J'avoue que "l'affaire Cohn-Bendit" m'exaspère. Le député vert franco-allemand est accusé de pédophilie pour avoir écrit dans un livre de 1975 afin de provoquer le bourgeois, dit-il qu'au Kindergarten où il était éducateur, il lui arrivait de caresser le sexe des enfants. Mai'68, ce n'est pas si vieux, tout de même. La majorité de la population devrait s'en souvenir comme si c'était hier. En tout cas, moi je m'en souviens.
À l'époque, l'immense majorité des jeunes de plus ou moins 20 ans chahutaient les hiérarchies existantes, chantaient les vertus de la liberté extrême, juraient qu'à partir de dorénavant il serait "interdit d'interdire", se la jouaient "peace and love", si possible tout nus dans de grands jardins, tout cela parce qu'ils étaient convaincus que l'avenir du monde était à une sensualité universelle et sans limite. Daniel Cohn-Bendit, en écrivant ce qu'il écrivait alors, se conformait simplement au climat central de 1968.
En trente ans, les idées se sont inversées. Aujourd'hui le "pansensualisme" est un sujet d'horreur, surtout si des enfants sont impliqués. Trop de crimes pédophiles atroces ont bouleversé les opinions publiques depuis quelques années pour qu'il puisse en aller autrement. Mais le fond du problème est ailleurs: dans les chasses aux sorcières intergénérationnelles de plus en plus nombreuses, si nombreuses qu'elles commencent à bien faire. Jacques Freymond, qui fut l'un de mes professeurs d'histoire contemporaine, passait des savons aux étudiants qui commettaient la bévue intellectuelle impardonnable à ses yeux de juger les générations passées avec les critères moraux de la génération présente. Se pourrait-il qu'aujourd'hui on ne passe plus assez de savons ?
D'autant qu'à l'époque actuelle, les valeurs collectives tendent à cailler plus vite que le lait. Il y a un an, quiconque émettait un jugement de prudence sur les start-up Internet et leur multiplication des millions était moqué, voire rejeté dans l'opprobre comme un païen n'ayant point encore rencontré la lumière de la vraie foi. Il y a un an !
Il y a quarante ans, le monde émerveillé découvrait l'agriculture productiviste, qui allait enfin éradiquer la misère du monde. On chantait, on battait des mains, on dansait. Or les agriculteurs qui, conformément à l'engouement général, avaient alors entrepris de "sauver le monde" en dopant leurs productions aux engrais et aux hormones, font presque figure, aujourd'hui, en 2001, d'assassins impunis.
Il y a un demi-siècle, nos parents estimaient avoir agi avec courage dans une Europe en guerre. Il y a quelques années, ils ont découvert, horrifiés et meurtris, que pour leurs enfants ils avaient été des salauds.
Franchement, ça ne va plus.
Si ce genre de haines intergénérationnelles devait s'emballer, je puis même imaginer, dans l'hypothèse où le projet d'adhésion de la Suisse à l'Union européenne tournait à l'aigre dans l'opinion nationale (ce qui reste toujours possible), que ses plus ardents défenseurs actuels, perçus pour l'heure comme étant à la pointe de la modernité, apparaîtraient tout à coup, dans cinq ou dix ans, comme des traîtres à la patrie, et seraient poursuivis par la haine de la nouvelle majorité de pensée, comme le Cohn-Bendit de 1968 est poursuivi en 2001 par la colère d'une majorité exigeant une réserve dans le discours sexuel infiniment plus grande qu'il y a vingt-cinq ans.
Les Vaudois disent: «qu'on n'est pas dans la vie pour se sauter contre». Ils ont raison. Les temps changent, les idées changent, c'est normal, le monde serait triste autrement. Mais, du coup, nous finissons tous par dire ou avoir dit des choses que la génération suivante va trouver, au mieux, ringardes, au pire, scandaleuses. Si nous voulons vivre ensemble de façon raisonnablement harmonieuse, objectif numéro un de toute société qui se respecte, notre devoir humain et civique me paraît être dès lors de faire preuve les uns envers les autres de mesure dans le jugement et d'un brin de compréhension amicale.
Ces chasses aux sorcières intergénérationnelles commencent à bien faire...
Claude Monnier © Edicom - Edipresse Publications s.a.
Bien que d'accord sur l'essentiel avec Claude Monnier qui, avec raison, refuse toujours de hurler avec les loups, j'aimerais tout de même apporter quelques nuances à ses propos.
Dans l'histoire de M.Cohn-Bendit, on ne peut s'empêcher d'éprouver un sentiment d'hilarité (peu charitable, je l'accorde) et de justice satisfaite à voir enfin l'arroseur arrosé. Les soixante-huitards (dont je ne fais pas partie puisque j'avais sept ans en Mai'68) ne se sont pas gênés pour bousculer, caricaturer et ridiculiser les valeurs de leurs aînés, qu'ils qualifiaient volontiers de "vieux c - -". En un sens, ce sont eux les premiers qui ont vulgarisé et appliqué au domaine politique cette idée selon laquelle il fallait "tuer le père".
Cette idéologie – tout comme l'éloge de la "sensualité universelle et sans limites" – était issue de théories psychanalytiques dévoyées et remplaçait la tradition de respect dû aux aînés.
Alors, lorsque les enfants des soixante-huitards suivent l'exemple enseigné par leurs parents, en s'attaquant violemment aux représentants les plus médiatiques de la génération précédente désormais au pouvoir, tel Cohn-Bendit ou Joschka Fischer, on n'a pas très envie de plaindre ces derniers. Ils récoltent ce qu'ils ont semé. Pourtant Claude Monnier a raison, il faut sortir de cette spirale de haines intergénérationnelles. À cette nuance près, qu'en sortir, c'est sortir de la logique inaugurée et mise à la mode par les soixante-huitards eux-mêmes.
Il s'agit en quelque sorte de sortir du laxisme hérité de Mai'68, à savoir le retour de la politique du bâton.
Laurence Benoit ©24heures
Concerne : votre missive dans "Le Courrier des surfeurs" dans la page web 24heures
Madame,
«Pourtant Claude Monnier a raison, il faut sortir de cette spirale de haines intergénérationnelles. À cette nuance près, qu'en sortir, c'est sortir de la logique inaugurée et mise à la mode par les soixante-huitards eux-mêmes» avez-vous écrit. Je ne peux qu'être en accord avec vous sauf sur un point, pourtant essentiel !
En effet, n'étant pas soixante-huitarde puisque vous n'aviez que sept ans en Mai'68, vous ne pouvez être au courant de toutes les intrications et implications de notre mouvement '68 qui en déplaise à quelques-uns, était plus que nécessaire à une époque où la nomenclature industrielle, économique et politique cherchait fanatiquement à rendre leur société de consommation naissante crédible, populaire et incontournable. Nous avons vu la naissance de ces "grands capitaines d'industrie" qui sur la base d'études psychologiques biaisées, cherchaient à transformer les gens en "consommateurs" et à les persuader de suivre leurs "principes" sociétaux purement marchandes en remplaçant la tradition de respect dû aux aînés par l'individualisme égocentrique, base de la mentalité "consommatrice". La pub, issue de théories psychanalytiques dévoyées, commençait à être formatrice et normative et le pouvoir des médias s'affirmaient résolument du côté du pouvoir économique. Nous les jeunes de l'époque, nous avons compris le sens que les dirigeants voulaient donner à la société et nous avons contesté cette emprise en démontrant son danger. Nous le reprocher 30 ans après alors que nous sommes en train de subir justement les graves conséquences de cette mentalité, est manqué de vision analytique et vous désignez les "nouveaux ennemis" que sont les contestataires alors que vous prônez de sortir cette spirale de haines intergénérationnelles.
Mais le plus grave est quand même cette accusation d'avoir "tuer le père" parce que nous avons osé contester les "valeurs" marchandes de nos aînés. C'est le contraire qui est vrai: nous ce que nous voulions c'était de sortir de la logique inaugurée et mise à la mode par les industriels eux-mêmes et le pouvoir politico-économique hégémonique de l'époque. A moins que vous considériez que cette idéologie économique serait une "valeur" à quelle il faut "croire", respectant ainsi des "aînés" qui franchement, nous n'ont pas laissé une société bénie, sinon pourquoi tant de manifs partout dans le monde d'aujourd'hui. Et n'oubliez pas qu'à l'époque, l'exemple de nos "aînés" n'était pas très brillant, étant donné qu'ils s'obstinaient à bombarder le Nord-Vietnam en y déversant plus de bombes que pendant toute la 2ième guerre mondiale. Sans parler de la guerre froide, de la guerre du Kippour, de la guerre du Biafra et du Nigeria, de la répression brutale de la démocratie en Tchécoslovaquie, de l'installation des fusées à têtes atomique en Allemagne et en Angleterre, des conditions ouvrières déplorables sans conditions cadre (conquête de notre génération, n'en déplaise à certains), de l'autoritarisme incontestable, de la politique du bâton, de la toute puissance des aînés, etc.
Les industriels ont "gagné" la "guerre" '68, l'économie a battu tous les records depuis. Mais à présent ils récoltent ce qu'ils ont semé, tout le mouvement anti-Davos est là pour vous démontrer que l'impulsion que nous avons donnée en '68 perdure encore et j'espère jusqu'à la disparition du dernier de ces dinosaures que sont les représentants de cette société marchande, nos "pères", donc...
La lutte libertaire continue et ne s'arrêtera que quand ces "pères" décideront de ne plus "régir" le monde.
Recevez donc, mes salutations libertaires...
Georges Tafelmacher
OSL, POP-Gauche en Mouvement
©Tafelmacher
Je vous remercie d'avoir pris le temps et la peine de répondre en détail à ma réaction à l'article de Claude Monnier parue sur le web.
Comme vous, je pense, que le mouvement Mai'68 est un événement complexe (mouvement estudiantin + libération sexuelle + mouvement ouvrier) qui mérite qu'on lui consacre une analyse plus fouillée que les quelques lignes polémiques que j'ai consacrées au sujet. Mais les contraintes propres au courrier des lecteurs veulent que l'on soit bref et percutant pour avoir la moindre chance d'être publié et donc forcément simplificateur. Je précise que c'est dans la seule perspective française (étant moi-même française) et étudiante (les jeunes contre les vieux) que j'ai évoqué ce phénomène.
Je voulais mettre en évidence deux choses :
D'une part que la valorisation du combat des jeunes contre les vieux (conçu comme celui des bons contre les méchants) – sinon ce conflit lui-même qui est de toutes les époques – est un héritage de Mai'68 et que remettre en question cette valorisation, c'est remettre en question cet héritage. S'il faut effectivement renoncer à désigner les soixante-huitards à la vindicte populaire comme nous y encourage Claude Monnier, cela ne signifie pas forcément qu'il faille aussi renoncer à l'examen critique de l'héritage qu'ils nous ont légué. J'ose croire qu'une telle attitude n'est pas incompatible avec la tradition de respect dû aux anciens que je défends et qui n'est pas pour moi synonyme de fidélité servile à leur exemple.
D'autre part, je voulais souligner que les soixante-huitards sont en train de découvrir à leurs dépens que, grâce à eux, il est plus facile, plus gratifiant et plus valorisant d'être dans le camp des jeunes contestataires que dans celui des vieux contestés. En ce sens, ma position de contestataire du mouvement Mai'68 est plus confortable que la position de celui qui est sommé de se défendre et de se justifier (celle de Cohn-Bendit ou la vôtre). J'en suis consciente, mais je ne suis pas sûre que les soixante-huitards, avant aujourd'hui, se soient rendu compte à quel point la posture de leurs aînés était inconfortable.
Que les détenteurs de l'autorité en Mai'68 l'aient souvent utilisée à mauvais escient, dans des buts discutables, ou qu'ils en aient abusé (en étant souvent persuadés de bien faire), suscitant la colère et la révolte des jeunes de cette époque, c'est fort possible. Mais la jeunesse d'alors, née après la guerre était-elle au courant "de toutes les intrications et implications" qui poussaient les aînés à faire le choix de la société de consommation? Comment les vieux de Mai'68 qui avaient connu la guerre, la peur, le totalitarisme nazi, les privations, la faim, le froid, la crasse, une économie de subsistance, et pour qui une société d'abondance représentait un inestimable progrès, pouvaient-ils comprendre que les enfants gâtés des trente glorieuses crachent dans la soupe "consommatrice" et leur reprochent leur matérialisme bourgeois? Nul doute qu'eux aussi durent se sentir trahis, incompris et qu'ils furent douloureusement éprouvés par l'ingratitude de leurs enfants. Leur tort fut certes d'oublier que l'homme ne vit pas de pain seulement (ou de tout autre bien matériel) mais cette erreur est, sinon excusable, du moins compréhensible avec le recul en fonction de leurs circonstances particulières.
De plus, ma conviction (étayées par les analyses de gens de gauche tels Jean-Pierre Legoff, Pascal Bruckner, ou Roland Joffrin du Nouvel Observateur) est que les soixante-huitards furent les "idiots utiles" (en paraphrasant lénine) de la société de consommation puis de l'ultralibéralisme. Leur idéologie libérale-libertaire, illustrée par le slogan choc "vivre sans temps mort et jouir sans entraves", était en effet très aisément récupérable et recyclable par l'idéologie consumériste et l'individualisme égoïste qui la sous-tend que cette consommation concerne des biens matériels, des plaisirs ou des gens. Votre génération aurait donc pris le relais involontaire de la génération précédente et cette société marchande "peu bénie", nous la devrions donc autant à vous qu'à elle, bien que de manière différente.
Aujourd'hui, tout comme les vieux d'autrefois, vous vous sentez blessé par mon ingratitude à l'égard des soixante-huitards. Vous réclamez de moi pour eux une indulgence, une compréhension, et même une reconnaissance, que vous n'avez pas accordées autrefois et que vous n'accordez toujours pas à vos ainés. Suivant les conseils de Claude Monnier, j'accepte de vous les concéder parce que vous avez raison de souligner que mon âge m'empêche d'avoir une vision exhaustive de l'époque, et parce qu'un jour, j'aurai probablement à souffrir de l'ingratitude et des critiques de la génération suivante. Mais ce faisant, je romps avec votre exemple.
Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations respectueuses.
Laurence Benoit
Madame,
Je ne me sens pas blessé par votre ingratitude à l'égard des soixante-huitards. C'est juste qu'il me semble que ces temps, une campagne assez virulente est orchestrée contre ce groupe improbable désigné du qualificatif "soixante-huitard" qui est devenu, par ce fait, péjoratif. Or, et de un, nous ne sommes pas un groupe homogène mais une classe d'âge hétéroclite aussi diversifiée que la société elle-même. Et de deux, pas tous les jeunes de cette époque étaient des révolutionnaires libertaires, il y en avait qui suivaient sagement les préceptes de leurs aînés et ont perpétué fidèlement la société de consommation naissante. À l'époque, nous avons lutté contre des jeunes réactionnaires qui, au nom d'une légitimité sociale imposée par leurs "pères" et sous le contrôle de leurs aînés, ne se gênaient pas de venir casser nos plates-bandes et nos idées. Nos visages portent encore les marques de ces coups, 30 ans après !
Mais votre dernière phrase est inacceptable car elle insinue que mon "exemple" serait de "casser du vieux" alors que si vous me relisez sans préjugées, vous constaterez que ma critique de la génération qui nous a amené la consommation à outrance érigée en une valeur absolue non négociable et incontestable, s'adresse aux actes, faits et gestes de ces messieurs et non à leurs personnes propres comme vous pouvez le lire: «Nous les jeunes de l'époque, nous avons compris le sens que les dirigeants voulaient donner à la société et nous avons contesté cette emprise en démontrant son danger». Il n'y a pas de "mis à mort" du "père" dans cette phrase mais une constatation de leurs agissements. C'est une critique au même tarif que ceux que nous recevions de leur part lorsqu'ils nous critiquaient et fustigeaient nos comportements. Nous avons osé contester les "valeurs" marchandes de nos aînés mais nous ne les avons pas jugés ou condamnés comme on le fait à notre égard à présent.
L'esprit '68 peut être assimilé de nos jours au mouvement du "6 Décembre" autour de l'adhésion à l'Europe et la recherche d'ouverture qui existe chez les jeunes de l'initiative "Oui à l'Europe" n'est que la pale copie de nos revendications de l'époque. J'ai bien écouté M. Chérix: même arguments, même passion, même démarche. Et pourtant, je ne vous ai pas entendu, ni même lu d'articles de votre part fustigeant ces jeunes iconoclastes qui vont "couler la Suisse" avec leurs impatiences puériles contestant ainsi la sagesse de leurs "pères" du Conseil Fédéral. Autrefois, tout comme les jeunes d'aujourd'hui, nous avons été blessés par l'ingratitude de nos aînés à l'égard nos activités de conscientisation sociale et par l'incompréhension complète de nos "pères" quant à nos motivations. Ils ont réclamé des jeunes une indulgence, une compréhension, et même une reconnaissance qu'ils ne nous ont pas accordé et qu'ils ne nous accorderont jamais. Suivant les conseils de Claude Monnier, j'ai accepté de les concéder ce respect parce que vous avez raison de souligner qu'un jour, j'aurai probablement à souffrir de l'ingratitude et des critiques de la génération suivante. Ce faisant, contrairement à ce que vous affirmez insidieusement, je suis votre exemple. Et la posture inconfortable de nos aînés, qui ne tenait qu'à eux d'ailleurs, ne les donne pas le droit d'esquiver nos interrogations sur notre futur qu'ils tiennent, pour notre plus grand malheur, entre leurs mains avides et grappilleurs.
Avant de critiquer, il faut connaître tous les tenants et aboutissements de la situation. J'ai deux fils adultes. Pendant leur adolescence, ils ne se sont pas gênés de me critiquer, de me descendre en flammes, de contester mes points de vues et à aucun moment ai-je ressenti leurs actes comme étant dirigés personnellement contre moi ou comme étant un "irrespect" dû à ma personne. C'était l'expression de leur ouverture au monde et de leurs recherches d'indépendance et leurs révoltes étaient inscrites dans une normalité de jeune que j'ai respecté avec considération, sans énervement, sans gueuler, sans punir, sans être démoli pour autant, sans perdre ni mes moyens, ni mes idées, ni mes actions. Lorsque j'avais leur âge, je ne demandais que cela de mes détracteurs mais comme ils ne voulaient rien savoir, ils n'ont mérité que notre rogne et rébellion lorsqu'ils ont envoyé les flics contre nos manifs avec force matraques, gaz lacrymogènes, soutenus par des juges qui n'avaient qu'une seule idée en tête: mater ces sales jeunes et arrêter leurs mœurs décadentes. Je n'ai rien contre les vieux sauf lorsqu'ils inhibent, castrent, ridiculisent, dénigrent et dévalorisent les jeunes, sauf lorsqu'ils cherchent à établir une hégémonie ou une pensée unique, ce qui a été et ce qui est toujours, malheureusement, très souvent le cas. Le combat doit toujours être analysé par rapport aux conditions des deux côtés et nous pouvons constater qu'il y a casse lorsque l'autorité se rigidifie et réagit avec force, sans aucune considération pour notre désir de repenser le monde, sans aucun respect pour nos idées. Je ne vous ai jamais entendu prendre la plume pour dénoncer ces cas flagrants d'irrespect envers les jeunes, ni les situations de totalitarisme avérées.
Quant à la notion de "valorisation", de nouveau, je ne vous ai pas entendu lorsque les industriels "valorisent" leurs profits par rapport aux problèmes sociaux de leurs employés, lorsque les autorités "valorisent" leurs valeurs par rapport à l'alternative, lorsque les "pères, aînés, anciens" puissants "valorisent" leurs façons d'être par rapport aux ouvertures des jeunes, lorsque les policiers "valorisent" la force pour réprimer une manif, lorsque les élites "valorisent" leurs idéologies par rapport aux tentatives de "penser autrement" des jeunes, lorsque les politiciens "valorisent" leurs combats pour plus de nationalisme, d'autoritarisme, de fermeté et pour l'interdiction de contester de la part des jeunes. Où est le respect des jeunes dans ces cas ci et pourquoi attendrait-on des jeunes qu'ils respectent des "aînés" si la réciprocité n'est pas de mise ?
Quant à la sexualité, elle a été un sujet non seulement tabou mais en plus, il était impossible d'en parler librement sans encourir les foudres des bien-pensants pour qui l'évocation même du plaisir était tabou. Notre lutte pour la libération sexuelle est à prendre dans le contexte coincé de l'époque et non dans un irrespect de nos aînés qui n'ont pas été aussi altruistes que ce que vous affirmez et malgré ce que vous avancez comme explication pour justifier la recherche de prospérité à la fin de la guerre n°II. N'oubliez pas que pendant mon enfance, nous recevions des tapes sur notre main chaque fois qu'elle frôlait notre sexe, que notre langue était induite de savon à chaque gros mot, chaque contestation était ornementée d'une claque magistrale, toutes tendances à l'excitation et la dissipation méritaient carrément la fessée. Dans ces contextes moralisateurs, comment voulez vous demander aux jeunes sortis d'un moule pareil d'être animé d'un "respect dû aux anciens" que vous défendez? Le respect n'est dû que si elle est méritée, ce qui n'était vraiment pas le cas en 1968. En effet, la règle impériale était: «puisque nous les vieux avons fait la guerre pour que vous les jeunes puissiez consommer en paix, vous les jeunes, vous n'avez plus le droit de nous critiquer !» Cela, chère Madame, c'était leur leitmotiv totalitaire pour casser toute velléité de rébellion et maintenir les jeunes à leur place, soumis, oui parfaitement, au symbole de fidélité servile à l'exemple des aînés. Et c'est cela que vous ne comprenez pas et même, à lire votre réponse à ma lettre, absolument pas et de qui plus est, on dirait une diatribe droit sortie d'un manuel des années '30 pour jeunes filles pubères domestiquées et obéissantes !
Loin de vouloir la "mort du père", tout ce que je cherche c'est que nous puissions tous ensembles penser conjointement sur notre futur et que nous puissions tout faire pour ne pas dépendre de quelques "élites" (pères, aînés, anciens et compagnie !) pour nous diriger à travers les tumultes de notre époque. Mais lorsque dans votre accusation nous pouvons lire: «votre génération aurait donc pris le relais involontaire de la génération précédente et cette société marchande "peu bénie", nous la devrions donc autant à vous qu'à elle, bien que de manière différente» alors il faut prendre en compte toutes les improbables interprétations que les gens feront des situations antérieures et se rendre compte que tant que nous ne pouvons pas être d'accord sur la genèse des problèmes actuels, nous n'avancerons pas d'un iota et nous risquons de nous casser la gueule vite fait bien fait et ce ne sera la faute ni aux jeunes contestataires, ni aux vieux révolutionnaires '68tards, ni à toutes ces personnes anonymes qui essayent presque désespérément de "faire quelque chose"! Ce n'est pas parce que nos idéaux ont été récupérés d'une manière éhontée par cette classe des vieux de Mai'68, légitimée par «la guerre, la peur, le totalitarisme nazi, les privations, la faim, le froid, la crasse, une économie de subsistance, et pour qui une société d'abondance représentait un inestimable progrès» et qui les ont transformés en une formidable machine à faire du fric que vos accusations que nous aurions perpétué la société marchande soient justes, surtout pour nous, les '68tards qui avons tant lutter pour une autre vie, tant soufferts pour une autre société. Vous êtes en train d'accuser les victimes de ce système d'avoir perpétuer ce système, ce qui est absurde, injuste, malhonnête et faux. À moins de considérer que nous sommes TOUS, vous et moi, vieux et jeunes, tous responsables de ce qui arrive et dans ce cas, vos critiques ne sont pas pertinentes car vous devez aussi admettre que «cette société marchande "peu bénie", nous la devrions donc autant à vous qu'à nous, bien que de manière différente...»
Gratifiant ou pas, valorisant ou pas, nous avions une lutte à mener et nous l'avons fait avec passion, ouverture et un nouveau sens de la vie. Venir nous le reprocher maintenant alors que nous vivons toujours les problématiques dénoncées pendant l'épisode révolutionnaire de 1968, est vraiment synonyme d'une réaction émotive à très courte vue.
Je vous retourne donc vos insinuations en vous priant de prendre en considération vos propres phrases qui peuvent être signifiantes non pas uniquement pour moi mais surtout pour vous. S'il faut effectivement renoncer à désigner les aînés à la vindicte populaire comme vous nous y encouragez, cela ne signifie pas forcément qu'il faille aussi renoncer à l'examen critique de l'héritage qu'ils nous ont légué. J'ose croire qu'une telle attitude n'est pas incompatible avec la tradition de respect dû aux révolutionnaires que je défends et qui n'est pas pour moi synonyme de "tuer le père". Suivant les conseils de Claude Monnier, j'accepte de vous concéder ce respect parce que vous avez raison de souligner que votre âge vous empêche d'avoir une vision exhaustive de l'époque '68 et parce qu'un jour, vous aurez probablement à souffrir de l'ingratitude et des critiques de la génération suivante. Mais ce faisant, vous ne rompez pas avec mon exemple, vous le suivez !
Veuillez agréer, Madame, mes salutations respectueuses.
©Georges Tafelmacher
On est le produit de la société dans laquelle on vit et si on est envahi par le doute, paralysé par la méfiance, si on craint l'avenir en se contentant de subir les événements sans le goût d'agir, c'est que le modèle qu'offre cette société n'est pas en harmonie avec ses aspirations profondes et ses capacités d'action personnelle et ne permet pas de se définir dans un projet de vie cohérent et social, en tant qu'individu ayant son identité propre. La personne humaine ne se crée pas toute seule, hors contexte, et si un individu est accablé par le poids de l'irrationnel, c'est que cette société ne lui permet pas de résoudre ses craintes et angoisses. La manière compulsive dont cette société inhibe tous les problèmes de l'inconscience empêche la résolution de la problématique de l'irrationnelle humaine dans une compréhension holistique de l'entier des attitudes humaines. Seule l'expression des troubles profonds venant du tréfonds des êtres permet la maîtrise de ses problèmes.
La crise actuelle de la société économique et industrielle n'est que la conséquence des obsessions de ses dirigeants: si l'image est au gagneur combatif, dominant, rationnel, progressiste, sans états d'âme, refoulant ses peurs et ses incertitudes alors il y aura des perdants et l'estime que ceux-ci ont d'eux-mêmes dépend totalement de l'image que la société fait à leur égard. Le poids des déterminismes sociaux pèse lourd dans le devenir des êtres et peut marginaliser toute personne pas conforme à l'image de l'individu qu'exige la société. Le problème de l'homo-sapiens plus sapiens du tout n'est que le reflet des contradictions dans lesquelles s'enferrent les autorités de cette société, à l'image de leurs exigences, de leurs philosophies fortement teintées de moralité. La crise actuelle a pour cause la domination de théories économiques néo-libérales sur la société amenées par les puissants acteurs imbus de pouvoir qui se sont donnés pour projet d'agir sur nous. On ne peut pas espérer changer la mentalité des individus sans changer parallèlement celle de la société et de ses dirigeants. Le sadisme de cette société aux solidarités moribondes enfonce les gens dans des situations d'autant plus inextricables que la seule porte de salut est celle de la consommation et de la production industrielle. Les individus incapables de la prendre, finissent par ressentir, jusque dans leurs chairs, l'échec et l'exclusion car les exigences de l'économie de marché de concurrence exacerbée les laisseront exclus de la compagnie des surhommes dotés de moyens hors de portée de la majorité des hommes ordinaires. Comment repenser l'avenir si le seul modèle est celui d'un capitalisme de consommation, combatif, arrogant et sauvage, basé sur la conquête de marchés, la concurrence et d'autres considérations purement économiques, soutenu par une psychologie de bazar, réductrice et culpabilisante pour le simple citoyen engoncé dans un fatras social, créé au nom de la démocratie libérale par des autorités imbues du pouvoir qu'ils ont sur les gens? Comment sortir de la crise si, régulièrement dans les journaux, des hommes politiques nourrissent cette crise en se permettant de fustiger le peuple et de le rendre responsable d'une situation qui serait plutôt la conséquence des choix de société des directeurs, fruit de leurs agissements unilatéraux et dirigistes ?
Dans cette société de consommation, de progrès technologique et de changements frénétiques, les histoires individuelles sont devenues d'une banalité affligeante et lorsqu'on se demande comment on en est arrivé là, on peut constater que le poids des exigences sociales pèse lourd et exclut toute personne qui n'est pas gagneuse, dominante, combative, agissante. Et si pour faire marcher une société fondée sur l'économie de marché libérale et la production industrielle, on doit devenir un consommateur hyper-actif et productiviste dont les seuls buts sont l'argent et le culte de la réussite professionnelle, alors il ne faut pas s'étonner que le monde soit dans l'état que dénoncent les dirigeants qui sont, avec les hommes d'affaires, politiciens et autres acteurs sociaux bonimenteurs et moralisateurs laïques, les auteurs mêmes de l'actuelle décadence sociale. Ce sont les mêmes qui, pendant les années de prospérité, ont bien profité de la crédulité de la population pour se constituer des richesses et des fortunes énormes.
Et maintenant que sévit une très grave crise sociale, nos autorités laissent entendre que nos réactions irrationnelles et nos émotions irraisonnées sont les causes de cette crise et que nos instincts répréhensibles renforcent la stagnation économique. Ils oublient opportunément que nous sommes le produit de la société dans laquelle nous vivons et que cette société est le fruit de leurs œuvres. En se prenant à nous, ils se croient dispensés de voir l'étendue de leurs responsabilités dans le drame actuel.
©Georges Tafelmacher
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©Marc Venot
Monsieur,
Il ne faut plus, et en aucun cas, de ces solutions-trucs absconses, irrelevantes, ne prenant pas en compte les causes de la maladie dont le diagnostic est le reflet des déséquilibres créés par la théorie économique néolibérale. C'est cette économie qui doit cesser d'agir sur le monde et au détriment des gens et la solution n'est pas l'imposition d'une inhibition des contestataires pour les empêcher de dire la vérité.
Pourquoi diantre faut-il que ce soit aux révélateurs des problèmes de subir le silence que veulent nous imposer les autorités? Pourquoi ces autorités ne font-ils pas partie de l'ordonnance en tant que purgées? Pourquoi est-ce au peuple d'être soumis aux restrictions pour que ces dirigeants puissent discuter tranquillement entre eux sans opposants, sans contradicteurs, sans être remis en question, sans restriction de leurs libertés d'entreprendre tout et n'importe quoi, sans être au pied d'un mur, sans pression populaire, sans regard critique sur leurs travaux qui, malgré tout, concerne tout le monde, tous les gens, tout le monde et qui donnent le ton, la tendence générale, le trend, la marche à suivre ?
Et s'il n'y avait pas d'ordonnance possible, et si la solution était bien trop complexe pour la réduire à quelques "ordonnance-mesures" unilatérales, bonnes que pour les affaires de ces messieurs, qui ne doivent avoir rien d'autre à faire que d'embêter les gens avec leurs exigences démesurées, démagogiques, hégémoniques et liberticides! Alors que la seule "ordonnance" serait de renverser ces "patrons" et dire aux gens : «À partir de maintenant, c'est vous et vous seul qui êtes à même de vous occuper de vos affaires» !!
Oui, c'est cela!! Unissons-nous, formons des comités paritaires, des groupes de pression, répartissons-nous tout le travail équitablement et formons des communautés où tous les intérêts seront représentés, où tout le monde aura sa place, où chacun agira selon ses capacités, ses envies, ses besoins, ses idéalismes, ses visions et où ce serait plutôt les grands "m'as-tu-vu" obsédés par leurs richesses qui seront empêchés d'agir sur la société et de la développer selon leur seule pensée unique économique. Il faut que nous cessions de toujours raisonner selon les diktats de ces "globals leaders", de toujours chercher à répondre à ces personnes et que nous rentrions dans une logique plus sociale, plus près des préoccupations des gens, avec le concours de chacun et de son investissement personnel et de son génie propre, avec la participation de tous les citoyens.
En UN mot – c'est le sens même de toute la lutte Mai'68 et de la révolution sexuelle adjacente...
Bonne journée à vous...
©Georges Tafelmacher
Travail, éducation, repères, un livre critique la société que les baby-boomers laissent à leur progéniture. Mais la nouvelle génération, plus raisonnable, a pris les choses en main: le hippie a engendré un banquier !
Un Genevois de 18 ans se lance dans la finance. Au vu de l'éducation très centrée sur la créativité et l'épanouissement personnel qu'elle lui a donnée, sa mère, une psychologue dans la cinquantaine, s'étonne de le voir nouer sa cravate tous les matins: «ça lui passera», commente-t-elle. De l'autre côté de la Sarine, à Zurich, le fils d'une artiste baba a commencé sa carrière à la Bourse suisse, pour devenir ensuite gestionnaire de fortune. Quand il était petit, sa mère l'encourageait pourtant davantage à peindre sur les fenêtres du domicile familial qu'à se plonger dans la finance. Et puis il y a Tara Grimaître, 26 ans. Son père, Serge, un jurassien né en 1947, a fui la Suisse et son conformisme pour vivre le rêve hippie en Australie. En 2006, afin de faire carrière, Tara quitte l'Australie et revient en Suisse. Son but: gagner beaucoup d'argent à Genève en travaillant pour des multinationales. De l'autre bout du monde, Serge lui conseille plutôt de "prendre son temps", de "s'épanouir".
Dans «Nos enfants nous haïront», un livre "coup-de-poing" qui vient de sortir, Denis Jeambar et Jacqueline Remy font l'autocritique de leur propre génération, celle qui avait 20 ans en 1968. Ils constatent que leurs contemporains légueront à la génération suivante une société endettée, où le travail n'est pas valorisé, où la jeunesse sort de l'école sans repères, où les minorités font la loi. Bref, une société usée par les utopies. Mais Tara et ces jeunes banquiers montrent aux deux journalistes de L'Express que la jeunesse d'aujourd'hui prend son destin en main.
«NE VISE PAS TROP HAUT !»
Qu'on les appelle soixante-huitards, baby-boomers ou babas cool, ceux qui, au cours des années 70, ont tant fait pour l'émancipation de la société risquent d'être surpris par leur progéniture. Alors que les parents rêvaient d'un monde meilleur, le chômage de masse a rendu les enfants beaucoup plus raisonnables. Et pragmatiques.
Un exemple: la mère de Mathieu Erb, Sylvana, une enseignante de Couvet (NE), défend vigoureusement les valeurs de la gauche syndicaliste. Mathieu, lui, est à 20 ans le président des Jeunes libéraux suisses, il étudie les sciences économiques et envisage une carrière dans le management. Sa mère lui répète régulièrement qu'il aurait fait un bon prof et elle ne supporte pas son esprit de compétition exacerbé quand ils jouent au tennis ensemble. Bref, leurs visions du monde diffèrent complètement. «Quand j'ai décidé d'étudier l'économie, se rappelle le jeune libéral, ma mère n'était pas très enthousiaste. La littérature est sa passion et elle n'a jamais réussi à me la faire partager. Je crois que c'est une de ses plus grandes déceptions.»
Pour Mathieu Erb, «avec le marché du travail tel qu'il est aujourd'hui, il faut se prendre en main». «On ne peut plus se laisser vivre», dit-il, avouant une volonté de fer, à la limite de l'opportunisme. Et ce, même si Sylvana lui répète sans cesse: «Ne vise pas trop haut ou tu tombera de haut.» En résumé: sa propre mère lui conseille de limiter son ambition.
Même dissonance dans la famille de Tara Grimaître. Quand elle a envoyé à ses parents la description de son nouveau job en tant qu'assistante du CEO dans une multinationale, ils lui ont tout de suite dit de "faire attention", de ne pas "donner trop d'importance à sa carrière", de ne pas trop miser sur le travail. La jeune néogenevoise et 1 e libéral neuchâtelois illustrent à merveille une bizarrerie historique que les enfants de soixante-huitards vivent au quotidien: ils font partie de la première génération plus sérieuse et raisonnable que celle qui l'a précédée. «Mon père était déjà soucieux quand, pendant mes études, il me voyait le nez plongé dans de gros livres traitant du commerce international», se rappelle Tara. «A ton âge il faut sortir s'amuser», disait-il.
MINISTÈRE DU TEMPS LIBRE
Pour Denis Jambar, les soixante-huitards ont dévalorisé la notion d'effort. «À trop vouloir réduire le temps de travail, on a créé un discours destructeur. Un discours selon lequel on ne peut s'épanouir qu'à côté de la vie professionnelle», dit le directeur de la rédaction de L'Express et futur patron des Editions du Seuil. «On en est même arrivé à créer un Ministère du temps libre en 1981», ajoute-t-il effaré.
Un sentiment que Georges Tavernier partage. «Certains soixante-huitards ont voulu nous faire croire que le travail était un calvaire, dit le président des Jeunes libéraux valaisans. Pour moi, c'est une manière d'apporter sa pierre à l'édifice de la société et de se réaliser en tant qu'individu.» Tara Grimaître, elle aussi, apprécie la motivation qu'elle éprouve au bureau: «Personnellement, j'ai besoin de défis, d'excitation dans mon travail. J'aime être intéressée par l'entreprise qui m'emploie.» Ce retour de la "fierté du boulot", Denis Jeambar le voit d'un bon œil, aujourd'hui que l'emploi se fait rare. Car pour lui, «le travail est une façon de s'exprimer. En le dévalorisant, les baby-boomers ont été à l'origine d'une idée préjudiciable à la solidité du contrat social.»
I1 faut dire qu'à l'époque, le chômage ne posait pas vraiment de problème: il était quasiment inexistant. «Dans les années 70, travailler tôt le matin, ça ne faisait pas chic, et ne rien faire était une prise de position contre-culturelle, ironise Jacqueline Remy. Aujourd'hui, le chômage est très mal vu.» Résultat, les hippies ont poussé l'insouciance à son maximum. Leurs enfants ne pouvaient donc qu'être plus sérieux, plus terre à terre, plus carriéristes. Ce retour à l'ordre était donc prévisible. Mais malgré cette évidence, les parents babas sont étonnés. Car avant que leurs marmots ne choisissent un métier, ils les ont éduqués, nourris de leur idéologie. Et leur système ne se basait que sur une seule phrase: «Fais ce que tu veux !»
BABY-BOOMERS, SOIXANTE-HUITARDS... QUI SONT-ILS ?
Les baby-boomers sont les personnes nées entre 1945 et 1964. Pendant cette période d'après-guerre, la natalité a atteint des sommets. Ce sont les mêmes personnes qui avaient 20 ans en 1968 et au cours des "70's", lors des manifestations estudiantine et hippies. Tous n'étaient pas des militants d'extrême gauche, mais cette génération a clairement joué un rôle décisif dans l'émancipation de la société.
LAXISME ÉDUCATIF
Dans «Nos enfants nous haïront», on lit que le baby-boomer «a simplement oublié d'enseigner à sa progéniture ce qui pourrait l'aider un jour à se tenir droit dans la vie: le courage, la lucidité, le sens de l'effort, le goût de la responsabilité». Bref, les jeunes ne seraient pas «préparés au monde qui les attend». Selon Jacqueline Remy, qui «éprouve beaucoup de tendresse» pour sa génération, les soixante-huitards ont trop aimé leurs enfants: «C'était un amour fusionnel qui s'opposait à l'éducation autoritaire qu'ils avaient reçue eux-mêmes.» Les baby-boomers avaient une obsession: donner à leurs enfants la liberté de se faire tout seuls, «les laisser grandir d'eux-mêmes, comme une fleur au soleil».
On a donc mis l'enfant au centre de la cellule familiale et de l'école. On l'a soustrait à la sanction "injuste" des notes (une décision qui, à Genève, fait débat aujourd'hui) et, quelle que soit la beauté des sentiments qui se trouvent derrière ce laxisme éducatif, on a couru le risque de créer une génération d'enfants sans repères. C'est en tout cas ce que pensent Denis Jeambar et Jacqueline Remy. Mais, dans ce domaine aussi, la nouvelle génération a pris les choses en main. N'en déplaise aux pédagogues, Tara Grimaître plaide effectivement pour une éducation plus stricte: «Mon père m'encourageait à suivre mes rêves, à faire quelque chose de créatif, se souvient-elle. C'est un peu pour ça que j'ai d'abord étudié la décoration intérieure. Cette voie ne m'a menée nulle part et ce n'est que plus tard que je me suis mise au commerce international. Parfois, je regrette que mes parents ne m'aient pas poussée à faire un diplôme utile dès ma sortie de l'école. À moins de 20 ans, on a besoin de repères, de lignes à suivre. Moi, j'ai dû dessiner mon avenir toute seule !»
Cette révolte néoconservatrice face aux idées bohèmes est certes originale. Pour la première fois, les enfants sont plus rigides que leurs parents. Mais cela reste une révolte, une réaction d'une génération face à celle qui l'a précédée. «J'ai toujours voulu une vie financièrement confortable, dit Tara Grimaître, ne pas avoir à me soucier de l'argent. Je veux une carrière et du succès. Comme mes parents avaient d'autres priorités, nous portions des habits de deuxième main. Ces habits m'ont donné envie de prendre une autre voie, de faire le contraire de ce qu'avaient fait mes parents.»
L'ORDRE ET LA DROITE
Serge Grimaître, son père, comprend cette réaction face au manque de confort matériel qu'induit le mode de vie hippie. «J'allais la chercher à l'école dans une voiture pourrie et elle souffrait un peu du regard de ses camarades. Mais ma fille garde les valeurs de non-violence et de respect de l'autre que je lui ai inculquées. Et à l'adolescence, quand elle était fan de Bob Marley, elle était plutôt fière de nous présenter à ses amis.»
Toujours est-il qu'ils sont de plus en plus nombreux, les jeunes qui, comme Mathieu Erb et Georges Tavernier, militent pour un retour à l'ordre et s'engagent dans des partis de droite. «Les jeunesses UDC connaissent un afflux d'inscriptions impressionnant, dit Mathieu Erb. De notre côté, nous avons relancé les Jeunes libéraux neuchâtelois et nous sommes passés de 0 à 25 membres en deux ans. Même chose en Valais et dans le canton de Vaud. Les jeunes socialistes, eux, stagnent plutôt.»
En fait, du côté des Jeunes socialistes, la tendance est même à la baisse depuis quatre ans. Hans-Jürg Fehr reconnaissait lui-même, lors de son élection à la présidence du PS, que la génération qui a eu 20 ans au cours des années '90 ne partage pas du tout la vision du monde soixante-huitarde. Et que les socialistes n'ont pas réussi à développer un discours qui parle à ces jeunes. Pour Mathieu Erb, «à force de briser tous les tabous, d'être insouciant sur l'avenir des retraites et des finances publiques», les soixante-huitards ont simplement créé une bulle sur le point d'exploser. «Aujourd'hui on met des muselières aux chiens, on interdit de fumer dans les trains et on ne parle plus du tout de dépénaliser le cannabis. Le vent tourne, ce qui n'est pas pour me déplaire. Mais comment les soixante-huitards vont-ils prendre ça? Je me le demande.» I
© L'HEBDO
Messieurs,
Dans L'Hebdo du 21 septembre 2006, vous vous êtes posés la question suivante :
«Mais comment les soixante-huitards vont-ils prendre ça? Je me le demande.»
Voici ma réponse circonstanciée :
Le mouvement '68 où l'on rêvait d'un monde meilleur, était, n'en déplaise à quelques-uns, plus que nécessaire à une époque où la nomenclature industrielle, économique et politique cherchait frénétiquement à rendre leur société de consommation naissante crédible, populaire et incontournable. Nous avons vu la naissance de ces "grands capitaines d'industrie" qui, sur la base d'études psychologiques biaisées, cherchaient à transformer les gens en "consommateurs" et à les persuader de suivre leurs "principes" sociétaux purement marchands en remplaçant la tradition de respect dû aux autres et l'engagement dans sa commune par l'individualisme égocentrique, fondement de la mentalité "consommatrice". La pub, s'appuyant sur des théories psychanalytiques dévoyées, commençait à être formatrice, formatée et normative et le pouvoir des médias s'affirmaient résolument du côté du pouvoir économique. Nous les jeunes de l'époque, nous avons compris le sens que les dirigeants voulaient donner à la société et nous avons contesté cette emprise en démontrant son danger. Nous le reprocher 30 ans après alors que nous sommes en train de subir injustement les graves conséquences de cette mentalité consommatrice, est manqué de vision analytique et de désigner les contestataires comme les causes de la dégénération de la société, nourrit une spirale de haine intergénérationnelle. Nous voulions sortir de la logique inaugurée et mise à la mode par les industriels, les financiers et le pouvoir politico-économique hégémonique de l'époque. Cette idéologie économique était élevée en "valeur" à laquelle il fallait croire : l'autoritarisme incontestable et la toute puissance des financiers où gagner beaucoup d'argent en travaillant pour des multinationales devenait la règle.
Les industriels ont "gagné" contre les soixante-huitards, l'économie a battu tous les records et elle est devenue le seul mode de vie tolérable, la seule façon de marcher acceptable. Mais à présent ils récoltent ce qu'ils ont semé et la montée de la violence actuelle tant dénoncée, la perte des valeurs tant décriée, une société endettée où le travail est délocalisé, où la jeunesse n'a plus de repères, où les minorités font la loi, sont là pour démontrer que l'impulsion qu'ont donné ces dinosaures que sont les représentants de cette société marchande se retourne contre eux. Le pire étant qu'ils légueront à la génération suivante les conséquences de leur "victoire" en nous mettant toute la faute sur le dos.
Il est patent de noter que de nos jours à chaque "problème de société" (violence dans les préaux, montée de la violence chez les jeunes, violence routière, etc.), cette société cherche la solution par un retour aux "bonnes vieilles méthodes", par un retour à l'ordre où on redresserait les auteurs désignés de "fauteurs" par la loi, les répressions juridiques et carcérales, la police renforcée, l'autorité incontestée, la fustigation morale des problèmes psychiques et par l'imposition de comportements socialement acceptables par la fixation de limites, l'enfermement, les notes et le port de l'uniforme à l'école, la politique du gros bâton, la crainte de l'autorité et la peur du gendarme. C'est ce que Jean-François Revel, pourtant un libéral, a pu dénoncer dans son livre «La tentation totalitaire» écrit il y a 30 ans où il prédisait exactement ce qui est en train de passer de nos jours !
On reproche aux soixante-huitards leurs "valeurs" dépassées mais que dire des "valeurs" produites par la société de consommation, si pragmatique à en croire ses défenseurs – l'enrichissement, la réussite, le matérialisme, l'obsession de son petit individu, le jeunisme, la carrière, la consommation, la voiture 4x4, l'appartement résidentiel, le Macdo, l'épilation, les soins de beauté? Que dire des "repères" produites par la publicité, le matraquage commercial, la chasse aux alternatifs ?
Il faut quand même savoir qu'à l'époque '68, il fallait un immense courage pour sortir de la pensée-unique économique, une lucidité à toute épreuve pour ne pas être happé par le rouleau-compresseur de la consommation, un grand sens de l'effort pour mettre en pratique d'autres valeurs que celles imposées par la pensée-unique commerciale et nous étions remplis d'une responsabilité basée sur le respect des autres, de l'environnement et de la vie, sur l'autogestion et l'épanouissement de sa personne réhabilitée, sur la participation et l'engagement social.
Vous êtes décalés d'au moins dix ans car ce sont les valeurs guerrières et économiques thatcheriennes-reaganiennes qui ont perdurées pendant les années 1980-90s qui ont amené les problèmes de société actuels et les pertes de repères tant décriées et non les activités contestataires des jeunes. Et c'est plutôt ce premier retour du bâton de l'ordre imposé qui a créé les problèmes de société actuels, qui a créé une bulle sur le point d'exploser. Le chômage de masse n'est que la conséquence de la recherche pathétique du rendement, du profit à tout prix et c'est ce qui a rendu le contexte social tendu au point que les enfants de notre époque sont devenus beaucoup plus manipulables, vulnérables, fragiles et angoissés. Venir après cela dire qu'ils seraient devenus plus "raisonnables" et "pragmatiques" est presque insultant !
Questions finales que votre article soulèvent et où nous ne voyons aucune réponse :
La pub récupère frénétiquement tout ce que cette société de consommation pense être des "valeurs" soixante-huitardes (la liberté, faire selon ses envies, l'hédonisme, la paresse, etc) pour s'enrichir, qu'est-ce que cela va donner ?
Si les idéaux de '68 étaient aussi mauvaises, pourquoi toute cette société, au fond d'elle-même, les suivent-elles avec autant d'entrain ?
Dans l'attente d'une réponse de votre part, veuillez agréer, Messieurs, nous salutations distinguées.
Georges Tafelmacher
libertaire, soixante-huitard
et fière de l'être !
Lire plus:
Sous l’héritage, le bilan - Le Temps du 30 avril 2018
Que reste-t-il de Mai’68? - Journal de la Cfdt du 03/05/2018
Ces soixante-huitards qui voulaient révolutionner l’enfance - L’Obs du 3.10.2014
À l'occasion de son grand meeting parisien de Bercy, dimanche 29 avril 2007, Nicolas Sarkozy a fait feu sur Mai'68: «Les héritiers de Mai'68, a-t-il lancé, avaient imposé l'idée que tout se valait, qu'il n'y avait donc désormais aucune différence entre le bien et le mal, aucune différence entre le vrai et le faux, entre le beau et le laid. Ils avaient cherché à faire croire que l'élève valait le maître (...), que la victime comptait moins que le délinquant. (...) II n'y avait plus de valeurs, plus de hiérarchie (...) Dans cette élection, il s'agit de savoir si l'héritage de Mai'68 doit être perpétué, ou s'il doit être liquidé une bonne fois pour toutes».
Nous reproduisons ci-dessous le communiqué publié par la LCR en réponse à ces propos aussi révélateurs que haineux :
«En affirmant qu'il veut "tourner la page de Mai'68", Sarkozy a jeté une lumière crue sur sa conception de la rupture qui n'est rien d'autre qu'une tentative pour ramener la société plusieurs dizaines d'années en arrière. Celui qui s'affuble d'un casque sur la tête pour "aller au peuple" n'est qu'un politicien réactionnaire fidèle aux intérêts fondamentaux de la grande bourgeoisie et du MEDEF. Encore un petit effort et il finira par dire qu'il faut jeter aux oubliettes le Front populaire et juin 36 car les congés payés et les 40 heures ce n'était qu'encouragement à la paresse au détriment de la compétitivité de l'économie.
Pour la LCR, Mai'68 a représenté une formidable mobilisation des salarié-e-s, des jeunes, des femmes qui a débouché sur des augmentations de salaires conséquentes, des droits syndicaux nouveaux dans l'entreprise, sur une aspiration à construire une société libérée des oppressions et de l'exploitation. De Mai'68, date un mouvement de libération des femmes qui a joué un rôle important pour la reconnaissance de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes, pour la reconnaissance du droit à l'avortement et à la contraception.
Avec Sarkozy, la bourgeoisie et le MEDEF tiennent leur candidat de la trouille, la trouille des mouvements populaires qui, un jour, décident de ne plus respecter la règle du jeu capitaliste. Sarkozy est bien le candidat à battre le 6 mai !»
La police doit renforcer sa présence le soir à Lausanne pour lutter contre la violence et les tags! La police doit faire peur! Peut-être est-il temps de tourner la page aux niaiseries de la police "de proximité", qui se veut rassurante. Mais la police seule ne pourra rien faire si, derrière elle, la chaîne pénale est débordée. Encore un héritage de Mai'68 !
L'opinion de Sarkozy et de ses zélateurs sur l'héritage laissé par Mai'68 ne sort pas des caricatures dans lesquels on a trop tendance à l'enfermer.
Leur accusation repose sur l'affirmation totalement fantaisiste que Mai'68 aurait abandonné l'idée de liberté pour celle de licence, vieille accusation que tous les ennemis de la démocratie ou de l'anarchie ont utilisé pour ramener l'ordre des dominants. Selon eux, la liberté prônée par le mouvement de Mai n'aurait été qu'une apologie du désordre et de l'absence totale de limites qui seraient donc responsables des manifestations actuelles de violence, de démagogie et de rejet de tous les repères.
Mais Mai'68 ne fut pas cela,
c'était un mouvement qui luttait contre le discours autoritaire du pouvoir qui marquait toute la société en 1968. Mai'68 a tenté de nous rappeler cette vieille vérité démocratique que la liberté est toute à la fois individuelle et collective, inséparablement. Et cette liberté biface a un nom: l'autonomie, le fait de décider soi-même de ses propres lois. Or, par définition, l'autonomie n'est pas limitée de l'extérieur, si elle doit s'autolimiter, elle le ferait dans ses propres valeurs et non dans des commandements venus d'en haut ou de l'au-delà. Le mouvement de Mai a montré tous les jours son souci d'articuler ces deux dimensions, dans ses actions collectives, qu'il s'agisse des manifestations, des mobilisations, des grèves et dans l'invention d'un autre mode de subjectivation qui va de l'usage libéré de la parole au refus de tous les appareils, partis, hiérarchies syndicales, magistères, etc. Il s'agissait de montrer comment la liberté était possible à ces deux niveaux, comme capacité à penser et agir par soi-même d'une part, et comme inscription de cette pensée et de cette action dans un collectif d'égaux d'autre part. Sarkozy et ses servants font preuve d'un dépérissement inquiétant de la pensée politique pour avoir si facilement oublier cette articulation entre liberté individuelle et collective, et pour avoir assimiler l'assemblée des hommes et des femmes libres à un refus d'une autorité extérieure ou à une simple licence méprisable. Mai'68 a encore quelque chose à nous dire aujourd'hui car ce mouvement a gardé intacte une petite flamme vivante, soit cet appel à lutter pour cette liberté. De Spartacus à la révolution de 1789 en passant par la chute du mur en 1989 et les protestations de Lhassa, l'élan de liberté de Mai'68 a toujours existé et même s'il a été parfois brisé, il a semé les germes d'un héritage que l'on ne doit pas oublier aujourd'hui.
Ce qui se passe de nos jours n'est pas un héritage de Mai'68,
mais la conséquence d'un monde économique ultracompétitif, égoïste et rationnel, orienté vers la satisfaction immédiate des besoins par la consommation érigée en valeur suprême, soit l'antithèse de ce mouvement libertaire. La société de consommation a récupéré sans état d'âme tous les idéaux Mai'68 pour leur donner un sens commercial et faire marcher une économie de marché libérale assujettie à la consommation individualiste. Les adeptes du tout au marché le savent pertinemment bien car les publicitaires, qui ne peuvent être taxés de gauchistes soixante-huitards, emploient tous les idéaux véhiculés par ce mouvement pour vendre leur marchandise et faire tourner la machine. Il est pour le moins étonnant qu'on puisse venir après cela accuser les soixante-huitards d'être les seuls responsables du délitement social, de la violence, de la perte des repères et du manque d'éducation des jeunes alors que c'est plutôt le fait de la société de consommation que Sarkozy et consorts n'ont jamais renié ou critiqué ni même mis en accusation comme ils le font pour l'héritage Mai'68.
Tout est là, sous nos yeux :
Émeutes de la faim, flambée des cours des matières premières alimentaires et industrielles, accroissement des inégalités, dégradation de la santé du fait des causes environnementales, réduction rapide de la biodiversité, apparition des conséquences non linéaires des changements climatiques, augmentation irrémédiable des cours des énergies fossiles, crise financière, accélération du processus de privatisation et de marchandisation de toutes les activités humaines, travail de sape détruisant toute solidarité, culture de la consommation, retour de l'idéologie du travail, famille, patrie, etc. Le lien entre tous ces éléments n'est pas toujours évident et pour cause: la culture déversée chaque jour par le libéralisme masque les possibilités de liens, endort les esprits et travaille à l'affaiblissement des réactions constructives.
Notre monde ne tourne pas rond. Tout le monde le sait ou le ressent. Tout le monde peut le constater s'il se donne la peine de regarder. Et pourtant l'inaction perdure. Pourquoi? Avant tout parce que les dirigeants actuels cumulent au moins deux grandes tares :
- Primo, ils ont tous peu ou prou fait leur apprentissage politique pendant les trente glorieuses. C'est à dire qu'ils sont formatés par la vision d'une société de forte croissance, de plein emploi et de désintérêt total pour les ressources et le monde environnant.
- Secundo, ces hommes politiques sont engoncés dans les dogmes néolibéraux qui les ont fait renoncer à l'intérêt général pour servir la domination, l'émiettement social et l'enrichissement toujours plus grand d'une oligarchie de la finance.
Mais les dirigeants ne l'entendent pas de cette oreille et ils font tout pour mettre sur le dos du mouvement Mai'68 la faute de tous les problèmes de notre monde et pour faire porter sur les soixante-huitards la responsabilité des dérives de la société. Les détracteurs de Mai'68 entretiennent la confusion pour discréditer ce mouvement en laissant entendre que tous les problèmes qui traversent notre société ont commencé par Mai'68 qu'ils accusent d'être la cause de la violence, du délitement social, et même de la pollution.
G.Tafelmacher
Ceux qui provoquent misère et pauvreté – banquiers, groupes financiers et autres cols blancs – ruinent à qui mieux mieux. Leurs relais politiques (en principe de droite mais hélas pas seulement !) entretiennent la paranoïa sécuritaire pour y normaliser et réprimer leurs victimes qui crèvent la faim, faisant des cadeaux fiscaux aux fortunés pour mieux limer les dépenses envers les démunis. Tant qu'on ne s'attaque pas à cette logique financière et marchande qui stimule compétitivité et individualisme, donc qui génère force violence, on marchera sur la tête !
Présence policière renforcée ou pas !
DH
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