CONTRE l'ARMÉE
Le procès d'un Objecteur
La justice militaire a prétendu juger la conscience d'un objecteur à l'armée lors d'un procès intenté contre lui pour refus de servir le Jeudi 18 avril 1991 à 08hoo au Château de Rolle.
Situation :
Être contre l'armée était déjà considéré comme une faute grave et ne pas y aller, devenait un crime passible d'emprisonnement. En cas de refus de servir, le réfractaire était déféré devant la justice militaire; un juge instructeur le convoquait et il devait se présenter devant son aire questionnaire digne de l'inquisition et lui expliquer son cas de conscience l'empêchant de servir et le poussant à refuser l'armée. Et il fallait obtempérer sinon la gendarmerie était mandatée de venir le chercher jusque chez lui.
accusation
1990 : Georges Tafelmacher refuse d'effectuer le dernier cour de répétition auquel il est astreint dans sa vie de citoyen-soldat, qui, à l'époque, durait jusqu'à 51 ans !!
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Justification
Février 1971 : Georges Tafelmacher effectue son école de recrues et entend s'intégrer en tant que bon citoyen dans la vie sociale de son pays.
En 1977 : G. Tafelmacher est élu conseiller communal libéral à Pully où il habite et s'est établi comme restaurateur de meubles.
En 1985 : Suite à l'échec d'un référendum lancé contrer un énorme projet immobilier, il ne se représente pas aux élections à Pully mais reste actif pour la communauté dans les associations de quartier et d'entraide, engagements qu'il considère essentiel.
Voici néanmoins comment lui-même explique son évolution et les raisons qui l'ont conduit à son objection de conscience :
«J'avais à l'époque la volonté de m'astreindre aux durs entraînements que nécessite la préparation à la défense. Mais confronté à l'esprit militariste, au style autoritaire, le peu de considérations humanistes et l'absurdité du fonctionnement militaire, ses buts et ses moyens, sont nés en moi des troubles.»
La justice militaire tente de qualifier ces troubles de psychologiques, ce dont G.Tafelmacher s'est énergiquement défendu :
«Mes troubles sont le fait d'un conflit entre mon éthique humaniste, non-violente, la résolution pacifique des conflits, et l'obligation militaire qui prône l'emploi de la violence pour résoudre les différends. L'indignation face à l'obligation à la soumission non-consentie et la négation de la personne en tant qu'individu.»
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«Aux cours de répétition, j'ai senti des difficultés à m'y faire, année après année, à la vie militaire, mais face aux complications d'un refus, par faiblesse, j'ai préféré ne pas me compromettre.»
Juin 1990 : «maintenant je suis établi, fixé sur mes convictions personnelles, fort d'une éthique morale et humaniste, j'ai pris le risque de me déterminer face à la logique militaire et ses servants. Ce qui implique de refuser de faire le jeu des militaires, de dire non à l'absurde. La défense nationale est indissociable de la défense de l'individu, de son respect.»
Pour lui, le recours à la force armée signifie l'échec de la civilisation. La défense est avant tout le fait d'un développement sain de la communauté et des individus qui la composent.
Pour sa défense, Georges Tafelmacher a choisi de faire témoigner plusieurs personnes* qui lui sont proches et qui ont compris les raisons multiples de son refus de servir, qui s'inscrit dans la campagne de refus collectif de servir lancée par le Groupe pour une Suisse sans armée.
*(Paolo Gilardi, historien, membre du Groupe pour une Suisse sans armée; Michel Grenier, pasteur, fondateur du Centre Martin Luther King; Séverine Vodoz, députée, membre de Femmes pour la paix; Adriano Franscini, président d'une société de développement; Jean-Pierre Saxer, juriste;-)
ANIMATION ET CONFÉRENCE DE PRESSE-DÉCLARATION À LA SORTIE DU TRIBUNAL
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«Non à l'absurdité militaire»
Il objecte à son dernier cours de répétition
LA TRIBUNE DE GENÈVE / VENDREDI 19 AVRIL 1991 / ROLLE
C'est au bénéfice du doute que Georges Tafelmacher a été considéré comme objecteur et condamné à 20 jours de prison.
L'histoire de cet appointé de 45 ans, restaurateur de meubles à Pully, n'est pas banale. Après avoir effectué toutes ses obligations militaires, il refuse, en juin 90, de suivre son dernier cours de répétition en Landsturm. Il objecte et inscrit sa démarche dans la campagne de refus collectif de servir lancée par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA). Jugé hier à Rolle, il a été reconnu objecteur de conscience et condamné comme tel à 20 jours d'emprisonnement plus les 800 francs de frais de la cause.
Le public était particulièrement nombreux: plus de 80 personnes, la plupart mobilisées par le GSsA, ont assisté à ce procès présidé par le colonel André Viscolo (il y a eu fouille sommaire à l'entrée de la salle!). L'accusé s'est présenté en bleu de travail, le mètre dans la poche et la caméra de la télévision sur ses talons.
Pourquoi avoir manifesté son refus de servir aussi tard? L'accusé Georges Tafelmacher explique qu'année après année, il a senti des difficultés à se faire à la vie militaire, «mais face aux complications d'un refus, par faiblesse, j'ai préféré ne pas me compromettre».
Finalement fixé sur ses convictions, Georges Tafelmacher n'a pas voulu de la solution de facilité consistant à accomplir son dernier cours bouche cousue. Il a choisi de dire non «à l'absurdité du fonctionnement militaire, ainsi qu'à ses buts et à ses moyens». II s'oppose «à toute solution guerrière et meurtrière d'un conflit». Son éthique humaniste, pacifiste, est devenue totalement incompatible avec «l'obligation militaire qui prône l'emploi de la violence pour résoudre les différends». Il se dit troublé par cette situation.
En audience, l'accusé n'a fait que confirmer les opinions qu'il avait préalablement transmises aux juges par écrit. Il s'est dit écœuré par les armes et opposé aux finalités militaires. Il a aussi critiqué l'esprit militariste, l'autoritarisme forcené qui règne dans les rangs de l'armée et qui conduit à traiter autrui sans respect de son humanité.
Le capitaine Philippe Ramelet, représentant dé l'accusation, n'a vu aucun motif moral ou religieux dans l'argumentation de Georges Tafelmacher. Selon lui, son refus de servir a été dicté par des raisons politiques uniquement. Il n'y a donc pas conflit de conscience. Vu les bons antécédents de l'accusé (absolument rien à lui reprocher autant sur le plan civil que militaire), il n'a requis "qu'un mois" d'emprisonnement et l'exclusion de l'armée.
Du côté de la défense, Me Dolivo a fait preuve d'un esprit plus hautement philosophique: «Selon la loi militaire, le Tribunal doit fouiller la conscience de l'accusé pour y déceler le bien ou le mal. C'est une démarche moyenâgeuse. La conscience n'existe pas pour elle-même. Elle suppose une réflexion sur soi-même». A partir de là, il a insisté sur le fait que la décision de son client était l'aboutissement d'une longue réflexion d'ordre moral et humanitaire, et non pas un simple état d'âme passager. Il a demandé l'acquittement.
À la lecture du jugement, le Tribunal a rappelé quelles questions il avait à se poser. Est-ce un réfractaire ou un objecteur de conscience? Dans la première hypothèse, celle retenue par l'accusation, l'accusé a refusé de servir pour des motifs politiques, qui font partie du domaine du juste et du faux. Par exemple, sera réfractaire celui qui estime juste de supprimer l'armée ou d'instaurer un service civil.
Pour être reconnu objecteur de conscience, il faut vivre un grave conflit de conscience généré par des motifs religieux ou moraux qui font partie du registre du bien et du mal. Par exemple, un conflit entre l'ordre divin et l'obligation militaire. Ou le pacifisme et cette même obligation, si ce pacifisme est vécu comme une doctrine fondamentale, «quasiment comme une religion», précisera le colonel Viscolo. Et c'est à l'accusé de rendre ce grave conflit au moins vraisemblable.
Conclusion du Tribunal: vu le flou de son discours, c'est au bénéfice du doute que Georges Tafelmacher a été considéré comme objecteur de conscience et condamné comme tel.
Yves MERZ
Ce procès a été fait dans le cadre de la campagne "Refus de servir"
Les soldats contre l'armée
Campagne refus collectif de servir
1989 : année de la votation pour une "Suisse sans armée et une politique globale de paix", 36% des citoyens ayant voté (un million de personnes) se prononcent favorablement à cette idée de raison. Chez les soldats et dans la jeunesse ce sont 80% de "oui" qui se sont exprimés. Plus des deux tiers des conscrits avaient voté contre l'armée, d'après un sondage. Des officiers modernistes profitent alors de lancer une grande réforme de l'armée qui aboutira à Armée 95, le concept qui régit encore l'armée actuelle jusqu'à l'entrée en vigueur d'Armée XXI à partir de 2004.
En 1990, le GSsA lance un appel au refus collectif de servir, suite aux révélations sur l'armée secrète P26 et le service de renseignement clandestin P27. Les objecteurs de conscience devaient affronter les tribunaux en se réclamant d'un mouvement, afin d'obtenir l'introduction d'un service civil. Les tribunaux jugent néanmoins les objecteurs au cas par cas, ce qui est un semi-échec. L'auditeur en chef de l'armée Barras (l'accusateur ou procureur) propose une révision du code pénal militaire qui introduit une distinction entre "bons" objecteurs qui refusent pour des raisons de conscience et qui peuvent obtenir une condamnation à une astreinte au travail (une ébauche de service civil), et "mauvais" objecteurs, qui refusent pour raisons politiques ou de convenance personnelle et continuent à être condamnés à des peines de 8 mois de prison ferme environ. Le GSsA participe à la récolte de signatures contre cette révision, qui est néanmoins acceptée par le peuple en juin 1991. Le GSsA participe aussi activement aux mobilisations contre la guerre du Golfe.
1991 : année de la protestation active des citoyens par le refus collectif de servir la défense nationale et d'exécuter ses obligations militaires. Refuser de servir, ce n'est pas forcément "objecter". II est possible de refuser d'obéir à tous les ordres de marche comme les cours de répétition, les tirs militaires obligatoires, etc. Le plus simple est de commencer par refuser d'être recruté.
En 1991 s'ouvrent aussi les premières discussions en vue du lancement d'une deuxième initiative pour abolir l'armée, comme nous l'avions promis au soir du 26 novembre 1989.
À bas la guerre !
À bas toutes les armées !
Commençons par abolir celles qui sont parfaitement inutiles - L'armée suisse !
Les exportations d'armes représentent un gaspillage honteux au vu des problèmes des peuples et de la planète
Amnistie immédiate pour tous les objecteurs !
Pour l'institution d'un service civil d'utilité sociale d'une durée équivalente au service militaire !
Pour une Suisse sans armée et une politique globale de paix !
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N'allez pas au recrutement
Refusez d'être enrôlé à l'armée !
Lors de la Campagne GSsA "Refus de Servir", maints citoyens-soldats désirant briser le tabou de l'armée, ont dû affronter les Juges et les Tribunaux militaires et ont dû subir des procès kafkaïens où tout était prévu d'avance.
Notre pays se targue de respecter la Déclaration des Droits de l'Homme, pourtant des citoyens sont emprisonnés pour avoir refusé de servir dans l'armée. Malgré leurs motifs honorables, leurs recherches de paix et leurs désirs d'établir d'autres types de relations entre les hommes, des objecteurs de conscience ont été condamnés à passer des mois en prison par des Juges militaires nantis d'un droit absolu qui leur a été accordé par la Constitution. Certes, des assouplissements ont été octroyés dans le cadre de la Loi Barras, et le principe du Service Civil a été inscrit dans la Constitution, il n'empêche que des hommes pacifiques, ne cherchant que le bien de leurs prochains, se trouvent derrière les barreaux parce qu'ils refusent de participer à ce grand jeu de massacre qu'est l'armée. Cette situation est indigne d'un peuple civilisé: nous devons contester le pouvoir absolu de l'armée et oeuvrer à la dissolution de cette institution qui prétend résoudre les problèmes de l'homme par la force et la mise-à-mort. Les guerres, au lieu de justifier l'existence de l'armée, doivent suffisamment nous révolter pour que nous exigions son élimination et que nous recherchions la résolution des conflits par des moyens pacifiques, sans armes.
EXIGEONS L'IMPOSSIBLE...
- DEMANDONS LA SUPPRESSION DE TOUTES LES ARMÉES
- DEMANDONS L'ARRÊT DE TOUTES LES GUERRES
- DEMANDONS L'AMNISTIE POUR TOUS LES OBJECTEURS
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«Apprendre à désobéir aujourd'hui pour ne pas obéir à n'importe quel ordre demain»
E. Fromm
En prison
Une manifestation était organisée pour protester contre l'emprisonnement des objecteurs. De nombreuses personnes sont venues pour accompagner G. Tafelmacher à son entrée en prison jeudi le 4 Fév. 1993 à 18hoo Place de la Riponne (Madeleine)
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L I E N S
Ordonnance - concernant la durée du service militaire et le refus de servir
Rapport 90 du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la politique de sécurité de la Suisse du 1er octobre 1990
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Page Procès
Date de création : 27.11.2005 - Dernière modification : 11.11.2006
Par : Georges Tafelmacher ©left 2006