DISCUSSION sur le BIEN et le «MAL» soit la recherche de la raison...
...qui rend ce monde à la c-- si c-- !
Débat entre deux militants activistes :
"Gorge" - l'anarchiste humaniste et "Pristoche" - le chrétien de gauche !
propos recueillis par G.Tafelmacher
En effet, nous sommes pris dans une logique du «BIEN» contre le «MAL» de laquelle, si l'on veut s'en sortir, demande une analyse des plus serrées!
Mais je dirais, mon cher Gorge : le «mal» habite l'homme.
En effet, il faudra cesser de voir l'homme comme naissant naturellement bon. Aucune société n'a corrompu un homme naturellement bon. L'homme naît naturellement habité par le mauvais. Il ne devient bon qu'à force de repentirs, d'évolution, de reniements, de courage, d'introspection...
Je pense, en effet – et cette pensée n'a rien de rassurant – que l'homme naît mauvais. Pas entièrement mauvais, mais avec de la violence dans son inconscient. Cela dit, il dispose de beaucoup d'armes - rationnelles, et d'amour - pour contrer cette violence.
Le «mal» t'angoisse autant que moi, cher Gorge.
Qu'on attribue le «mal» à un Dieu caché derrière les galaxies ou à l'ange Satan, ou bien à l'inconscient de l'homme, le «mal» reste inacceptable, sa persistance à détruire les autres défie notre humanisme.
Et une autre question: pourquoi est-on mauvais soi-même ?
La réponse tombe comme une tautologie: parce que du «mal» habite en nous.
Le douzième commandement ne serait-il pas: connais tout le «mal» qui est en toi-même, et abstiens-toi de l'infliger à ton prochain ou à toi...
Il y a une chose que j'aimerais faire passer :
L'homme n'est ni bon ni méchant, il EST parce qu'il existe ! (L'existentialisme)
Le bipolaire «bon et mal» est un faux problème, il nous ramène à la dichotomie !
L'homme ne naît pas mauvais et il naît pas bon pour autant, il naît nu et dans son plus simple appareil...
Je refuse d'admettre que les hommes puissent naître "mauvais" car si c'était le cas, alors il y aurait longtemps que nous nous serions exterminés jusqu'au dernier des hommes !!
Et puis, surtout, cela donne aux autoritaires le pouvoir "d'éduquer" avec le bâton et cela justifie les punitions, les sanctions, etc...
Je dis moi, qu'il faut arrêter avec cette guerre du bien contre le «mal» car nous serons toujours les perdants, que nous soyons les bons ou les mauvais.
Il faut sortir du jugement "bien-mal" pour lui substituer l'analyse, la compréhension, l'introspection et rien de tout cela ne le rendra "bon". Cela le rendra à lui-même et le permettra de vivre tout simplement...
Mais cette interrogation sur le «MAL» est plus que nécessaire, elle est primordiale pour pouvoir le dépasser et faire sa vie sans cette guillotine affûtée au-dessus de nos nuques...
Je partage pleinement ce que tu dis !
Ce qui me tourmente autant que toi est l'existence du «mal». Le «mal» en tant que «mal».
D'après Jung, tant le bien que le «mal» sont dans l'inconscient.
Sur l'existentialité de l'homme, je te rejoins. Tu noteras que le "bon" et le "mauvais" n'interviennent en rien dans son existentialité. Celle-ci suppose le temps, la conscience, la finitude, l'authenticité, la mort, la relation à l'autre, mais pas de dimension morale, sauf...
Sauf le visage et la personne d'Autrui, et le respect d'Autrui.
C'est un peu tout.
Tant de questions: si peu de réponses !
Mais je reviens à ce que tu dis: nous devons questionner inlassablement en direction du «mal». Histoire de mieux le comprendre.
C'est vraiment curieux mais chaque fois qu'on essaie de parler du «MAL», on tombe complètement à côté de la plaque et on parle de tout sauf du «mal». On parle de problèmes humains ou de caractéristiques bizarres ou de choses diverses que l'on fait aux autres mais jamais du «mal» en tant que tel !!
Je ne veux pas polémiquer mais pour moi le «MAL» n'existe pas, c'est encore une invention humaine pour se cacher de la réalité de notre matérialité, de notre corps physique, de nos glandes secrètes. Nous n'arrivons pas à définir le «MAL» et chaque fois que nous essayons de le faire, nous le faisons en donnant toutes sortes d'exemples qui n'expliquent rien mais qui font croire que le «MAL» c'est la souffrance, les douleurs, les circonstances de la vie, les accidents, les manques de respect, les autres, etc. Il n'y a aucune force ou entité qui serait le «MAL» et la seule façon que nous avons trouvé pour le définir est de l'attribuer à une entité fictive que nous avons choisi d'appeler: DIABLE, Satan, Lucifer...
En réalité, le «MAL» n'a aucune existence propre, lorsqu'un chat "joue" avec la souris qu'il a attrapée, il ne fait pas le «mal», il force la souris à se vider de ses toxines pour ne pas s'intoxiquer lorsqu'il la mange! La lionne ne commet pas le «mal» lorsqu'elle chope la gazette par le cou pour l'étouffer et la tuer, elle tue de la manière la plus propre et efficace qui dépense le moins d'énergie possible! Le requin n'est pas le «mal» incarné lorsqu'il attaque un phoque, il a faim et mange, c'est tout! Si le «mal» avait une existence propre, alors ce monde serait fondé sur le «mal» car les lois de la nature sont dures et sans pitié, des milliers de créatures innocentes périssent chaque seconde par la faute à d'autres créatures plus fortes et plus puissantes. Si le «mal» existerait, alors ce monde serait un purgatoire qui n'envierait rien à l'enfer !
C'est le fait d'être conscient qui pourrait expliquer nos constantes références au «mal» et qui lui donne une existence propre. C'est nous qui attribuons le qualificatif «MAL» à tout ce qui nous déplait, ou fait peur, ou à toutes sortes actes incompréhensifs. C'est nous qui croyons que l'agressivité c'est «mal», qui pensons que souffrir c'est «mal», qui voyons le «mal» partout même dans les actes les plus anodins. As-tu remarqué que lorsqu'on demande : «qu'est-ce le mal», on nous répond toujours en disant «c'est le manque de respect des autres» ou «c'est faire du «mal» à autrui» ou «c'est une abomination que la décence réprouve» etc mais jamais une définition brute du genre: «c'est une force obscure ou un fluide noir qui pénètre tes organes et te pousse à faire le crétin»! Scientifiquement, le «mal» est indéfinissable car on ne peut ni le mesurer, ni l'analyser, ni le pénétrer comme on le ferait avec les forces de la gravitation, ou du feu ou des atomes. On ne peut le définir que par des exemples qui nous font croire que le «mal» existerait !
Je souffre depuis ma préadolescence d'une forme sévère de dépression de type maniaque et autodestructrice. Tous les actes que j'ai commis sous l'emprise de cette dépression ont été qualifiés de «MAL» par mon entourage et au début, je me suis fait sévèrement puni dans l'espoir que cela finirait par changer mes comportements. Je me suis rendu compte que la société considérait que chacun de mes actes maniaco-dépressifs était en fait le «mal» personnifié et lorsque je me défendais contre ce «mal», mes tendances autodestructrices augmentaient. Pour guérir, j'ai dû échapper à cette logique et j'ai dû appréhender mes comportements autrement qu'au travers du prisme du «mal», j'ai dû me sortir de la logique "bien-mal" pour lui substituer une vision dépourvue de dichotomie et de jugement binaire, j'ai dû analyser les phénomènes qui se produisaient malgré mes meilleures intentions de changement, d'une manière holistique où je devais prendre en considérations non seulement ce qui m'arrivait mais surtout tous les sentiments qui s'y attachaient. Bref, je ne pouvais plus attribuer le «MAL» à ce qui m'habitait !
Le seul «mal» que je reconnais est celui que je ressens lorsque mon marteau loupe le clou et écrase mon doigt mais ce «mal» là est plutôt une souffrance, une douleur, une réaction immédiate de nerfs qui me disent «ça ne va pas non !». Mais je me rends compte aussi que ce «mal» là je l'ai infligé à moi-même parce que je ne regardais pas ce que je faisais, j'avais les pensées ailleurs, mes tendances autodestructrices me rattrapaient, etc, toute chose, avoues-le, à mille lieux de ce «mal» auquel tu essaies d'y croire !
Finalement, c'est la croyance en un dieu qui amène le «MAL» et le «MAL» s'explique par le bien et c'est la définition même d'un monde bipolaire, binôme, dichotomique, diabolique, merdique...
...et je n'en veux plus...
J'écoutes avec beaucoup d'intérêt ta volonté d'expliquer le «mal» en «remontant à la racine» et de sortir du schéma bipolaire.
Je dirais: le «mal» est la chaîne de punition et culpabilité qui emprisonne l'humanité.
Dès que quelqu'un veut punir son semblable et lui infliger «une correction» ou «une raclée», il attaque de façon disproportionnée souvent un innocent, et lui inflige son humeur désagréable, ce qui ne le corrige pas et ne lui apporte rien, mais lui laisse juste un sentiment d'injustice. On lui casse la figure et c'en est fait: aucune justice.
Lorsque quelqu'un se prive de la joie de vivre, il se fait du «mal». Lorsqu'il se reproche d'exister, qu'il subit une culpabilité diffuse et sans grand fondement, il se fait du «mal».
On pourrait définir le «mal» comme ce qui ne sert à rien, et est pourtant commis par l'homme, se surajoutant à la chaîne déjà longue et pénible des souffrances. Il y a «mal» quand l'homme aurait pu très bien ne pas commettre son acte destructif, mais le commet quand même, alors qu'il n'y est poussé par aucune force majeure, impérieuse, psychique ou intrinsèque.
Un autre aspect: l'envie de détruire la vie.
Qu'est-ce que détruire ?
Quelle est l'essence de la destruction ?
Tu as bien raison, Gorge, qu'à chaque fois qu'on veut définir le «mal», on le loupe. C'est dire que soit il est très difficile à définir, soit l'être humain est incapable de dire ce que c'est.
Je vais toutefois dire: le «mal» est le jugement à l'égard de l'innocent.
Là où il y avait un jugement, et là où ce jugement était suivi d'une punition, elle-même aussi injuste que le jugement, là était le «mal».
Il est illogique de punir l'innocent. Il est méchant de détruire. Cela nous révolte, à juste titre, encore plus si l'on est touché soi-même.
Cela qui révolte, cela en personne était le «mal». Que l'auteur de l'acte révoltant fût un État ou bien un fou, cet acte restait révoltant, et cette révolte une assurance que nous ne pouvions accepter cela.
Tu déclares, cher ami, qu'au bout d'un moment tu «ne pouvais plus attribuer à ce qui (t)'habitait le mal». Bien «mal» (!) t'en aurait pris de te juger mauvais de t'avoir fait du «mal»! Bien «mal» t'en aurait pris de t'attribuer ce que tu décris comme une dépression maniaque autodestructive. Cela «était quelque part en toi», inodore, insituable. Ce n'était pas toi mais en toi.
Ce qui propage le «mal» sur le plan collectif, c'est l'idéologie de la prétendue «loi du plus fort». Elle incite – à travers nos chers néolibéraux – à poursuivre avant tout des buts égoïstes, elle justifie les abus nombreux du pouvoir économique ou bureaucratique, elle tue cet espoir de vivre «mieux», soit au-delà du «mal», et de sortir d'un état sociétal précaire. Comment les néolibéraux osent-ils tenir un discours sécuritaire alors qu'ils tuent la sécurité de l'emploi ?
Tu as raison que le «mal» n'a aucune existence. Ce qui existe, c'est la souffrance comme résultat de ce «mal» !
Ce qui existe, c'est le long cortège des plaintes que l'humanité exhale vers le ciel, résultats de ce «mal».
Mais le «mal» en lui-même est un terrible non-être: peut-être rien du tout !
C'est pourquoi Auschwitz est effrayant, d'un effroi au-delà de l'horreur.
En effet, c'était une machine à avaler les cadavres et les détruire.
Rien de réel en somme.
Rien de vivant.
Mais l'homme a eu la folie, l'énergie, le temps pour construire quelque chose comme Auschwitz. Ce fait demeure troublant. Plus nous vivons dans une peur pathologique, et plus nous serons à même de matérialiser le «mal». Autrement dit: il y aura très certainement d'autres Auschwitz. Ce n'est pas «Dieu» qui a eu l'idée des chambres à gaz! Ce sont des fous assoiffés de domination totale et de pouvoir qui se sont réunis pour planifier cela – à la tête d'un État !
La démocratie serait-elle ce qui empêche le «mal» d'arriver à la tête d'un État ?
C'est une diabolique invention que de stigmatiser, car on montre du doigt comme un criminel celui qui n'a rien fait, et ce faisant on installe le «mal», puisqu'on désigne la victime comme responsable du «mal» qu'on va lui faire. La stigmatisation est une des grandes déviations de l'homme.
Voilà pourquoi, cher Gorge, je me méfie de tous ceux qui veulent juger...
Sans les stigmatiser !
Je ne stigmatise pas ceux qui veulent juger, mais je m'en méfie.
C'est toujours mieux que d'être le juge des juges !
Je ne jouerai pas à leur jeu de juger.
On revient toujours à ce problème de base, on cherche à définir le «MAL» par ses effets mais on n'arrive jamais a lui donné une définition normale !
Mais le «MAL» n'est ni une chaîne, ni une punition, ni une culpabilité, ni un emprisonnement de l'humanité !
Car si c'était le cas, alors toute la chaîne de la justice qui puni en emprisonnant, qui enferme dans la culpabilité par des procès manichéens serait donc un «MAL» et même absolu !
La preuve absolue qu'il est impossible de donner une définition tangible au «MAL», est lorsque tu définis le «MAL» comme ce qui ne sert à rien car cela présuppose l'existence d'un non-évènement sorti de nul part ce qui contredit la chaîne des causalités qui déterminent la vie. Sachant que tout effet a une cause, que toute action a une réaction, que nos actes présents sont les conclusions d'actes antérieurs, que nous sommes aujourd'hui la conséquence de ce que nous avons vécu hier, le «MAL» tel que tu l'imagines est simplement impossible et n'arrivera jamais par les simples lois de la nature qui a horreur du vide. Tu m'assènes la preuve que le «MAL» ne peut être défini car, selon les lois de l'inconscient telles que les ont figurées Jung et Freud, si un homme commet un acte destructif qu'il aurait pu très bien ne pas commettre, alors c'est qu'il a été poussé par un force majeure, impérieuse, psychique ou intrinsèque tellement enfouie dans son inconscient, qu'il n'en est pas conscient. Or un acte commis alors que l'on n'est poussé par aucune force majeure, impérieuse, psychique ou intrinsèque est psychiquement impossible et donc non avéré !
Le «MAL» serait donc, selon toi, une entorse si grande aux lois naturelles que cela contredirait l'ordre du monde à un tel point que ce monde cesserait d'exister. Or, lorsque je regarde autour de moi, je vois des gens, des nuages, des planètes, un univers, donc ce «MAL» serait nul part donc inexistant, CQFD !
Et si tu avais raison, ce monde n'aurait pas sa raison d'être mais puisque ce monde existe, le «MAL» tel que tu le défini est une impossibilité flagrante. Le «MAL» ne peut co-exister avec le réel car il est en-dehors de la réalité !
Satan est une image pour faire comprendre le «MAL» mais Satan est une impossibilité, il n'existe pas et le «MAL» avec lui !
Si quelqu'un veut punir son semblable en lui infligeant "une correction" ou "une raclée", ou en attaquant de façon disproportionnée un innocent, ou en lui infligeant son humeur désagréable, c'est qu'il a des très gros problèmes psychiques qu'il vaut mieux soigner avec toute la panoplie des soins possibles en psychiatrie et psychanalyse car si on ne voit que le «MAL» en lui, alors là oui, on fait DU «mal» mais pas LE «MAL» !
Là est la nuance, et à ne pas confondre, avoir «mal» n'est pas être le «MAL», on peut avoir «mal» au cœur lors d'une déconvenue mais ce n'est pas LE «MAL», on peut se sentir «mal» lorsqu'on fait de la peine mais ce n'est pas le «MAL».
Mais le pire est de croire que la souffrance proviendra du «MAL», que la douleur serait le résultat du «MAL» car cela laisserait entendre que derrière toutes nos souffrances et nos douleurs, il y aura cette chose obscure et indéfinissable qui nous manipulerait presque à notre insu. Ce qui voudrait dire que si tout ce que nous éprouvons ne serait que la conséquence de ce «MAL» et que donc, puisque nous n'avons aucun contrôle sur les maux que nous allons subir (comme moi avec cette forte grippe de cet hiver), alors nous sommes totalement impuissant en face du «MAL» qui agirait sur nous comme un virus invisible et indicible! Ce qui voudrait dire, en suivant ta logique de l'être suprême, qu'il aurait créé quelque chose d'abominable et qu'il serait le «MAL» absolu !
Oui, cela signifierait que binôme binaire "dieu-diable", "bien-mal" sont une seule et même instance, et que donc, ce monde ainsi que tout l'univers ne serait qu'un immense enfer où le bien est le «MAL» et visa versa !
C'est pour cela que pour moi, le «mal» est ce que je ressens lorsque mon marteau loupe le clou et écrase mon doigt mais ce «mal» là est plutôt une souffrance, une douleur, une réaction immédiate de nerfs qui me disent «ça ne va pas non !». Mais je me rends compte aussi que ce «mal» là je l'ai infligé à moi-même parce que je ne regardais pas ce que je faisais, j'avais les pensées ailleurs, mes tendances autodestructives me rattrapaient, etc, toute chose, avoues-le, à mille lieux de ce «mal» auquel tu essaies d'y croire !
Le «mal» n'est qu'un synonyme de douleur ou de souffrance mais CERTAINEMENT pas la chose qui produirait la douleur ou la souffrance. Nous avons trop confondu les termes et cela nous amène sur des terres inconnues qui ne produisent que des souffrances, des douleurs, des guerres, des maux de toutes sortes...
Le «MAL» en tant qu'objet n'existe pas, le «mal» est psychique et peut se soigner par l'analyse et la compréhension...
Le «MAL» c'est d'abord la conséquence des souffrances que nous infligeons à autrui pour cacher nos propres souffrances que nous ne saurions ni voir ni admettre, de peur d'affronter nos faiblesses et surtout de voir les vices de nos pensées. Attribuer à un dieu mystique et mystérieux caché dans un recoin du ciel la paternité du «MAL» et croire qu'il peut y remédier est le plus sûr moyen de perpétuer le «MAL» et lui donner carrément une existence physique et métaphysique. Le libre-arbitre n'a rien à voir dans cette histoire car il n'est effectif que si l'on est un tant soit peu conscient et en contrôle de ses actions, sinon ce n'est qu'illusion et autosuggestion. Le Kapo n'avait aucun libre-arbitre, il ne faisait que son devoir, devoir envers un pouvoir qui s'est substitué à sa conscience, conscience qu'il a tu en s'investissant entièrement dans la logique totale du système qui lui servait de support et de consolidation à son être dissout et dépourvu de consistance. Lis donc les minutes du procès de Eichmann, elles sont significatives car elles montrent qu'Eichmann n'avait aucune conscience d'avoir fait le «MAL», il se contentait de «faire le boulot qu'on lui demandait» et cela avec une efficacité toute teutonique. Pour lui, le «MAL» était ces «sous-hommes» (selon la terminologie de l'époque couramment acceptée même par d'autres peuples, notamment les français) qui salissaient la pureté de sa propre race et l'élégance de ses hautes valeurs, qui avilissaient ses nobles intentions et qui méritaient finalement le sort qu'il les promettait. Pour lui, éliminer ces gens équivalait à se débarrasser d'une vermine dangereuse pour la survie de sa race qu'il croyait supérieure. Cet exemple devrait te montrer que le «MAL» est par trop subjectif et ne peut être considéré comme une instance réaliste sur lequel on pourrait agir. Au contraire, le plus que tu veux lutter contre le «MAL», le plus que tu propages le «MAL» en lui donnant corps et substance. Le «mal» devrait rester la réaction à la douleur et non la douleur elle-même. D'ailleurs, la confusion et l'équivalence entre "mal" et "douleur" est très significative et mérite à elle seule une étude scientifique !
Bien...
Je ne prétends pas, Dieu merci, je ne prétendrai jamais donner une bonne définition de ce qu'est le «mal», ni même une définition tout court.
Cela dit, je partage ton sentiment que le «mal» gagne à être défini.
Et par un certain paradoxe, l'entreprise restera souvent assez vaine.
Je reçois toutes tes objections de ton discours, forcément !
L'une des principales, serait que le «mal» a bien lieu dans ce monde, et qu'il ne peut être un non-être. Je vais m'expliquer sur ce dernier point. Le «mal» n'est pas une chose qui est, ou une chose qui est fabriquée; le «mal» n'est pas l'artisan, ni le produit des mains de l'artisan; le «mal» est un acte qui vise une destruction de quelque chose qui est déjà. C'est pourquoi je me suis permis de dire qu'il était "un non-être", c'est-à-dire qu'il n'est ni une chose – un étant, un homme – ni un produit de notre activité, mais une volonté destructrice. Ce qui était avant son intervention, le «mal» veut faire en sorte que cela ne soit plus; et comme il n'y arrive pas, il veut faire en sorte que cela soit moins.
Ainsi les riches dans leur tentative de retirer encore plus de pouvoir et de droits à la classe moyenne, dans leur folie d'affaiblir les autres citoyens, la majorité. Ainsi les harceleurs qui veulent rendre patraques leur victimes qui, effectivement, sont si atteintes qu'il leur faut parfois des années sur le plan psychologique pour se remettre. Ainsi le totalitarisme stalinien, qui voulait déplacer des populations entières et les anéantir en les déportant dans des goulags où les conditions de vie étaient si intenables que les gens mouraient. Ainsi le violeur qui veut, non faire l'amour à une femme, mais la détruire, car il sait que pénétrer aussi vite de façon aussi imprévue dans l'intimité d'une femme lui laissera des séquelles pour la vie, et il veut autant la briser que se satisfaire. Ainsi les nazis, pour terminer, qui inventèrent cet «orgue du néant» que sont les chambres à gaz, où il y avait, artificiellement créé, un moyen de tuer des êtres pourtant bien en vie et de tout âge, les femmes, les enfants, les vieillards, tous, confondus dans une monstrueuse négation de la vie – abréger leur vie abruptement, alors qu'ils avaient devant eux des jours sereins et lumineux, et que même le pire criminel n'aurait pas mérité de voir sa vie abrégée de la sorte.
Là où tu as raison, cher Gorge, c'est qu'il n'existe pas de vide absolu – seulement une absence, laquelle l'homme s'efforce de combler, jusqu'où il peut du moins. Donc dans l'inconscient, si je te suis, il existe aussi ce fameux thanatos, que le Freud tardif a bien voulu voir, non sans pessimisme, concevant que bien des actes humains ne pouvaient être attribués ni à la pulsion sexuelle ni à la pulsion d'autoconservation, et qu'il fallait concevoir quelque chose comme une pulsion de mort, ou pulsion destructrice. Tant certains actes n'ont aucune signification au sens de la vie, et doivent venir d'un désir inconscient qui va dans le sens de nier la vie. Ainsi l'homme se vit-il attribuer par Freud une moitié inconsciente destructrice.
Voilà bien ta «force majeure, impérieuse, psychique ou intrinsèque».
Je ne dis pas que le «mal» commis par l'homme soit une entorse aux lois naturelles. Mais je dis qu'il ne produit pas de la vie, et qu'il amène souvent des désastres qui ne vont pas dans le sens de la croissance du vivant. Je ne dis pas qu'il soit sans nécessité! Mais parfois, quand je vois des relevés de crimes, je me pose des questions.
Lorsqu'une bande de jeunes se défoulent en tuant un innocent qu'ils lynchent, est-ce qu'ils contribuent à l'accroissement des forces vitales humaines et à la nature? Lorsque des avions bombardent par erreur un village d'innocents et tuent quarante civils, est-ce qu'ils apportent quelque chose? Quand un kamikaze se fait exploser dans un hôpital, endroit choisi avec mauvais goût et cruauté, et tue quarante personnes, a-t-il contribué au dessein de la nature? Quand un harceleur pousse au suicide un collègue sur qui il projetait, et que le suicide est consommé, cela était-il indispensable? Quand un criminel enlève cinq enfants et les tue après les avoir violés, devons-nous voir une ruse de la nature derrière ces actes? Je mêle volontairement, mon cher Gorge, les crimes individuels et les crimes collectifs. Quand des officiers commandent des soldats qui mitraillent devant une fosse une centaine de civils, même plusieurs centaines, où est la raison? Lorsque des déportés entraient pour s'entasser dans les chambres à gaz et y mouraient comme des mouches, était-on en face d'un juste dessein de la nature – lequel? – ou bien d'une aberration ?
«Derrière toutes nos douleurs», il y a beaucoup de causes. Mais parmi bien des douleurs, on peut distinguer une petite partie qui nous viennent d'actes mauvais. Pas toutes.
C'est bien la tragédie du cancer, qui fait souffrir horriblement un individu et le tue – mais n'est pas imputable à qui que ce soit sauf aux cellules cancéreuses ou à Dieu. Mais la question du «mal» métaphysique semble à ce degré insoluble. Il n'y a tout simplement pas d'explication rassurante ou convaincante face à une mort de cancer, c'est toujours une injustice révoltante que doit endurer un innocent.
Je dirais, tout cher ami, que lorsque tu tapes ton doigt avec ton marteau, tu es face à la souffrance. Mais si tu laissais ton doigt passer sous une scie circulaire, tu commettrais une mutilation irrémédiable, et là, ce serait peut-être du «mal».
Cela dit, on ne peut pas exclure que lorsque tu te tapes sur le doigt, tu sois rattrapé par des pulsions autodestructrices. Ce que nous avons coutume d'appeler «du» «mal» – ou «le» «mal», substantivé – va depuis le coup de marteau aventureux et son «ouïe!» en retour, jusqu'à Auschwitz Birkenau et sa symphonie de douleurs si énorme que nul mémorial et nulle œuvre d'art ne saurait la redire.
Le «mal» a un caractère irréversible.
Les victimes de la Shoah sont irréversiblement passées dans l'horreur des chambres à gaz et dans les flammes des crématoires. Les victimes de bien des tueries collectives sont mortes de faim, de froid, ou mortes sous les coups, ou mortes de leurs conditions de détention. À une échelle bien moindre, la victime de harcèlement est atteinte, mais peut se remettre, notamment si une réparation lui est reconnue. Cependant la victime de viol est marquée toute sa vie. Il y a volonté d'ôter de l'être à ce qui a de l'être dans l'acte mauvais.
Si chacun naît doué d'un certain nombre de qualités, alors reconnaissons que l'acte mauvais réside dans la tentative vaine d'ôter à l'être tout l'être qui lui est déjà.
À son paroxysme, il s'agit même d'ôter la vie à celui qui l'a, ou de se l'ôter à soi: tentative toujours vaine et peu convaincante finalement pour son auteur et les témoins – de supprimer ce qui est. Or nous devons tous vivre avec le poids de la réalité de ce qui est. Chacun doit accepter que si quelqu'un qu'il n'aime pas existe, il suffira de vivre loin de lui, que si un souvenir horrible l'habite, il faudra juste le «mâcher» psychiquement mais que sa totale disparition ne se pourra, que si un parti politique défend des idées qui lui sont antipathiques, on ne pourra que le battre aux élections ou attirer à soi son électorat.
Tu as raison de voir dans le «mal» une sourde tendance inconsciente à aller dans un sens dangereux.
Tu dis: le «mal» est psychique. En effet, mais il est parfois devenu politique. Exemple: la Shoah. Si un petit cercle de fous étaient gênés par l'existence des Juifs, obsédé par la focalisation – haineuse – sur eux, ils ont donné un destin politique à leur folie et à leur «mal» «psychique» – l'antisémitisme, le besoin de bouc émissaire – en construisant de toutes pièces et en mettant sur pied un système qui n'avait pour finalité que le «mal», et l'extermination de ces gens si dérangeants parce qu'ils existaient – et là, en les gazant et en les brûlant, les criminels nazis ont assouvi jusqu'au bout leur pulsion d'ôter l'être à des gens qui ne pouvaient pas ne pas être là, c'est donc une folie déraisonnable que d'avoir voulu supprimer ceux qui ne pouvaient pas ne pas être. Les auraient-ils éloignés sur une île déserte ou simplement confinés dans un ghetto, ils n'auraient pu les faire disparaître: il fallait donc aller jusqu'à la chambre à gaz, folie unique dans l'histoire des hommes, il fallait que tout le peuple juif ressorte par la fumée du crématoire. Voici une pure création politique – qui avait pour finalité le «mal».
De même, l'association des cupides – non plus le club des antisémites – mais la réunion de tous les cupides, a donné le bizarre «mal» politique néolibéral: désormais la société est entrée aux ordres des néolibéraux et non plus au service des droits de chacun, et il a fallu mettre au chômage des milliers et des milliers d'innocents juste pour pouvoir satisfaire la soif de gain et la cupidité de certains grands néolibéraux, il a fallu appauvrir toute la population pour que l'argent aille vers ceux qui en avaient le plus soif, il a fallu priver de reconnaissance sociale et d'emploi nombre d'innocents, il a fallu même chasser les étrangers pauvres car ainsi les citoyens feraient l'amalgame entre pauvres et étrangers et ne verraient pas que cette chasse cupide vise non pas les étrangers mais tous les citoyens et eux les premiers, il a fallu distendre le lien social pour que chacun croie «avoir sa part» de l'égoïsme infini mais non illimité de la petite bande de malades psychiques néolibéraux.
Arrêter les chambres à gaz était aussi difficile à l'époque que mettre fin aux bonus et taxer les salaires exorbitant l'est en 2010. L'usurpation, la violence d'un petit nombre, l'imposture ont la vie longue. Peut-être les gens veulent-ils mijoter dans une vision très humaine, trop humaine du politique, et leur est-il difficile d'accepter que la loi n'est pas la soif d'un petit nombre mais que la loi est la loi, tout simplement – la justice, au-delà de la réalité et de ses injustices.
Ou encore, peut-être cela: que l'imposture et le crime qui se parent de la légalité, semblent tellement faire partie de la structure sociale et sont tellement bien pensants, qu'il faut beaucoup de sens critique pour y voir la réalité du «mal». Ainsi mon cher Gorge, n'y a-t-il rien de plus moralisateurs et insupportables que les harceleurs, qui n'ont jamais commis les actes mauvais qui leur vaudrait la prison, mais accusent toujours leurs victimes de leurs propres intentions. C'est peu ou prou aussi ce que fait la droite dite «dure» lorsqu'elle stigmatise les pauvres, les réfugiés, les jeunes, et se contente d'un discours moralisateurs, alors qu'il nous faut un discours de justice et non pas un discours qui se limite à montrer du doigt.
Je suis d'accord avec ce que tu dis d'Eichmann. Arendt a bien expliqué qu'il ne "pensait pas".
Quant à dépeindre le «mal» et son essence comme «la conséquence des souffrances que nous infligeons à autrui pour cacher nos propres souffrances que nous ne saurions ni voir ni admettre, de peur d'affronter nos faiblesses ni surtout de voir les vices de nos pensées», je ne sais pas.
Le «mal», c'est aussi le mépris de celui qu'on se sent habilité à ne plus traiter pour lui-même. À ne plus respecter comme Autrui.
Le «mal», il faut bien le dire, est commis par l'homme. Le «mal», il faut le remarquer, ce sont des systèmes mauvais qui y encouragent, car alors l'individu ne fait plus le «mal» mais il a l'impression d'obéir au lieu d'être seul face à l'examen de ses responsabilités, examen qui le ferait flancher, car il se dirait: comment puis-je faire ça ?
La "pureté de la race" n'existe pas plus que la "pureté de la race de travailleurs" ou la "bravoure de Stakanov", mais à chaque fois on veut créer un mensonge qui permet de décider ARBITRAIREMENT qui fait partie de la pureté de la race et qui n'en fait pas partie. Les juifs, les chômeurs, les noirs, les dissidents, tout cela constitue un cortège émouvant d'individus déchus de leurs droits pour avoir manifesté qu'ils ne rentraient pas trop dans cette tentative d'uniformiser.
Le «mal» serait-il la volonté de réduire l'homme à un dénominateur commun ?
Mon cher Gorge, si je vois un «mal» dangereux, c'est bien celui de créer une société où chacun deviendrait semblable, et où ce serait l'uniformisation et non pas la coexistence pacifique qui amènerait le "lien" social – lien qui serait alors ténu. Je ne sais pas si «j'essaie de croire» au «mal».
Je dois bien reconnaître parmi l'ensemble des faits humains, un certain nombre d'horreurs qui se produisent et dont on ne parle pas tellement. Qu'on cherche à étouffer. À minimiser. Je ne sais pas si «mal» est le terme approprié – et tu noteras qu'il est encore modeste devant le concept de «mal absolu» étudié par la tradition philosophique. Nous pourrions tout aussi bien parler de «violence» ou »d'injustice», et nous resterions dans le vrai. Un «vrai» bien difficile à cerner et à comprendre !
Il faut distinguer le «mal» et la douleur !
Tout «mal» est douloureux, mais toute douleur ne vient pas du «mal» !
Le «mal» est lié à l'injustice inacceptable, à la destruction – tentée et avortée – d'une personne.
Le «mal» tente d'ôter l'être à ce qui ne peut pas se faire ôter l'être. Tu l'as dit très justement: la nature a horreur du vide. Donc «vider» quelqu'un, le rendre inexistant, c'est impossible! Faire une blessure: la blessure se referme. Ôter un bras: cela laisse une béance. Faire disparaître un innocent: cela laisse un vide, vide qui marque que cette disparition n'allait pas de soi.
C'est ainsi que le meurtre, à échelle individuelle, et la guerre et la déportation, à échelle collective, sont des évènements qui nous mettent sur la piste du ««mal»».
Ce n'est pas un besoin de l'humanité d'exterminer des peuples, et il n'y a aucune justification «naturelle» au fait de tuer son semblable.
Je suis d'accord avec toi que «le «mal» en tant qu'objet n'existe pas». Il existe en tant que cause de souffrances qui ne sont pas naturelles. Il existe en tant qu'actes à valeur destructive.
Peut-être est-il profitable à celui qui détruit de tuer quarante personnes, mais force est encore de reconnaître, mon cher Gorge, que ce n'est pas vital. Si tout le monde qui a de la rage tuait, y compris des coquins qui mériteraient de l'être, l'humanité serait un carnage permanent.
Le «mal» existe, comme réalité, dans l'inconscient humain.
C'est donc cette réalité-là, le thanatos, qu'il nous faut sonder.
Et à travers les chambres à gaz, à travers l'économie de marché extrême et sans humanité, il faut voir la manifestation de tendances humaines qui écrasent très gravement les droits d'autres humains.
Qu'est-ce donc que ce «mal» qui est à l'intérieur de notre inconscient ?
Voir sa projection sur autrui - en lui faisant du «mal» – ne fait que reporter le problème :
Qu'est-ce que le «mal», tel qu'il bout à l'intérieur de celui qui tout à l'heure commettra un meurtre ou un génocide ?
Si nous supprimons la dualité bien-mal, il reste alors la dualité éros-thanatos, vie-destruction.
Qu'en faisons-nous ?
Nous pouvons constater que ce n'est pas une dualité, et les envisager sans les polariser de manière simpliste.
Qu'est-ce donc que le «mal» qui, tapi dans notre inconscient, se lève comme un voleur de nuit et vient comme un brigand nous frapper à l'entrée du sommeil ?
Je t'escorte attentivement dans notre petite recherche de signification !
Il ne reste pas moins que cette histoire du «MAL» telle que tu la présentes est liée à un manichéisme sanctionnant où la seule possibilité d'action suite à une manifestation avérée de ces évènements que tu qualifies de «MAL» serait la punition divine !
Nous tombons donc sans cesse dans le binôme binaire dieu-diable, bien-mal qui n'explique rien non plus !
Certes l'holocauste est horrible, certes nous pouvons dire que c'est le «MAL» mais cela ne nous avance pas pour autant car la tentation reste de vouloir condamner et punir les auteurs de ces atrocités et de nous éloigner de la nécessaire compréhension que nous devons avoir pour dépasser ces évènements.
Or qu'est-ce qu'il y a derrière ces actes ?
Pourquoi les commet-on ?
Quel est l'état d'esprit de celui qui les commet ?
Là où je veux en venir, c'est qu'il ne suffit plus simplement de désigner le «MAL» pour répondre à ces questions et ne plus tomber sous la coupe du «MAL». D'abord parce que chacun a sa façon de concevoir le «MAL» : pour les uns, ils sont persuadés d'éradiquer le «MAL» en développant l'économie et le progrès technologique, pour les autres le «MAL» réside précisément dans la fuite en avant technologique. Pour d'autres encore, c'est la destruction du vivant alors que le vivant meurt tous les jours naturellement dans des tremblements de terre, sous des volcans et des tempêtes. Il y en a même qui pensent que le politiquement correct, la gauche revendicatrice, le peuple dans la rue, c'est «MAL» !
Le «MAL» semble être toujours l'autre parce qu'il n'est pas comme on le voudrait !
Mais il y a une chose dont je suis sûr à présent: la description des comportements que l'on qualifie de «MAL», relève plutôt de problèmes psychiques graves, où le développement foiré, le fonctionnements aberrants de nos cellules grises, soit une crise aigue amenée par des tensions intérieures, en sont les compositions majeures. Chaque fois que l'on désigne par le «MAL» ces divers comportements, on pose les prémisses d'une guerre ou de ripostes saignantes. Tout le problème est là: qualifier ces comportements de «MAL», équivaut à les juger et à condamner leurs auteurs aux pires tourments pour qu'ils expient leurs fautes. Si quelqu'un tue quelqu'un, la sanction de l'exécuter est un meurtre et on ne fait que répéter le «MAL» et mettre tout le monde au même niveau de «MAL». Mais si on se donne la peine d'analyser cette personne, on découvre qu'elle était dans un état psychique où tous ses repères ont été cassés, toute sa conscience modifiée, toute sa perception traumatisée, qu'elle se sentait au fond d'un puits si profond qu'elle a sombré dans l'illusion que sa seule lumière et délivrance était l'élimination de l'autre. Cet état ne peut être désigné de «MAL» car on commettra sur cette personne le crime du jugement et par ce jugement, elle doit être puni de sa faute en étant pendu. Le «MAL» a-t-il été chassé pour autant ?
Non, il sera d'autant plus présent qu'il aura pris une figure concrète! Pour moi, le «MAL» c'est le fait même de désigner ou distinguer le «MAL» !
L'autre chose dont je suis convaincu, c'est que la pulsion de mort, ou la pulsion destructrice, n'est pas le «MAL» par rapport à la vie qui serait le bien. La pulsion destructrice n'est pas le contraire de la vie, c'est l'énergie qui n'a pas pu s'exprimer autrement car traumatisée par des relations aberrantes et comme l'énergie s'exprimera par tous les moyens quelques soient les traumatismes, elle le fera d'une manière autodestructive si la personne est inhibée ou introvertie et destructrice pour les autres si la personne est extravertie.
Si c'étaient les douleurs qui amènent les actes mauvais ?
Bien des gens souffrant de douleurs, en viennent aux actes mauvais pour se soulager et faire payer leur entourage pour leurs souffrances. Sont-ils le «MAL» incarné pour autant ou ne sont-ils pas pris dans la logique de la douleur qui amène la douleur ?
On doit comprendre sans jugement, sans tout ramener à la faute et distinguer le «MAL» ne nous aide pas à le faire. Au contraire, il semblerait que le plus que nous pointons le «MAL», le plus qu'il se réalise. En fait, nous pouvons dire que le «MAL» se nourrit de la reconnaissance que nous lui portons et en lui donnant corps, nous accentuons ses effets et il finit par se personnifier en Satan lui-même et cela raffermit toute la croyance en son existence! Pour conclure, le «MAL» serait donc la désignation du «MAL» sans chercher à comprendre le phénomène des comportements aberrants et destructifs et dès que nous aurions acquis un niveau de compréhension bénéfique, le «MAL» cesserait d'être le «MAL» pour devenir simplement d'autant de symptômes de graves turbulences psychiques, donc guérissables...
Cela n'est-il pas autrement plus positif que cette chasse meurtrière du «MAL» qui nous amène à commettre le «MAL» et même à le devenir ?
Depuis que nous avons entamé cette discussion sur le «MAL», j'ai été frappé de constater le nombre de fois considérable que ce mot est utilisé jour après jour dans les médias et dans les conversations, d'entendre comment dans toutes les situations que l'on désigne par ce mot, on apporte des réponses punitives censées chercher à porter un coup fatal au «MAL» et le prévenir. Il y a un problème avec le hors-piste, pouahh, on dit que c'est «MAL» et on gendarme les pistes et on sanctionne, on punit, on amende! Les incivilités augmentent, paf, on dit que c'est «MAL» et on envoie les auteurs devant le juge qui les punira par la prison! Les automobilistes conduisent trop vite, grrrr, on les fait la morale et on confisque leur permis! Chose bizarre, lorsqu'un patron met 500 travailleurs à la porte pour augmenter ses bénéfices, personne ne dit que c'est «MAL» mais que c'est l'économie ma foi! C'est la preuve de la subjectivité du «MAL» et que sa désignation sert à maintenir les gens dans un état d'inquiétude propice à les obliger au bien, le bien étant tout ce qui profite au pouvoir !
En vérité, dans ce monde tel qu'il nous a été légué par la tradition du «MAL», nous n'avons rien à espéré car comme le serpent qui se mort la queue, le plus que nous voyons le «MAL», le plus qu'il sera présent et dirigera nos vies à nos dépends. Si nous observons ce qui se passe de nos jours à la lumière du «MAL», alors absolument tout est «MAL», tous nos faits et gestes sont le summum du «MAL», tels la pollution, l'industrialisation, l'exploitation des richesses, l'enfermement des gens dans des villes technologiques. La seule façon de s'en sortir, serait de ne plus parler de «MAL», de ne plus le désigner et de commencer à poser les problèmes de tel sort que la réponse serait la construction d'un possible vivable. Dès que l'on désigne par le «MAL» la cupidité ou l'orgueil, la haine ou la lâcheté, le vol ou le mensonge, les disputes ou l'exclusion, nous sombrons dans l'empire du «MAL» et son expiation de la faute. Le «MAL» existe seulement parce que nous avons attaché aux problèmes humains un regard sans empathie, sans considérations humaines, sans compréhension, rempli de jugement et de soif de punition, soit l'expression même du «MAL».
Le philosophe André Comte-Sponville a dit: «Le «MAL» c'est porter atteinte à l'humanité. Il est en nous chaque fois que nous nous préférons à tout le reste». Mais d'appeler cela le «MAL» tout simplement, c'est porter atteinte à l'intelligence de l'homme, c'est de lui enlever la possibilité d'être humain, c'est l'empêcher de se corriger. Si le «MAL» c'est ce qui porte atteinte à l'autre, à son bien-être, à sa liberté, à sa dignité, si le «MAL» c'est ne pas venir en aide à l'autre, ne pas l'accepter, ne pas lui faire du bien quand on en a la capacité, si faire le «MAL» c'est de ne pas faire le bien quand on le peut, alors il n'y aurait aucun espoir d'y remédier car le «MAL» règnerait en maître sur cette planète puisque à l'origine de notre société, soit la richesse, le pouvoir et la domination, c'est justement ce non-respect des hommes. Si on fait de ces comportements des fautes, alors on condamne les hommes à perpétuer le «MAL» et à devenir la personnification même du «MAL». Si on pense en terme du «MAL» et avoir le «MAL» en horreur en s'attachant fortement au bien, alors on ne peut pas avoir «...plein d'affection les uns envers les autres...» et on ne peut pas «...exercer de l'hospitalité... bénir ceux qui nous persécutent... nous réjouir avec ceux qui se réjouissent, pleurer avec ceux qui pleurent... et aspirer à ce qui est élevé...» (Epître de Paul aux Romains, ch. 12). Mais si on ose le pari de ne plus penser en terme de faute et de sanction, de bêtise et de punition, de «MAL» et de bien, si on ose regarder ces comportements comme tant de signes d'un mal-être existentiel, de problèmes psychologiques, alors on pourra donner à l'être son plein pouvoir de guérison et l'aider à son renouveau.
La chrétienté nous a fait tomber dans l'illusion que le «MAL» est en nous et qu'il est propre à l'homme, que nous l'avons choisi en tant que tel par notre volonté. On nous a fait croire que délibérément, consciemment ou pas, nous seuls choisissons ce qui n'est pas bien, ce qui blesse, attriste, entraîne l'autre dans des situations qui lui sont néfastes. On nous a convaincu que cette tare que nous ne voulons pas nommer, que nous plaquons sur l'autre, qui nous ronge de remords et de culpabilité et qui est en chacun de nous est le «MAL» et qu'il faut bien l'avouer. On nous a même persuadé, nous qui n'avons jamais pensé au pire et de penser «MAL», que nous aurions en nous la capacité du violeur, du meurtrier, du tortionnaire, du traître et qu'il en faut tellement peu pour réveiller ce «MAL» en chacun alors même qu'on se croyait "civilisé" car nous serions menteurs, voleurs, lâches sans le savoir. Mais de poser ainsi le «MAL» nous empêche de résoudre les problèmes car chaque fois que nous essayons de comprendre les raisons de ces comportements du «MAL», on nous accuse que de chercher la faute à l'insécurité, à une menace, aux idées toutes faites, à la certitude d'avoir raison, à une meilleure situation à acquérir, soit éluder sa culpabilité et ne pas voir la réalité du «MAL».
Allé, j'espère que cette fois tu comprendras mieux mon point de vue qui n'est pas facile à assimiler car trop éloigné du dogme courant !!
Tu relèves très justement: lorsqu'il y a des licenciements collectifs, personne ne dit que c'est «mal».
Et j'aurais ajouté: quand il y a des mobbings, quand il y a aussi des viols, quand on brutalise une femme ou un étranger.
Alors se pose la question: est-ce que chaque époque ne tolère pas une forme de «mal» qui lui est contemporaine ?
Tu l'as dit: pourquoi est-ce que la violence économique est acceptée – ou pour être beaucoup dénoncée, elle est peu combattue ?
C'est probablement que l'homme est irrationnel: il sacralise ceci ou cela, et ce qui est sacré – superstitieusement – ne peut pas être mauvais.
Ainsi l'économie est-elle sacrée: le patron est toujours bon même quand il est mauvais.
En plus, il y a ceci: s'il y avait un licenciement collectif, on hurlerait au scandale. Mais quand une violence a été répétée maintes fois, on crie à l'habitude et on ne crie plus. Le licenciement collectif est entré dans les mœurs, bien qu'il reste un absolu scandale.
Je suis d'accord avec ton désir de faire sortir le jugement – la stigmatisation, elle aussi fascinée par le «mal» – de la sphère du «mal».
Bien d'accord avec toi.
Ensuite, il reste philosophiquement que nous devrions pouvoir définir alors la violence – et non le «mal» - et poser la question si urgente pour l'humanité: comment souffrir moins – collectivement? Comment faire qu'il y ait moins d'injustices ?
Si tu ne veux pas employer le terme «mal», il reste: injustice, violence.
Nous nous accordons tous à dire que l'homme doit souffrir moins, et que si la douleur physique ne peut être éradiquée que lentement par la médecine, la douleur physique et psychique due aux actions humaines doit baisser, qu'il serait souhaitable qu'elle soit évitée.
Nous pouvons reposer les mêmes problèmes en évitant de parler de "mal".
En outre, ton explication ne dit rien sur le libre arbitre...
J'ai déjà donné mon explication sur le libre arbitre où je disais en gros que le libre arbitre n'est possible que si l'on est :
- libre
- autonome
- conscient
- responsable
- imprégné d'amour, de respect, de compréhension et de paix
- holistique, chaman, voyant, sensible, empathique, etc
- capable de raisonner intelligemment, de calculer juste, de voir le fond des choses
On n'a pas le libre arbitre si :
- on vit une situation foireuse où la domination de l'autre est absolue
- la vie est conditionnée par des éléments hors de son contrôle
- on est la marionnette de service, le consommateur formaté, l'automobiliste bouchonné, l'auditeur programmé...
- la société dans laquelle on vit est dirigée par des ploutocrates névrosés qui voient le «mal» partout et s'arment pour s'en défendre...
Tant que la société est ce qu'elle est alors le libre arbitre n'est qu'une contrainte de plus pour garder les gens dans le droit chemin et s'assurer qu'ils respectent la loi binôme du bien et du «mal» et fassent "le bon choix" !
C'est le truc le plus odieux qu'on peut faire, obliger les gens à choisir entre deux merdes, l'une brune et l'autre gris-vert. Le problème est que les deux tuent, les deux puent car les deux sont les extrêmes d'une même pièce, la pièce du mensonge absolu où les deux faces sont identiques et quelque soit le côté sur lequel elle tombe, la face sera toujours la même et tu perdra toujours. Et ils osent appeler cela de la morale et faire appel au libre arbitre...
Il reste que je ne veux plus employer le terme «MAL» pour jauger les mobbings, les viols, les brutalités et surtout je ne veux pas associer l'injustice ou la violence au «MAL» – nous devrons discuter de tous ces problèmes sans en référer au «MAL». Si nous voulons avoir une discussion holistique, nous ne devrons plus les enfermer dans la logique du «MAL» !
Nous ne pouvons pas éviter la souffrance, nous devons juste ne pas en faire le «MAL» triomphant !
Et je ne veux plus écrire ce mot, plus jamais !!
Comment sortir de la punition, cette réaction erronée à l'acte mauvais ?
Personnellement à défaut d'autre mot, comme violence, injustice, je ne suis pas gêné par l'usage de ce terme que l'on retrouve même chez Jung, qui dit que le «mal» est la moitié d'un archétype.
Dire: «le mal, c'est...» est une tâche impossible, une audace jamais récompensée, une tentative de trouver l'essence d'une chose qui n'est pas qualifiable philosophiquement. On peut tout au plus reprendre les récits du «mal», comme la Shoah, comme un crime particulier, comme des histoires terribles, et essayer de les lire.
Tu demandes à juste titre: qu'y a-t-il derrière les actes qui amènent le «mal» sur terre ?
Pourquoi les commet-on ?
Je ne partage pas ton désir d'éviter ce terme, car il désigne un mystère à déchiffrer. Tu dis que pour certains c'est ceci, et pour d'autres c'est cela: en fait c'est tout cela à la fois! Tu dis: le «mal» c'est toujours ce que fait l'autre; cela ne fait que pointer la tendance à projeter sur l'autre ce qui est en nous ou à accuser l'autre pour ne pas s'examiner soi, mais cela n'empêche pas que chez l'autre et chez moi il y ait du «mal», ou alors du morbide, ou du destructif.
Employons ce substantif du Destructif, si cela te va mieux. Je pense que tout ce que nous percevons comme «insoutenable», «horrible» et «inhumain» participe de cette réalité du «mal», qu'il nous faut essayer de déchiffrer, si nos modestes intelligences humaines y arrivent.
Et là, force est de reconnaître que le «mal», ou le destructif, est partout.
Celui qui a tué trois personnes, on est à son tour destructif en l'enfermant à vie. Je suis bien d'accord avec toi: il faudrait sortir du cercle des agissements négatifs et des punitions. Mais comment y arriver ?
La prison à vie, ou la perpétuité (même avec sursis) est un «mal» infligé, un châtiment administré contre un «mal» infligé.
De manière générale, on pourrait dire que l'humanité peine à sortir de la violence et de l'idée de châtier son prochain !
Mais la personne qui a ôté la vie à trois individus, ou à un seul, voudrais-tu qu'on la laisse toujours en liberté ?
Je ne tiens pas le discours sécuritaire: si on ne l'enferme pas, elle sera un danger pour la société. Je pose la question du pardon: si une victime innocente a subi un «mal», comme la perte d'un membre mutilé ou arraché, comme une souffrance psychique durable et suraiguë, comme des lésions corporelles qui laissent des traces, un membre cassé à vie, une fracture, ou bien si l'on a mis le feu à tous ses biens qu'elle possède, ou si elle a été kidnappée et a dû vivre dans des conditions atroces durant de longs mois, est-ce que vraiment, mon cher Gorge, nous devons ne pas réparer ce qu'elle a subi ?
Alors on donnera une somme d'argent même considérable à la victime – sauf si elle a été tuée – et le bourreau n'encourra rien? Cela voudrait-il dire que la société doit tolérer des mauvais traitements infligés à des innocents? Doit-elle tolérer qu'on enlève la vie à quelqu'un ?
D'un côté, je te répondrai: la prison à vie est troublante si on l'envisage comme une restriction de liberté, une contrainte légalement admise de longue date, et qui ne répare rien sauf symboliquement parce qu'elle inflige le supplice de la claustration et de la perte totale de droit à se déplacer – de la mobilité – au meurtrier, ou au fautif. Il faut se pencher sur l'absurdité de cette peine.
De l'autre côté, abréger la vie d'un particulier, et d'un innocent surtout, revient à s'arroger un droit tellement absurde, que personne ne détient, et cause un dommage si gigantesque – la perte du droit à l'exister! ô frustration incommensurable au-delà de toute espèce de frustration pensable! – que la prison à vie, avec des livres et des visites, est encore un doux châtiment, et ne réparera jamais l'horreur que le meurtrier a fait subir à sa victime. Pour avoir vu une fois le film «tu ne tueras point» de Kieslowski, je me suis rendu compte de l'aberration horrifiante qu'il fallait pour tuer quelqu'un: le meurtrier s'y reprenait à plusieurs fois, après cinq minutes de coups il avait encore face à lui une victime suppliante et pas encore qui mourante qui demandait grâce et préférait la vie à un achèvement final. Ce film ne pouvait manquer cet événement atroce de la mise à mort concrète de l'assassiné.
Que te dire, Gorge ?
Que le «mal» soit commis par la société ou par un individu, qu'il s'agisse de l'arbitraire et de la guerre ou bien d'une folie individuelle, il est horrible pour la victime. Si l'on a un tant soit peu de compassion, il est impossible de ne pas prendre le parti de la victime. La victime ne MÉRITE en rien ce qui lui arrive. Même le plus affreux des criminels ne mérite jamais ce qu'une victime innocente qui n'a souvent rien fait se voit infliger !
Je ne suis pas certain que c'est le fait de désigner le «mal» qui le rende si dangereux !
De ce que j'ai vécu concrètement, j'aurais bien aimé souvent que le «mal» soit désigné un peu plus !
J'aurais souvent aimé qu'un doigt justicier se pointe vers l'ordure qui me torturait, au lieu du fréquent «cela est arrivé» ou bien «cela n'est pas mon problème» ou bien «certes». Il ne faut pas sous-estimer la dimension d'injustice du «mal» commis! Je le redis, Gorge: si la réparation d'un trop grand «mal» fait problème, souvent inadéquate, et là à défaut de mieux, le fait de ne pas punir est souvent vécu pour les victimes comme une injustice énorme !
Si une société ne punit pas un bourreau, cher Gorge, c'est qu'elle le cautionne !
Ensuite, je trouve que tu ne devrais pas mélanger deux choses :
1. la stigmatisation des innocents (contre laquelle tu enfourches ton cheval de bataille fréquemment).
2. la sanction du bourreau.
Une chose c'est de diaboliser qui on veut et comme ça nous arrange, une autre c'est de punir un délit effectif. Le délit, je le redis, est une rareté dans l'ordre des faits de la vie. Ni toi ni moi ne nous sommes conduits en bourreaux! Cela ne nous ressemble pas.
D'un côté je suis d'accord qu'il faut reconsidérer l'efficacité réelle de la détention et de la contrainte spatiale par conséquent sur un quidam. De l'autre, je trouve que ne pas punir un «salaud» (quel autre mot employer, quand un certain seuil est franchi?) c'est une injure pour la victime.
Il y a deux façons de reconnaître la victime: en l'indemnisant, et en punissant son agresseur. Les deux sont une reconnaissance de ce qu'il y a eu «mal». Pour la victime... C'est extrêmement important, Gorge !
Crois-tu qu'on puisse vouloir aimer vivre avec des cicatrices d'agression toute sa vie ?
Ou bien crois-tu que toi ou moi autoriserions un quidam armé d'un couteau à venir nous ôter la vie dans une heure ?
Je répondrai aussi à ton argumentation en disant: il ne faut pas diaboliser, mais il faut penser LE «MAL».
C'est une phrase transitive directe.
Je crois que nous nous rejoignons parfaitement sur la question de la diabolisation.
Je te concède le lien de «causalité en boucle» entre la stigmatisation et le «mal».
Cela dit, j'ai une objection de taille: même quand le pardon humainement a été donné, fût-ce pour le crime le plus effroyable, eh bien il faut quand même que la loi inflige une sanction au bourreau. Pour lui dire qu'il ne doit plus jamais se conduire en bourreau.
Il faudrait des sanctions originales, pas à la Charles Fourier, mais pas le bain de sang marxiste première période, des sanctions bien pensées – à défaut d'un socialisme du combat de rue, je suis aussi pour un socialisme en douceur et un socialisme de la défense des droits dans la subtilité :
Celui qui a mobbé quelqu'un – il doit perdre sa place de travail aussi, quitte à être réintégré par surprise.
Celui qui a tué quelqu'un – on doit lui passer le film d'un assassinat atroce en direct, jusqu'à ce qu'il pleure.
Celui qui a volé quelqu'un – il doit rendre ce qu'il a volé, sinon racheter la même chose, et la déposer à la place où l'a prise: là, le volé sera présent, et il dira «j'accepte vos excuses».
Celui qui a calomnié quelqu'un – il faut lui faire croire que toute la société est au courant de «ce qu'il est» et que la société s'entendra dans son dos à son sujet. Puis lui rire au nez !
Celui qui a frappé quelqu'un – le juge doit venir avec un nerf de bœuf, et pour s'économiser un jugement il doit au lieu d'écrire flanquer un coup gigantesque dans le dos du violent.
Celui qui a dérobé une somme d'argent – le juge doit venir à son compte en banque avec lui en ricanant, lui prendre sa carte et lui dérober une somme en faisant: «hé hé! Ce sont les frais de justice!».
Celui qui a kidnappé quelqu'un – le juge doit l'enfermer dans la salle du tribunal pour un procès continu et lui faire sentir l'inconvénient du manque d'espace.
Celui qui a fait une violation de domicile – le juge doit entrer chez lui par force et lui dire: Hi hi, Monsieur! c'est la justice. Et ça c'est quoi? Dira-t-il. C'est votre délit, Monsieur. Sonnez dorénavant !
Celui qui a trompé une personne – il faut lui faire écrire une dissertation plausible sur le thème de la trahison, et puis lui faire croire qu'il est condamné à mort, pour rigoler ensuite (le tromper).
Celui qui s'est exhibé – alors là, le juge ne doit rien faire, mais il faut lui montrer une photo et lui dire: vous allez attraper froid aussi, faites-ça seulement au chaud dans votre bain.
Celui qui a violé une femme – il faut ou bien demander à une femme mandatée pour cela de le violer, ou bien, plus légal, le confronter à sa victime dans un tête-à-tête pesant.
Et Monsieur Blocher – de toute évidence, il faut qu'il séjourne dans un abri atomique pour NEM en mangeant très peu, et vive avec dix francs par jour !
Ces sanctions seront-elles éducatives parce qu'on se sera moins méfié du contrevenant ?
Mais qu'est-ce donc un "acte mauvais" ?
C'est comme cela que nous retombons dans le «MAL» et que encore et de nouveau, nous ressortons le jugement du placard où il doit rester, que nous perpétuons l'idée même du «MAL» car nous l'associons aux problèmes humains et aux difficultés que des gens éprouvent pour canaliser leurs énergies d'une manière constructive. Je ne veux plus associer aux divers troubles humains le qualificatif «MAL» car cela a créé bien plus de dégâts et n'a en rien résolu nos problèmes humains...
Pour sortir de la punition, il faut cesser de se référer à l'acte mauvais. La réaction erronée est de constamment tomber dans la logique du «MAL» !
S'il y a un mystère à déchiffrer alors défrichons-le avec les termes adéquats. Il y a des termes qui existent déjà pour cela tels que: "insoutenable", "horrible" et "inhumain" et ils décrivent tout à fait les sentiments que soulèvent les actes qui font «mal» dans le sens de la douleur. Le problème est que lorsqu'on associe le mot «MAL» à ces actes, la suite logique est la punition car qui dit «MAL» dit bourreau, échafaud, potence, corde à pendre, bûcher, garrot, sabre, torture, cellule de mort, nerf de bœuf, flagellation, prison, enfermement, œil pour œil, ostracisme, racisme, pogrom, purification ethnique, etc... C'est mathématique et tu ne peux contourner cela avec tes cris d'indignation car tu passeras à côté de la nécessaire remise en question que soulève le recours au mot «MAL» pour décrire nos problèmes divers...
Lorsqu'un drone dégomme des individus dans une voiture parce qu'on les soupçonne d'être des chefs terroristes, n'est-on point terroriste soi-même ?
Une société qui enferme, qui met en isolation, qui fait subir des traitements punitifs à d'aucuns même si ces personnes dans un moment d'égarement ont commis l'impensable, n'est-elle pas un tortionnaire elle-même ?
Une personne qui fait «MAL» à une personne qui a fait le «MAL», n'est-elle pas le «MAL» à son tour ?
Si une personne ne peut vivre en société parce qu'elle est incapable de le faire alors cette société doit pouvoir pourvoir à cette personne un lieu où elle peut se soigner et s'amener vers un vécu tolérable lui permettant de s'accomplir basiquement même au sein d'un complexe fermé.
Il y a quand même un problème avec les victimes, c'est qu'ils ont une mentalité qui attire les comportements dominateurs de ces personnes qui ont été eux-mêmes victimes des comportements dominateurs de leurs géniteurs et de leurs chefs !
J'ai été victime toute ma vie et j'en porte les cicatrices. La punition de mes tortionnaires ne m'a pas apporté délivrance car quel soulagement pouvais-je espérer lorsque ces personnages étaient punis par la prison ou autres actes réparateurs? Suis-je mieux dans ma peau après? La vie a-t-elle plus de sens pour autant? Vais-je sortir de mon état de victime ou la victimisation à leur tour des personnes qui m'ont fait subir des actes destructifs, ne fera-t-elle que perpétuer une logique qui voudrait que dès sa libération, la personne cherche à se venger de tout le «MAL» qu'on lui a fait en prison ?
Je ne peux prendre le parti de la victime car cela supposerait que je devrais condamner le bourreau. J'ai assez souffert de mon état de victime pour ne pas faire de mon bourreau une victime à son tour de ma vengeance peu réparatrice !
Ton raisonnement tourne en rond et ne permet pas une approche sensée et holistique du problème du «MAL» car on est là avec ce «MAL» qui fait «MAL» et qui comme réparation demande à faire le «MAL» à son tour, ce qui augmentera la propension au «MAL» et le perpétuera à l'infini. Nous devons sortir de cette logique de la victimisation et proposer d'autres solutions pour résoudre les problèmes d'agressivité dans nos sociétés, notamment les traitements psychiatriques et psychologiques, les analyses transactionnelles, les prises de conscience, etc.
C'est bien joli tes sanctions originales mais ils sont à côté de la plaque parce qu'elles omettent l'essentiel soit la prise de conscience des auteurs et la possibilité de comprendre pourquoi ils en sont là et quels remèdes y apporter. Si tu veux qu'une sanction soit éducative alors il faut amener la personne à se rendre compte de l'état dans lequel il se trouve, à comprendre pourquoi il en est là et lui proposer des démarches qui peuvent l'amener à reconstruire sa vie sur des bases plus humanistes, holistiques et psychiquement éclairantes. Si tu ne veux plus que quelqu'un se conduise en bourreau alors tu ne peux être bourreau à ton tour dans l'espoir que cela le remédiera ou te feras sentir mieux.
Écoutes, pour moi c'est simple: le «MAL» c'est désigner nos comportements aberrants de «MAL» !
Le «mal» pensé sans le manichéisme est impossible car le «mal» est manichéen !
Si on voit ces comportements comme d'autant de dérapages inadéquats, de déviances psychologiques, si on cesse de les marquer du fer rouge du «MAL» alors oui, nous pourrons avancer dans la résolution des problèmes humains et leur apporter la solution nécessaire pour enfin vivre dans une société vivable. Tant que tu persistes à voir le «MAL» partout alors nous sombrerons dans l'apocalypse la plus complète mais ne serait-il pas cela le but de ces gens qui voient le «MAL» partout, soit justifier la fin des temps et le feu divin, les vengeances sanctifiantes, les bonnes guerres, les croisades de la morale et de la purification mortifère sur des croix en sang et à feu...??!!
Ton point de vue est-il éloigné de la vison courante – ou conformiste – sur le «mal», je ne l'ai pas trouvé inintelligible. Il nous conduit d'ailleurs à remettre en cause l'essence de la punition. J'avais espéré que la punition soit dissuasive, mais si elle n'est que punitive, ce n'est pas fameux !
Mais on peut tout à fait entrer dans ton questionnement sans qu'il paraisse iconoclaste !
Ce qu'il faut, c'est d'ailleurs même plutôt en tirer les conséquences !
Non, le terroriste n'est pas marrant, puisqu'il se fait sauter avec sa bombe, soit sa pensée, et le plus de gens possible avec.
Non, le légaliste néolibéral n'est pas drôle du tout, puisqu'il se fait voler son emploi du temps par des lois insignifiantes, et ses victimes et ses concitoyens avec.
Rions, rions! Rions joyeusement de tout cet ordre qui n'est qu'un désordre fumeux paré de toutes les précautions d'immunisation idéologique pour déverser du purin de remise à l'ordre sur chaque citoyen qui s'aviserait de dire: c'est pas en ordre !
Le «mal», si l'on a plus «mal», et si l'on renonce à faire du «mal», c'est pas plus «mal» !
Rions et jubilons, au grand spectacle de l'existence, ce monde si beau qui n'a pas attendu la société humaine pour être généreux !
Ce soir nous dormirons en bière, ou notre lit sera comme un suaire.
Et quand bien même restera notre être de lumière, tâchons de ne pas galvauder notre être de chair, notre bienheureuse immanence, qui pourra décrocher la justice sur la pointe des pieds pour autant que les élites ne mettent pas trop haut la justice et ne nous confisquent pas l'escabeau qui y mène tout droit – non: tout gauche !
Trop de marché tue le marché...
Mais trop d'homme ne tuera jamais l'humanisme !
S a l v e !
Chassons l'angoisse !
Bon, tu vas dire que je ne suis jamais aussi à l'aise que lorsque j'existe dans l'opposition. Mais je crois avoir bien réfléchi à Certaines choses, et souhaite émettre des thèses qui vont contrebalancer certaines idées reçues sur l'un de nos thèmes Favoris :
Je pense que les clichés sur ce champ, nous les connaissons...
Sa réalité, elle, résiste à toutes les tentations de mépriser ce champ-là, mépris dont je soupçonne qu'il est au font inopérant, inefficace et inauthentique, sincèrement hypocrite.
Alors... Pourquoi ne pas proposer d'AUTRES manières de voir ?
La force de l'homme, justement, c'est de refaire le monde sur le papier...
Ces clichés sont bâtis sur une certaine représentation que l'on se fait du monde et de la vie. Ils naissent par l'éducation que nous avons reçu dans le contexte social qui est le nôtre et si le sexe est considéré comme "sale", c'est que cela tient aux pulsions même de la vie et de la nature visqueuse du liquide éjaculé avec tant de force que cela peut être projeté à plusieurs mètres. Il fallait contenir cette pulsion de peur que la société soit inondée par les flots blanchâtres déversés en continu par tous les pénis du monde !
Mais je pense que la principale raison du refoulement sexuel tient plus aux réactions ataviques contre les cris de l'orgasme poussés par les centaines de millions de couples qui font l'amour rendant les citoyens sourds aux appels de restreint hourdis par nos leaders moraux effrayés par tant d'excitation charnelle !
Et puis, il faut aussi considérer l'aspect contrôle social qu'implique le refoulement sexuel car nous savons qu'un être dont le sexe est ligoté sera plus enclin de se taire et de se replier dans le confort de son onanisme silencieux. Les statistiques montrent que se sont les gens dont le sexe a été le plus réprimé, qu'il y a le plus de docilité et de conformisme aux injonctions disciplinaires de nos dirigeants moralistes. Ces statistiques montrent aussi que les gens dont la sexualité déborde et n'a pas été contenu, sont aussi ceux qui ont le plus de problèmes avec la justice concernant leurs mœurs sexuelles – viol, masturbation compulsive, exhibitionnisme, etc. !!!
Ce qui distingue l'homme de la bête est justement son incapacité de se lécher le cul et son envie sexuel permanent, qui, contrairement aux animaux, n'a pas de période de reproduction fixe mais recherche constamment à fourrer sa bitte dans tous les trous disponibles ou pas !!!
Sais-tu que l'homme a la plus grosse bitte par rapport à sa taille, les plus fortes impulsions sexuelles de tout le monde animal et la capacité de forniquer plusieurs fois par jour ?
C'est pour cela que ceux qui pensent à notre "bien" cherchent à calmer ces pulsions de peur qu'elles prennent le pas sur les nécessités sociales, économiques et religieuses !
Faudrait faire une thèse sur ce sujet et il me semble que tu apportes un bon début !!!
Quand je vois à quel point la question de savoir si Christ était pour ou contre la sexualité et les prostituées, polarise et passionne le débat entre croyants, Je trouve que l'idiotie s'est emparée de la substance philosophique des Biblistes et Yahvistes, qui étaient des sages. Comme Jésus s'est approché de tous, et des exclus, ce serait logique dans sa subversion qu'il ait réhabilité les prostituées, habituelles victimes de la stigmatisation !
On voit que le débat: pour ou contre la Bible, pour ou contre le Christ, pour ou contre l'Existence de Dieu, est en réalité un débat: pour ou contre l'autorité, Pour ou contre la répression sexuelle...
...Cela me semble dépourvu de pensée et ridicule à m'en donner la nausée.
Et cela me montre bien clairement que la récupération sociale de la Bible, soit l'institution, a effacé la puissance subversive et l'authenticité spirituelle du message Des origines.
Je traduis: quand la spiritualité devient religion et institution, elle renonce à une bonne partie de sa force d'origine, obsédée par la légitimité, Et obsédée par le pouvoir - contrôle des foules par la peur de l'enfer, contrôle des humains de façon intrusive par un discours sur la sexualité bonne ou mauvaise.
De même, le néolibéralisme a continué cette obsession du contrôle, mais sous la forme du contrôle sur-aigu des travailleurs. Par un discours où il n'y a plus tout simplement comme c'est le cas dans la réalité une disparition des emplois et un transfert cynique des emplois vers les Zones franches et les autres travailleurs, mais des "bons" et "mauvais travailleurs", comme des "bons" et "mauvais chômeurs". Ainsi y avait-il des bons et mauvais zizis, des zizis qui plaisent à Dieu (à l'Église, seulement !) et des mauvais zizis.
C'est dire si le discours sur le «bien» ou "mauvais» est surtout un discours qui déclare sur QUEL élément de la société le pouvoir a envie d'exercer une Emprise absolue !
Sauf que moi je n'ai jamais tenu un langage «pour ou contre quelque chose» !!
C'est le discours de ces personnages qui veulent "diriger", commander et faire preuve d'autorité. En effet, lorsque la philosophie est instrumentalisée pour l'exercice du pouvoir, le message de fond change fondamentalement pour devenir une morale et un moyen de chantage efficace car porté par tout le monde en symbiose avec les impératifs catégoriques qui maintiennent les gens sous contrôle.
Mais quand même, le problème fondamental est celui de la réduction de la philosophie à une entité qui juge selon des critères du «bien et du mal», du «bon et du méchant», qui se donne la possibilité d'appliquer des sanctions, qui se veut la manifestation acérée de l'autorité absolue et totale.
Au contraire, ce que je désire le plus en ces temps de contestation de l'autorité, c'est de sortir de cette logique où nous devons être pour le "respect" (par exemple !) et contre "l'individualisme" (par exemple !), où nous devons dresser une notion considérée comme "bonne" contre une autre désignée de "mauvaise" et de donc faire la guerre contre l'irrespect ou l'individualisme sous prétexte qu'il y aurait des valeurs absolues à respecter même si cela entraîne la mort et la désolation !
Sortir de la logique du jugement, de la condamnation, de la stigmatisation et de l'opprobre, de la dichotomie, du machiavélisme, dépasser le binaire et les propagandes néolibérales, aller au-delà de cette recherche frénétique du "bonheur" et de la consommation identificatrice, voilà ce que je désire le plus en ce moment de chasse aux sorcières, aux gauchistes et aux anciens 68'tards rousseauistes qui, eux, prônent la prise de conscience, qui veulent se rendre compte par eux-mêmes, qui veulent un monde humaniste où l'empathie remplacerait la morale, les injonctions et la loi culpabilisante...
Je suis très content de notre discussion de ce lundi passé car j'ai l'impression que nous avons pu défricher un certain terrain miné et que nous avons pu nous donner quelques idées pour notre avancement sur le chemin de l'humanisation de l'homme !
Et pour cela, je revendique le droit de ne pas mêler des notions aussi abstraites que celle de "dieu" ou de valeurs discriminantes à cette recherche qui demande une certaine indépendance de ces restrictions qui nous ont mené dans les feux de l'enfer et consorts...
état de la discussion au 21 novembre 2011
Je me suis souvent demandé pourquoi l'homme n'éradique pas la réalité du «mal» dans sa société. Et l'explication m'en Paraît pouvoir être la suivante. Nous avons toujours tous tendance à nous rabattre sur les PROCHES que nous connaissons, et à leur attribuer les défauts Généraux en particulier au lieu de nous en prendre à ceux qui sont vraiment tels.
Par exemple: au lieu d'attaquer directement les scandaleusement enrichis de la mondialisation depuis 1990, nous allons nous en prendre à la classe moyenne supérieure, fiscalement. Donc aux riches un peu riches. Mais pas à ceux qui en fait sont profondément à la source du problème. Ou bien: nous reprochons à un ami la vulgarité de notre époque la seule fois que dans l'empressement il y cède et fait figurer Des clichés dans son langage, bien involontairement d'ailleurs. Ou encore: nous nous fâchons par ressentiment contre un proche, PARCE QU'IL EST LÀ, au lieu de nous en prendre avec La juste fougue révolutionnaire qui ÉBRANLERAIT notre époque, au groupe de personnes qui réellement mettent le monde Sens dessus-dessous.
C'est, d'ailleurs si je ne fais erreur, un travers humain sur lequel se repose amplement le pouvoir: diviser pour régner, Laisser Les hommes s'atteindre entre eux dans leur petite sphère privée, et ainsi ne jamais renverser le vrai pouvoir. Cela mine, bien sûr, la démocratie. Si l'on se fait à l'idée que la démocratie repose sur l'engagement de tout le monde et La conscience que chacun a de sa responsabilité envers le bien commun.
Mais mon pauvre ami, l'homme ne peut "éradiquer" la réalité du «mal» pour la simple est bonne raison que le «mal» est une construction sociale basée sur la domination idéologique de certaines personnes convaincues de détenir la pure vérité, la connaissance suprême, qui prises par la griserie du pouvoir, se permettent d'imposer des peines et des sanctions aux gens considérés comme "néfastes" pour la société car contestant leur pouvoir et mettant en question leur prérogatives !
Le «mal» en tant que tel n'existe pas car le «mal» est un jugement suprême en dehors de toute réalité concrète et qui est basé sur une vision manichéenne des comportements humains où tel acte serait "mauvais" et tel autre "bien" selon la forme que l'on veut donner à sa domination. En Égypte ces temps, est "«mal»" tout individu qui conteste l'État et ses dirigeants, ce qui permet de le mettre immédiatement à mort. Pour Blocher, le «mal» serait toute personne qui persifle sa nation, sa maison, son terrain. Pour la Droite, le «mal» c'est la Gauche et pour la Gauche, le «mal» c'est la Droite et on peut continuer comme cela très longtemps tant que nous ne comprenons pas que lorsque nous évoquons le «mal», nous cherchons d'abord des ennemis à abattre !
Le problème est que tout peut être «mal» selon les intentions que l'on prête à l'autre pour justifier son élimination ou, du moins, son ostracisation de la société des gens qui se disent "biens" alors que la réalité est bien plus complexe, que les choses ne sont jamais comme on les croit, que, dépendant du côté qu'on se place, un acte peut tout aussi bien être interprété comme étant "bien" comme étant «mal» selon la perspective que l'on a, les préjugés qu'on aborde, les craintes, peurs, angoisse tapissées au fond de notre âme tourmentée par ces siècles de christianisation (crétinisation) jugeante (confessionnal), accablante (sanctions), mortifère (la croix), culpabilisante (faute originale), manichéenne (bien-mal), dichotomique (sois-ceci, sois-cela), etc...
Je dirais, sourire en coin, est «mal» le fait de vouloir diviser le monde entre le "bien" et le «mal», de croire à l'existence d'une entité désignée le «mal» et de voir les choses en termes de "bien-mal", chose dichotomique s'il en est...
Est «mal» d'interpréter une situation comme «mal» alors qu'il aurait fallu une compréhension et une vision autrement plus globalisantes !
Pour éradiquer le «mal», commençons par comprendre pourquoi nous le voyons, ce qu'il représente, comment il a été inculqué en nous, la finalité de cette vision des choses, et surtout, le pouvoir que certains en tirent pour leur domination absolue. Et c'est seulement à partir de là que nous allons pouvoir avoir des relations beaucoup plus holistiques avec ses prochains et arriver à une démocratie réellement démocratique, soit pour et par le peuple responsable, éveillé, constructif, etc. !
Voilà pour le «mal» et de tout le mal que je pense du «mal»....!!
J'aimerais te dire que je suis pleinement d'accord avec toi: le manichéisme, consistant à projeter arbitrairement "le mauvais / le bon" sur la réalité, est en soi Une démarche dangereuse, malfaisante, qui peut servir parfaitement à établir une domination ("Nous sommes la lumière / ils sont les ténèbres").
Il n'est pas moins juste que ceux qu'on déclare "mal" sont automatiquement ostracisés par cette sale "pensée" qui n'est pas une pensée mais une idéologie, C'est-à-dire une manière de découper le monde et de découper l'espace social. Je verrais que le problème philosophiquement se pose avec difficulté. Premièrement le mal ne s'oppose pas au bien, mais existe de manière troublante, déconcertante, excessivement douloureuse, inacceptable, de son côté, par Lui-même, qu'il y ait à côté de lui peu de bien ou beaucoup de bien.
Le mal qui surgit n'est hélas pas compensé par le bien, mais il remet tout en question et Détruit – puisque la destruction de l'être est son essence. Ainsi peut-on voir que celui qui décrète que Autrui est le Mal: chômeur maléfique, pauvre refusant de s'assumer, rentier AI profiteur, étranger profiteur et Envahisseur – c'est PRÉCISÉMENT celui qui jette l'anathème sur l'Autre et le montre du doigt, qui fait exister le phénomène du Mal !
En disant cela, je rejoins un peu ta pensée.
Le Mal est donc le mal que l'homme fait à l'autre homme: la souffrance qu'il lui inflige, donc quelque chose de CONCRÈTEMENT vécu par une victime. S'il y a Victime, il y a mal, et l'histoire montre très souvent que ce sont les victimes qui ont été stigmatisées. Qui ne s'oppose pas au Bien et n'en est même pas le contraire – un Mal inouï, cuisant, d'une injustice au-delà de l'injustice.
Bonne Pâques à toi aussi et que cette parenthèse soit l'occasion de se demander ce que nous faisons sur cette Terre et pourquoi nous choisissons toujours de répondre aux crises par des solutions qui amènent encore plus de crise !
J'aimerais te dire que je ne suis pas pleinement d'accord avec ton pleinement d'accord avec moi: on est d'accord, le manichéisme, consistant à projeter arbitrairement le bon/mauvais sur la réalité, sert parfaitement à établir une domination ("Nous sommes la lumière / ils sont les ténèbres"). Que cela soit une démarche dangereuse, malfaisante, il se peut mais nous devenons nous-mêmes manichéens en désignant cette démarche ainsi. D'ailleurs, cela pourrait même être un jugement et condamnatoire en plus, comme peuvent le faire les manichéens.
Il ne s'agit pas de savoir si une démarche serait "dangereuse" mais de saisir et de comprendre le comment et le pourquoi du manichéisme et enfin comprendre comment les forts s'emploient pour exercer le pouvoir et engranger leurs richesses.
Le manichéen construit sa réalité selon une perception basée sur les notions de "bon/mauvais", du "Nous sommes la lumière / ils sont les ténèbres", établissant ainsi son hiérarchie et sa domination, et nous devons faire très attention de ne pas tomber dans ce même manichéisme en lui attribuant le qualificatif de "mal" !
Le problème philosophiquement se pose effectivement avec difficulté car tu pars de l'idée qu'une entité nommée "mal", une énergie noire destructrice, puisse exister et influencer nos vies à côté d'une autre entité nommée "bien" très mal défini car trop morale. Où d'un côté il y aurait un peu de bien et d'un autre du mal, beaucoup de mal. Ceci est d'emblée une notion purement manichéenne !
Premièrement si le mal existe, ce serait une douleur du corps excessivement douloureuse, inacceptable, ou, éventuellement les douleurs psychiques et psychologiques qui elles ne sont pas le "mal" en tant que tel mais les souffrances conséquentes aux troubles mentaux dont on ne peut guérir que si on sort de cette perception manichéenne !
Le mal qui surgit n'a pas à être compensé par le bien, on doit tout remettre en question et produire la destruction de l'essence de ce raisonnement manichéen par une remise à plat de nos relations conçues selon les modalités basées sur des concepts aussi manichéennes que celles de la croyance en le bien et le mal comme si ces notions étaient des réalités incontournables, tangibles et philosophiques. Le plus puissant remède contre cette division du monde entre le bien et le mal c'est de prendre de la hauteur et poser les problèmes en termes réellement psychologiques où au lieu de décréter que l'autre sera "mal", on chercherait à comprendre ce qu'il a comme problème et pourquoi il réagit comme il le fait. Il faut savoir aussi voir et comprendre pourquoi certains auraient besoin de désigner le mal chez l'autre et affirmer sa position de supériorité par la classification des autres dans la fange du "mal" !
Je m'opposerai au bien au même tarif qu'au mal car ce sont de les deux mêmes faces d'une médaille à une face, mais d'une manière troublante, déconcertante, on a réussi à nous faire croire que ce serait de cela que serait fait la réalité. Détrompons-nous, la réalité est mille fois plus complexe, mille fois plus compliquée pour être réduite à cette idée destructrice du "bien et du mal"...
Sortons-nous enfin de cette engeance et posons les choses de telle sort que nous puissions retrouver une philosophie plus constructive où tous les paramètres de la vie sont pris en compte et sur lesquels nous pouvons agir, car sur le "bien et le mal", aucune action autre que la flagellation, la punition, l'enfermement, la destruction de l'autre ressenti comme "mauvais" n'est possible d'autant plus si des religieux s'emparent de l'affaire et si la morale s'y mêle, sachant que la morale est quand basée sur le bien et le mal...
Allé, promenons-nous dans les bois par ce beau dimanche de Pâques et disons tout haut notre amour du prochain en voyant le côté holistique des choses, soit la vraie compréhension des hommes et de leurs vies....!!!
J'ai bien entendu ton argumentation !
Avant que nous ne nous embrouillons, je souhaiterais préciser deux ou trois choses à notre usage commun.
Je perçois bien tes échos nietzschéens pour dépasser le Bien et le Mal, ce que Nietzsche a tenté par son concept de Volonté de Puissance. Je sens bien que tu martèles que l'homme souffre parce qu'il est manichéen et que c'est son manichéisme qui amène le mal.
Hélas, sans vouloir le moins du monde t'offenser, je pense que ce n'est pas si simple. Si seulement !
Ce que je pense effectivement être parfaitement fondé dans tes idées, c'est qu'en effet le phénomène de la destruction s'accompagne Souvent d'une "pensée duelle" qui se permet de répartir l'humanité arbitrairement en deux groupes, un groupe "bien" et un groupe "mal", soit à titre d'exemples: les bons Allemands et les méchants Juifs, les bons travailleurs et les méchants étrangers et chômeurs, les bons Stakhanovistes soviétiques et les mauvais impérialistes américains, les bons occidentaux et les méchants terroristes, et j'en passe...
Notre "amour du prochain" que tu suggères de dire "tout haut" est vraiment ce à quoi tout le monde aspire, et il faut bien dire que les relations humaines auraient pour but de vivre en paix les uns avec les autres. Mais pour cela, il faudrait qu'il n'y ait QUE des êtres humains qui sont prêts à respecter leur semblable entièrement et pleinement. Est-ce bien le cas ?
Je suis bien d'accord avec ce que tu dis qu'il vaut mieux chercher à comprendre l'autre dans ses problèmes et sa complexité psychologique plutôt que de le stigmatiser.
Je ne suis pas d'accord que le Bien et le Mal seraient deux faces de la même médaille. Je pense plutôt qu'il y a en général la Vie, Et que le Mal déchire la toile de fond, non pas du "Bien", mais du vivant. Je pense que si "bien" et "mal" sont opposés, la Vie ne s'oppose pas au Mal, mais le Mal vient poser sa grande tache sur la vie. Il est bien possible cela dit qu'à force de proclamer un "Bien", on en vienne à préparer le "Mal" que cache cette Proclamation arrogante, angéliste et par trop affirmative! Donc: qui proclame le prétendu "Bien" prépare déjà son autre face, le "Mal".
Quitte à paraître original, je dirais que je ne crois pas au Bien, mais seulement à la Vie.
Je suis personnellement sans grande illusion sur la destructivité de la nature humaine. Ce qui s'est passé en 1939-1945 suffirait à le prouver Amplement. Que l'homme est – en partie seulement – une sale bête.
Mon parrain, Alexandre Bretholz, médecin retraité, fils d'un journaliste qui a traversé le siècle et défié le nazisme comme les communistes, en est convaincu. Et moi avec lui.
Il appartient à chacun de nous – de se conduire sans céder au Mal, ou à la destructivité folle! Quand le nazisme reviendrait, Chacun pourrait choisir d'être ou bien un saint ou un résistant, ou bien un lâche, un collaborateur et donc un "associé des vautours".
La définition du Mal est hélas très simple, n'entortillons pas les raisonnements: c'est la triste faculté humaine de détruire son semblable (en excluant bien sûr de parler de la mort, perçue erronément sans doute comme un mal, comme de parler du Tremblement de Terre de Lisbonne).
Je m'excuse d'être aussi affirmatif, mais quand un petit chef néolibéral humilie, maltraite des employés, ou qu'on met à la porte 2000 personnes d'un coup, ou qu'on arrête de pauvres requérants d'asile déboutés pour leur passer les menottes et les conduire dans un avion, cela s'appelle le mal... ou Le Mal... ou la destructivité. Quand des nazis regroupaient des communautés juives entières en faisant sortir tout le monde des maisons, et les conduisaient hors de leur village, village d'ailleurs parfaitement perdu dans l'Est ou aucune "justice" humaine ni main divine ne venait les sauver, et ensuite les abattaient dans des Zones que les Ordres de Himmler situaient de préférence en dehors des zones habitées... Cela s'appelle encore le Mal, et cela s'ajoute au très long Cortège de l'acte d'accusation que l'on pourrait dresser contre l'homme.
La torture – je n'entrerai dans aucun détail, c'est déjà bien assez horrible – c'est le mal. Ou Le Mal. Presque en personne. Quand à Auschwitz on mettait les prisonniers qui avaient tenté de fuir dans des cellules où ils devaient rester debout du soir au matin, étant déjà Complètement affaiblis et affamés, et qu'on les laissait mourir ainsi – car cette station debout était intenable – c'était une des incarnations historiques Du mal. Quand un nazi pissait dans la bouche d'un Juif – excuse ces tristes souvenirs, – qui venait le supplier "naïvement" et légitimement d'épargner sa communauté, au nom de cette communauté, faut-il de l'indulgence et du pardon pour un acte pareil? Quand des Tchetniks à Srebrenica se sont amusés à éventrer des femmes enceintes, est-ce que nous devons leur épargner la responsabilité accablante d'avoir fait CELA alors qu'aucun Dieu, aucune fatalité psychologique ne les obligeaient à des actes aussi monstrueux ?
Et sans chercher aussi loin, ni aussi atroce, quand quelqu'un se complaît à faire souffrir son prochain, est-ce que ce n'est pas aussi le mal ?
Ce n'est la faute ni du psychisme humain ni de la religion chrétienne ni d'aucune pensée erronée si le nazisme a éduqué les gens à la haine – ce que fait Aussi d'une certaine façon le néolibéralisme par la stigmatisation que TOI ET MOI avons souvent dénoncée – et si des hommes ont sciemment effectué des tortures, des tueries, des cruautés exercées sur des innocents.
Tu vas très difficilement me faire croire que le bourreau ne sait pas ce qu'il est en train de faire. Simplement il réussit à le faire et l'ESPRIT doit Analyser comment cela est possible qu'un être humain puisse torturer et maltraiter avec cruauté son semblable ?
L'absence de solidarité d'aujourd'hui – le fait qu'un pauvre soit essentiellement quelqu'un que TOUT le monde a abandonné – est par exemple largement Une illustration – contemporaine du mal. Alors met un autre nom sur cette réalité si ce terme de "mal" te dérange absolument! Parle de "destructivité", ce qui est plus anthropologique et Psychanalytique, ou bien de "méchanceté", de "nocivité".
Bien sûr, Gorge, personne n'a la prétention de savoir de toute éternité si cela est comme tu dis "une énergie noire destructrice". Cela est, cependant. À tout le moins, que cette énergie soit ou ne soit pas, ou soit ce qu'elle est, différente de ce dont on la pense – l'ACTE destructeur est. Sinon, Cela nous obligerait à dire que la torture n'existe pas, ou pire: à dire que le tortionnaire a le droit de torturer parce que son psychisme le conduit Selon une histoire personnelle à être plus enclin que d'autres à faire ce genre de choses.
Ce que j'essaie de te dire, ou démontrer, si j'y arrive, c'est que SI l'on croit à la notion politique de droit, alors on doit obligatoirement chercher à penser tous les phénomènes qui mettent en danger ces droits humains. Pour le mal, ou la destructivité, ce serait se voiler la face que de taire le cortège d'horreurs que l'humanité a accumulé depuis les premières époques. Ici nous ne sommes pas dans l'affirmation: L'Autre est le Mal, l'autre est "mal" mais dans le constat, l'assertion: "L'homme est Destructeur".
Je ne puis que t'inciter à fréquenter le fabuleux essai de Drewermann en trois volumes: Le Mal, qui dit que l'homme s'angoisse, et que pour se décharger De ses tensions psychiques, il se détruit lui-même et DÉTRUIT SA LIBERTÉ. Donc le Mal existe partout OU LES DROITS ET LA LIBERTÉ HUMAINE sont saccagés par cette tendance de l'homme à faire des horreurs pour échapper à la tension psychique qui le conduirait à sa liberté.
Ajoutons bêtement: que l'homme détruit AUTANT sa propre liberté que celle de l'autre. Dostoïevski en parlait déjà dans les Karamazov si je ne fais erreur...
J'espère qu'après toutes ces considérations, la thématique que j'essaie de cerner est claire. J'ai aussi voulu dire que la destructivité existe hélas toute seule, qu'il n'y a aucun Bien qui la compense, qu'elle tourne toute seule en roue libre. Cela dit, j'ai lu sous la plume de C.G. Jung que «bien et mal sont deux moitiés d'un même archétype». Jung suggérait de les approcher dans une compréhension globale – ce que tu proposes aussi.
Donc nous aurions: mépris de la sexualité: vu comme le Bien – refoulement et stigmatisation de la sexualité dépeinte comme le Mal – discours qui Amène un certain "Mal": dégradation de l'homme qui se voit privé de sa vraie sexualité "au nom d'un Bien prétendu" qui n'est que haine de cette sexualité.
Ce n'est qu'un exemple.
Même André Malraux, que tu sembles estimer – j'ai cru – parle de cela.
Sans pouvoir le comprendre. Sans mettre des mots trop clairs dessus. En effet, cher Gorge... Savoir POURQUOI et COMMENT l'homme se met soudain à faire de telles atrocités, à martyriser son semblable... C'est une réalité qui dépasse – en tout cas en partie – toutes les tentatives de la pensée pour le penser.
Cependant il faut penser cet Innommable – qui est beaucoup moins pur qu'un Indicible.
Je m'arrête ici, et je te laisse développer ce que bon te semblera...
Vive la beauté de la Vie, de la nature, et vive l'Amour, cette belle force qui n'a pas besoin de se parer de la justification du "Bien" pour être la force qui nous fait grandir !
Je n'ai pas dit que le Bien et le Mal seraient les deux faces de la même médaille mais que cette notion est la même face de d'une médaille à une seule face. La nuance est de taille car il met sur un même plan et le "bien" et le "mal" étant donné que ces deux notions appartiennent à un même système de pensée, soit la pensée dichotomique, manichéenne et sans nuance aucune !
Non plus ai-je dit que l'homme souffrait parce qu'il serait manichéen ou que ce serait son manichéisme qui amènerait le mal mais j'ai dit que parce qu'il souffre, il édifierait des pensées manichéennes et verserait dans des actions et des compensations qui font mal. Je ne cherche pas à t'embrouiller mais seulement à te faire comprendre que les choses ne sont pas aussi simple et que derrière cette histoire du "bien et du mal", il y a tous les drames que nous les humains subissons depuis la nuit des temps bien avant l'avènement de la morale punitive, ou, plutôt, de ce qui a amené le manichéisme, réponse facile à nos troubles intérieurs !
Si nous sommes, toi comme moi, des êtres pacifiques, il m'empêche que nous n'avons pas la même appréhension de la réalité. En effet, toi tu persistes dans ta croyance fallacieuse (mais que je respecte pleinement !) que le mal existerait, qu'il serait un sorte de "diable" envoyé par une instance supérieure pour nous garder dans les fanges de la morale sanctionnante qui juge les comportements comme étant "sataniques" ou, plus précisément, le "mal" incarné.
Lorsque je te demande de définir ce que tu entends par le "mal", tu ne peux que m'apporter ce lot de choses terribles que les humains se font les uns aux autres mais à aucun moment ces actes certes abjectes et épouvantables ne définissent ce que serait le "mal" et ce qualificatif nous empêche de comprendre pourquoi nous les ferons. N'oublies jamais que si les nazis ont tué les Juifs, c'est parce qu'ils les ont estampillés du sceau du "mal" sur la poitrine parce qu'ils abâtardisseraient la "race" pure des "vrais" humains et apporteraient la décadence et la maladie mentale. Pour les nazis, le "bien" consistait donc à "purifier et décontaminer" la race humaine pour que le stade du "surhomme" puisse être atteint et le mal dépasser.
Mais il faut savoir que tous ces comportements de destruction sur lesquels tu affubles la notion du "mal", sont plutôt la somme de toutes les peurs, angoisses, inquiétudes, appréhensions, que nous portons tous en nos seins et qui malmènent la plupart d'entre nous. La croyance "bien-mal" pallie à ces sentiments d'insécurité existentiel et permet d'édifier une hiérarchie de domination pour l'évacuation totalement fictive de ces sentiments pour le moins gênants et inhibiteurs. Le "mal" n'est qu'un concept morale pour maintenir les gens dans un état de peur perpétuelle sans qu'il ait besoin de contrôle supra-individuel étatique mais il n'a aucune existence physique ou concrète hors de l'imagination humaine !
André Malraux, que nous estimons grandement, dit dans sa "Condition Humaine" que nous devons d'abord Savoir POURQUOI et COMMENT l'homme se met soudain à faire de telles atrocités, à martyriser son semblable... et que même si c'est une réalité qui nous dépasse – en tout cas en partie – nous devons nous astreindre à toutes les tentatives de la pensée pour le comprendre non pas pour l'accepter mais pour le transcender.
Cependant, à force de penser l'Innommable, qui est beaucoup moins pur qu'indicible, nous nous fabriquons l'usine du mal et nous nous pataugeons dedans avec avidité et envie.
Si je me permet de développer ce qu'il peut me sembler "bon" (si l'on peut dire !), c'est parce que je veux trouver cette force qui nous fait grandir, soit cette même force qui t'inspire, la vie, la vie qui peut être cruelle des fois mais jamais "mal"...
Vive la beauté de la Vie, de la nature, et vive l'Amour, cette belle force qui n'a pas besoin de se parer de la justification du "Bien" pour être la force, comme tu le dis si "bien" (si l'on peut dire !)...
Pour moi aussi notre amitié me réjouit et j'apprécie pleinement notre respect réciproque et notre but commun de parvenir à une certaine paix par la compréhension des phénomènes qui nous définissent. Puisse Pâques nous apporter cette renaissance d'une véritable compréhension de ce que être humain veut dire.
Notre discussion métaphysique est très difficile d'ailleurs comme tu t'en es rendu compte, car les questions auxquelles nous nous attaquons ont déboussolé même les plus grands philosophes (oui, cette question-là, en particulier...)
état de la discussion au 24.04.2014
Qu'on l'appelle Satan, Lucifer, Belzébuth, le Malin, l'Antéchrist, ou autre...
c'est le Diable !!
«J'ai eu bien peur du diable quand j'étais petit, parce que je prenais sérieusement les lieux communs de l'éloquence ecclésiastique. Mais quand je sentis que ni mes parents, ni leurs amis, ni les prêtres eux-mêmes n'avaient réellement peur de l'enfer, je fus bientôt délivré. Ces peurs, qui n'ont point d'objet dans l'expérience, ne peuvent naître que par contagion.»
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Propos sur la religion, La peur du diable, 20 août 1921)
«Avec Dieu, ce qu'il y a de terrible, c'est qu'on ne sait jamais si ce n'est pas un coup du diable.»
(Jean Anouilh / 1910-1987 / L'alouette)
«Mais si le Diable parle parfois, Dieu se tait, toujours. Il faut trouver les réponses seul.»
(René Barjavel / 1911-1985 / L'Enchanteur / 1984)
«Trop de gens se sont servis de Dieu : Mon Dieu, prient-ils au fond, exaucez ce que le diable m'a promis !»
(Jean-Louis Barrault / 1910-1994 / Pour vous qui est Jésus-Christ ?)
«Là où Dieu a un temple, le diable aura une chapelle.»
(Robert Burton / 1577-1640 / Anatomie de la mélancolie)
«Le sceptique est le désespoir du diable. C'est que le sceptique, n'étant l'allié de personne, ne pourra aider ni au bien ni surtout au «mal». Il ne coopère avec rien, même pas avec soi.»
(Émile Michel Cioran / 1911-1995 / Cahiers 1957-1972)
«Tant que l'on croyait au Diable, tout ce qui arrivait était intelligible et clair; depuis qu'on n'y croit plus, il faut à propos de chaque événement, chercher une explication nouvelle, aussi laborieuse qu'arbitraire, qui intrigue tout le monde et ne satisfait personne.»
(Émile Michel Cioran / 1911-1995 / De l'inconvénient d'être né)
«Le diable représente en quelque sorte les défauts de Dieu. Sans le Diable, Dieu serait inhumain.»
(Jean Cocteau / 1889-1963 / Opium)
«Ainsi, ce sont bien nos ancêtres qui sont à l'origine de nos mauvaises passions ! Le diable, sous l'apparence du babouin, est notre grand-père.»
(Charles Darwin / 1809-1882 / Carnet de notes / 1838)
«Il ne faut jamais penser au bonheur; cela attire le diable, car c'est lui qui a inventé cette idée-là pour faire enrager le genre humain.»
(Gustave Flaubert / 1821-1880 / lettre à Louise Colet, 21 mai 1853)
«Le bonheur est un mythe inventé par le diable pour nous désespérer.»
(Gustave Flaubert / 1821-1880 / Lettre à Louise Colet, 18 décembre 1853)
«Le diable est encore le meilleur subterfuge pour disculper Dieu.»
(Sigmund Freud / 1856-1839)
«Il me semble que les religions manifestent déjà une forme de totalitarisme lorsque, au-delà d'un individu, elles veulent débusquer le démon qui agit en lui, et ce, au nom d'une doctrine qui s'intéresse au "tout" et non pas aux éléments qui le composent. Les Inquisiteurs n'étaient-ils pas totalitaires lorsqu'ils torturaient un pauvre diable dans l'idée de lutter contre ce Tout partout présent et agissant qu'est le Diable ?»
(Albert Jacquard / né en 1925 / Petite philosophie à l'usage des non-philosophes / 1997)
«Nous avons beaucoup d'écrits au style mordant, où l'on se refuse à convenir qu'il existe un dieu. Mais nul athée, autant que je sache, n'a réfuté de façon probante l'existence du diable.»
(Heinrich von Kleist / 1777-1811)
«Et l'homme qui aura acquis le plus d'habitude morale sera certainement supérieur à ce bon chrétien qui prétend être toujours poussé par le diable a faire le «mal» et qui ne peut s'en empêcher qu'en évoquant les souffrances de l'enfer ou les joies du paradis.»
(Piotr Kropotkine / 1842-1921 / La morale anarchiste / 1889)
«Concevoir le diable comme un partisan du «mal» et l'ange comme un combattant du Bien, c'est accepter la démagogie des anges.»
(Milan Kundera)
«Je suis parfois tenté par le Diable de croire en Dieu.»
(Stanislaw Jerzy Lec / 1909-1966 / Nouvelles pensées échevelées / 1966)
«En enfer le diable est un personnage positif.»
(Stanislaw Jerzy Lec / 1909-1966 / Nouvelles pensées échevelées / 1966)
«On ne sait, pour parler à la manière chrétienne, si Dieu doit avoir plus de reconnaissance à l'égard du diable, ou le diable plus de reconnaissance à l'égard de Dieu, de ce que tout se soit ainsi passé.»
(Friedrich Nietzsche / 1844-1900 / Opinions et sentences mêlées)
«Quand le Diable rencontre Dieu
il est très embêté
parce qu'il doit le saluer
c'est réglementaire
alors il se rend compte
qu'il est légèrement ridicule
et il s'en retourne chez lui en courant
il allume un grand feu en pleurant
et il se couche sur le brasier
avec une grande flamme blanche
comme oreiller
et il ronronne tout doucement
comme le feu
comme les chats quand ils sont heureux
et il rêve aux bons tours
qu'il va jouer au bon Dieu.»
(Jacques Prévert / 1900-1977 / Paroles - Écritures saintes)
«Dieu est formidiable !»
(Jacques Prévert / 1900-1977 / Soleil de nuit)
«Quand le diable fait la cuisine le bon dieu se met à table et le pauvre monde nettoie les fourneaux.»
(Jacques Prévert / 1900-1977)
Citations : Satan
Le Diable
Maria Valtorta
Les anges de lumière
Le Monde Demain
Belzébuth
Le mal : d'où vient-il ?
Dossiers préparés par ©Georges Tafelmacher & SuisseForum