérieure, l'armée suisse est également en train de changer de fonction?
Ch.K. : Le Pacte de Varsovie, c'est bien fini! Dans toutes les armées européennes, la vision moderne de la politique de sécurité est tout autre: il s'agit d'éviter à tout prix les guerres, en projetant des éléments d'armées là où il le faut, là où il y a une crise qui bouillonne, et de tout mettre en oeuvre pour stabiliser une situation. Cela, c'est quelque chose que l'Europe a très bien compris.
MM. : Mais comprend-on bien cela en Suisse?
Ch.K. : Pas assez. Il est encore chez nous des gens qui refusent que nos soldats sortent de nos frontières... Au Kosovo, pourtant, il y a quarante contingents différents, donc quarante armées différentes... Elles remplissent des missions qu'on appelle infraguerrières et qui sont très éloignées des anciens schémas qui voulaient qu'une armée se jette à l'assaut contre une autre... Le chemin à suivre, selon moi, c'est bien celui-là: aller vers des armées qui, entre les mains du pouvoir politique, soient flexibles et disponibles pour des missions qui deviennent de plus en plus mixtes, avec des aspects civils, sécuritaires, humanitaires, militaires...
MM. : Autrefois, le CICR allait ramasser les morts et les blessés sur les champs de bataille, aujourd'hui le militaire et l'humanitaire deviennent complémentaires?
Ch.K. : C'est exactement ça. Il y a vraiment un choc culturel qui est en train de se faire. On ne peut plus agir dans le domaine de l'humanitaire sans l'habiller d'un module sécuritaire. Si la Suisse envoie du matériel au Darfour, il faut que celui-ci ne soit pas intercepté par des rebelles, ou revendus. C'est encore une nouvelle dimension de la politique extérieure due à l'augmentation impressionnante du nombre de demandes adressées à l'ONU, dont nous sommes membres. L'ONU commence à s'intéresser aux armées pour toutes sortes d'activités autres que celles qui caractérisaient les guerres traditionnelles.
MM. : Mais supposons que cette volonté change: peut-on un jour imaginer une armée suisse qui ressemblerait à celle de la Hollande, entièrement passée sous le contrôle de l'OTAN?
Ch.K. : Si l'on envisage que dans "x" années la Suisse fasse partie de l'Europe unie, son armée s'inscrirait sans doute encore davantage dans ce mouvement qui veut qu'on aille vers des armées ouvertes à tout type de tâches. La Hollande, que vous citez avec raison, joue un rôle exemplaire à cet égard. Le patron de ses forces armées - un ami - alimente avec ses troupes toutes sortes d'opérations de l'OTAN. C'est l'un des pays qui brille par la générosité de son déploiement, même dans des opérations lourdes et difficiles, sans que cela empêche aucunement mon ami de rester le maître de ses troupes - chose qu'on a un peu de peine à comprendre en Suisse.
MM. : Aujourd'hui, toutes les armées d'Europe ont compris cette nécessité d'oeuvrer à la sécurité par la coopération?
Ch.K. : Oui. A Bruxelles, je retrouve plusieurs fois par année mes collègues, les 46 chefs d'armées de l'Europe, et nous parlons intensément de toutes ces questions. Parce que nos problèmes sont communs, que nous avons tous le souci de la sécurité par la coopération, et que nous avons aussi tous des missions surdimensionnées par rapport aux moyens qu'on nous donne! Tous! Plus personne ne peut réussir seul.
MM. : Une intervention comme celle de la Suisse à Sumatra, avec ses Super Puma, après le tsunami, laisse penser que l'armée suisse, dans ce genre de rôle, va de plus en plus s'internationaliser?
Ch.K. : C'est l'une des dimensions! Qui fait partie des exigences de flexibilité de l'armée. La demande du HCR pour que nous apportions notre aide à Sumatra a été une chose tout à fait originale. J'avais le feu vert. Pour moi, c'est vraiment un moment historique qui m'a montré que le gouvernement a vraiment saisi ce qu'il peut faire de cette armée! Il faut aller dans cette direction.
MM. : Les armées résultent du concept d'Etat-nation. Dans un contexte de globalisation, ne s'achemine-t-on pas, en Europe, vers une dénationalisation des armées? Et qu'advient-il à terme d'une armée suisse dans une telle perspective?
Ch.K. : Pour l'instant, la Suisse est liée par sa volonté de rester un Etat neutre et de garder une armée de milice - ce qui exclut toute évolution de ce type.
Propos recueillis par Jean-François Duval
MM. N°13, 29 mars 2005
Monsieur Ch. Keckeis veut «produire de la sécurité» mais contrairement à ce qu'il pense, la sécurité ne se "produit" pas mais est créée par la participation de tous les citoyens au développement d'une mentalité permettant la construction sociale. M. Ch. Keckeis se persuade que cette mentalité peut être apportée par l'armée alors qu'elle ne peut résulter que de la volonté des individus qui composent la société de s'engager dans la construction d'une vraie paix solidaire, fraternelle, empathique et holistique.
Monsieur Ch. Keckeis répète à satiété que les principaux dangers qui nous menacent sont le terrorisme, la mafia et les armes de destructions massives. Mais les vrais problèmes qu'affronte notre société, ce sont plutôt ceux de la pollution qui empoisonne des milliers de personnes par an, de la prolifération des armes qui tuent plus que les épidémies, de l'économie néolibérale qui fragilise toute la classe ouvrière par ses délocalisations, sa spéculation boursière et immobilière, sa création de la richesse au détriment des gens et sa pub qui exerce une mainmise globale sur nos mentalités. L'armée a pour mission de protéger les nantis et leurs acquis et de maintenir l'ordre voulu par les gouvernants pris à parti par la contestation populaire et les cris des exclus de la prospérité. En donnant à l'armée la mission de promotion de la paix, les autorités ont pu bétonner leurs concepts sociaux et consolider la société de consommation et son idéologie de création de richesse.
Mais le principal danger de cette conception ubuesque de la sécurité est que les problèmes sociaux seront "résolus" selon des principes renvoyant à une "militarisation" de la société - pour stabiliser une situation de crise, on rétablit l'ordre manu-militari sans agir sur les causes de la crise soit d'une exploitation éhontée du peuple par une caste supérieure ou un pouvoir autoritaire et cynique, ou d'une emprise économique totale sur la vie publique.
Pour résoudre ces problèmes, les autorités proposent toutes sortes de mesures mais jamais celles qu'il faudrait pour effectivement promouvoir la paix, soit un changement de société, de mentalité, de valeurs, de conception de la vie, avec à la clé une valorisation des gens, un respect des individus et surtout, une compréhension du pourquoi du comment des phénomènes de la violence. Et de nous poser la question, à savoir pourquoi, malgré des années de répression policière et d'activisme militaire, cette violence continuerait à "augmenter".
Georges Tafelmacher
Qu'y a-t-il de commun entre le Groupement Suisse sans Armée et l'Association pour une Suisse indépendante et neutre, laquelle a été confortée par le résultat des élections fédérales ?
Une idéologie conservatrice, immobiliste en matière de politique étrangère. Pourtant, il y a eu la création et le développement de l'Union européenne, la chute du mur de Berlin et la décomposition du glacis soviétique en Europe centrale, la mutation de l'OTAN, la vocation affirmée de l'Organisation pour la sécurité en Europe (OSCE), dont la Suisse est membre, la reconnaissance de nouvelles menaces allant du terrorisme à la pression migratoire liée aux conflits ethniques, en passant par les risques informatiques et la criminalité financière.
Bref, comment ne pas voir, ne pas comprendre que les données ont changé, que le pacifisme militant enfermé dans le musée de la vieille lutte des classes est aussi anachronique que la foi viscérale, exclusive dans l'efficacité éternelle d'une politique isolée, de défense inspirée de schémas qui sentent la naphtaline. On ne peut qu'être effrayé par la pesanteur cérébrale des gens qui ne veulent pas voir ce qui est pourtant tellement évident.
Dans ce contexte, il y a le rôle même de l'armée. Il est bien peu lucide d'en imaginer la suppression en contestant tout simplement l'utilité. Il y a, d'ailleurs, toujours des justifications traditionnelles à son existence, dont on doit tirer une continuité politique. Un pays sans armée n'affirme pas résolument ses valeurs. Et un effort en ce sens demande un Corps de compétences qui ne s'amollisse pas. Il faut donc une armée avec un niveau de formation suffisant, un armement et un matériel adéquats préparés à la défense du territoire, même si la menace à cet égard relève aujourd'hui d'une probabilité très faible. Mais, après-demain? Or, si l'on peut changer les priorités, il ne faut pas devoir repartir de trop bas face à des lendemains qui déchanteraient en Europe. Une appréciation d'ordre politique justifie aussi la pérennité d'un élément important de milice dans l'armée. La question est, en revanche, ouverte de savoir si l'armée pourrait être englobée dans un Service national plus large.
Mais c'est la participation souhaitable de la Suisse aux efforts internationaux en faveur de la paix qui ouvre les perspectives les plus intéressantes à notre armée. Or, nos bérets jaunes en Bosnie, sous l'égide de l'OSCE, n'ont pas d'armes personnelles et leur protection dépend des autres contingents étonnés. Il en va de même avec notre Corps envoyé au Kosovo. Il est donc heureux que le Conseil fédéral propose une révision de la loi sur l'armée afin de permettre à des soldats suisses munis d'armes personnelles non pas une participation à des opérations guerrières mais une présence digne, auto-protégée, dans le cadre d'actions internationales légitimes (ONU, OSCE) de stabilisation et de paix. Il faudra, pour cela, braver l'opposition des "Neutralofanatiques" et des "Militarophobes". Il faudra un large rassemblement de forces politiques. N'oublions pas, cependant, qu'un clivage politique plus classique va, parallèlement, s'imposer à cause de l'initiative socialiste contre le budget militaire et par rapport aux nouvelles initiatives du GSsA contre l'existence même de l'armée. Toutefois, la nouveauté est bien dans ce combat politique à fronts en partie renversés sur la question de l'ouverture de la politique suisse de sécurité.
©LeTemps et Jacques-Simon Eggly
à la Rédaction du "Le Temps" Jean-Marc Béguin, Genève
Monsieur,
Nous sommes outrés par les propos émissent dans l'article de J-S. Eggly dans Le Temps d'aujourd'hui, par exemple :
À la lecture de ces jugements discriminatoires, nous nous sommes décidés à vous demander un droit de réponse.
De quelle façon M. J.S. Eggly (libéral) a-t-il pu lire et interpréter les articles de notre initiative pour la Paix moderne et progressiste pour oser nous mettre dans le même sac que l'ASIN ? Non seulement nous ne partageons pas cette idéologie mais en plus notre action est centrée sur la capacité des individus d'agir en faveur de la Paix en s'associant avec tous les autres acteurs de la vie civile.
Puisque M.J.S. Eggly a-t-il utilisé des qualificatifs renvoyant à nos capacités mentales, il nous semble que le parti libéral ayant plusieurs thèmes en commun avec l'ASIN, M. J.S. Eggly partage aussi cette "pesanteur cérébrale". Il utilise aussi des visions pessimistes suscitant la peur. Est-ce que nous traitons M. J.S. Eggly de "Militarofanatique" ou de "Paixophobe" pour autant ? Non, bien sûr... !
Une nouvelle dictature est en marche, celle de la seule vérité vraie de ce qui est "pourtant tellement évident", c'est à dire la "réalité de notre monde" telle qu'elle est assenée par ces politiciens opportunistes qui manient adroitement les peurs des lendemains qui déchanteraient en Europe pour justifier leur armée et leurs façons d'empoigner les problèmes de nos sociétés soi-disant "développées". Quant-à la "vielle lutte des classes anachroniques", elle existe encore car nous rencontrons ses adeptes en la personne de J.S. Eggly qui proclame ses "valeurs" supérieures faces aux supposés "amollissements" de notre société.
Pour finir, nous ne voyons pas du tout comment des soldats armés de F/A-18, de chars Léopard ou de FAS-91, viendront-ils à bout de la pression migratoire à moins de prôner l'armée à la frontière ; ni comment peuvent-ils réduire les risques informatiques ou la criminalité financière alors que ces activités doivent être traiter par la justice et par la société civile. L'armée n'a qu'un but: faire ou préparer la guerre et tous les autres missions qu'on veut l'affubler sont d'abord et avant tout des missions civiles, à perpétrer par des civils issus des milieux et organisations civils. On ne maintient pas la paix par la force armée, la paix se construit quotidiennement par la volonté de tout le peuple. Les "valeurs" non plus peuvent-elles être affirmées par l'armée, elles sont l'apanage et la volonté de tout un peuple solidaire.
Dans l'attente de cette parution, veuillez agréer, Monsieur, nos salutation distinguées.
Georges Tafelmacher
Monsieur le Rédacteur du "Le Courrier" Genève
Monsieur le Rédacteur,
En réponse à votre article paru dans Le Courrier du 09 janvier 2003 section Suisse page 5, je me suis permis de faire cette parodie qui exprime mieux que des longs discours, les dérapages sémantiques des officiers militaires! Tout en étant un gag, le filigrane de ce plagiat exprime un problème bien réel qu'est celui de la troublante mentalité de meneurs d'hommes qui ne voyant pas leurs propres troubles, accusent leurs subordonnés de ces troubles !
Les fragilités sont dans la mentalité des militaires et non dans les tentatives que font les recrues pour garder leurs "personnalités" malgré le matraquage de quelques officiers concernés par l'état d'une jeunesse qu'ils ont contribué à formater!! C'est l'histoire du tortionnaire qui accuse ses victimes de tout faire pour se faire torturer!!
Dans l'espoir que vous trouverez la place dans votre courrier des Lecteurs pour insérer cette lettre, veuillez agréer, Messieurs, mes salutations distinguées.
Georges Tafelmacher
objecteur, pacifiste, antimilitariste
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ci-inclus version raccourcie pour lettre de lecteur
Attention PLAGIAT - pour remettre la culasse au milieu du fusil !
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ARMÉE • Des soldats dégainent leur fusil d'assaut trop vite, ce qui serait un «signe de fragilité pour eux et pour l'armée». Va-t-on bientôt les interdire?
«Réglementer l'usage de l'école de recrues devient indispensable», disent deux officiers dans le dernier numéro de la "Bévue Militaire Suisse" en hécatombe 2002. Graphaël Reber est psychologue et collaborateur du Service psychologique et pédagogique de l'armée, et il a signé cet article avec le capitaine Monvic Ludonerat, qui a commandé quatre compagnies en 2000. Tous deux constatent la dépendance des jeunes à la vie militaire: en 2001, 82% des recrues ont terminé leur école. Certaines unités ont gardé jusqu'à 60% de leurs effectifs !!
VIVE LA PAUSE
Loin d'être une aide, l'armée serait le symptôme d'une intégration difficile dans la vie civile. La raison en est le choc qu'éprouvent de nombreux jeunes face à la vie économique: souvent tendu à un fil unique, toujours confrontés à l'autorité, éduqués à faire ce que la société leur impose, certains la vivent comme un traumatisme. L'armée devient alors un refuge, un lien rassurant avec le monde d'avant, avec la mère, le lit ou les camarades. Un "cordon ombilical", disent Reber et Ludonerat. Et cela d'autant plus facilement que l'armée a renforcé depuis 1988 l'ouverture des zones militaires, afin de répondre à une demande croissante.
PENDANT LES GARDES
Pour les deux auteurs «l'armée fait désormais l'objet d'une dépendance indiscutable qui, non seulement, fait tourner l'engagement, mais encore ravive constamment les souffrances, douleurs et angoisses liées à l'entraînement et à l'absence d'humanité». La plupart des recrues en font une drogue avec des «symptômes de sevrage (augmentation de l'agressivité, manifestations neurovégétatives) en cas de panne, de perte ou d'interdiction.»
LIMITER L'UTILISATION
Ils proposent trois mesures: d'abord «interdire impérativement aux recrues de s'accrocher à l'armée». Des heures d'utilisation seraient prévues, par exemple les repas ou les sorties. Ensuite veiller à remplir davantage les journées des soldats. Les "temps morts" sont en effet plus nombreux dans les nouvelles écoles de recrues, suite à la volonté de les "adoucir" et de laisser davantage de temps à la troupe. Ce qui provoque un ennui plus détendu. Enfin, les cadres doivent être tout proches de leurs hommes et "faire exemple d'orifice". Peut-être en prouvant qu'on peut survivre sans armée, Reber et Ludonerat ne le disent pas. Mais leur conclusion est sans équivoque : «il est temps d'agir», sans quoi la formation et la cohésion de l'armée seront une panacées. Seront-ils entendus? «Nous avons constaté que l'armée n'était pas qu'un instrument, qu'elle devenait parfois un besoin irrépressible. Certaines recrues ne peuvent pas survivre sans l'armée à toute heure du jour et de la nuit».
Dans l'énorme paquetage, les recrues sont aussi très accros au couteau suisse. Au point de créer une dépendance, s'inquiètent des officiers.
Interdire le couteau militaire? Des officiers en parlent !!!!
pour le "LE COUREUR" - FATRICE PAVRE
soutenu par - Georges Tafelmacher
«L'armée, une nécessité accompagnée d'une grande espérance: celle de n'avoir pas à s'en servir...»
Il y a quelques jours, les organes faîtiers de la Société suisse des officiers ont présenté un rapport critique sur la politique de sécurité préconisée par le Conseil fédéral pour ces prochaines années. Nous ne voulons ici ni résumer ce qu'envisagent nos plus hautes autorités, ni rappeler les griefs que leur adresse à ce propos la Société suisse des officiers.
Ce que nous désirons relever, c'est le malaise plus général et plus profond que révèle une telle confrontation.
En quoi consiste ce malaise ?
Pendant des siècles, la Confédération a été principalement une alliance militaire. Avec, sans doute, des alternances de périodes de sommeil et de temps forts, elle a duré pour une bonne part grâce aux menaces extérieures qui furent à la fois son ciment et son oxygène. Et cela jusqu'en plein coeur du XXe siècle: on sait combien l'encerclement qu'elle subit lors de la Seconde Guerre mondiale renforça sa cohésion nationale.
Parallèlement s'imposait la conviction que, chez nous, la qualité de citoyen était inséparable de celle de porteur d'arme. Le sentiment que l'armée appartient à la substance même de notre pays est encore très fort surtout dans les vieilles générations.
Mais voilà que, par la faute de Gorbatchev, le mur de Berlin est tombé en 1989; la détente s'instaurait; la redoutable URSS se désagrégeait. Du même coup, l'Union européenne, constituée d'abord de puissances essentiellement occidentales, s'étendait vers l'Est. Tous ces facteurs, et quelques autres, rendirent de plus en plus évident que la guerre devenait impossible entre les principaux Etats de notre continent.
Cette impossibilité d'une guerre entre Etats dans la plus grande partie de l'Europe, et surtout d'une guerre qui pourrait nous impliquer, voilà qui faisait disparaître les salutaires menaces séculaires et classiques justifiant l'existence de notre armée. La fin d'une peur rassurante et confortable n'allait pas tarder à provoquer, dans les milieux officiels, parmi les sociétés militaires et chez certains officiers supérieurs une perplexité qui pouvait tourner parfois à une véritable panique. Quelques-uns s'en tirèrent en posant comme un dogme que la sécurité est toujours chancelante, même dans la situation nouvelle. Beaucoup ressentirent le malaise qu'entraîne fatalement toute remise en question.
Un premier bienfait qu'elle apporte, dans une société aussi individualiste que la nôtre, est d'être plus qu'une école de discipline, une école de communauté. D'abord elle mélange dans de mêmes cantonnements des gens appartenant aux milieux sociaux les plus divers. Et puis comme il est salutaire que notre petite personne, notre sacro-saint égo soit obligé de n'être, de temps en temps, qu'un modeste élément subordonné à un ensemble.
Mais cet avantage serait un peu cher payé si l'armée n'était pas d'une utilité d'un autre ordre! Le fait qu'elle n'a plus à défendre notre territoire dans une guerre classique n'empêche pas qu'elle reste nécessaire.
D'abord, la paix entre les Etats ne signifie pas fatalement la paix à l'intérieur de ces Etats. Les contrecoups de troubles susceptibles de s'y produire pourraient requérir tout à coup l'intervention de troupes bien organisées aux effectifs supérieurs à ceux de la police. Surtout, pour des raisons évidentes, notre époque risque bien de voir se multiplier les cataclysmes réclamant l'action de l'armée.
L'armée, une nécessité accompagnée d'une grande espérance: celle de n'avoir pas à s'en servir...
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Réponse de GPT
On cherche désespérément a donné une nouvelle utilité à l'armée pour qu'elle continue à nous former, comme les anciens, aux vraies valeurs honnêtes et fidèles mais qu'en est-il ? Certes l'Europe n'en est plus à la guerre franco-allemande de 1870 (effroyable boucherie où la population de Paris a été bombardée, affamée et réduite au silence), ou à la guerre de 14-18 (encore plus effroyable par sa mécanisation et ses gaz), ni à celle de 39-45 (holocauste et la bombe atomique) mais l'industrialisation totalitaire, le commerce compétitive, la spéculation boursière nés des valeurs que nos anciens nous ont transmises qui sont la loi du plus fort, le contrôle social absolu, l'élitisme, la subordination et la soumission complète des individus censés demeurer à plat ventre devant des autorités saoules de pouvoir, ont produit des troubles d'une toute autre nature. Si pour contrer ces déboires actuels nous devons être terrassés par une armée formée à ces valeurs, nous allons continuer notre trajet sur cette terre d'une manière encore plus ensanglantée.
Certains dirigeants croient que l'être humain couve en son tréfonds la méchanceté et que seule l'armée peut nous préserver de la méchanceté absolue, notamment en voulant talocher les gens pour leur faire entendre raison! Sous prétexte de préserver la paix sociale, c'est l'armée qui est la "méchante" et qui déverse sa hargne sur tout le monde. Elle nous en donne la preuve en nous assenant ses contrevérités entendues.
L'armée a toujours tiré sa raison d'être dans une peur rassurante et confortable de l'autre et le pacifisme n'allait pas tarder à provoquer, dans les milieux officiels, parmi les sociétés militaires et chez certains officiers supérieurs, une perplexité qui pouvait tourner parfois à une véritable panique. À présent que l'homme, qui n'est ni bon ni méchant, cherche à simplement vivre sa vie d'une manière plus autonome, nous pouvons aisément constater que sa soi-disante "méchanceté" n'est que le reflet de son formatage psychosocial et des pressions inouïes hourdies sur lui pour qu'il soit conforme à l'idéale social que certain veulent lui faire endosser malgré lui avec l'aide de l'armée qui continue à vouloir imposer ses valeurs par son utilité "sociale" supposée. La société en tant que telle n'est pas mauvaise, c'est la visée de certains hommes ambitieux cherchant à manipuler les contextes et les gens pour leur enrichissement personnel et la consolidation de leur pouvoir qui rend la modernité insupportable et révoltante; ce sont ces conditions qui créent les troubles sociaux contre lesquels l'armée prétend combattre tout en tirant sa légitimité et sa justification.
Georges Tafelmacher
Sublimer l'agressivité et maîtriser la violence par l'exercice d'une coercition mesurée, c'est là que la force militaire a un rôle à jouer
Chacun de nous sait la fureur qui se dégage d'un individu qui veut vraiment se battre: lorsque l'homme devient un fauve, il peut falloir plus que des paroles apaisantes pour le calmer. Les Casques Bleus ont souvent ce rôle. La mission des militaires est de calmer, de séparer, de stabiliser, bref d'empêcher que la force brute ne torpille les démarches de paix. Ils se trouvent dans une situation totalement nouvelle pour eux: paradoxalement, la victoire existe lorsqu'ils ont pu éviter l'usage de cette force. Mais quelque fois il faut savoir aussi montrer et même peut-être utiliser soi-même la force en dernier recourt. Et cette force, définie, dosée, contrôlée, seuls les militaires en disposent.
autres textes :
Les nouveaux rôles de l'armée suisse
Le quadrant de la puissance
Et le comble serait de croire que «seuls les militaires disposeraient de la capacité et de l'organisation nécessaire pour dompter l'agressivité de l'homme et le rendre civilisé»!! Ce serait même une folie que de croire à ce genre d'affirmation aussi dépourvue de bon sens que seul un esprit pris dans une obsession militariste peut éructer !!
G.Taf
Méditons :
Tout est crainte, mystère, attirance, volupté aux premières lignes. Les premières amours qui s'emparent de l'âme ne la troublent point davantage. Le contact de l'ennemi est un contact de l'amour. La guerre crée l'hypnose et l'état second.
La proximité de la mort donne la paix à l'âme. Les instincts de vivre et de reproduire sont les instincts mineurs. L'instinct de servir est l'instinct majeur. La nature ne crée pas les héros pour vivre, mais pour servir. La nature ne commande aux êtres de vivre que pour servir. Servir est la fin ; vivre n'est que le moyen. Les hommes servent leur chef comme un dieu. Le chef nourrit, le chef fait vivre, le chef fait mourir. Changer de chef, c'est changer de dieu. Il est moins dur d'obéir que de délibérer. L'instinct de conservation est au mâle ce que la prudence est à une troupe dans une marche d'approche. Il amène vivant, à pied d'œuvre, pour le combat, sa fin dernière, l'être créé pour lutter et mourir. L'homme ne se reproduit que pour engendrer les servants de la mort et de donner des serviteurs qui continueront à servir nos désirs de mort.
La guerre est de tuer, non d'être tué. Le côtoiement de la mort est si doux, que l'homme s'invente dans les jeux de la guerre, des occasions de mourir. Aucune espèce animale n'apporte à la mort plus de frénésie que l'homme. Aucune ne s'épure ni ne s'entre-tue davantage. Chez l'animal, il n'y a que les instincts qui s'affrontent ; chez l'homme, il y a les idées. Une croyance qui diffère porte en soi un ordre de mort. Tout idéal est un prétexte à tuer.
La haine est la grande affaire de la vie. Les sages qui ne haïssent plus sont mûrs pour la stérilité et pour la mort. La figure du mâle qui combat est hideuse. Elle respire le vice et intime l'ordre de frapper. Le mâle est horrible au mâle. Il est ce qui doit être exterminé. Les peuples qui aiment la guerre sont les peuples mâles et les mâles qui fuient la guerre sont de mauvais mâles.
Les races et les mâles achètent de leur sang le droit de se perpétuer. Le mâle qui tue sauve le monde, la guerre est l'état naturel des mâles. La mort au combat est la fin naturelle des mâles. Les hommes impurs ne sont pas dignes de mourir; il est juste que les héros meurent, parce qu'ils en sont dignes.
L'amour du danger, la volupté du risque, le besoin de se confirmer dans le sentiment de sa valeur, la joie de mettre en jeu les qualités d'initiative, le plaisir de duper l'ennemi, le bonheur de lui nuire, l'ivresse de combattre, la certitude de survivre, l'orgueil de mener à bien une entreprise difficile, la jouissance d'accomplir des actions extraordinaires, l'honneur de servir, un corps sain, l'allégresse de toutes les facultés font que des hommes sont des braves.
Le héros connaît ses lâchetés, il a des jours où il n'est tenté que de vivre. Le héros veut souffrir, il en a l'orgueil. Le héros est sans passion pour la victoire. Elle met fin à sa mission. Un long triomphe couronné par la mort fait seul le héros. Le héros qui périt à son premier combat, le héros qui survit à son dernier combat, ne semblent pas tout à fait des héros. Les jours qui terminent les guerres sont des jours de deuil pour les braves.
À la guerre, il n'est pas d'homme qui tue qui ait besoin de repos. La guerre est une passion de l'âme. Il y a peu de bonheurs qui ennoblissent. Le bonheur de la lutte en est un. La nature a doué les hommes de vertus, mais ils ne les déploient qu'à la guerre. Qui n'a pas fait la guerre ne connaît pas l'homme! Médiocre dans l'existence ordinaire, l'homme est beau à la guerre, parce que ses vertus sont guerrières, parce que la nature l'a créé pour la lutte, parce que la guerre est l'état naturel des mâles. La guerre est aux hommes ce que l'eau dormante est aux cygnes : le lieu de leur beauté. Qu'il suffise de dire à un homme: «Tu mourras là», pour qu'il y meure, est une des grandeurs de la guerre. C'est la dureté de la guerre qui fait sa sainteté. La guerre assouvit le besoin de lutte qu'ont les mâles. Les hommes ne sont doux entre eux qu'à la guerre. L'inconfort, les fatigues, les privations, les jours sans feu, les nuits sans gîte, l'eau, la neige, les dangers, les blessures, la mort font la grandeur de la guerre. La guerre est le mode noble de l'activité humaine. La guerre autorise tout. L'homme est écartelé entre les devoirs dans la vie sociale. L'existence est légère à la guerre, parce que le devoir y est simple et la voie tracée. Les guerres rendent aux hommes qui l'ont perdu le sentiment religieux. La guerre veut des cœurs tout à soi. Elle prend les hommes sur une rive du Léthé, elle les plonge dans le fleuve et les fait passer sur l'autre rive. On n'entre à la guerre, comme dans un amour véritable, qu'avec un cœur neuf. La guerre tue les désirs avant de tuer les hommes. Les coeurs y sont morts à eux-mêmes.
Elle est le royaume de l'oubli. La guerre blanchit les cœurs. La guerre guérit l'âme. Tout est lointain, vu de la guerre. Femmes, parents, enfants, tout s'estompe à la guerre. L'homme qui combat n'a plus de passé. Il y a une grande paix à la guerre: c'est d'y être sans femme. Les combattants supportent mal les critiques du non-combattant. La guerre ne s'apprend qu'au combat.
La recherche du bonheur est impie.
Que m'importe que tu vives, si tu ne me sers, que tu reproduises, si tu n'engendres que des soldats de la mort !
Ma volonté est la guerre.
Je la jette dans la lice entre les mâles.
Fuis, triomphe mais ne me donne que des serviteurs qui continueront à servir mon désir.
Le bien n'est autre que moi.
René Quinton
Références:
MAXIMES SUR LA GUERRE
Physiologie pathologique
Faudrait bien que quelqu'un trouve les mots pour contrer ce délire même si cela a déjà été fait, il y a 2000 ans !!
Face à ce discours, aucune parade n'est possible car la vision de l'homme qu'exsude ce texte est inscrite dans une conception de l'homme descendant de nos très lointains ancêtres des époques où l'homme était encore un animal, certes pourvu d'intelligence mais sans cette empathie qui est le propre de l'homme évolué. Cette vision fait référence à notre cervelet reptilien primitif qui "contrôle" notre agressivité, qui valorise le "mâle", qui justifie le meurtre, l'accaparement, le viol et la rapine. L'évolution humaine ayant pris les contours d'un usage absolu de la force dans un règne des plus forts, il faudra une "contre-évolution" dans le sens d'une intelligence "d'amour" car étant trop pris dans le contexte guerrier, nous nous n'en sortirons pas avec ce que nous avons hérité . . .
Georges Tafelmacher, pacifiste
– Conserver l'arme de service à la maison permet-il vraiment de faire face à la menace terroriste, comme l'affirme le conseiller fédéral Samuel Schmid ?
– Non. Cela pourrait être un argument s'il existait véritablement un concept de réponse militaire décentralisée et spontanée à des actes de terrorisme. Mais ce concept n'existe pas et il n'est pas réaliste de laisser les gens réagir spontanément avec leurs armes suite à une attaque terroriste.
– Vous ne croyez pas à l'argument de la menace terroriste. Toutefois, vous prônez le maintien de l'arme d'ordonnance à domicile. Pourquoi ?
– Cela permet de responsabiliser le citoyen dans la défense du pays. Durant des années, malgré la présence d'armes d'ordonnance dans les foyers, la Suisse avait l'un des plus bas taux de criminalité du monde. Aujourd'hui, on constate une augmentation de la criminalité de sang et parallèlement que de moins en moins de personnes sont formées à la défense nationale. Les armes deviennent donc un mythe et les gens qui en possèdent n'ont souvent pas été formés pour les utiliser. Dans les années 70, des essais avaient été lancés en France pour enseigner le tir dans les lycées. Cela avait clairement montré une responsabilisation des jeunes.
– Vous considérez donc avant tout l'arme comme un symbole ?
– Non, c'est vraiment une question de responsabilisation. On voit le danger aux Etats-Unis où il y a une forte mythologie autour des armes. Les gens croient que s'ils en possèdent une, ils vont résoudre tous les problèmes. Mais ils ne sont pas formés et n'en mesurent pas les conséquences. Il ne faut pas oublier que la finalité des armées, c'est de discipliner la violence. Et l'arme à la maison c'est le prolongement de cette philosophie.
– Vous tirez aussi un parallèle entre armes et démocratie.
– Auparavant, les hommes qui se rendaient à la Landsgemeinde d'Appenzell portaient le sabre. La symbolique était forte: "Je prends une décision, mais je peux aussi la défendre". J'ai l'impression qu'aujourd'hui on a perdu ce sens de l'engagement. Par ailleurs, l'arme à la maison est un signe de confiance de l'Etat qui confie un tel objet au citoyen. C'est un symbole de démocratie extraordinaire.
– Mais alors pourquoi les autres Etats ne font pas la même chose ?
– Pour éviter des coups d'Etat et prévenir le crime. Par exemple en France, l'arme a été un instrument de révolution. Mais notre culture et notre histoire sont différentes. Aux Etats-Unis ceux qui défendent la libre circulation des armes citent sans cesse l'exemple de la Suisse. Mais ils oublient que chez nous ces armes sont confiées par l'Etat à des gens formés, elles ne se promènent pas dans la nature.
– Une enquête récente de l'Université de Zurich révèle que chaque jour en Suisse, une personne se suicide avec une arme à feu et que dans un cas sur deux il s'agit d'une arme militaire. Cette situation ne vous préoccupe-t-elle pas ?
– On tire sur le pianiste sans rien résoudre. Le suicide est un problème de notre société depuis près de quarante ans. Notre société de bien-être ne sait pas gérer les incertitudes. Et cette question ne va pas être réglée en conservant les armes d'ordonnance dans les arsenaux.
– Depuis quelques semaines on constate, notamment en Suisse alémanique, une mobilisation de plus en plus forte contre les armes à la maison. Cela vous inquiète ?
– On se concentre sur les effets et non sur les causes afin de se donner bonne conscience. N'oublions pas qu'il y a toujours un homme derrière une arme. Apprenons à maîtriser la violence. Cela me fait penser à ce proverbe: «Seul un guerrier peut faire la paix».
– Et les munitions, seriez-vous d'accord qu'elles restent dans les arsenaux ?
– Sur cette question, on peut effectivement discuter !
Vincent Bourquin, Berne