Depuis la nuit des temps, les humains ont construit leurs sociétés en se basant sur leurs perceptions du monde et sur les idées qu'ils se font de la vie. Pour la plupart, ces perceptions ont produit des idéologies qui ont fortement influencé la société et au nom de ces idéologies, on se fait la guerre. Mais elles ont aussi servi pour formater les populations et les faire marcher dans le sens voulu par les autorités qui se sont chargées de les diriger.
Mais derrière ces idéologies, il y a les mentalités dominantes qui veulent nous faire la preuve que pour survivre, il serait obligatoire de suivre aveuglément la pensée unique de l'idéologie devenue névrose collective. Il serait donc nécessaire de décortiquer les idéologies pour mieux comprendre où on en est et où on va !
La droite entend fustiger la gauche en taxant ses ambitions d'idéologie, et elle espère lutter contre cette gauche en condamnant le fil conducteur qui la constituerait selon elle, soit sa bien-pensance et le politiquement correct de gauche. Mais à l'aune de la définition que la droite donne au mot «idéologie», son entreprise de démolition de la gauche prend des allures idéologiques !
En effet, la droite, pour concrétiser sa lutte, utilise les moyens mêmes qu'elle reproche à la gauche, soit le dénigrement rageur de la bien-pensance et du politiquement correct de gauche. De plus, en donnant consistance à son approbation du politiquement incorrect en étant inconditionnellement «réaliste», «pragmatique», «crédible», «intelligente», «étudiée», elle verse dans la facilité très simpliste, verbalement en tout cas.
L'observation clinique de l'état de notre société nous démontre, sans peine aucune, que la Suisse vote à plus de 70% à droite et que la sociale-démocratie est très mal vue dans nos contrées, presque toutes ses propositions étant combattues avec la vigueur la plus extrême. On en est même à accuser la gauche de ce que les problèmes actuels découleraient d'une bien-pensance de gauche forcement «idéologique». Or l'actuelle bien-pensance, après la lecture attentive et l'écoute approfondie des médias, serait envahissement de ceux-ci par une avalanche de communiqués venant plutôt de la droite patronale et économique qui chercheraient par tous les moyens à formater les populations pour leur faire accepter l'incontournable société de consommation. Cette indigence de la pensée, doublée de l'arrogance des élites, possède une faculté d'intimidation détonante où toute réponse de la gauche serait ressentie automatiquement comme une tentative de dénigrer, de ridiculiser, d'intimider, de culpabiliser ceux qui croient penser autrement, qui pensent penser tout simplement selon leurs appropriations et visions unilatérales du monde.
Sous le fallacieux prétexte de faire des analyses «objectives, rigoureuses, exactes et précises, vérifiées, pouvant rapidement saisir les idées les plus audacieuses, etc», on commet des affirmations idéologiques qui deviennent des ersatz de pensée et qui peuvent facilement se dégrader, comme nous pouvons aisément le constater lors de la lecture de la propagande insidieuse ourdie par une droite en manque de repères et confrontée à la réalité sociale amenée, n'en déplaise aux tenants de la droite libéralisée, par les multiples campagnes publicitaires vantant les mérites de la consommation et de la mentalité de droite seules à même, selon eux, de créer des richesses et de les partager, soit le summum de la pensée de type idéologique !
Lorsqu'on réussit à condamner la gauche parce qu'elle serait «ouverte», «progressiste», «généreuse», «béatement anti-raciste», «tolérante jusqu'à plus soif», alors nous avons atteint les profondeurs de la pensée idéologique, et il est pour le moins paradoxal que cette droite utilise la rigueur, l'exactitude et la précision dans la vérification, la rapidité pour saisir les idées les plus audacieuses et la longue patience dans leur élaboration, la capacité d'analyse détaillée et de synthèse, l'esprit positif de soumission aux faits et l'aptitude au doute et à la critique, la capacité à exploiter la fécondité de l'erreur et les progrès de la connaissance pour enfoncer définitivement la gauche dans l'ignominie !
L'usage de la critique par la droite, activité en réalité noble et exigeante par excellence, s'est peu à peu dégradé en une dénonciation et une délation facile et méprisante, voire haineuse. Tendant vers l'absolu et en panne de d'idées pour retrouver son lustre d'antan, la droite ne se gêne pas de «laisser braire» la gauche et de lui imputer le crime «d'auto-mutilation volontaire» où elle accuse la gauche de ses pseudo-critiques prétendument engoncées dans le corset des multiples formes de l'actuelle bien-pensance envahissante, en dénonçant une analyse qu'elle accuse d'être simpliste et caricaturale, arrogante et prétentieuse. Cette indigence de la pensée, doublée d'arrogance, possède néanmoins, encore et toujours, une faculté d'intimidation étonnante, et sa seule stratégie semble être de se contenter à se défendre contre la supposée bien-pensance ronronnante de la gauche.
La droite voudrait une véritable bataille des idées, sans tabous, une bataille riche, fondamentale, approfondie, contradictoire, à la hauteur de l'immensité, de la complexité et de l'urgence des problèmes qui menacent l'équilibre même de nos sociétés. Mais elle le fait en assénant ses vérités si verrouillés que la gauche ne peut être que perdante, car ses solutions seront immédiatement assimilées à des manœuvres visant la destruction des valeurs de droite, celles de notre civilisation «supérieure», selon elle.
Georges Tafelmacher
lettre de lecteur publié dans "Le Courrier" du 22.02.2012 qui tend à démontrer l'essence idéologique du discours d'Uli Windisch.
en réaction à la dernière chronique "Entre les Lignes" de Nicolas Tavaglione où il critique l'idéolo-sociologue Uli Windisch
Premièrement, nous avons survécu à l'accouchement par des mères qui fumaient et/ou buvaient pendant qu'elles étaient enceintes. Elles prenaient des aspirines, mangeaient de la vinaigrette, des desserts, et n'étaient pas testées pour le diabète ou le cholestérol. Après ce traumatisme, on s'endormait n'importe où, ou on nous couchait sur le ventre dans des lits à paillasse dans des chambres peintes au plomb.
Nous n'avions pas de serrures aux portes. Lorsque l'on faisait de la bicyclette, on avait des casquettes, mais pas de casques de protection. Bébés et enfants, on nous emmenait dans de vieilles guimbardes sans chauffage, sans ceintures ni sièges pour bébés, ni air bag, Être dans la benne arrière d'une camionnette par une belle journée ensoleillée était toujours quelque chose d'extraordinaire.
Nous buvions l'eau directement de la fontaine. Nous mangions des gâteaux secs, du pain rassi, du vrai beurre, du saindoux du lard. Nous buvions du chocolat avec du vrai sucre.
Et nous n'étions pas obèses. POURQUOI ?
Parce que nous étions toujours en train de bouger, de jouer dehors...
Nous sortions de la maison le matin pour jouer toute la journée au grand air, à condition d'être revenus quand les lampadaires s'allumaient (quand y en avait). Nous prenions des heures à construire nos planches à roulettes avec lesquelles nous descendions les côtes, sans freins. Après avoir foncé dans les buissons une paire de fois, nous avons appris à gérer les problèmes.
Nous n'avions pas de Playstation, Nintendo, X-box, iPod. Il n'y avait pas de jeux vidéos, pas 150 canaux au câble, pas de films vidéos ou dvds, pas de son stéréo ou de cds, pas de cellulaire, pas d'ordinateur et pas d'Internet. Nous avions des amis et nous sortions pour les retrouver !
Nous tombions des arbres, en faisant le parachute, on se coupait, se cassait des os, des dents et il n'y avait pas de poursuites judiciaires pour cela.
On nous offrait des fusils à plomb pour notre anniversaire, faisions des jeux avec des bâtons et des balles, des lance-pierres, des épées, des arcs et flèches, des fléchettes, nous faisions et jouions avec des radeau de fortune sur les rivières, nous faisions des pistes de glissades sur les inondations des prairies gelées en hiver, nous sautions et plongions des souches d'arbres des rivières non fréquentées,nous bricolions avec toutes sortes d'outils réputés dangereux des ateliers de nos parents, nous jouions avec des pétards à mèches, nous fumions des P4 à l'unité, nous sucions toute la journée des boite de coco, aux heures les plus chaudes les lessiveuses étaient nos plus belles piscines, nous descendions à toutes allures les côtes en herbes des vergers sur des plaques de linoléum ou balatum d'asphalte en guise de luge.
Les soirées exceptionnelles de grandes chutes de neige, nous avions la permission de jouer à la lueur des réverbères dans les rues enneigées, glissades et traîneaux en bois fabriqués le jour même avec de vieilles planchettes et des cerclages métalliques d'emballages sous les patins occupaient notre temps et gelaient nos mains violettes sans gants et même si on nous disait que tout pouvait arriver, nous sommes pour la plus part toujours là.
Nous roulions sur nos vélos sans frein et sans éclairage ou marchions jusqu'à la maison d'un copain de classe ou de quartier et frappions à sa porte, nous entrions simplement, nous étions très bien accueillis.
L'idée que nos parents auraient un jour à nous faire sortir de prison était impensable, ils étaient avec la Loi. L'idée que nos parents puissent être contre l'avis de l'Instituteur, du Professeur, du Policier, du Gendarme, du Maire, du Curé, qu'ils puissent en venir aux mains ou aux insultes étaient inimaginable.
Ces générations ont produit quelques-uns des meilleurs preneurs de risques, têtes pensantes et inventeurs de tous les temps, chefs d'entreprises, souvent autodidactes au bon sens débordant.
Ces 30 années ont été une explosion d'innovations et nouvelles idées.
Nous avions la liberté et la peur de l'échec, le succès et les responsabilités qui vont avec, mais nous avons appris comment gérer tout cela.
Si vous êtes un de ceux-là, si vous vous reconnaissez..
FÉLICITATIONS !
Peut-être que vous voulez partager ceci avec d'autres qui ont eu la chance de grandir, avant que les avocats ne viennent tout réglementer, avant que les "médias" ne prennent tant de plaisir à faire trembler les chaumières de leurs scoops dramatiques, sans certitudes...
juste pour le fun et le fric.
Comme la vie était belle, limpide, parfois rude mais combien nous étions heureux !
Bernard Bavaud
On se doit de répliquer à cette tentative de revenir à une vision de la société où on veut faire croire que tout paraissait si beau et limpide au-paravent mais qui, en fait, s'avère être des réminiscences d'une nostalgie périmée !
Il faut d'abord dire que l'on vivait imprudemment à l'époque car en 1970, il y avait plus de 1500 morts par an sur les routes et cela malgré le fait qu'il y avait 10 fois moins de voitures et de routes, que le nombre d'enfants piétons tués sur les bords des routes était 3 à 4 fois plus élevé qu'à présent et cela malgré le fait qu'il y avait proportionnellement moins d'enfants, que le nombre de cas de cancer (surtout sous ses formes dites "environnementales") s'est multiplié par quatre entre 1930 et 1960 et que depuis les années '90 il aurait tendance à baisser, que régnait dans les cours de récré des forts à bras qui mobbaient sans retenu les plus faibles. Nous oublions combien de bébés sont morts ou sont nés difformés parce que leurs mères fumaient ou buvaient, combien d'empoisonnement à la naissance à cause du plomb dans la tuyauterie ou dans les peintures des jouets d'enfant, combien de bennes contenant des produits brûlants (chaux vive !) laissés à la portée des enfants, combien notre air était chargé en monoxyde de carbone issu des nos poêles à charbon, combien d'injustices, d'inégalités...
Mais nous devons avoir l'honnêteté d'admettre que si toutes ces lois sont apparues, c'est surtout parce que nous prenions conscience de notre totale inconscience derrière tous ces gestes que nous assimilons à de la liberté et la peur de l'échec, à du succès et les responsabilités qui vont avec, et que nous ne savions pas comment gérer les conséquences de tout cela.
Nous avons certes versé dans des exagérations contraires mais nous ne pouvions plus continuer avec cette inconscience car la population mondiale ayant augmenté fortement, la somme de ces comportements aurait pu produire une catastrophe totale si l'on n'y avait pas mis le holà! Certes il y a des avocats véreux qui profitent des situations mais avouez que vous êtes quand même plus "sûre" de nos jours avec toutes ces lois censées nous protéger qu'à l'époque où les plus faibles mourraient jeunes dans d'affreuses souffrance, où si l'on n'était pas des forts ou des rois, non seulement on n'était rien mais en plus, on nous exploitait comme des esclaves !!
Certes de nos jours nous vivons plus précautionneusement, nous faisons attention à notre santé mais est-ce un mal ?
Et cette époque passée alors, est-ce que c'était bien ou mieux ou ne cherchons-nous pas à l'idéaliser pour mieux condamner notre époque actuelle ?
Mais qui l'a amené notre époque moderne sinon ces mêmes gens qui maintenant nous critiquent parce que nous serions "inciviles", paresseux, que nous ne bougerions pas assez et des meilleurs ?
Est-ce cette jeunesse actuelle qui ne fait que vivre comme on lui demande (la consommation !) ?
Non, ce sont belle et bien les survivants costauds des années d'inconscience 30-60 qui nous ont projeté dans ce monde moderne que même Sarkozy crache dessus tout en le vantant en parfait démagogue qu'il est !!
Et puis qui nous a amené les Playstation, Nintendo, X-box, iPod, jeux vidéos, 150 canaux au câble sinon les Bouygues et cie qui sont né en 1930 et qui ont inventé, construit et vendu ce que d'aucuns, souvent les mêmes, dénoncent aujourd'hui !!
Car, finalement, presque tous les problèmes rencontrés actuellement sont le fait de ces gens qui sont nés entre 1930 et 1960 qui ont développé une philosophie de vie qui allait à l'encontre d'un développement sain de notre Terre et qui aurait même tendu vers son annihilation. Eux qui se croyaient si forts, que dis-je, qui se prenaient pour des rois, en fait, ont commis une œuvre de destruction dont la deuxième guerre mondiale était le paroxysme.
Merci bien mais moi qui suis né en 1946 et après avoir vécu une jeunesse perturbé par les vapeurs d'essence AVEC PLOMB, les retombées radioactives des essais nucléaires dans l'atmosphère AVEC PLUTONIUM, la pollution par le fluor des usines d'aluminium et les bétons saturés d'aimante, les menaces de guerre nucléaire (Cuba) et la guerre froide, l'autoritarisme gueulant des adultes supposés tels, pour rien au monde je serais "nostalgique" de cette époque pas du tout bénie et même si aujourd'hui beaucoup de choses laissent à désirer, tout et chacun peut trouver sa place même s'il faut beaucoup d'effort pour cela !!
De part mon expérience, je peux l'affirmer, la vie n'était pas si belle, ni très limpide, toujours rude et je n'étais pas vraiment heureux !
Ni d'ailleurs la foule des soixante-huitards qui réclamaient des changement fondamentaux qui ne se sont jamais réalisés car contraires aux valeurs de ces forts nés en 1930 qui dominaient le monde du haut de leur supériorité affichée...
Georges Tafelmacher
Certes, vu comme ça, vous avez entièrement raison! Née dans une cave, en France, sous les bombardements en 1943... il paraît que je faisait des risettes aux allemands qui se penchaient sur mon berceau sis sous un arbre. Je ne suis nullement nostalgique mais mon enfance fut dorée à souhaits malgré une maman confinée la plupart du temps en sanatoriums. J'ai tout fait pour que mes enfants puissent en dire de même. Une récente étude assure que pour la première fois dans l'histoire humaine, la nouvelle génération n'a plus l'espoir de vivre plus longtemps que ses parents. Quant à l'esclavage, les injustices, les inégalités, les atroces souffrances, les pollutions, le tabagisme, l'alcoolisme, la malbouffe, le stress, les dépressions et j'en passe sont toujours là !
On pourrait polémiquer longtemps. L'évolution et l'adaptation sont le propre de l'homme, l'autodestruction aussi !
M.C.
Je ne tiens pas à polémiquer, je voulais juste faire remarquer que les comportements inconscients induisent des dangers pour la société entière et que les "trente-glorieuses" finalement n'étaient pas si glorieuses que cela, ni si libres, car ce virage de la con-sommation a escamoté tout ce qu'il y a de positif chez l'homme et a absorbé le clair de son temps !
Le virage vers un individualisme égoïste de con-sommateur est l'œuvre de ces gens nés en 1930 car ils avaient une peur bleue de manquer alors que, soi-disant, ils ont été élevé dans la simplicité au bon sens débordant. Que ces générations sont devenus quelques-uns des plus énormes preneurs de risques, têtes pensantes et inventeurs de tous les temps, chefs d'entreprises, souvent autodidactes ne fait que souligner le fait que les comportements inconscients et autodestructifs continuent et que rien a changé, en fait...!
Ces 30 années ont été une explosion d'innovations et de nouvelles idées qui n'a profité qu'aux tenants de ce néolibéralisme naissant et n'a permis que la consolidation d'immenses fortunes (par exemple: IKEA et la mise-au-chômage de milliers d'ébénistes qualifiés et leur requalification comme simple magasinier dans des entrepôts immenses).
Mais n'oublions pas que les modes actuelles ont été imposées aussi (et surtout !) par ces mêmes gens qui maintenant râlent contre les jeunes qui..., les jeunes que... et contre nous autres pauvres humains pris dans l'idéologie actuelle de la con-sommation débridée !!
Là où je veux en arriver est de postuler que ce qui nous arrive maintenant est quand même l'œuvre de ces gens qui ont trop cru en la science et la technologie pour résoudre les problèmes humains sans comprendre ce qu'il y a derrière les faits de société, sans comprendre la psychologie des êtres, sans référence aucune aux troubles psychologiques dont nous souffrons tous, malgré nous !
En 1930, nous étions 2,8 milliards de personnes inconscientes et autodestructives sur cette Terre et vous pouvez constater les dégâts que cela a produit. Alors imaginez ce que seraient les dégâts lorsque 7 milliards de personnes voudront être comme nous !!
L'essentiel à présent serait d'amener une prise de conscience généralisée où les gens eux-mêmes reprendront le contrôle de leurs vies par leur émancipation de la logique actuelle de la con-sommation délétère et leur libération des grands chefs imposants !!
Votre réponse me semble emblématique de la confusion qu'on a fait régner pour mieux détenir le pouvoir. Cela ne fait que renforcer ma lutte contre les dominations et mes tentatives pour "désarmer" nos pulsions mortelles.
Georges Tafelmacher
À travers les fortes paroles émises par les différents partis cherchant à diriger le monde, nous pouvons constater que, malgré les allégations se voulant humanistes des classes dirigeantes qui récusent la "lutte des classes" et qui prônent la "collaboration", il y a quand même deux conceptions du monde en conflit.
D'un côté, des gens qui croient que la vie est régie par la loi considérée comme "naturelle" qu'est la marche vers les économies de marchés industriels néolibérales de nos sociétés et en face duquel il n'y aurait aucune autre attitude que l'acceptation de cette "réalité incontournable" et de l'inévitable besoin d'adaptation, de fléxibilisation et de collaboration qui en découle. De l'autre côté, des gens qui croient que nous pouvons être maîtres de nos vies, de nos sociétés, de nos activités et que nous pouvons construire ensembles des communautés à fort potentiel humain, où la solidarité, l'entraide, le travail en commun seraient les idéaux. Les uns professent leur foi en la "réalité compétitive des marchés" et les autres en l'être humain solidaire. Les uns qui croient que l'homme doit se conformer à son environnement économique, en faire une morale de son adaptation et devenir quelqu'un par rapport à cette activité. Les autres qui croient que chaque homme peut construire sa vie en relation avec les autres dans tous les aspects de la vie. Les uns qui ne pensent qu'en fonction de l'activité économique et les autres qui pensent l'homme par rapport à ses intentions propres, la qualité de ses relations avec les autres et sa capacité d'action sociale. Pour les uns, c'est l'économie le plus important, pour les autres c'est la société et tous ses acteurs qui doivent décider de sa forme et intention. Les patrons nous parlent de responsabilité individuelle alors que cette notion n'a jamais été le propre des éducations bourgeoises que nous avons reçues. Les patrons veulent quand même des gens responsables mais par rapport aux besoins de l'industrie alors que les besoins des gens vont vers l'autonomie, la constitution de rapports normaux entre eux et le travail social utile.
Cette conception unilatéralement économique du monde est manichéenne, élitiste et porteuse d'une injustice fondamentale. En effet, les seuls qui peuvent réussir dans le monde du marché soi-disant "libre", sont les plus forts, les plus doués, les meilleurs, les gagnants, les positivistes, les volontaristes et toute personne qui ne possèderait pas ces qualités, sera rejetée et tombera dans les filets sociaux mis en place par les dirigeants pour contrôler les marginaux et contenir l'inévitable nature humaine. Et cela a pour effet d'atténuer ainsi leurs sentiments de malaise face à leur crainte principale: soit ce qu'ils considèrent étant de "l'insuffisance humaine" !
ANARCHIE ET RESPECT
Depuis les révoltes sociales de la décade 1960 et son printemps contestataire de mai'68, nous avons à maintes reprises proposé des alternatives, des changements de société, des remises en question salutaires. Ils ont tous été combattus avec la plus grande énergie par nos dirigeants «éclairés», qui ont utilisé jusqu'à l'écœurement tous les moyens médiatiques à leur disposition, et tous les moyens de pression sur les ouvriers et les individus transformés en «consommateurs». II est tout de même étonnant que personne ne soit venu dire à nos «global leaders» que leur «mouvement de mondialisation néolibérale» n'est non seulement pas crédible, mais qu'en plus il déstructure les relations sociales, il casse l'entente entre les gens, il établit une nouvelle élite en se basant sur de nouveaux rapports de forces et surtout, il est hégémonique, conquérant, déséquilibré et matérialiste.
Alors, avant que le chaos de la consommation débridée ne ruine les individus, nous allons vous dire, nous allons vous expliquer, pour une dernière fois, comment nous envisageons les choses par ces quelques mots simplement humains: autonomie, autogestion, assemblées générales de quartiers, d'habitations et d'entreprises, participation pleine et entière aux processus de décision de chaque individu concerné, amour de son prochain, respect absolu de l'autre. Bref, en un mot : l'anarchie, étant entendu que l'anarchisme est un mouvement d'idées et d'action qui, en rejetant toute contrainte extérieure à l'homme, se propose de reconstruire la vie en commun sur la base de la volonté individuelle autonome. L'anarchisme répudiant toute idée d'autorité comme étant contraire à la notion de la liberté individuelle, il lui apparaît que l'ordre et la justice, le travail et le commerce, le logement et le «vivre ensemble» dont il ne nie aucunement la nécessité pour la cité, doivent reposer sur un contrat librement conclu entre les intéressés.
Ce contrat, tel que Proudhon, Stirner, Hegel, Tolstoï, Bakounine, Kropotkine, Élisée Reclus, Jean Grave, Émile Pouget, Sébastien Faure, et Enrico Malatesta l'envisageaient, loin d'être le résultat d'une abstraction politique, est issu de libres débats où les intéressés engagés ont fini par se mettre d'accord. Il est modifiable au cas où les intérêts subiraient des changements. Ce n'est pas un contrat unique, contraire par définition à la complexité et à l'hétérogénéité de la vie sociale, mais un ensemble illimité d'accords contractuels qui correspondent le plus possible aux mille nécessités de l'individu autonome et de sa société autogérée. En fait, lorsque la tyrannie est trop oppressante, il s'agit de pousser à la libération de l'homme par l'acte révolutionnaire de la contestation et la remise en question de nos choix de société.
La seule vraie question que nous devons nous poser, ce serait de savoir pourquoi les industriels, entrepreneurs, banquiers, hommes d'affaires, P.D.G., et autres zélateurs de ce système d'exploitation néolibéral combattent ces principes humanistes et démocratiques avec autant d'acharnement, de bigoterie, de mauvaise foi, en disqualifiant, discréditant et démolissant les citoyens concernés qui se bougent pour sortir des limbes de cette domination et pour que les choses changent, si ce n'est parce qu'ils craignent de perdre leur pouvoir, leurs richesses et leurs pérogatives.
GEORGES TAFELMACHER
partisan et anarchiste, Pully
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Il y a maintenant des personnes perverses voire criminelles qui ont l'art de manier la provocation sulfureuse contre l'extrême gauche, source d'excellentes profits. Dans ce registre, leurs diatribes contre les antimondialistes, les marginaux, excentriques, branchés en tous genres constituent une sorte de patois international de l'extrême droite que chacun est invité tôt ou tard à dénoncer.
On devient même extrémiste de droite professionnel, ce qui est quelque peu contradictoire puisqu'on banalise ainsi un état qui devrait être exceptionnel. Peu importe: dans une société où chacun se croit ou se veut unique, il s'agit d'un mécanisme très utilisé voire une très fructueuse autopromotion. On tire une gloire ou une aura particulières à casser du gauchiste, à exclure les bannis, à frapper les exclus, voire à piétiner les martyrs, bien entendu devant les caméras de la TV ou, au pire, devant un buisson de micros radiophoniques, tout cela sans péril aucun sinon d'avoir un peu les pieds meurtris. Il y a tant de notables de la politique, de l'économie, de l'industrie, des lettres, du journalisme qui jouent à briser les bannis, les renégats, les révoltés que le politiquement correct, à présent, c'est de prétendre que ces situation incorrectes sont "normales". On peut ainsi gagner sur tous les tableaux, donner un coup de pied dans les séants honnis sans crainte de représailles, et de jouir par ailleurs d'une situation établie et de tous les avantages de la notoriété.
L'image du redresseur de torts est investie d'un gros profit symbolique. Il fustige les défavorisés du luxe, les pauvres du tiers-monde, les exclus qui sont légions et ne parle que d'abondance, de croissance, d'expansion économique au nom d'un développement rendant l'affreuse misère des masses d'ici et d'ailleurs encore plus insupportable. C'est une nouvelle vague de "bien-pensants peinards" qui fleurisse et qui prospère, bien pépères, sur cette excommunication, telles des mauvaises herbes sur une terre riche.
La vraie combine, à présent, c'est de vieillir en réactionnaire de droite, de faire carrière dans l'intransigeance, la fermeté et la tolérance zéro, de se muer, l'âge venant, en comédien de l'indignation permanente, imposture où réussissent tant de roublards et de petits malins rompus aux coups de gueule et aux colères feintes et, bien sûr, récompensés par de sonnantes et trébuchantes sinécures. Ne nous y laissons pas prendre mais, comme les révolutionnaires de Mai'68 qui craignaient que leur révolution soit récupérée, nous craignons maintenant que la dernière provocation a la mode, soit la chasse au terroriste et au contestataire antimondialiste, devienne une réalité incontournable.
Georges Tafelmacher
Pully
Le "long terme" c'est l'aune à laquelle mesurer la justesse et l'intelligence de ce que nous faisons ici et maintenant.
Même si nous n'avons aucune certitude quant à ce qui pourrait arriver dans mille ans, le fait de savoir qu'il y a probabilité d'avènement d'événements catastrophiques qui risqueraient d'assombrir l'avenir, devrait nous amener à une prise de conscience et à un changement salutaire de comportement. Cette conscience est finalement ce qui nous distingue du monde "ici et maintenant" de l'immédiateté des animaux.
Le problème est que la théorie du "ici et maintenant" risque d'être interprétée comme une invitation à ne pas assumer nos responsabilités quant à nos gestes autodestructifs présents et à ne pas rendre des comptes quant aux conséquences de nos actions inconsidérées et très égoïstes lorsque les faits seront avérés. Répandre du plutonium sur la surface du globe peut paraître "juste et intelligent" "ici et maintenant" mais si dans le "long terme" il y a probabilité de non seulement de milliards de cancers et de la possible chute de la croissance démographique mais surtout d'un abâtardissement de la race humaine et même de toute vie complexe, alors nous serions des criminels si nous poursuivrions sur cette lancée.
Nous avons été obligés de vivre plus de 700 ans dans un monde que les européens de l'An Mille ont jugé idéal et la révolution de 1789 y a mis fin. Mais si c'était pour être obligé de vivre aujourd'hui dans un monde que les capitaines d'industrie et financier de la "modernité conquérante" ont jugé "idéal" pour nous, alors, effectivement, ce sera l'enfer...
Georges Tafelmacher
- P U L L Y -
L'ÉTERNEL RETOUR
Il y a 70'000 ans, suite à un refroidissement climatique brutal, l'humanité entière est tombée à environ mille individus. Sélection naturelle et progrès fantastique pour notre race: seuls ceux qui étaient en même temps les plus intelligents et les plus robustes ont survécu. Il en sortit une espèce mieux adaptée, avec une boîte crânienne plus vaste, une plus grande inventivité et une meilleure santé.
Et maintenant, on veut nous faire croire que l'avenir de l'humanité, c'est d'être toujours plus nombreux. La France se vante d'être le pays occidental où les femmes sont le plus fécondes; des études sont faites en Suisse pour savoir s'il faut développer une politique plus nataliste; on s'afflige dans beaucoup de pays de la baisse de fécondité des couples. Il y a peu, un journal marocain regrettait que les mères du royaume alaouite n'aient plus que deux enfants en moyenne alors que trente ans avant, elles en avaient huit !
Faut-il être inconscient pour croire qu'une croissance constante de la population mondiale est une nécessité! A supposer qu'elle n'augmente que d'un pour cent par an (ce qui est inférieur à la croissance actuelle), nous serons 18 milliards en 2108, 49 milliards un siècle après, et 130 milliards en 2300 (avenir tout proche à l'échelle de l'humanité). Comment nourrir ces gens, les loger, éviter les conflits ?
Depuis longtemps, la Chine, dont les dirigeants sont tant décriés actuellement, a décidé d'interdire aux couples d'avoir plus d'un enfant: n'allons pas jusque-là, mais évitons de considérer comme un bien une croissance démographique infinie et de la promouvoir.
Claude Aubert
prof. à Lausanne
Monsieur,
J'ai lu attentivement votre lettre de lecteur concernant la consternante évolution de la race humaine et j'ai été pour le moins surpris par les implications secondaires de votre démonstration. Je me permets de vous adresser ce courrier dans l'espoir que vous pourriez dissiper certains malaises que votre lettre a soulevée même s'ils ne concernent pas directement le thème que vous avez développé, soit la croissance démographique infinie, mais un des aspects peu reluisant de la sélection naturelle.
En effet, lorsqu'on étudie de près l'état actuel de l'humanité, on peut constater que l'évolution a surtout favorisé les plus forts, les plus agressifs, les plus dominants, ceux qui ont une incommensurable croyance en eux-mêmes et qui se croient dotés de pouvoirs supérieurs. Leur intelligence plus grande a surtout servi pour asseoir leur puissance et magnifier leur gloire et leur grande inventivité a été utilisée pour le perfectionnement de la guerre. Avec sa boîte crânienne plus vaste, l'humanité n'a réussi qu'à dominer de la manière la plus brutale la Terre entière! Ces quelques caractéristiques produites par cette sélection naturelle ont permis le développement de la guerre, de la conquête, de l'accaparement, de l'élitisme, de la création de richesses et on veut nous faire croire que l'avenir de l'humanité, c'est d'être toujours plus fort, toujours plus entreprenant, toujours plus grand, robuste, riche et intelligent !
Quel progrès en effet !
Faut-il être inconscient pour croire que cette évolution a pu être un progrès fantastique pour notre race? Car maintenant qu'on veut nous faire croire que ce progrès est l'avenir de l'humanité, nous devons constater que cela a pour conséquence une croissance constante de l'économie mondiale qui est devenu dans notre modernité une nécessité! À supposer qu'elle n'augmente que d'un pour cent par an (ce qui est inférieur à la croissance actuelle), la Terre sera couverte d'entreprises d'ici 2108, de voitures un siècle après, et de constructions de toutes sortes en 2300 (avenir tout proche à l'échelle de l'humanité). Comment encore croire à l'évolution lorsqu'on voit qu'il y a des gens qui ne peuvent plus se loger, qu'un cinquième de l'humanité souffre de pauvreté et qu'on ne peut plus éviter les conflits, les oppressions, les effets de manches ?
Mais votre raisonnement soulève des questions graves car, dès lors que l'on suit fidèlement votre argumentation, comment pouvez-vous expliquer que malgré l'anéantissement il y a 70'000 ans de tous ceux qui n'étaient ni très intelligents, ni très robustes, qui étaient encore dotés d'une boîte crânienne réduite et d'une santé défaillante, que malgré l'avènement d'une espèce en super forme «avec une boîte crânienne plus vaste», qu'il puisse toujours exister des pauvres, des démunis, des petits, des gens moyens, ordinaires et de santé faible? Comment comprendre qu'une masse grouillante d'hommes transformés en consommateurs bêlants et quémandeurs ait pu se constituer alors que seuls les «plus intelligents et les plus robustes ont survécu»? Comment se fait-il qu'il a fallu instaurer le contrôle des populations car considérées comme ignares, au point qu'elles ont du être impérativement éduquées et régies par des lois imposées alors que la sélection naturelle a produit «une espèce mieux adaptée, avec une plus grande inventivité et une meilleure santé.» ?
Il y a là une faille béante à investiguer rapidement et je serais très reconnaissant que vous puissez m'éclairer sur ce point! En effet, il ne s'agit plus de juste chercher une limite à la croissance démographique mais de repenser entièrement dans quel sens pourrait continuer l'évolution humaine et de quels moyens il nous faudrait, avant que se produise un dénouement fatal, pour modifier cette évolution sans tomber dans le cirque infernal des interdictions, des lois liberticides, des mesures cœrcitives, des limitations de toutes sortes, des impératifs catégoriques, des régimes totalitaires et des guerres saintes contre nos mauvais penchants et intentions cachées !
Dans l'attente impatiente d'une réponse autorisée de votre part et dans l'espoir que votre éclairage de professeur puisse m'aider à mieux comprendre notre évolution, veuillez, Monsieur, agréer mes salutations distinguées.
Georges Tafelmacher
Pully
Cher Monsieur,
Comme enseignant, j'ai beaucoup plus souvent cherché à soulever des réflexions nuancées, dialectiques, humanistes qu'à donner des réponses toutes faites, le dogmatique n'est pas mon fort.
Comme rédacteur de lettres de lecteur destinées à la publication, je me suis obligé d'être succinct, simplificateur et simpliste ce qui ne m'empêche pas de souhaiter provoquer des questionnements et des réflexions fondamentales et d'espérer que ces mises en cause me reviennent à la manière d'un boomerang pour ne pas m'endormir sur les certitudes que je n'ai pas !
Je constate que vous me posez des questions qu'une vie entière ne suffirait pas à résoudre. Je n'ai pas l'outrecuidance de répondre à des problématiques que l'humanité n'a pas encore réussi à solutionner. Si j'affirmais que c'était une chance pour notre espèce que les mieux adaptés aient survécu au goulet d'étranglement démographique de 70'000 avant J.C., c'est que la question était la survie de l'espèce. Pour l'humanité, cela a été une chance que certains aient eu les capacités de la faire survivre sinon elle aurait disparu. Par contre, est-ce une chance pour la planète Terre que le prédateur humain ait survécu, c'est une question que je ne risquerai pas à évoquer.
Ce sont les plus intelligents et les plus capables de subsister qui ont perpétué l'espèce et cela a amené, hélas, à perfectionner la guerre, à augmenter les déséquilibres sociaux, les injustices, tous les maux que nous voudrons voir disparaître. Mais les "progrès" de l'humanité ont aussi amené des évolutions positives, une plus grande sécurité dans l'alimentation, dans le logement, dans la protection contre les prédateurs et autres fléaux de la vie, une meilleure socialisation de groupes de plus en plus nombreux, l'écriture, l'humanisme, la sécurité sociale...
Sans cette survie et ce développement de l'intelligence et des capacités humaines, nous n'existerions pas maintenant et nous vivrions une existence de survie et, peut être, à quelques dizaines de milliers d'individus, nous traînerions une existence de faim, de dangers, de maladies, limitée à la seule survie, à la reproduction de l'espèce et à une espérance de vie de vingt-quatre ans au maximum !
C'est facile et réducteur de ne voir dans notre société que les évolutions mauvaises; ce serait myope de ne voir que du positif. Il faudrait pouvoir être nuancé et réfléchir avec profondeur. Mais qui en est capable actuellement, peut être n'avons-nous pas encore assez évolué !
Sans vouloir faire de la morale facile, c'est vrai que la sélection naturelle a fait de l'humain un prédateur du monde entier et elle ne se fait presque plus pour les humains: après les animaux, nous avons vaincu le froid, le chaud, la faim, la soif, les maladies, les distances... il ne reste plus que la sélection humaine la plus abominable, je le concède...
Qui suis-je pour apporter à ces immenses problématiques des solutions? S'il y en avait, cela se saurait depuis longtemps. Je ne suis pas assez présompteux pour croire que je peux davantage que sensibiliser les gens et leur faire remarquer qu'il existe une voie que seuls préconisent quelques farfelus sans pouvoir réel: celle de la décroissance visant à revenir à des valeurs plus simples, moins de consommation, moins de production, de dépendances, de dégâts écologiques collatéraux.
Je ne voudrais pas terminer sans dire que votre réaction montre à quel point il est important d'amener des questionnements sur l'avenir de l'humanité qui passe également par des réflexions interpellatrices sur nos sociétés et nos modes de vie. Peut être que, en semant quelques graines de prises de conscience, pousseront dans un lointain avenir quelques petites améliorations dans nos sociétés et une petite germination de sagesse. Il n'est pas interdit de rêver...même si l'on est conscient qu'on nage dans l'utopie.
Claude Aubert,
Lausanne
Monsieur le Professeur,
D'abord, je vous adresse une reconnaissance maximum pour votre réponse rapide, circonstanciée et totalement dépourvue de cette arrogance trop souvent attribuée aux "intellectuels" qui, par un élitisme affiché, condamnent au silence les petits gens comme votre serviteur en les faisant bien sentir la "médiocrité" de leurs situations, la petitesse de leur esprit et l'insignifiance de leurs propos. Pour une fois qu'une de mes lettres fut reçue avec un plaisir évident, je ne manquerai pas l'occasion de vous en remercier !
Je dois, néanmoins, avouer que les réponses aux questions que je vous ai posées ne sont pas aussi évidentes que ce que je pouvais espérer et je dois admettre que je ne peux pas attendre à ce que d'autres puissent formuler ce que je ne peux articuler moi-même !
Je vais donc tâcher de poser les questions autrement et voir si dans cette formulation, je puisse distinguer des éléments de réponses.
Si j'ai bien compris votre lettre, je peux supposer sans trop me tromper que nos vues sur l'évolution sont assez proches et correspondent aux sentiments que beaucoup de nos contemporains expriment quotidiennement dans leurs recherches de sens quant-à ce qui arrive de nos jours. Effectivement, entre les crashs boursiers, les ouragans déchaînés, les étés pourris, les coups de déprime, malaises divers et angoisses existentielles, nous sommes de plus en plus confrontés aux perplexités de l'existence et forts de nos prises de conscience, nous pouvons constater que ce monde de l'apparence, où la domination des plus forts et de la pensée-unique économique priment, constitue le sommet de la pyramide évolutionnaire.
Mes réflexions sur l'évolution m'amène aux conclusions suivantes: nous nous trompons sur la signification même de ce terme !
L'évolution n'est pas le point de départ des organismes, les lignées naissent par les mutations successives et conséquentes des gènes. L'évolution n'est que le perfectionnement des organismes pour s'adapter à l'environnement. En favorisant les caractéristiques les plus fortes, elle pousse les organismes à un développement extrême (c.f. les dinosaures), engendrant ainsi des monstres. L'évolution est donc extrémiste tendant toujours vers des solutions extrémistes et cela rend les organismes vulnérables aux changements brusques !
L'homme est la dernière production de cette combinaison mutation-évolution sous l'emprise de la logique de la survie du plus fort et du plus apte. L'évolution, en favorisant les comportements et attitudes qui permettent aux hommes dans un premier temps de survivre et dans un deuxième temps de dominer le monde et tous les autres races, d'imposer sa marque et devenir l'élite et d'accéder au temple des dieux, a crée une chimère. En effet, la race humaine, parce qu'elle croit maîtriser la connaissance et la science et pense dominer la Terre, est devenu carrément "dieu".
En ce sens, nous pouvons être d'accord; effectivement l'évolution ayant favorisé les traits dominants et la force, mène à la guerre et à la domination des autres. Mais je ne peux, en tant que simple artisan, infléchir l'évolution car je n'ai aucun moyen pour agir sur ces données fondamentales et je doute que même un ingénieur en biogénétique pourrait le faire tant les conditions de l'évolution nous dépassent dans leurs complexités et leurs durées! Je crois, pour le moment, que l'homme, tel le dinosaure, doit aller jusqu'au bout de son développement, jusqu'au terme de son karma matériel évolutif et il doit vivre cet état au plus profond de son énergie, au plus près de ses envies et pulsions. Ce qui en sortira, seul le futur le dira! Pour le moment, nos sociétés n'ont pas vraiment évoluées depuis que l'homme est l'homme et nous répétons les mêmes problèmes et tourments depuis l'aube de l'humanité, les récentes découvertes de civilisations datant de plus de 4000 ans avant JC dans le désert saharien qui fut à cette époque florissant, montrent qu'il existait déjà des dominants, des riches qui soumettaient les populations à leurs pouvoirs et qui menaient des guerres monstrueuses pour y parvenir.
Comme vous pouvez le remarquer, je ne tiens pas à inscrire notre évolution dans un jugement positif-négatif car je crois que cela est pernicieux et fausse le débat sur notre devenir. Notre état est la conséquence de 1,6 milliards d'années d'évolution et de mutations successives et il serait pour le moins présomptueux de croire que nous pouvons "améliorer" notre race sans avoir pu au préalable prendre conscience de notre état et du pourquoi de nos actions et sans avoir pu sérieusement étoffer nos connaissances pour le moins fragmentaires sur comment marche l'évolution. Je ne pense pas que l'évolution soit en tant que telle "mauvaise", par contre je constate que certains hommes imbus d'une supériorité acquise par je ne sais quel facteur, utilisent les notions propres à l'évolution pour parfaire leur domination de la Terre et des autres, pour édifier des théories les permettant d'exercer un pouvoir et d'amasser des fortunes et pour favoriser des constructions pérennisant cette domination (religions, politiques, guerres, soit des pensées-unique !). S'il y a du "mauvais" et si l'on doit juger, c'est à ce niveau qu'il faut le faire et les prises de conscience doivent se faire pour que l'intelligence humaine soit également répartie pour que la race humaine, comme un tout, évolue vers des êtres sensibles, empathiques, constructivistes, où les talents des uns servent au bien-être de tous, où chacun deviendrait auteur de sa vie, acteur de sa communauté, frère et sœur en compréhension...
Mais cela est, comme vous pouvez l'imaginer, parfaitement utopique. Le problème principal de vouloir apporter des "petites améliorations" dans nos sociétés est que cette envie se traduit dans la majorité des cas par des tentatives totalitaires du type "nouvel homme", et finit souvent par des régimes où l'essence de l'homme est niée pour lui substituer une domination exécrable indigne de nos capacités mais si utile pour l'assise du pouvoir. Je pense qu'un minimum d'utopie est quand même nécessaire pour qu'une autre lignée puisse naître et il faut donner le maximum de chance à tous ces gens qui refusent l'ordre établi, qui luttent contre les dominations, qui cherchent d'autres perspectives, d'autres valeurs, d'autres moyens de vivre. Le système néolibéral actuellement en vigueur étant le paroxysme de cette évolution des plus forts doit laisser la place aux hommes de bonnes volontés qui à un niveau plus proche, investissent dans les puissances créatrices de l'être humain et formulent d'autres relations entre les hommes que celles des rapports de force, de la quérulence, de la guerre, de la croissance, de l'industrialisation, de la consommation et de l'argent. Comme vous pouvez le constater, il y a loin de la coupe aux lèvres car les forces qui font avancer la race humaine sont pour le moment très destructrices et tendent vers l'empire du "Mal" !
Moi non plus je n'ai pas la prétention de pouvoir "changer la vie" (pour prendre exemple sur ces politiciens en campagne qui en font un fond de commerce !) mais je crois que chacun peut à son niveau et avec ses capacités (mêmes restreintes !) mener des réflexions qui peuvent lui apporter des prises de conscience qui finissent par changer SA vie et lui permettent de se sentir plus en phase avec une évolution "spirituelle" proposée il y a 2000 ans et à laquelle personne n'y pense sauf pour asseoir son pouvoir terrestre et à "inquisitionner" les hommes et les enfermer dans des carcans néfastes !
Si l'évolution aurait un "but", c'est celui de créer l'individu conscient, agissant constructivement, tendant vers la transcendance spirituelle !!
Hermann Hess dans ses livres "Steppenwolf" et surtout "Siddhartha", malgré ses quelques défauts, m'a permis d'entrevoir les possibles humains et de parvenir à une conception de l'homme qui dépasse le factuel matérialiste, s'éloigne du parvenu économiste et qui contre le néolibéralisme destructeur de l'individu commun et de la société des hommes...
Je serai très content de savoir que mes modestes tentatives d'écriture et de pensée sur le sort humain puissent servir à des discussions avec certains de vos proches et je serai vraiment ravi si vous pensez pouvoir utiliser ces quelques mots pour interroger vos élèves sur le sens de la vie dans le cadre de réflexions philosophiques au sein de vos classes !
En vous remerciant de l'intérêt que vous avez montré à mon égard et pour mes interrogations certes mal formulées, je vous prie d'accepter, cher Monsieur le Professeur, mes salutations les plus distinguées.
Georges Tafelmacher
1009 - PULLY
«Les pauvres sur la Terre»
La nouvelle vaut qu'on s'en réjouisse: une étude de la Banque mondiale nous apprend que le nombre des pauvres sur la terre, depuis vingt-cinq ans, a décru dans une proportion frappante, sur tous les continents, tombant de 52 à 26%. Mesurés au chiffre moyen, extrêmement bas, de 1,25 dollar de revenu par tête et par jour, les pauvres, ou plutôt les miséreux, dans le monde, seraient passés, en un quart de siècle, de 1,9 milliard à 1,4 milliard. L'Asie de l'Est enregistre l'amélioration la plus spectaculaire: alors qu'elle comptait près de 80% de pauvres en 1981, cette proportion aurait chuté, aujourd'hui, à quelque 18%, soit une sortie hors de la très grande pauvreté pour quelque 600 millions de personnes. Amélioration aussi en Asie du Sud, en Amérique latine, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient.
Seule, exception, hélas: l'Afrique subsaharienne, où la part des très pauvres est demeurée constante (50%), le nombre des déshérités ayant même crû de 180 millions (à 380 millions). Si le premier objectif du millénaire de l'ONU semble atteignable d'ici à 2015 (réduire de moitié le taux de pauvreté de 1990), l'illusion n'est pas de mise: la misère, aujourd'hui, intolérable, existe bel et bien (2,5 milliards de personnes avec moins de 2 dollars par jour). L'immensité du chantier demeure, mais l'espoir, peut être, est permis. Saisissons-le.
© le magazine "Coopération" coop.ch
Monsieur,
Dans le magazine "Coopération Online" du 9 septembre 2008 sous la signature jean-christophe.aeschlimann@coop.ch, j'ai lu votre éditorial «Les pauvres sur la Terre» qui dit en substance :
«La nouvelle vaut qu'on s'en réjouisse: une étude de la Banque mondiale nous apprend que le nombre des pauvres sur la terre, depuis vingt-cinq ans, a décru dans une proportion frappante, sur tous les continents, tombant de 52 à 26%.»
Cette éditorial n'a pas manqué de me surprendre de part sa démarche idéologique car je venais de lire une critique "politiquement très incorrecte" sur la façon dont la Banque Mondiale manipule les statistiques pour leur faire dire que le système néolibéral réduit la pauvreté et pour aboutir à la conclusion fallacieuse que l'espoir serait permis !
Il me semble pour le moins surprenant que vous puissiez prendre à votre compte cette nouvelle émanant de la Banque Mondiale qui loin d'être neutre, cherche à nous convaincre que le système néolibéral "améliorerait" le sort des pauvres sur notre Terre. Il est pour le moins curieux que vous puissiez reproduire cette nouvelle sans vous interroger sur le message final que veut délivrer cette institution, ni sur les intentions cachées derrière une nouvelle de ce genre. Mais le plus grave est que vous vous permettez de supposer qu'un espoir serait "permis" et qu'il va dans le sens du système que préconise l'idéologie de la Banque Mondiale.
Or, les statistiques nationales démontrent sans l'ombre d'un doute que le système génère une quantité appréciable de pauvres qui, même lorsqu'ils travaillent, ne peuvent plus nouer les fins de mois et deviennent de plus endettés au fur et à mesure que les programmes d'économie rabotent leurs maigres économies. Il est de plus en plus indélicat de fixer un seuil de pauvreté mondial car chaque pays aura son seuil de pauvreté et une personne en Suisse serait pauvre avec 30 dollars par jour alors qu'en Inde, elle serait pauvre déjà à dix dollars par jour. Le seuil d'un dollar vingt-cinq est totalement arbitraire et ne correspond à rien sauf au fin fond de l'Afrique où on serait pauvre même avec dix centimes par jour.
Je suis vraiment outré que dans un magazine de consommation, on cherche à faire croire que la pauvreté aurait tendance à disparaître rien que pour faire une démonstration visant à rendre la société de consommation "politiquement correcte" et acceptable. Mais n'est-ce pas là le but premier de cet éditorial – conforter le monde dans l'idée que le système est "bon" pour l'homme !
On se désespère de perpétuer un système qui a atteint ses limites et qui a démontré l'étendu de ses contradictions. Nous pouvons affirmer, après l'éclatement les uns après les autres de toutes les bulles économiques, que la consommation n'apporte pas le bonheur et ne peut en aucun cas se substituer aux réflexions personnelles et aux prises de conscience individuelles que chacun doit mener de sa naissance à sa mort. Par contre, en valorisant à l'extrême la consommation et en faisant que tous les gestes de vie deviennent d'autant d'actes de consommation, il y en quelques uns qui ont fait fortune, de la grande fortune, des immenses fortunes en dehors de toute réalité quotidienne !
Il est logique que vous défendiez ce système de consommation étant un grand acteur dans ce processus. Il est parfaitement normal que vous cherchiez par tous les moyens à convaincre les gens de continuer à croire en ce système car sans le consentement des gens à être des consommateurs, tout le château de cartes construite depuis la fin de la deuxième guerre mondiale s'écroulerait. Comme nous n'avons pas pu construire une vie alternative assez forte pour faire face au rapport de force de l'économie de consommation, la société restera sans ressources lorsque le système économique sera en butte à ses contradictions quasi existentielles et devra avouer son échec et son incapacité de répondre aux véritables besoin des gens, soit le droit à une existence autonome, coopérative, participative, qui sont ces mêmes valeurs avec lesquelles vous cherchez à vous imposer sur le marché. Au lieu de nous bassiner avec le politiquement correcte dispensé par des organes comme le votre, vous ferez mieux d'apporter aux gens les éléments qui les permettent enfin de trouver en eux-mêmes et avec son entourage de quoi construire leur vie propre.
L'espoir n'est pas que la pauvreté diminue mais que ce système qui génère autant de misère puisse être remplacer par une réflexion menant à la libération des gens des réflexes conditionnés par tant de pubs incitatives, par tant de morale dichotomique, par tant d'arguments justificatifs enrobés de phrases d'un politiquement trop correcte! La pauvreté ne disparaîtra pas par la volonté d'une instance supérieur et dès que chacun pourra vivre selon ses moyens, énergies et environnement et trouver dans son quotidien les vrais trésors et les vraies motivations de la vie et, par conséquent, son épanouissement, alors il n'y aura plus de pauvres sur la Terre !
Ce n'est pas à la Banque Mondiale de résoudre les problèmes des populations, c'est aux populations de résoudre ses problèmes dans un quotidien reconstruit, à son échelle, dans ses cadres, en utilisant les moyens qu'elles ont à disposition. C'est aux individus qui constituent cette population d'être les éléments de ce devenir possible.
En vous remerciant de l'intérêt que vous portez à mon message, acceptez mes salutations distinguées...
Georges Tafelmacher
1009 - PULLY
«400 MILLIONS DE PAUVRES DE PLUS»
STATISTIQUES - Damien Millet et Eric Toussaint mettent en avant le manque de fiabilité des statistiques publiées par la Banque mondiale et ses multiples conséquences. «Avec les énormes erreurs de la Banque mondiale dans ses calculs sur la pauvreté, c'est tout l'édifice des politiques internationales actuelles contre la pauvreté qui s'écroule.»
La Banque mondiale vient de reconnaître des erreurs importantes dans ses calculs concernant la situation mondiale de la pauvreté. En effet, alors que «les estimations de la pauvreté établies par la Banque mondiale s'améliorent grâce à des données plus fiables sur le coût de la vie», le résultat constitue à lui seul une violente remise en cause des statistiques produites par cette institution qui traverse une très grave crise de légitimité depuis plusieurs années: d'un seul coup, la Banque mondiale vient de découvrir que «400 millions de personnes de plus que l'on ne pensait précédemment vivent dans la pauvreté». C'est plus de la moitié de la population de l'Afrique subsaharienne !
Cela reflète surtout le manque de fiabilité des statistiques publiées par la Banque mondiale, statistiques qui servent surtout à cautionner les politiques néolibérales imposées à travers le monde par ses propres experts. Selon son communiqué, «1,4 milliard de personnes vivant dans le monde en développement (1 sur 4) subsistait avec moins de 1,25 dollar par jour en 2005», alors que les estimations précédentes tournaient autour de 7 milliards de personnes. Pour autant, la Banque mondiale ne manque pas de se réjouir car ce qui compte pour elle, ce n'est pas le nombre de pauvres, mais la proportion de personnes pauvres. Pourquoi? Parce qu'avec la démographie mondiale galopante, ce chiffre permet plus facilement de faire illusion: si par exemple le nombre de personnes pauvres stagne, la proportion de pauvres baisse mécaniquement au fil des ans.
Voilà pourquoi l'objectif dit "du millénaire" est de réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieure à un dollar par jour. Mais avec les énormes erreurs de la Banque mondiale dans ses calculs sur la pauvreté, c'est tout l'édifice des politiques internationales actuelles contre la pauvreté qui s'écroule. Les politiques d'ajustement structurel (réduction des budgets sociaux, recouvrement des coûts dans les secteurs de la santé et d e l'éducation, agriculture tournée vers l'exportation et réduction des cultures vivrières, abandon de la souveraineté alimentaire, etc.), imposées par le FMI et la Banque mondiale depuis le début des années 1980, ont détérioré les conditions de vie de centaines de millions de personnes dans le monde.
Les critiques envers la Banque mondiale n'ont pas manqué à ce propos, puisque Thomas Pogge, professeur à l'université de Columbia, écrivait récemment: «Les méthodes de calcul de la Banque mondiale sont extrêmement douteuses. Il y a des raisons de penser qu'avec une méthode plus plausible, on observerait une tendance plus négative et une pauvreté beaucoup plus étendue. Tant que la méthode actuelle de la Banque mondiale et les données qui se basent sur elle conserveront leur monopole dans les organisations internationales et dans la recherche universitaire sur la pauvreté, on ne pourra pas prétendre prendre ce problème réellement au sérieux.»
La Banque mondiale a fait preuve de son échec, tant sur le plan statistique que sur le plan politique. Plus que jamais, l'objectif visé doit être triple: l'abandon de la logique de l'ajustement structurel, l'abolition de la Banque mondiale et son remplacement dans le cadre d'une nouvelle architecture institutionnelle internationale.
DAMIEN MILLET
ERIC TOUSSAINT
Préambule
Dérives - Le XXe siècle aura été celui de la démence meurtrière et de l'horreur de masse. Dans cette nouvelle série, nous nous proposons de montrer comment les erreurs économiques sont à l'origine des maux de ce siècle.
Le siècle que nous venons de quitter a été particulièrement atroce. Jamais les hommes n'avaient poussé si loin l'art de se réduire en esclavage et de massacrer. Comme si les progrès de la science et de la technique qui émerveillaient tant nos arrière-grands-parents à la fin du XIXe siècle avaient pour raison ultime la démence meurtrière, l'horreur de masse. La fin de la Seconde Guerre mondiale n'a sonné les cloches de la prospérité que pour la partie la plus riche de la planète. Des dictatures sanglantes persistent ici et là, et quotidiennement la télévision nous offre, entre la poire et le fromage, le spectacle épouvantable de la misère et de la faim. Question: y a-t-il eu des erreurs, et lesquelles ?
«Des mouches aux mains des hommes, voilà ce que nous sommes», fait dire Shakespeare à l'un des personnages du Roi Lear. On peut, certes, lever les poings vers les cieux et accuser la fatalité ou la divinité. Mais c'est un geste vain. Après tout, on a les dieux et les chefs que l'on mérite. Nous n'accuserons donc pas les égoïsmes des nations. Nous ne referons pas pour la millième fois le procès de la ligne Maginot, ni de l'accord de Munich, ni de la guerre froide. Nous ne chercherons la faute ni chez les politiques, ni chez les diplomates, ni chez les stratèges, galonnés ou non, qui ont occupé le devant de la scène dans cette immense tragédie. Délibérément, nous nous intéresserons à ce qui se passe derrière le décor, à toute cette machinerie de coulisse qui a fait la vie quotidienne des hommes et des femmes du XXe siècle. Et, sur ce plan, nous n'aurons pas de difficulté à distinguer une bonne vingtaine d'erreurs !
Il ne s'agit pas, bien sûr, des fautes d'appréciation que chacun d'entre nous commet quotidiennement, mais d'erreurs collectives, ratifiées par l'opinion, assumées par des leaders responsables. Toutes ont eu des conséquences dramatiques. Erreurs de prévision, erreurs de diagnostic, erreurs de jugement, erreurs de raisonnement, elles ont au moins un point en commun: elles auraient pu être évitées! «L'erreur n'est pas une pure négation, c'est-à-dire n'est pas le simple défaut ou le manquement d'une perfection qui n'est point due, mais c'est une privation de quelque connaissance que je devrais avoir» (Descartes, Méditations métaphysiques, IV, 4). Relisons bien ce que nous dit le philosophe. La perfection n'est pas de ce monde - comment pourrait-elle l'être! Mais le monde irait peut-être un peu mieux si nous ne nous privions pas de la connaissance que nous devrions avoir, souvent par lâcheté, démagogie ou simplement parce que nous ne voulons pas regarder la réalité en face.
Funestes enchaînements
«Errare humanum est, perseverare diabolicum», dit le proverbe. L'erreur est humaine, mais il faut bien que le diable se mêle de sa reproduction indéfinie. Ce qui frappe dans l'histoire du XXe siècle, c'est l'enchaînement des erreurs économiques. On commence par nier que la guerre soit économiquement possible, puis on révise cette erreur en affirmant que, si jamais elle se déclenche, la guerre ne pourra durer que quelques mois, toujours pour des raisons économiques. Et ainsi de suite. Et tout cela se termine par des millions de morts, de chômeurs, d'affamés. Comme si chaque erreur était non pas redressée par une autre erreur en sens contraire, ainsi que le veut le tâtonnement classique de l'expérimentation, mais aggravée par la suivante dans une dérive effroyable dont, au seuil du nouveau millénaire, nous ne verrions toujours pas la fin. Cette recherche est fondée sur une hypothèse et sur un postulat. L'hypothèse est que l'erreur économique explique en grande partie l'Histoire. Le postulat, optimiste, est que toute erreur peut être corrigée autrement que par l'erreur.
Philippe Simonnot - le 12/01/01
références :
Pourquoi ils se trompent
Commentaire critique
Critique du critique !
L'erreur économique
Le Déchet, une erreur rédhibitoire
La production de déchets provoquée par les activités humaines a atteint une dimension inquiétante et finira par condamner la civilisation économico-industrielle si rien n'est entrepris pour la stopper. Malheureusement, la gestion des déchets est devenue une activité économique à part entière qui a justifié de gros investissements dans des équipements spécialisés : usines d'incinération des ordures, stations d'épuration des eaux, lavage de fumées, véhicules spéciaux pour le transport des ordures, etc. Peut-on changer un système qui représente actuellement une activité économique nécessaire pour maintenir la croissance ?
Et si on se posait les vraies questions ?
Dans les sociétés de subsistance d'antan, les activités humaines n'ont pas produit de déchets car tout était utilisé, recyclé, retravaillé, renouvelé de la manière la plus intégrée possible, la matière première était trop précieuse et le travail manuel trop dur pour les gaspiller bêtement.
L'énoncé du thème du forum sur les déchets contient toutes les contradictions de notre époque car il est formulé du point de vue largement propagé par notre société de consommation conquérante : "business as usual", activité économique nécessaire et industrialisation obligée. Analysons en profondeur la question posée :
L'erreur rédhibitoire n'est pas le déchet mais le système qui le crée !
Ce ne sont pas les activités humaines en tant que telle qui provoquent la production de déchets mais la mauvaise adéquation entre la production de biens et sa finalité, le but final étant de vendre à profit en se faisant le plus d'argent possible.
La civilisation économico-industrielle est condamnée non par la production de déchets inhérente à ses prémisses de base à l'antipode de la production intégrée et écologique et contraire à l'idée même du développement durable mais par sa logique de marchandisation commerciale de biens et de services.
Ce n'est pas la production de déchets qui faut stopper mais l'idéologie qui soutient la civilisation économico-industrielle productiviste de consommation individualiste.
La gestion des déchets est entièrement financée par l'argent publique car si l'industrie devait la payer, la production industrielle ne serait plus rentable et ferait faillite.
Avant de changer le système de gestion des déchets, on devrait d'abord changer le système du complexe économico-industrielle qui les produit.
La croissance ne peut pas être maintenue dans sa forme actuelle car il en va de notre survie sur cette terre et dans son acceptation idéologique moderne, la croissance signifie encore plus d'objets donc encore plus de déchets, donc encore plus d'atteintes à la vie.
En résumé, le déchet n'est pas une erreur, il est le résultat d'une logique économique basée sur la croissance, la concurrence, le capitale (l'argent), le profit (les gains), la recherche du prix le plus bas, la lutte acharnée pour des parts de marché et l'exercice du pouvoir et, surtout, il est la conséquence de l'importance qu'a pris l'économie, la finance et l'industrie dans une société qu'elles ont modelé selon leurs besoins commerciaux.
Mais qu'est-ce donc un «déchet» ?
C'est le résidu d'un processus de fabrication dans lequel seules sont prises en considération les opérations les moins chères possibles, les lignes de production les meilleures marchés et les matières premières aux coûts d'exploitation les plus bas. Certains de ces déchets sont hautement toxiques et ce serait à l'État d'en disposer pour prévenir les atteintes à la santé publique.
C'est un objet qui, ayant été fabriqué au moindre coût, se dégradera rapidement et devra être remplacé à bas prix. En attendant son élimination, il sera donc jeté dans d'énormes décharges, à la charge de l'État, comme de coutume.
C'est ce qui reste malgré de multiples recyclages largement financés par l'État !
C'est la péjoration de l'idée même de l'objet, son côté négatif, obscur et antinomique, sa dévalorisation complète !
De ces définitions, nous pouvons conclure que la question n'est plus «que faire des déchets ?» ni «comment les valoriser ?» mais «que faire pour ne plus en produire ?» !
Ou plus précisément, quel système proposer ou mettre sur pied pour que le déchet n'existe tout simplement plus ?
En tous les cas, ce serait un système qui ne rentrerait pas dans la logique "déchets", qui valoriserait la production holistique d'objets en prenant en compte tous les niveaux d'échanges, soit un système qui serait le fruit de l'engagement et d'une grande participation des gens eux-mêmes qui, enfin devenus des êtres humains raisonnables, réfléchis et conscients et des citoyens responsables et qui, rendus attentifs aux pièges de la consommation vecteur d'identité et de valeur d'élitisme, sauront utiliser ce qu'ils ont à disposition avec une efficacité maximum. Mais de nos jours tout concourt contre un tel système, ce type de société est considéré comme une utopie inatteignable, une anarchie propre à mettre à bas les capitaines de l'économie, la pensée-unique économique néolibérale et les valeurs hégémoniques de la consommation instituée en dogme opératoire...
Comment mettre fin à cette hégémonie économique rédhibitoire ?
Comment démarrer une remise en question fondamentale des fondements même de cette société de consommation dont les déséquilibres enflamment ce monde d'un feu nourri par les montagnes de déchets déjà produit dont on ne sait que faire ?
Comment faire pour que tout et chacun puisse participer à la création, la mise-en-forme et le suivi d'une société citoyenne et écologiquement neutre ?
Il me semble que pour changer le système, il faut déjà pouvoir se poser ces vraies questions !
Et surtout, nous devons nous méfier de ces questions qui ne mettent pas en question les fondements de ce système d'exploitation et de pouvoir et qui nous détournent de l'essentiel avec ces approches simplistes qui font le lit d'une activité économique qui maintient la croissance et donc la richesse de quelques uns et donc les déchets !
Georges Tafelmacher
pour «L'essor»
Les dérives du néolibéralisme
Le libéralisme est une doctrine fondée sur la notion de droits économiques: droit à disposer librement de sa force de travail et des produits de son travail, liberté d'échanger, de contracter, d'entreprendre, etc., ce qui justifie l'économie de marché.
Apparu au début des années septante, le néolibéralisme, même s'il contient le même mot, est un dogme très différent. Il prône une limitation du rôle de l'État en matière économique, sociale et juridique (ce qui n'empêche pas les banques d'être sauvées par les milliards des États). Ses détracteurs lui reprochent d'accroître les inégalités sociales et la précarité, de réduire la souveraineté nationale et surtout de transformer l'homme en marchandise. Les plus grands opposants au néolibéralisme devraient être les vrais libéraux.
Qu'en est-il en réalité ?
Dans notre prochain forum, des personnes d'horizons politiques très différents s'exprimeront. Mais il est bien entendu que tous les lecteurs de "l'essor" peuvent s'exprimer très librement.
RCy
Le libéralisme ainsi que son fils naturel le néolibéralisme, prônent une limitation du rôle de l'État à son expression la plus simple, soit de fixer un cadre aux échanges économiques avec le moins d'entraves possibles, d'imposer une morale unidirectionnelle formatrice et des valeurs de domination et de pouvoir soft. Le néolibéralisme n'est autre que l'expression brutale de la nature humaine dans tout ce qu'elle a de dure, de cruelle, d'impitoyable, d'inhumaine, de contraignante et d'imposante et il est même la forme la plus aboutie d'une dictature des élites et des méritants, des leaders et des charismatiques que cette terre ait porté depuis que les hommes ont inventé l'élitisme, le pouvoir et l'enrichissement. Il est l'expression même de notre égocentrisme, de notre obsession du pouvoir, et son moteur est la concurrence et la compétitivité, formable machine de ségrégation et d'hiérarchisation des individus car il les classe selon leurs performances évaluées selon les besoins économiques conçus par des dirigeants n'intéressés qu'à la consolidation de leurs fortunes et de leurs empires. Le néolibéralisme n'est rien d'autre que l'abâtardissement des nobles percepts de l'anarchie libertaire qui elle prônait le droit de disposer librement de sa force de travail et des produits de son travail, la liberté d'échanger, de contracter, d'entreprendre, à tous les niveaux, pour tout le monde et où l'économie est considérée dans sa globalité depuis les tâches ménagères jusqu'aux projets communautaires les plus fous !
Le néolibéralisme exprime d'une manière crue le fond de commerce libéral qui postule la suprématie de quelques méritants vertueux sur cette masse d'ignares de sans-culottes qui ne savent que brailler et foutre l'anarchie, descendre dans la rue et renverser les poubelles. De cette façon, les autorités peuvent justifier les charges des forces de l'ordre et ses gaz lacrymogène, ses balles en caoutchouc et ses coups de matraque, d'une police aux ordres des dominants locaux, ces dominants étant eux-mêmes aux ordres des dominants du G20, qui sont eux-mêmes aux ordres des pontes de l'économie, des banques et de l'industrie, qui sont eux-mêmes aux ordres d'un système si totalitaire que nous ne pouvons plus faire autre chose que de descendre dans la rue, de hurler notre mécontentement et de renverser les poubelles néolibérales culottées !
Lorsque nous analysons ce qui se passe, nous nous en sortons catastrophés car il semblerait que cette crise du néolibéralisme qui viole la terre est le signe même que chez l'homme, quelque chose dans son mental n'a pas suivi son "progrès" matériel et l'augmentation de son pouvoir, quelque chose fait que l'homme est mené par ses tendances autodestructives que rien ne semble arrêter et surtout pas tous ces appels à la responsabilisation, à la moralisation et à la mise sous éthique de ces valeurs prétextes pour le contrôle des individus. Le plus que nous essayons de dénoncer ce qui se passe, le plus sûrement que nous fonçons dans un précipice !
Ce qui fait vraiment peur est de voir à quel point nous sommes capables d'infliger des meurtrissures fatales à notre écosystème et de nous justifier sans vergogne en faisant appel à nos plus bas instincts de consommateur, à nos envies et besoins matérialistes et égocentriques, à nos tentations de pouvoir et de gloire, à nos sentiments d'exister et de s'imposer, à nos tendances à l'enrichissement. Ce qui se passe est la preuve même que tout ce système est autodestructif et tend vers l'annihilation et la destruction finale. Tout nous pousse à la consommation et la consommation nous pousse vers un destin incertain mais certainement fatal au vivant. Nous nous comportons comme si nous étions des mécaniques parfaites sur lesquelles il suffit d'imposer une volonté pour trouver le bonheur, bonheur vendu par les temples de la consommation et les shopping-centers, nourri par la publicité reine de nos émotions !
Le néolibéralisme tend un miroir vers nous et nous voyons la mort !
La mort de la terre surexploitée, des espèces menacées, du vivant massacré !
La mort de tout ce que l'intelligence humaine a gagnée depuis 100'000 ans et le triomphe de tout ce que l'homme porte de destructif en lui. Mais le pire est d'entendre que toutes ces justifications pour ces destructions se font au nom du progrès, de l'industrialisation porteuse, soi disant, de bonheur, de richesse et de gloire; la morale, les valeurs et l'éthique ne servant qu'à caler nos certitudes dans le confort des acquis matériels et de notre pouvoir sur la création. Ils nous disent qu'ils créent les emplois du futur mais à quoi bon ces emplois si nous devenons complètement malades de notre environnement massacré et surexploité. Ils nous disent vouloir nourrir le monde mais à quoi bon si le monde s'autodétruit !
Le plus grave étant qu'aucune éducation ne changera quoique ce soit à cet état, aucune loi ne modifiera ces tendances, aucun appel à la responsabilisation ne sera opérant car ces tendances sont inscrites dans nos gènes mêmes, dans notre évolution guerrière et de pouvoir, dans la conception de notre surimportance, dans l'idée même que nous faisons de nous-même gonflés comme des coqs trop sûrs d'eux confits dans leurs petites assurances et régnant sur leurs bassecours comme des tyrans mégalomaniaques, obsédés par l'influence qu'ils cherchent sur autrui. Tant que les puissants et les régnants ne se rendent pas compte du tort qu'ils infligent au monde et ses habitants, tant que tout le système pousse à plus de consommation, plus d'industrialisation, plus d'exploitation, plus de compétition, tant que tout est axé sur le progrès, la croissance, la concurrence, l'enrichissement, la spéculation et le cours de la bourse, alors rien ne changera, rien n'empêchera cette course vers annihilation finale où les chambres à gaz seront les centres de nos villes asphyxiés par les gaz de millions de voitures et de fabriques fumeuses. Tant que nous n'arrivons pas à appréhender l'entier du drame humain et à comprendre ce qui se passe et pourquoi, tant que nous ne pouvons pas reconnaître ce qui ne tourne pas rond chez nous, jamais nous ne pourrons continuer notre cheminement sur cette terre devenue notre purgatoire et l'ante-chambre de l'élimination de la vie sur cette terre. Le plus que nous analysons ce qui se passe, le plus que nous pouvons faire le constat d'une volonté de destruction portée non pas par quelques marginaux déjointés ou terroristes furieux mais par le commun des mortels pris dans la logique néolibérale de la pire espèce, le néolibéralisme étant le summum de la nature humaine la plus sordide, accapareuse, et, finalement, destructive.
La seule question que nous devons nous poser est de savoir comment nous débarrasser de ces puissants qui veulent nous diriger, comment arrêter ces spéculateurs de jouer notre système à la bourse, comment faire venir à de meilleurs sentiments ces directeurs qui veulent faire fortune, comment stopper ces discours apologétiques qui renforcent et justifient cette économie champ de guerre en temps de paix, comment contrer ce moralisme menottant et l'utilisation de valeurs camisoles de force contraignantes et formatrices, comment cesser de juger, de classifier, de jauger les gens et de les mettre dans des prisons formatées...
Oui, comment faire pour que les puissants de cette terre cessent d'être puissants pour n'être que des humains comme le commun des mortels avec nos doutes, nos peurs, nos angoisses, nos espoirs, nos visions et plans pour l'avenir ???
N'oublions jamais que la réalité est que l'homme est tellement destructif qu'il est capable de tuer le monde sous prétexte de vouloir nourrir la planète et de l'étrangler pour faire son bonheur...
Vive la révolution et à bas les dominants et leur système si totalitaire que nous devons ... résister avec culot !!
Georges Tafelmacher
dit GPT
pacifiste, antimilitariste, altermondialiste
L'idéologie du Gaspillage
Selon toute vraisemblance, la Suisse va abandonner l'énergie nucléaire. Il faudra trouver des énergies de substitution, si possible renouvelables. Les milliards consacrés à la construction des centrales nucléaires devront être utilisés pour mettre au point de nouvelles technologies (éoliennes, géothermie, panneaux solaires, etc.) qui seront performantes et qui préserveront l'atmosphère de rejets massifs de CO2.
Parallèlement, il faudra faire des économies d'énergie. En tout premier lieu, les entreprises devront montrer l'exemple en ne fabriquant pas des produits inutiles. Même si cela ne constitue qu'une toute petite partie de la consommation globale, chacun devra faire un effort au niveau de la vie quotidienne. Il faut utiliser des appareils moins voraces en énergie, régler le chauffage avec un peu plus de modération, veiller à éteindre les appareils quand on ne les emploie pas. Il faut aussi éviter de gaspiller la lumière en réduisant dans le temps les illuminations de Noël, réduire les emballages, consommer moins d'eau.
Qu'est-il possible de faire concrètement dans la vie de tous les jours ?
* en rouge = "impératif catégorique" !
Avant de nous poser la question de savoir ce qu'il est possible de faire concrètement dans la vie de tous les jours pour éviter le gaspillage, nous aimerions savoir pourquoi nous sommes dans cette situation, comment nous en sommes arrivés là et quelles sont les prémisses de cette société qui a permis cela.
Un petit retour dans le temps est donc nécessaire. Dix ans après la deuxième guerre mondiale, en 1955, un spécialiste américain du marketing, Victor Lebow, exhortait le monde occidental dans les termes suivants :
«Notre économie à la capacité de production énorme, demande que nous fassions de la consommation un mode de vie. Il faut que nous convertissions l'achat et l'utilisation des biens en rituels, que nous cherchions notre satisfaction spirituelle, la satisfaction de notre ego dans la consommation. Nous devons consommer les choses, les brûler, les utiliser, les remplacer et les jeter à un rythme toujours plus rapide».
De plus en plus, il est devenu nécessaire pour survivre de suivre aveuglément la pensée unique de la consommation devenue névrose collective et, carrément, la base de toute notre activité économique. Notre société est basée sur la production et la vente d'autant d'objets que possible quelle que soit leur utilité, ces objets étant soumis à la règle de l'obsolescence programmée, c'est-à-dire, l'usure prématurée des objets pour obliger les consommateurs que nous sommes devenus par la grâce de la magie publicitaire dirigée, de les changer constamment. Le gaspillage est la fonction par laquelle s'opère le progrès, la croissance, le développement et si nous nous mettions à suivre les injonctions de cette nouvelle morale de la quête des économies d'énergie ou du développement de l'économie dite "verte" en passe de devenir l'industrie de demain, nous ne faisons que de déplacer le problème car, fatalement, la logique du système fera qu'il y aura toujours plus d'objets industriels manufacturés. Et ce n'est pas parce qu'ils ont été fabriqués "écologiquement" que la terre sera moins polluée car, ironiquement, la fabrication "écologique" a des demandes d'eau gigantesques et utilise des matériaux qui poseront d'énormes problèmes dans vingt ans à l'instar des produits de la nanotechnologie.
Nous pouvons même affirmer que si nous mettions en pratique les exhortations aux impératifs catégoriques telles qu'elles ressortent dans l'introduction à ce Forum où il n'y a pas moins d'une dizaine du type «il faut, nous devons, veiller, etc.», ce sera la ruine de l'économie actuelle et de notre monde tel que nous le connaissons. Au lieu de nous assommer avec autant d'impératifs et d'injonctions, nous ferions mieux de nous révolter contre ce système qui n'a que la production comme Graal ultime, pour qui l'objet est investi d'une grande importance et de repenser notre société en des termes qui permettent la survie de la vie, le développement de l'individu et la renaissance des quartiers et des villes à taille humaine !
Le gaspillage étant le nerf de notre développement économique présent, pour éviter ce gaspillage, un changement des paradigmes de cette société serait nécessaire et cela va au-delà des quelques lampes à éteindre ou du chauffage à modérer. Il s'agit de repenser notre relation avec l'objet, de voir en quoi il est la compensation de notre "mal-être" psychique, de dépasser notre conditionnement de consommateur, de sortir de cette dépendance infantile à l'objet, de comprendre nos besoins et de voir comment nous pouvons les satisfaire sans avoir recours aux artifices de la consommation débridée ou de l'industrialisation galopante.
La seule chose possible que nous pouvons faire dans notre vie de tous les jours c'est de récréer des relations holistiques avec nos contemporains faites d'empathie, de compréhension, de respect et de reconstruire notre présent de façon plus humaine où chacun serait auteur de sa vie et acteur significatif de sa communauté. Si déjà à présent, nous nous efforçons de bâtir notre maison, planter nos choux, entretenir des rapports conviviaux avec nos voisins, alors les problèmes se résoudront d'eux-mêmes sans qu'il soit nécessaire de nous encombrer d'une bible entière de résolutions impossibles à tenir ourdies par ces ayatollahs de la nouvelle morale et les tenants de l'industrie verte !
Cette société a fait de nous des consommateurs, à nous de secouer cette éducation et de la substituer par notre intelligence sociale, notre génie humain, notre entregent et notre envie de survie !
C'est avec joie que je participe à votre Forum, estimant que le thème est de la plus haute importance !
Effectivement, il ne se passe pas une seule journée sans que nous soyons mis brutalement face aux conséquences de nos choix de société et il est urgent que nous fassions tout pour empêcher l'inéluctable, soit, carrément, la disparition de la vie complexe sur notre terre. Certes, la vie continuera après nous, mais elle sera réduite à sa plus simple expression, soit les bactéries, vers, moisissures, champignons et autres organismes simples.
En tant que dépositaires de la connaissance et du savoir, notre rôle aurait dû être celui de la conservation de la complexité de la vie et de la pensée holistique mais cette part obscure de l'homme fait que nous sommes emportés par cette vague hallucinante de l'enrichissement à tout prix et de la satisfaction obsessionnelle de nos pulsions autodestructives quasiment inconscientes !
Je pense qu'il serait nécessaire à l'homme de mieux se comprendre et d'entreprendre les démarches nécessaires pour que la vie complexe puisse continuer sa progression constante mais au rythme où vont les choses, ce progrès se fait à reculons et à rebours du bon sens. L'importance que nous avons donné à la consommation est plutôt signe de nos détresses mentales, de nos problèmes psychologiques et toute résolution de nos problèmes de société passeraient forcement par une prise de conscience où nous serions capables de faire les choix nécessaires pour que notre Terre perdure et atteint sa plénitude.
Pour cela, des publications telles que le vôtre montrent leurs absolues nécessités et je suis heureux d'y apporter ma modeste contribution même si je suis conscient que cela ne résoudra pas le problème de la trop grande emprise des centres patronaux et de leurs servants dans l'établissement de cette société disjonctée et polluée qu'ils mettent en avant comme étant celle du "progrès" et du "développement technologique".
J'attends avec fébrilité la parution du prochain "L'essor". Tout ce que j'espère, c'est que de cela, il en sortira une discussion qui, enfin, obligera les dirigeants économiques et politiques de revoir leurs manières plus que jamais dangereuses, inconscientes et destructives. Il est pour le moins grave que le sort de notre monde soit entre les mains de ces personnages peu recommandables et qui, pourtant, règnent sans partage sur un monde à leur botte. Cela m'étonne, pour le moins, que ces gens ne se rendent pas compte de leur philosophie aberrante et continuent, malgré toutes les mises-en-garde, à produire des situations "à la Grecque" ou le peuple sera "puni" d'avoir justement consommé comme l'avait exhorté les économistes des trente glorieuses !!
GPT
Les luttes des Indignés contre l'idéologie mercantile
On parle beaucoup du mouvement des Indignés qui essaime partout dans le monde à une vitesse vertigineuse. Avec raison, ces femmes et ces hommes, en général des jeunes, contestent le système néolibéral basé exclusivement sur le profit, qui favorise la paupérisation d'une grande partie du monde, qui exploite et méprise les humains et qui accroît les inégalités sociales.
Pour qu'il y ait des indignées, il faut évidemment qu'il y ait des institutions ou des personnes indignes. Quelles sont-elles? S'agit-il des gouvernants, des banques, des entreprises ou des hommes qui exploitent, polluent et tuent (de manière directe et indirecte comme par exemple avec l'amiante ?)
Dans ce forum de février 2012, nous monterons du doigt quelques-unes des ces institutions ou de ces personnes indignes, non pas pour les livrer à la vindicte populaire, mais pour bien montrer qu'elles ont un mépris total de l'intérêt général. Nos lecteurs sont invités à participer activement à ce forum en nous fournissant des cas concrets. Nous souhaitons recevoir des articles courts, pour être à même de donner le plus possible d'exemples !
Un ancien élu radical a reproché à notre rédacteur responsable de ne pas avoir donné la parole à des femmes et à des hommes de droite dans son livre «Le peuple des moutons». Fausse accusation: une dizaine de membres de l'UDC, du PDC et du Parti libéral-radical ont été sollicités mais tous ont répondu négativement ou, pire encore, n'ont pas donné de réponse.
Pour ce forum intitulé «Les indignes», rebelote! Rémy Cosandey a contacté par écrit plusieurs personnalités de droite bien connues, estimant que l'indignation était une valeur universelle qui pouvait être partagée par des personnes de toutes tendances politiques. Hélas, une fois encore, les réactions négatives ont été nombreuses.
Petit florilège :
«J'espérais pouvoir trouver le temps de vous fournir les 3'000 signes requis. Hélas, l'accumulation des dossiers encore en traitement m'empêchera de répondre positivement à votre demande. Je regrette vivement car le sujet m'intéresse.»
«Je vous remercie de la proposition que vous m'avez faite de m'exprimer dans votre journal. Malheureusement, pour des raisons de charges professionnelles très lourdes, il ne me sera pas possible d'y donner suite. Je ne sais pas si, du coup, vous me montrerez aussi du doigt...»
«Tout un chacun s'indigne pour diverses raisons et souvent de manière diamétralement opposée. Dans ces cas, il n'y a pas lieu de se mettre les uns contre les autres. Ce serait contraire à l'esprit du journal l'essor.»
Les collaborations que nous avons reçues peuvent se résumer ainsi: le fossé augmente entre les riches et les pauvres, l'économie est uniquement au service des plus riches, un milliards d'êtres humains meurent de faim alors que la planète a de quoi nourrir 12 milliards de personnes. Mais, comme le disent si bien les Indignés de La Chaux-de-Fonds que nous avons rencontrés, il faut maintenant passer de la parole aux actes.
Le comité rédactionnel de l'essor
En occupant avec entêtement notre espace-temps collectif, les Indignés nous interpellent tous. Ils matérialisent la crise et rendent flagrante l'absence de réponses institutionnelles. Ces villages de tentes sont insupportables à ceux qui veulent nous enfermer dans nos voitures, nos salons, nos écrans et ces professionnels de la politique réagissent avec condescendance aux indignations des indignés...
En effet, chaque fois que l'indignation se manifeste, les milieux institutionnels cherchent toujours à la rendre aussi puérile et enfantine que possible pour ôter au mouvement de protestation sa légitimité. Pour eux, l'indignation ne serait que l'expression de colère de quelques énervés juvéniles et ils ne réduisent le mouvement qu'à ses aspects violents, disqualifiant ainsi toute contestation. La péjoration de l'indignation est une arme fatale pour le mouvement et même si les protagonistes s'en défendent, ils ne sont pas dans un rapport de force qui permettrait un recul significatif des ambitions patronales et des prétentions politiciennes.
Mais l'indignation est le premier pas concret dans une logique qui mène de la prise de conscience de ce qui se passe, à la compréhension des forces en jeu et puis, à une certaine action collective. Et c'est cela qui inquiète le plus nos dirigeants: que la masse des citoyens prenne conscience des véritables raisons de la crise et commence à leur demander des comptes...
Nous pouvons lister toute une série de motifs pour l'éclosion d'indignation:
la prise de pouvoir des forts sur la société et notre impuissance flagrante de la contrer;
les privilèges des nantis dans une société en crise où on nous demande de nous serrer la ceinture;
l'attribution incessante de bonus exorbitants aux cadres des banques et le pouvoir démesuré de celles-ci sur tous les aspects de la vie sociale;
l'utilisation et le contrôle des médias dans le but de désinformer et de manipuler le public;
le matérialisme productiviste qui fabrique des pauvres;
la spéculation foncière, immobilière, boursière et sur les matières premières, soit la "casinofication" de la société rendant impossible la participation citoyenne;
la commercialisation et la marchandisation de notre sphère privée;
le blocage du développement des formes alternatives d'énergie pour nous maintenir dans la dépendance face au pétrole et à l'uranium;
la contamination de la chaîne alimentaire par des pratiques industrielles irresponsables ainsi qu'aux dégâts commis sur le système agricole par les OGM et autres pesticides;
la perpétuation du colonialisme à l'étranger par le maintien de forces armées dans des dizaines de pays, et l'accaparement des économies et des terres de dizaines d'autres.
Et il y a assez de motifs d'indignation pour remplir des pages; alors pourquoi cette léthargie face à l'activisme accéléré de ceux qui se croient nantis d'un droit suprême de diriger cette société selon leurs envies et besoins ?
À l'heure où les plans d'austérité et les licenciements vont occuper la scène politique de 2012, nous ne devons pas laisser passer cette opportunité historique de renforcer le mouvement social traditionnel et de reprendre l'offensive.
Alors, Occupy 2012 en Suisse aussi ?
Georges Tafelmacher
Et moi, je suis indigné que la dizaine de membres de l'UDC, du PDC et du Parti libéral-radical qui ont été sollicités, n'ont pas daigné répondre ni même négativement ou, pire encore, n'ont pas donné de réponse. Qu'est-ce qu'ils ont à se plaindre alors ?
Mais je remarque quand même que la contestation est le fait de la Gauche, quoiqu'on puisse dire car la Droite, elle, aurait plutôt tendance à se persuader que tout cela est parfaitement "normal", soit qu'il y aurait les dominants d'un côté et les dominés d'un autre et que l'indignation, pour elle, est au mieux des trépidations d'enfants gâtés (gauche-caviar !) ou, au pire, des énervements d'énervés donc insignifiants mais toujours le fait de dominés !
La Droite, semblerait-il, ne va pas perdre son temps à s'indigner, elle va plutôt chercher à convaincre les gens d'accepter la situation comme étant dans l'ordre des choses et qu'au lieu de s'indigner, nous ferions mieux investir, entreprendre, spéculer, devenir riche et dominer !
Ou alors, si nous ne le pouvons pas, au moins, nous devrions nous taire et rester simples consommateurs et si quelque chose ne va pas, faire des réformettes démagogiques mais qui renforcent le pouvoir de nos commandants !
Il n'y a rien à attendre de la Droite car elle est trop puissante car trop impliquée dans la société telle qu'elle est et elle ne voudra jamais admettre que l'état du monde serait de sa "faute". Au contraire, elle passe son temps à nous accuser nous, la Gauche, de la dégradation des mœurs, de la montée de la violence, de la survenance de la crise parce que nous aurions osé crier notre mécontentement lors de nos multiples manifs, pétitions et autres...
Le WEF en ce fin Janvier 2012, nous montrera l'étendue de son pouvoir et de sa capacité de résilience et la Gauche en prendra un sacré coup à l'aine avec ses manifs protestataires dans ses igloos qui seront la risée de l'establishment...
Pour plus de détailles, visitez la page : W E F
de la part d'un "promoteur" de l'idéologie économie !!
Mess. Jacques Delors et Jean-Pascal Delamuraz croient aux vertus de l'économie de marché...
Ces messieurs, animés par la compétitivité, croient pouvoir résoudre la CRISE. Par leur prêche, ils tentent de justifier l'injustifiable. Tout leur discours évoque la guerre: se battre, lutter à armes égales, conquérir des parts de marché, être les meilleurs, dominer la concurrence, vaincre sur les marchés, c'est l'apologie de la guerre commerciale que se livrent les nations en temps de paix.
Le GATT (OMC) est le mode d'emploi de cette guerre commerciale dont le traité, l'accord final est imposé sous la pression de l'urgence pour être accepté par tous. Tout cela repose sur une vision de société basée sur le pouvoir, la domination et le matérialisme impérial; et sur une vision de l'homme basée sur la rationalité égoïste, l'appât du gain, l'accumulation de richesse, la satisfaction des besoins et des plaisirs. Pour dominer la nature humaine, mal perçue selon les interprétations moralistes, il faut la soumettre à des pressions extérieures urgentes, elle ne pourra que mieux travailler soumise à l'impérative accumulation de richesse.
Pour sortir de la crise, il est demandé aux gens de croire à la réalité de cette vie d'économie libérale et de s'y adapter. On doit accepter le rôle de consommateur et se conformer aux directives positives et éclairées des leaders de la société de consommation.
Les accords de l'OMC sont un arsenal de règles commerciales basées sur le libre-échangisme et la compétitivité. Il faut donc, pour survivre, jouer dans la course à la concurrence et nous battre pour la gagner car le monde appartient à ceux qui soutiennent le défi de l'adaptation. Sacrifié sur l'autel du réalisme, nous devons nous plier aux exigences du progrès technologie, c'est un passage obligé. Seuls l'industrie, le commerce et les investissements créent le bien-être économique et absorbent le chômage, ce que les ancêtres des banquiers et des industriels de Bâle, Genève et Zurich ont découvert au 19ième siècle. Nous vivons le paroxysme, l'apogée de la domination capitaliste et productiviste, basé sur les théories périmées du siècle de la révolution industrielle.
GPT
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Albert Jacquard : «J'accuse l'économie triomphante»
Guy Sorman : "Le progrès et ses ennemis" Editions Fayard
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Olivier Meuwly : réflexions sur l'état du mouvement socio-économique
L'essor : journal de l'éveil des consciences
Le néolibéralisme : réflexions sur l'état de l'économie
Critique du : du mouvement néo-économique
La raison : du néolibéralisme économique
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Retour vers le passé : réflexions sur le «c'était mieux avant»
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Dossiers préparés par ©Georges Tafelmacher & SuisseForum