Société

concurrence

La  CONCURRENCE


DOSSIER   •   La Concurrence – mise en question !


Depuis les révoltes sociales de la décade 1960 et son printemps contestataire de mai‘68, nous avons à maintes reprises proposé des alternatives, des changements de société, des remises en question salutaires.

Ils ont tous été combattus avec la plus grande énergie par nos dirigeants "éclairés", qui ont utilisé jusqu’à l’écœurement tous les moyens médiatiques à leur disposition et tous les moyens de pression sur les ouvriers et les individus pour nous transformer en "consommateurs" et de faire de la concurrence le moteur principal de la société où les liens seraient réduits à ceux de la compétition et de la concurrence.

Sommaire :

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«La concurrence...

...beaucoup plus qu’une question de prix»

par JACQUES-ANDRÉ HAURY, Médecin et député libéral
Publié dans "L’OPINION" du 24Heures du 31 août 2006
Haury

L’INVITÉ • «L’égalitarisme nivelle tandis que la concurrence élève. Ce sont les efforts couronnés de succès qui constituent les vraies satisfactions et rendent la vie passionnante»...


La concurrence, ça sert à quoi? – À faire baisser les prix, répondront neuf personnes sur dix. Elles n’auront pas tort, mais les grandes valeurs libérales ne sont pas d’abord une affaire d’argent. L’explosion des progrès dans le domaine des télécommunications illustre bien chez nous l’effet le plus important de l’ouverture de ce marché à la concurrence: l’amélioration de la qualité !

Car la concurrence, cela sert d’abord à cela: chercher à être meilleur que l’autre. La concurrence est un fabuleux moteur de développement, de recherche et d’innovation. La concurrence stimule l’imagination et la créativité.

C’est sur l’individu d’abord que la concurrence exerce cet effet. Elle pousse chacun à faire plus et mieux que l’autre, dans le but de se différencier et d’en tirer un avantage. C’est la concurrence qui donne à chacun sa chance de s’élever au-dessus de la situation dans laquelle la naissance ou les autres l’ont placé. Si vous voulez donner à un enfant provenant d’une situation sociale défavorisée une chance de "percer", organisez un concours, une compétition; mettez-le en concurrence avec les "fils de famille" et vous le verrez atteindre la place que lui vaut son mérite personnel. Et que serait le sport sans concurrence? Qu’est-ce qui pousserait les équipes de football à se préparer à l’Eurofoot de 2008 si elles n’étaient pas en concurrence avec les équipes des autres nations ?

La concurrence ne s’arrête pas à la production de biens et de services. Elle contribue à faire apparaître la vérité et à étouffer l’imposture. La concurrence à laquelle se livrent les médias oblige les journalistes à élever la qualité de leur information, faute de quoi ils deviennent la cible de leurs collègues. Dans le domaine de la formation, les enquêtes internationales ou intercantonales de type PISA créent, de fait, une situation de concurrence entre les systèmes scolaires et empêchent certaines pratiques pédagogiques infondées de se généraliser. En matière de santé publique, la présence en parallèle d’une médecine d’État et d’une médecine privée constitue un stimulant pour l’une et pour l’autre. On observera aussi que la concurrence à laquelle se livrent les universités les pousse constamment à élever leur niveau de recherche et d’enseignement.

La concurrence suppose l’égalité des chances au départ. Mais les adversaires de la concurrence veulent imposer l’égalité des résultats. Égalité des revenus, égalité des salaires, égalité des conditions. Pour tous, la même formation et le même diplôme. Sans voir que l’égalité démotive. Pourquoi faire plus et mieux que mon voisin puisque, au bout du compte, le résultat sera le même pour moi. L’égalitarisme nivelle tandis que la concurrence élève. La sécurité égalitaire apporte un certain confort. Mais ce sont les efforts couronnés de succès qui constituent les vraies satisfactions et rendent la vie passionnante.

Bien sûr que la concurrence a des effets pervers. Elle peut notamment dégénérer en une "loi de la jungle", sans pitié pour le plus faible. La concurrence a besoin d’être cadrée par des règles. Mais cadrer ne signifie ni condamner, ni étouffer. L’État et les partenaires sociaux devraient au contraire veiller à garantir, en toutes circonstances, un certain degré de concurrence, de compétition, d’émulation. Et veiller à ce que les bénéfices retirés de la concurrence retombent sur les individus qui en font l’effort.

© Edipresse Publications SA

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Publié dans "Courrier des Lecteurs" du 24Heures du 26 septembre 2006

GPTLES "VERTUS" DE LA CONCURRENCE

À propos de la "réflexion" de M. Jacques-André Haury intitulée «La concurrence: beaucoup plus qu’une question de prix»
24 heures du 31 août 2006

Une dérive néolibérale

par Georges Tafelmacher, pacifiste et libertaire

L’article de M. Haury nous montre comment l’utilisation abusive des mots peut propager une pensée dite "unique". Il disserte sur la concurrence comme s’il s’agissait d’une force énergétique semblable à la gravité. Or, la concurrence n’est que le syndrome d’un mal qui s’empare d’une société lorsque ses membres ont perdu tout sens de la solidarité, de la participation sociale et de la construction humaniste de la société. Elle découle d’une certaine idée de l’homme que se font les thuriféraires de la pensée dite "libérale", qui suppose la suprématie de certains grands esprits sur les gens dites "ordinaires", considérés comme "inférieurs" !

La concurrence selon M. Haury ne fait que de montrer à quel point notre société est devenue néolibérale et adepte du chacun pour soi par la consommation égoïste. Il nous décrit un monde où une élite autoproclamée garde ses prérogatives de rester au-dessus de la masse en construisant un monde fait pour les "meilleurs" par les "meilleurs", bref, du pur "darwinisme" social !

Cette nouvelle élite, qui n’a pas encore digéré la révolution de 1968, assied son pouvoir en nous soumettant à des exigences telles que seuls quelques privilégiés peuvent vivre dans ce monde ainsi créé. Quant au gros de la population, il ne peut que se soumettre à cet état d’économie commerciale basée sur la concurrence.

Georges Tafelmacher, Pully
© Edipresse Publications SA

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Lettre Perso

Pour ne pas sombrer dans le chaos de la concurrence débridée






Georges Tafelmacher,
ch. de la Côte 22,
1009 PULLY
Dr. Jacques-André Haury
chemin du Village 48      
1012   LAUSANNE        


Pully, le 10 Septembre 2006





Concerne : réponse à votre opinion sur la Concurrence parue dans le 24Heures du 31 août 2006


Monsieur,

Vos affirmations concernant la "concurrence" parues dans la rubrique "Opinion" du 24 heures du 31 août 2006, nous permettent de voir ce qu’il y a derrière les mots et de comprendre comment leurs utilisations abusives peuvent propager une pensée dite "unique" !

Vous dissertez sur la concurrence comme s’il s’agissait d’une force énergétique ou vive comme celle de la gravité. Or, la concurrence n’est que la description d’un état affectant la société, elle n’est que le syndrome d’un mal qui s’empare d’une société lorsque ces membres ont perdu toute sens de la solidarité, de la participation sociale et de la construction humaniste de la société. De plus, elle découle d’une certaine idée de l’homme que se fait les thuriféraires de la pensée dite "libérale", soit la supposée suprématie de certains "grands esprits" sur les gens dites "ordinaires" considérés comme "inférieurs"; bref, la concurrence vise l’exclusivité !

La concurrence, telle que vous l’imaginez, ne fait que de montrer à quel point notre société est devenue néolibérale, soit une économie basée sur le chacun pour soi par la consommation égoïste. Vous nous décrivez un monde où une élite autoproclamée garde ses prérogatives, soit de rester au-dessus de la masse, en construisant un monde fait pour les "meilleurs" par les "meilleurs", bref, du pure "darwinisme" social! Cette nouvelle élite, qui n’a pas encore digéré la révolution de 1968, cherche à rasseoir son pouvoir en nous soumettant à des exigences telles que seuls quelques privilégiés peuvent vivre dans ce monde ainsi créé. Pour le reste, derrière cette idée fausse que d’aucuns se font de la concurrence, nous pouvons constater que, dans ces conditions, pour le gros de la population, si l’on est comme tout le monde, on ne peut que se soumettre à cet état d’économie commerciale de consommation basée sur la concurrence. C’est le summum de la pensée-unique hégémonique, de l’idéologie dominante, de la manipulation généralisée qui, de loin, dépasse toutes celles proférées par ceux que vous considérez comme vos adversaires.

Être "humaniste" demande de nous d’avoir une bonne dose d’empathie envers ses prochains et même envers nos ennemis et surtout d’être habité par ces quatre principes essentiels : amour et paix, compréhension et respect !

GEORGES TAFELMACHER






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Publié dans le "Courrier des Lecteurs" du 24Heures du 26 septembre 2006

Des exemples mal choisis

À propos de la "réflexion" de M. Jacques-André Haury intitulée «La concurrence: beaucoup plus qu’une question de prix» (24 heures du 31 août 2006)

Pour M. Haury, la concurrence semble être la valeur par excellence. Il affirme qu’elle contribue à faire apparaître la vérité et à étouffer l’imposture. Ah? Ne serait-ce pas plutôt grâce à la liberté d’opinion et à quelques valeurs éthiques liées comme l’intégrité, l’honnêteté, la solidarité ?

M. Haury cite aussi l’enquête PISA qui empêcherait certaines pratiques pédagogiques infondées de se généraliser. Or PISA s’est surtout fait remarquer par son manque de transparence. Aucune donnée n’a filtré sur le type de population interrogé. De plus, est-ce qu’une pratique pédagogique valable dans un pays scandinave l’est aussi dans un pays latin ?

Il y a des individus qui n’ont pas besoin de concurrence culturelle pour faire preuve d’imagination et de créativité, qui n’ont pas besoin de «faire plus et mieux que l’autre dans le but d’en tirer un avantage», mais qui savent simplement donner le meilleur d’eux-mêmes. (...) Osons espérer un monde différent et adulte ou la concurrence restera là ou elle doit être: dans la nature. Et comme dit le proverbe, la réussite est un chemin, pas un but !

Darius Schmid, Lausanne
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Publié dans "L’OPINION" du 24Heures du 25 octobre 2006

«Non, il n’y a pas que la compétition pour avancer, innover et découvrir !»

L’INVITÉ : VINCENT ROSSI, Jeunes VertEs vaudoisEs Lausanne

Quand le système coopératif concurrence... la concurrence !

Le 31 août dernier, M. Haury nous gratifiait dans ces colonnes de sa foi inébranlable dans les vertus de la concurrence. Selon lui, cette dernière serait mère de toutes les vertus. Les Jeunes VertEs vaudoisEs aimeraient rappeler le cadre de pensée historique duquel M. Haury tire ce triste dogme.

En 1859, Darwin publiait «L’Origine des espèces» et évoquait la survie du plus apte comme moteur de l’évolution. Immédiatement des penseurs anglo-saxons comme Spencer rattachèrent de façon simpliste le concept de survie du plus apte à la compétition entre espèces, c’est-à-dire la concurrence. Spencer adaptait Darwin aux principes économiques en vigueur: un capitalisme débridé justifiant les conditions de vie misérables de la population ouvrière. Ce mode de pensée a dominé pendant plus de 60 ans.

Pourtant, en 1902, Kropotkine publiait «L’entraide, un facteur d’évolution» et montrait que la coopération est un facteur au moins aussi important que la compétition dans le moteur de l’évolution, rejoignant l’esprit originel de la théorie de Darwin. Des espèces coopèrent avec d’autres pour leur bien mutuel, et ainsi survivent et évoluent. L’entraide est donc reconnue comme une aptitude à la survie! Tout le monde connaît l’histoire des abeilles et des fleurs.

En 1995, Cunningham installait pour la première fois un moteur wiki sur le web, donnant naissance à ce qui est aujourd’hui la plus complète encyclopédie au monde: Wikipédia. En quelques années, un mode d’organisation non capitaliste, basé non pas sur la concurrence mais sur la coopération et l’échange, a dépassé tout ce qui s’était fait précédemment. En même temps, le logiciel libre, né de communautés collaboratives, connaît un essor phénoménal, ébranlant les plus importantes entreprises de logiciels dont la stratégie se base sur la course au profit.

Ces deux seules références devraient donner à réfléchir aux tenants de la concurrence. Le progrès ne se définit pas uniquement par l’abandon des innovations les moins rentables ou les moins efficaces, mais aussi par la promotion de la solidarité et du partage.

Ainsi, le "progrès" selon M. Haury fonde une triste lecture du monde: là où il voit l’émergence d’un journalisme toujours meilleur, nous nous effrayons de la disparition de la presse de qualité, indépendante et non publicitaire. Là où il se réjouit d’une recherche toujours plus dynamique, nous déplorons qu’elle soit de plus en plus orientée vers l’enrichissement privé et la satisfaction des plus aisés: on investit davantage pour les soins cosmétiques que pour le traitement de la malaria.

Mais combien de perdants faut-il pour faire un gagnant dans un système compétitif? Un tel système peut-il connaître un développement harmonieux sur une planète aux ressources limitées? Lorsque la concurrence est acharnée, prend-on le temps de penser au long terme? Préserve-t-on l’environnement ou les liens sociaux? Il est démontré depuis longtemps que non.

Les VertEs privilégient la vision d’une société durable, plus juste humainement et respectueuse de la planète, choisie en concertation et non par les lois du marché. C’est là tout le sens de notre action politique, et toute la différence entre notre planète et celle de M. Haury.

Non M. Haury, il n’y a pas que la compétition pour avancer, innover et découvrir! Mais là où nous vous donnons raison, c’est que le système coopératif, que beaucoup sont en train de réaliser, vient sérieusement concurrencer le système compétitif que vous prônez !

© Edipresse Publications SA, tous droits de reproduction et de diffusion reservés.

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La logique de concurrence

quelques autres considérations...

Nous devons répondre à l’offensive économiste ourdie par les co-religionnaires de l’idéologie néolibérale par une analyse sans fart de leur discours appauvri...

concurrenceCette logique de concurrence réduit le rôle de l’État à celui d’un vaste système d’ingénierie juridique, bureaucratique et financière mis au service de la performance commerciale de l’entreprise. L’État n’est plus l’expression politique de l’intérêt public collectif, il devient un acteur parmi d’autres, chargé de créer les conditions les plus favorables à la compétitivité des entreprises. L’intérêt général se résume ainsi à celui des firmes géantes se disputant les marchés mondiaux. II est évident que cette idéologie est en contradiction avec toute forme de démocratie participative. Et que dire de l’appauvrissement scientifique et culturel considérable du discours sur l’économie, la condition humaine, la société qu’elle engendre? La réflexion et le débat nécessaires sur la science, la connaissance, la technologie, la richesse, le bien-être, le progrès, l’éthique, les rapports Nord-Sud, la paix et la guerre, l’environnement, sont réduits, en dehors des cercles restreints des spécialistes, à quelques slogans centrés sur l’entreprise et le marché, la gestion et le transfert des technologies, l’innovation et sa diffusion. Est seulement valorisé le discours axé sur la culture de l’excellence, la logique de guerre économique, ainsi que sur l’impératif technologique selon la règle «Tout ce qui est technologiquement possible doit être réalisé». L’idéologie de la compétitivité est centrée sur l’outil - ses progrès, sa puissance - et sur la marche triomphale des machines "intelligentes". Grâce à ces machines-réseaux mondiaux et aux machines-système-mondial que nous sommes en train de créer, notamment dans les domaines de l’information, de la communication et de la production, elle a enfin trouvé sa véritable globalité géographique !

C’est bien, en effet, un véritable culte que vouent à la compétition tous les brasseurs d’affaires, ainsi que les États, entraînant avec eux dans l’immense tourbillon la société entière. Eux-mêmes étant environnés de tout un monde de prêcheurs, conseillers, inventeurs, innovateurs, n’ayant comme objectifs que rendements et prix concurrentiels. L’outil et la machine offrant des possibilités que jadis la main-d’œuvre maintenait limitées. Or, c’est elle qui désormais s’y trouve, conditionnée et repoussée qu’elle est par la mécanisation et la robotisation. De là l’asservissement pour les uns et le chômage pour les autres.

Par ailleurs, de la surabondance des diverses productions surgit le gaspillage. Lui aussi contribue indirectement à la compétitivité en poussant à l’action commerciale que l’on appelle bradage, soit la vente au rabais pour épuiser des stocks qu’une nouvelle mode ou l’apparition sur le marché d’appareils plus performants oblige à renouveler. Le client se sentant quasiment obligé, ou pour mieux dire tenté par l’occasion, d’acheter ce qu’il n’a pas absolument besoin. C’est ainsi qu’avec le gigantisme industriel s’est aussi développé le gigantisme commercial et que petits artisans et petits commerçants doivent fermer boutique... tandis que le consommateur est souvent envoûté par le gadget et l’inutilité qu’une publicité lancinante et trompeuse lui montre indispensables.

Une autre conséquence de cette surproduction est un amoncellement de déchets de toutes sortes et d’emballages perdus que l’incinération ne peut assimiler dans sa totalité et que la décharge publique est contrainte d’accueillir, offrant aux yeux du passant un spectacle aussi choquant que disparate.

Nos droits

Nous avons parfaitement le droit d’exiger la disparition d’un système d’exploitation basé sur la concurrence et de tout ce qu’il représente, surtout s’il tend à constituer un pouvoir par trop absolu dans nos sociétés et s’il cherche à trop s’imposer dans nos vies quotidiennes. Il est même de notre droit inaliénable de critiquer les tendances fâcheuses vers l’oppression et l’exploitation à l’œuvre dans cette société de consommation industrialisée où nous devons hésiter à proposer des solutions de rechange car étant trop promptement récupérées pour mieux enchaîner les gens à une certaine conception de société, ou à avancer des contre-propositions de réforme qui ne feront que de modérer les effets dévastateurs de l’esprit mercantile sur le monde et les gens et rendre les prémisses des actions des dirigeants acceptables.

L’économie actuelle est d’abord un cénacle réunissant tous les adeptes d’une certaine façon de concevoir la vie et la société, où les participants cherchent tous les trucs et combines pour imposer aux gens et au monde entier leur "pensée-unique" mercantile. Le "libre-échange" qu’ils veulent installer entre les états n’est, au fait, qu’une manière déguisée d’imposer une hégémonie industrielle et commerciale aux peuples, les obligeant à mener leur vie selon les préceptes de ce conclave de privilégiés fortunés, effrayés par la possible remise en question de leur pouvoir et de leur direction.

IL FAUT DÉNONCER LES EXCÈS

Nous vivons dans un système très "mondialisé", néo-libéralisé, déréglementé et concurrentiel; la consommation est devenue une mode et un style de vie et trop de gens se trouvent exclus de ce système de pensée. La gabegie actuelle et la misère morale constatée sont le fruit de l’industrialisation, de la prospérité matérielle et de l’accumulation de biens de consommation pour la satisfaction de besoins mineurs.

Les militants antimondialistes qui fustigent la "mondialisation néolibérale" et le libre-échangisme en dénonçant ses excès, ne manquent pas de proposer des alternatives crédibles, des changements de société, des remises en question salutaires à chaque occasion dans les forums sociaux, le contre-pouvoir des classes modestes et des sans-voix (voies). Les attaques des antimondialistes se font toujours par rapport aux marchands de la prospérité et de leurs tiroirs-caisses, de leur mépris pour les ouvriers des pays pauvres lorsque les industries s’installent pour profiter des conditions cadres inexistantes et des très bas salaires. Ce système est mis en avant comme le seul possible et ses bonimenteurs font tout pour faire croire aux gens que toute critique reviendrait à une démolition de notre fabuleuse prospérité désaxée et à un retour au Moyen Âge, comme si nous en étions sortis !

QUEL RESPECT ?

L’utilisation jusqu’à l’écœurement de tous les moyens médiatiques mis à notre disposition et de tous les moyens de pression exercés sur les ouvriers et les individus transformés en "consommateurs", déstructure les relations sociales, casse l’entente entre les gens, établit une nouvelle élite en se basant sur de nouveaux rapports de forces et surtout cet activisme est hégémonique, conquérant, déséquilibré et matérialiste et le chaos de la concurrence débridée menace les individus. La seule vraie question que nous devons nous poser, ce serait de savoir pourquoi les industriels, entrepreneurs, banquiers, hommes d’affaires, P.D.G., et autres zélateurs de ce système d’exploitation néolibéral utilisent ces principes économistes et peu démocratiques avec autant d’acharnement, de bigoterie, de mauvaise foi et disqualifient, discréditent et démolissent les citoyens concernés qui se bougent pour sortir des limbes de cette domination pour que les choses changent.

Quelle est la légitimité de ces milieux économiques ?

Nous ne pouvons pas faire confiance aux industriels pour trouver des solutions à la crise de société car ils ne cherchent et ne pensent que dans le cadre de leurs théories qui ont amené cette crise. Mais, nous pouvons, par contre, faire confiance aux industriels qui fichent en l’air cette planète d’agir de telle sorte pour que cela apparaisse comme une conséquence de nos envies de consommateurs car ils se sont et nous ont convaincus que c’est nous qui voulons la "prospérité" et que toute la faute du "mal-développement" a pour cause nos "mauvais" choix de consommation. Cela montre à quel point nous avons été conditionnés pour que nous acceptions cet état comme étant la modernité incontournable et la nouvelle norme. Les nombreux groupements patronaux, le Forum de Davos et la publicité sont là pour concrétiser et affermir cet état et surtout pour le justifier, le déculpabiliser et le rendre accessible au plus grand nombre, c’est le principe même du fonctionnement de cette société de consommation.

Ces milieux prétendent diriger le monde, c’est une élite autoproclamée qui pose des règles de jeu unilatéralement en sa faveur sans que la population en général ne l’ait appelée pour agir en son nom, démontrant par là son incapacité de penser le monde autrement! Croyant avoir été mandaté par une divinité supérieure incontestée, elle formule des théories qui affecteront tous les peuples du monde. Cette présente prospérité repose sur les élucubrations de quelques têtes gonflées se prenant pour des leaders globaux qui se réunissent dans des forteresses glacières et des camps retranchés gardés par des cerbères armés, 1’000 kilomètres de fils barbelés, 5’000 militaires et 1’500 gendarmes anti-émeute armés. Cela démontre à l’envie que ce système est basé sur des fausses prémisses où la mentalité sécuritaire prime sur les problèmes psychologiques. La concentration de pouvoir que représentent les forums économiques de ces princes et consorts et l’escalade ourdie par les forces de l’ordre néolibérale montre bien où est le rapport de force. Il ne peut avoir de démocratie dans un système pareil.

Georges Tafelmacher

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Le prix de la concurrence

la mort de la vie intelligente sur cette terre !

On essaie de nous persuader que la concurrence serait le fondement de l’économie et qu’elle amènerait la prospérité. Or cette théorie de la concurrence n’est qu’un avatar pour justifier l’autorité de ses théologiens. Par la concurrence, on cherche d’abord son pouvoir, ses richesses, son exclusivité et l’élitisme.

concurrenceC’est la concurrence qui nous a amené à la catastrophe sociale actuelle et les problèmes de société actuels ont surgi par la faute de cette concurrence élitaire. Tous les problèmes de société, de "la décadence des jeunes", à "l’imbécillité des gens", jusqu’à l’être humain devenu "consommateur", ne sont que la conséquence d’une manque de réflexion affligeante provenant d’une volonté de diriger ce monde sans et au-dessus du petit peuple laborieux sans pouvoir. La théorie de la concurrence est une manière commode pour "expliquer" le monde mais cela se fait en dépit d’une compréhension plus humaniste et holistique des motivations des hommes. Il est donc impossible de se fixer comme but la concurrence car elle nous mène à des situations tout simplement incompatibles avec un développement sensé de la vie intelligente sur cette terre. D’autant plus que la concurrence sous-entende la compétitivité, l’exclusivité et la guerre pour conquérir SA place, installer son pouvoir et son rapport de force favorable. En fait, la concurrence nous promettent des lendemains qui pleurent.

Mais pourquoi les économistes insistent-ils sur une théorie basée sur des concepts darwiniens complètement dépassés? Pourquoi insistent-ils sur une philosophie favorisant l’élitisme, la dictature du fric, le despotisme politique, la destruction de la Terre? Car que nous le voulions ou pas, la théorie (spécieuse) de la concurrence, en tant que manière de fonctionner, est carrément suicidaire. La théorie de la concurrence se base sur des idées du 19ième siècle où les valeurs telles que "progrès", "création de richesse", "compétitive", "rapport de forces", "nation", etc. nous soumettent à une dictature que les milieux de droite ne cessent de dénoncer surtout si c’est le fait de régimes populaires autoritaires. La concurrence ne peut être un moteur, ce n’est qu’un des symptômes d’un dysfonctionnement grave au même titre que la délinquance juvénile, la dépendance à la drogue et l’alcool, la criminalité routière et en col blanc, les rapports de forces et beaucoup d’autres choses encore.

Georges Tafelmacher

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Lettre envoyée...

à tous les grands directeurs de l’économie et aux politiciens inféodés aux principes de l’économie basée sur la concurrence






Georges Tafelmacher,
ch. de la Côte 22,
1009 PULLY
aux grands dirigeants de l’économie


Concerne : l’état de notre société


Messieurs,

Vous avez fait paraître dans les colonnes du journal "24 Heures", des articles où vous exposez votre compréhension du monde et les impératifs catégoriques y attenant. Ces commentaires, qui prétendent analyser objectivement l’état actuel de la société, ne sont qu’en fait des tentatives de plus dans l’instauration de la pensée unique axée sur la prédominance de l’économie sur notre société. Ces textes ne cherchent à valoriser que les valeurs profitables aux tenants de l’économie mondialisée. Ces commentaires, basés sur des théories économiques et financières contraignantes, agissent sur la société et ont des incidences sur la vie communautaire, l’emploi et le travail et réduisent nos craintes légitimes à des réactions épidermiques et frileuses de repli sur soi.

L’expression même de l’époque que nous traversons, vos rubriques soulèvent des questions préoccupantes :

  • Quels sont les réels buts et les intentions de ces articles ?
  • Pourquoi notre société évolue-t-elle dans le sens de la crise ?
  • Pourquoi une partie importante de la population déprime-t-elle ?
  • Pourquoi l’élite veut-elle dicter le comportement des gens ?
  • Qui sont les véritables responsables de l’état de la société actuelle ?

Le système économique actuel, de plus en plus contesté, n’est pas le produit d’un effort concerté, librement consenti par l’entier de la population. Il est le résultat des volontés d’industriels, de politiciens et d’hommes d’appareil (USAM, UPS) qui cherchent le pouvoir, leurs profits et le contrôle sur la société. Il est conduit par des hommes énergiques issus du sérail politique et des affaires, dirigeants autoproclamés, politiciens et financiers puissants mais d’un aveuglement total quant à la genèse de leurs élucubrations obsessionnelles et de leurs conséquences sur la société. Les événements se précipitent et le système d’exploitation qu’ils ont construit, s’enferrant dans ses propres contradictions, est en train de se disloquer dans des convulsions à la mesure de ses exagérations et ses illusions. Tout le système capitaliste et industriel est remis en question car créé pour et par la domination.

Nous, gens ordinaires, inquiets des répercussions de la diffusion masse-médiatique de ces discours radicaux sur notre vie quotidienne, nous nous permettons d’intervenir auprès de vous dans l’espoir de déclencher une salutaire prise de conscience. Ayant entamé une campagne de sensibilisation visant à un véritable changement de mentalité, nous souhaitons que chaque homme passe enfin d’un état de dominateur imbu de délires conceptualisés ou de masochiste passif, à un état de pleine conscience et d’accomplissement de l’idéal humain. Il est à espérer que nous ferons enfin comprendre aux dirigeants la véritable nature de la société dans laquelle nous vivons car leurs perceptions matérialistes et économiques ont des conséquences qui nous mènent vers des catastrophes autrement plus tragiques que toutes celles déjà endurées par l’humanité depuis le début de son histoire.

Dans l’espoir que cet appel sera entendu, nous vous prions d’agréer, Messieurs, nos salutations distinguées.



GEORGES TAFELMACHER






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Publié dans "L’OPINION" du 24Heures du 02 Mai 2007

Saine concurrence

«Un bon millier de candidats, dont la motivation n’est pas de "bouffer du congénère", mais d’élever l’exigence de son travail...!»

L’INVITÉ • ANTONIN SCHERRER – critique musical

Concurrence: le genre de mot que l’on ne peut prononcer sans exacerber les passions, surtout lorsqu’il a pour contexte nos chères têtes blondes. Pour l’adulte d’aujourd’hui, la concurrence, c’est l’univers carnassier du travail globalisé, la course effrénée au meilleur et encore meilleur, la jungle du chacun pour soi où le développement personnel est érigé en religion. La peste, quoi! Alors, croyant faire pour le mieux, on gomme, on nivelle, supprime les notes à l’école, emprisonne les donneurs de baffes, bref on redessine la cartographie naturelle des relations humaines en supprimant les zones de friction, pour se donner l’illusion de la bonne conscience. Car trop de friction, c’est bien connu, nuit à l’émancipation... Tous pareils jusqu’à 18 ans; pour la suite, c’est une autre histoire.

Et si la concurrence était saine?  Et si elle était même nécessaire à la vie, à la découverte de sa propre voie?  Maîtrisée, la concurrence est un carburant millénaire, une lanterne permettant de se situer dans la multitude. Dans une société où l’utopie des passerelles sociales et académiques est poussée jusqu’à l’absurde, elle représente pour les "égarés" du système un seau d’eau fraîche salvateur. Et le plus tôt est le mieux! De même qu’un apprentissage de menuisier n’est pas à la portée de tout le monde – loin s’en faut – l’université ne doit pas apparaître comme le but ultime et naturel de tout cursus scolaire; pour motiver une telle prise de conscience, la concurrence bat toutes les séances d’orientation professionnelle du monde, car elle place l’individu face à un miroir qu’il ne peut esquiver: celui d’une réalité parfois difficile à digérer certes, mais qu’il finit tôt ou tard par apprivoiser.

La formation musicale, elle non plus, n’a rien à gagner à faire l’économie de la concurrence, même si elle a cela de délicat qu’au-delà de la sélection des meilleurs en vue d’une carrière professionnelle, elle mélange dans ses premiers niveaux futurs pros archimotivés et amateurs sans autre prétention que de se faire plaisir. Et puis quoi?  Les footballeurs du dimanche mettent-ils moins d’énergie dans leur quête de buts que les fusées de la Champions Ligue?  Un musicien, même s’il ne joue pas sa vie future, a toujours quelque chose à retirer de sa confrontation aux autres. Dans l’intensité de son travail en amont d’abord – car l’on ne saurait risquer le ridicule – et puis dans l’instant même de l’interaction qui, harmonieux ou pas, est toujours porteur de sens.

Le Concours suisse de musique pour la jeunesse, qui tient sa grande finale (*) au Conservatoire de Lausanne, incarne parfaitement cette logique. Réservé aux musiciens des classes non professionnelles, il rassemble un bon millier de candidats, dont la motivation n’est pas de "bouffer du congénère", mais plus simplement de se dépasser, d’élever l’exigence de son travail, et de découvrir peut-être – qui sait? – que l’on est dans le haut du panier. Il sera toujours temps après d’en tirer les bonnes conclusions.

* Ve 4, 19 h 30, Concert européen; sa 5, 10-18, épreuves finales, Conservatoire. Di 6, 11 h 30, concert final, Aula des Cèdres, av. de Cour 33. CDLHEM

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Publié dans "Courrier des Lecteurs" du 24Heures du Lundi 07 mai 2007

GPTQu’y a-t-il de sain avec la concurrence ?

prémice du politiquement correcte

par Georges Tafelmacher, pacifiste et libertaire

Les affirmations de M. A. SCHERRER sur la "saine concurrence" nous permettent de voir ce qu’il y a derrière les mots et de comprendre comment leur utilisation abusive peut propager une pensée dite "unique" !

Il disserte sur la concurrence comme s’il s’agissait d’une force élémentaire comme celle de la gravité. Or, la concurrence n’est que la description du syndrome d’un mal qui s’empare d’une société lorsque ses membres ont perdu tout sens de la solidarité, de la participation sociale et de la construction humaniste. De plus, elle découle d’une certaine idée de l’homme que se fait les thuriféraires de la pensée dite "libérale", qui suppose la suprématie des "grands esprits" sur les gens "ordinaires" !

Cette fixation sur la concurrence ne fait que de montrer à quel point notre société est devenue néolibérale où une élite autoproclamée garde ses prérogatives de rester au-dessus de la masse en fabriquant un monde fait pour les "meilleurs" par les "meilleurs", bref, du pure "darwinisme" social! Cette nouvelle élite, qui n’a pas encore digéré la révolution de 1968, cherche à rasseoir son pouvoir en nous soumettant à des exigences telles que seuls quelques privilégiés peuvent vivre dans ce monde ainsi créé. Pour le reste, derrière cette idée de la concurrence, nous pouvons constater que pour le gros de la population, si l’on est comme tout le monde, on ne peut que se soumettre à cette vie basée sur la concurrence. C’est le summum de la pensée-unique hégémonique, de l’idéologie dominante, de la manipulation généralisée qui n’a rien à voir avec la solidarité que prônent ceux qui sont habités par ces quatre principes essentiels: amour et paix, compréhension et respect !

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Publié dans   Le Courrier

DE LA TRICHE À L’AGRESSION

ÉDUCATION • La compétition scolaire mène les élèves et les étudiants à des comportements antisociaux, soutient Fabrizio Butera. Les fusillades de Stuttgart ou de Columbine sont à reconsidérer sous cet angle.

FABRIZIO BUTERA, professeur de psychologie sociale à l’Université de Lausanne

Les systèmes éducatifs, de l’école enfantine à l’université, sont imprégnés de dispositifs de promotion de la compétition. Les enfants découvrent cette réalité très tôt, lorsqu’ils commencent à voir leurs gommettes qui s’accumulent à chaque fois qu’ils mènent à bien un devoir, ou à suivre avec préoccupation la progression de leur pincette du vert au rouge au fil des bêtises que leur enseignant a découvertes. Le propre des gommettes est qu’on peut les comparer, et qu’on peut savoir qui en a le plus; de même les pincettes permettent de connaître le coquin qui s’approche le plus rapidement de la punition.

Cette possibilité de comparer les performances scolaires trouve ensuite son instrument principal dans les notes, qu’elles soient numériques ou sous forme d’appréciations (largement acquis, acquis avec aisance, etc.). Elles permettent avant tout de comparer sa position à celle des autres à l’intérieur de la classe, et d’établir une hiérarchie des élèves. Ce classement peut être informel, mais il existe bien des dispositifs qui lui donnent une réalité plus officielle, de la restitution des épreuves corrigées en ordre croissant (ou décroissant) de note, à la lecture publique de la meilleure dissertation. Ce sont là des exemples courants, mais on peut aussi citer des cas plus extrêmes, comme celui tout récent de la tentative d’améliorer les résultats scolaires en payant les élèves en fonction de leurs notes (voir le Matin du 23 mars).

Pour les élèves, puis pour les étudiants, la comparaison avec leurs camarades n’est pas un simple exercice d’autosatisfaction, mais bien un instrument pour garder une trace de leur position dans un système où l’avancement n’est pas garanti, où l’on peut redoubler, être orienté dans des filières plus ou moins prestigieuses, où l’on peut – si on arrive à l’université – faire partie des 30% d’étudiants qui, selon les statistiques de l’OCDE, sortent des études supérieures sans un diplôme.

En somme, il est clair que le fonctionnement des systèmes éducatifs est basé autant sur la sélection que sur l’apprentissage; d’ailleurs, une recherche récente de notre équipe, réalisée avec des étudiants universitaires, montre bien que ces derniers sont conscients qu’avoir comme but celui de gagner la compétition avec leurs camarades est tout aussi utile pour réussir ses études que le but d’apprendre (1).

Le système compétitif: un calvaire pour les "losers"

Généralement, on considère que la compétition à l’école est un facteur positif, qui sert à motiver les élèves. Et il est vrai que la compétition motive, mais à faire quoi? Dans les travaux sur les buts que les élèves et les étudiants se donnent, on distingue généralement les buts d’apprentissage des buts de performance. Les premiers poussent les individus à étudier, à approfondir leurs connaissances, à essayer de maîtriser les tâches qui leur sont données, alors que les deuxièmes poussent à essayer d’être meilleurs que les autres, à gagner. La compétition motive les élèves à essayer de gagner. Ce but a deux conséquences. La première est que le désir de gagner, en focalisant l’attention des individus sur la comparaison avec les autres, interfère avec les processus d’apprentissage et réduit de fait la réussite. J’ai déjà décrit ailleurs une série de recherches qui montrent les effets délétères de la compétition sur l’apprentissage (2) et je passerai donc rapidement sur ce point. Mais il est une deuxième conséquence lorsque le désir de gagner apparaît en milieu scolaire: l’apparition de comportements antisociaux.

Enseigner sans devoir désigner des gagnants et des perdants

L’actualité de ces derniers temps me pousse à commencer par les exemples les plus extrêmes. Il y a deux semaines, l’opinion publique internationale a été endeuillée par une nouvelle tuerie perpétrée dans une école allemande. Cette tragédie, qui fait suite à d’autres cas similaires dans d’autres pays, a fait couler beaucoup d’encre en suppositions sur la personnalité du tueur et sur son passé familial. Il est certes impossible d’expliquer avec précision un geste aussi insensé, mais Elliot Aronson, un chercheur de l’université de Santa Cruz aux Etats-Unis, a montré quels sont les facteurs structurels récurrents dans ce type de drames, notamment la compétition à laquelle sont soumis les jeunes (3).

Les facteurs pathologiques individuels et le manque de controle social ne suffisent pas a expliquer les drames survenus a Stuttgart et a Columbine - Photo KEYSTONEIl est bien entendu qu’une tuerie comme celle du collège professionnel de Stuttgart ou de l’école Columbine sont l’œuvre de jeunes particulièrement dérangés qui ont eu accès à des armes. Mais Aronson fait remarquer que tout expliquer par des facteurs pathologiques individuels ou par le manque de contrôle social peut donner lieu à des mesures palliatives comme le dépistage précoce de pathologies, le contrôle de l’accès aux armes, l’équipement en vidéosurveillance des écoles, la réduction de l’accès aux films et aux jeux vidéo violents, qui peuvent certes être efficaces pour limiter le problème, mais qui n’en touchent pas le cœur.

Au-delà de ces mesures qui, d’un point de vue politique et émotionnel, peuvent montrer que les responsables s’activent et s’attaquent au problème, reste le fait que les recherches sur le climat de classe montrent que la compétition rend la vie très difficile, parfois un vrai calvaire, à tous ceux qui ressortent perdants, les cancres, les différents, ceux qui ont de la peine. En effet, dans un système compétitif, les perdants, les "losers", sont extrêmement visibles du fait de la comparaison sociale permanente dont j’ai parlé plus haut, et sont donc une proie facile de la moquerie, du mépris et de l’exclusion. Et les plus faibles d’entre eux sont alors particulièrement vulnérables à des réactions antisociales, extrêmes dans certains cas. L’intérêt du livre de Aronson est qu’à côté de cette analyse sans complaisance, il rapporte les résultats de plus de trente ans de recherches qui montrent qu’en introduisant des méthodes coopératives dans le système scolaire de façon à ne plus avoir de perdants, les comportements d’agression, de discrimination et de violence peuvent être éliminés.

Cette analyse concorde avec un corpus particulièrement robuste de résultats sur le lien entre compétition et comportements antisociaux. Déjà en 1961, Muzafer Sherif et ses collègues avaient décrit comment des enfants développaient des attitudes hostiles et des comportements violents après avoir participé à des activités qui mettaient les groupes en compétition (4). Et depuis plus de vingt ans, Alfie Kohn vulgarise les centaines d’études qui montrent que les effets bénéfiques de la compétition sont des mythes, et que les individus qui étudient ou travaillent dans un environnement compétitif développent des modes de relation basés sur la tentative de battre les autres et sur l’agression, qu’elle soit verbale ou physique (5).

Un des corpus de recherche les plus consistants sur la relation entre compétition et comportements antisociaux est constitué par les travaux sur la triche. Eric Anderman et Fred Danner ont récemment fait le point sur ce comportement particulièrement délétère et pourtant extrêmement répandu (6). Dans leurs recherches, et dans celles d’autres chercheurs, il apparaît clairement que la triche - quelle que soit la forme qu’elle prend - dépend d’une motivation à être meilleurs que les autres. Ceci est vrai pour tous les élèves, y compris les "bons élèves" quand ils sont mis sous pression. L’aspect intéressant de ces recherches est qu’elles montrent aussi que cette motivation n’est pas la particularité de certaines personnes qui seraient étrangement compétitives, mais qu’elle provient de structures scolaires qui mettent particulièrement l’accent sur la comparaison des performances et sur le dépassement des autres.
La mauvaise nouvelle est donc que ces recherches – et d’autres comme les travaux sur la rétention d’information (lire ci-dessous) – montrent de façon consistante que la compétition en milieu scolaire ne donne pas lieu aux effets bénéfiques qu’on lui prête, et qu’au contraire elle produit des comportements qui nuisent à autrui et entravent le bon fonctionnement des systèmes éducatifs.
La bonne nouvelle, toutefois, est que ces mécanismes sont décrits et expliqués dans une littérature scientifique accessible, et que de nombreuses méthodes pédagogiques existent, notamment l’apprentissage coopératif, qui permettent d’enseigner sans devoir désigner des gagnants et des perdants. Il suffit d’avoir la volonté politique de les adopter.


*   *   *   *

Travailler en groupe, vraiment ?

Pourquoi est-ce si important de travailler en groupe, à l’école ou en milieu professionnel ?

Les groupes ont été décrits par plusieurs auteurs comme des "réservoirs d’informations", avec l’idée que les individus peuvent avoir des informations différentes et complémentaires, les mettre en commun, et arriver à la solution d’un problème de façon plus efficace que lorsqu’un individu travaille tout seul. Or, force est de constater que le travail en groupe ne donne pas toujours lieu aux améliorations de performance escomptées, notamment parce que les personnes censées travailler ensemble ne font pas circuler l’information pertinente qui pourrait amener par exemple à résoudre un problème. Dans une recherche récente (7), nous avons essayé de montrer que ce manque de partage de l’information n’est pas un hasard.

Nous soutenons que même dans les groupes constitués pour travailler ensemble, peuvent exister des motivations compétitives, dues par exemple au fait qu’un système d’évaluation est en place et qu’on veut donc réussir mieux que les autres; ceci amènerait alors à un comportement de rétention de l’information, pour empêcher les autres de réussir.

Avec des étudiants universitaires, nous avons constitué des groupes de trois membres appelés à résoudre un problème nécessitant de posséder toutes les informations disponibles. Or, nous avions distribué les informations en les divisant en informations communes, possédées par les trois membres, et informations uniques, possédées par un seul membre. Il est clair que discuter les informations communes n’est pas très utile dans ce cas, alors qu’il est crucial de discuter les informations uniques. Avant que les groupes ne commencent à travailler, nous avons organisé les membres en une structure coopérative pour la moitié des groupes, et compétitive pour l’autre moitié. Les résultats, illustrés dans le graphique ci-contre, montrent qu’au sein des groupes compétitifs les membres partagent largement moins les informations uniques que dans les groupes en coopération. Cette rétention d’information, cependant, est une stratégie inutile, même d’un point de vue compétitif: les groupes compétitifs résolvent le problème beaucoup moins souvent que les groupes coopératifs, même si on considère la réussite individuelle d’un seul membre du groupe comme critère de succès.

Clairement, les comportements de rétention de l’information produits par la compétition sont doublement antisociaux: ils nuisent au groupe et à l’individu. FB

1 C. Darnon, B. Dompnier, F. Delmas, C. Pulfrey, & F. Butera (2009). Achievement Goal Promotion at University: Social Desirability and Social Utility of Mastery and Performance Goals. Journal of Personality and Social Psychology, 96, 119-134.
2 F. Butera, C. Darnon, C. Buchs, & D. Muller, (2006). Les méfaits de la compétition: comparaison sociale et focalisation dans l’apprentissage. In R.V. Joule & P.Huguet, (Eds.), Bilans et perspectives en psychologie sociale (pp. 15-44). Grenoble: Presses Universitaires de Grenoble.
3 Aronson, E. (2000). Nobody left to hate: Teaching compassion after Columbine. New York: Henry Holt.
4 Sherif M., Harvey O. J., White B. J., Hood W. R., & Sherif C.W. (1961): Intergroup conflict and cooperation: the Robbers Cave experiment. Norman: University of Oklahoma Book Exchange.
5 Kohn, A. (1992). No contest. The case against competition. Boston: Houghton Mifflin.
6 Anderman E., & Danner F. (2008). Achievement Goals and Academic Cheating. International Review of Social Psychology, 21, 157-182.
7 Toma, C., & Butera, F. (sous presse). Hidden profiles and concealed information: Strategic information sharing and use in group decision making. Personality and Social Psychology Bulletin.

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publié le 24Heures du samedi 16 Juillet 2011

Thierry MeyerLa concurrence selon les loups

L’ÉDITORIAL Thierry Meyer, rédacteur en chef

Face au franc fort, résister au cri des loups

Le franc suisse est fort, l’euro chute et les prix en Suisse ne baissent pas. Scandale! De toutes parts – et surtout des milieux voués à défendre les gentils consommateurs face aux méchants distributeurs – s’élèvent des cris, pour hurler au racket, à l’entourloupe et au remplissage de quelques poches déjà bien pleines. Il est temps de résister à ces sirènes simplistes.

Bien sùr, le problème du niveau élevé des prix suisses existe. Et dans certains secteurs bien connus – l’automobile, le livre, les médicaments, entre autres –, les entraves à l’adaptation des prix ou à la concurrence libre sont patentes. Mais le tableau est loin d’être aussi uniforme que le dépeignent les fabricants de slogans qui, eux, ne coûtent pas cher à la production.

Discutez avec les responsables locaux de vos grands magasins, pour voir. Passé les propos rassurants d’usage, ils vous diront les difficultés qu’ils connaissent, plombés (c’est la loi du marché) par l’essor cette fois bien réel des hypermarchés venus d’Allemagne, qui taillent en coupes claires dans leurs chiffres d’affaires et leurs marges. Jusqu’ici, certaines régions échappaient encore à ce phénomène. Depuis ce printemps, il s’étend à toute la Suisse. À Lausanne, par exemple, il frappe tout le monde, surtout dans le secteur des denrées alimentaires.

Il y a quelque chose d’étrange à entendre les mêmes voix réclamer en même temps des baisses de prix pour des produits élaborés ou transformés en Suisse, et des hausses de salaires pour celles et ceux qui œuvrent dans ces usines. Des yogourts suisses aux prix allemands? Difficile d’y parvenir sans menacer les chaînes de production, et les emplois qui vont avec. Ce n’est pas de la démagogie de le rappeler.

Soyons clairs: le seul vrai remède s’appelle concurrence. Ce principe est défendu par des lois et une commission fédérale, qui doit faire son travail et disposer des outils institutionnels et du soutien politique nécessaires. S’il y a des entraves illégales à la libre fixation des prix, celles-ci doivent être poursuivies avec vigueur. L’économie suisse doit rompre avec son passé cartellaire. Mais faut-il pour cela tordre la réalité et convoquer la vindicte populaire ?
Pour le coup, c’est une tactique à bon marché.

© Thierry Meyer, rédacteur en chef

*   *   *   *

GPTPublié dans le "Courrier des Lecteurs" et les commentaires sur le site 24heures du 16.07.2011

par Georges Tafelmacher, pacifiste et libertaire

Il est temps de résister aux sirènes simplistes !

Monsieur Thierry Meyer, tout en s’insurgeant contre les «fabricants de slogans» en nous demandant de «résister aux sirènes simplistes», ne se gêne pas de nous assener ses slogans simplistes en affirmant péremptoirement et sans preuves que face au problème du niveau élevé des prix suisses, «le seul vrai remède s’appelle concurrence». Pour le coup, c’est cette tactique qui est «à bon marché» !

Lorsqu’on se donne la peine d’analyser la société issue de la pensée-unique basée sur la concurrence et les distorsions sociales qu’elle induit, nous ne pouvons que nous étonner de telles affirmations qui cherchent à seller ces conceptions simplistes de la société dans le béton d’une réalité dogmatique !

Nous devons payer le prix juste des choses, selon ses véritables coûts de production par rapport au niveau de vie de la région concernée et si les prix sont apparemment plus bas en Allemagne, c’est aussi parce que là-bas, le coût de la vie est plus bas, les loyer moins élevés, et les prix des terrains n’ont pas atteint les niveaux astronomiques de chez nous. Les cartelles ne sont pas en cause, ni le manque supposé d’une concurrence salvatrice, mais le problème est d’abord notre totale soumission aux impératifs et aux diktats d’un système qui arrive en bout de course et qui demande à être changé au plus vite si nous voulons continuer notre trajet terrestre !

Les sirènes simplistes qui proclament la concurrence en tant que valeur sociale devraient soumettre leur idéologie aux mêmes critères que ceux réclamés par les Thierry Meyer et consorts !

Georges Tafelmacher

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Compétition – coopération : les mamelles de l’idéologie

Dede la scienceACTUALITÉS PERMANENTES

LE COURRIER
MERCREDI 28 SEPTEMBRE 2011

PAR DÉDÉ-LA-SCIENCE*

Derrière la plupart des affrontements sociaux, politiques, culturels, religieux et même scientifiques se retrouvent deux visions du monde et des relations humaines que l’on peut résumer en deux mots: compétition et coopération. Dans le monde néolibéral, anglo-saxon en particulier, tout est affaire de compétition. La coopération ne peut être qu’un marché "win-win" provisoire, appelé à disparaître dès que ses bénéficiaires seront en conflit d’intérêt.

concurrenceC’est le règne de l’égoïsme, de l’individualisme, de la lutte pour la vie, de la survie des plus aptes et du triomphe des plus forts. Que les faibles et les mauvais crèvent! Bref, rien n’a changé depuis Spencer et Galton, promoteurs du "darwinisme social", usurpateurs de l’héritage de Darwin et, au final, héritiers de l’ancien régime: la loi naturelle - ou divine -, c’est la loi de la jungle! Ceux qui triomphent sont les meilleurs et ce sont les meilleurs parce qu’ils ont gagné. Qui irait contre la nature, qui est violente et n’arrête pas de sélectionner, d’adapter les êtres vivants en retenant les meilleurs, en "optimisant" les performances des espèces par l’élimination brutale des autres ?
Pourtant, la lecture de Darwin montre qu’il avait compris que beaucoup de caractères évoluent n’importe comment, hors sélection, et que ceux qui transmettent leurs caractères sont ceux qui ont le plus de descendants, pas les plus beaux, les plus forts ou les plus malins. Pire, la sélection sexuelle, la compétition des mâles pour séduire les femelles, conduit souvent au développement de caractères exagérés, handicapants pour leurs porteurs, qui se mettent en danger pour s’accoupler.
Dans ce monde, la coopération, les soins aux jeunes, l’entraide qui coûte à celui qui la fournit, deviennent paradoxaux! On voit aujourd’hui des biologistes et des psychologues, outre-Manche ou Atlantique, se torturer, à coup d’équations et de modèles mathématiques, pour expliquer les solidarités animales et humaines par des avantages reproducteurs! Ce qui, comme l’ont si bien montré Lewontin et Gould, revient à prendre pour cause des comportements leurs plus lointaines conséquences, et non les causes biologiques ou culturelles immédiates qui les provoquent.
Dans beaucoup de sociétés traditionnelles, communistes et libertaires, ce genre de questionnements est dépourvu de sens. La coopération est une donnée de la nature qui permet au groupe des performances supérieures à celles cumulées des individus, pour le bénéfice de chacun. On laisse plus de descendants en les nourrissant et en les protégeant, voire en protégeant ceux des autres, qu’en cherchant à en faire toujours plus que l’on abandonne à leur destin. Les capacités du milieu ont leurs limites et la croissance perpétuelle ne mène qu’à la catastrophe finale. Pas besoin de modèles mathématiques "d’altruisme réciproque" pour comprendre qu’un comportement d’aide, voire de sacrifice pour protéger ou aider, peut sauver le groupe et mieux assurer la survie de l’espèce que le cumul des égoïsmes. Coopération et compétition existent en proportions variables dans le monde vivant. Les espèces très nombreuses et qui croissent très vite en nombre sont soumises à de fortes compétitions, qui sélectionnent beaucoup et donnent parfois l’illusion d’une perfection de leurs organismes. Les espèces peu nombreuses, qui se reproduisent lentement, coopèrent dans des structures sociales et assurent une meilleure survie de leurs descendants. Elles regagnent ainsi ce qu’elles perdent en se reproduisant moins.
Le problème des civilisations humaines est que certaines jouent le nombre et la compétition contre les autres. Elles passent ainsi d’équilibres de survie lente à des déséquilibres mortels quand elles outrepassent les capacités de leur espace vital ou leur aptitude à gérer espaces et ressources par des croissances incontrôlées. Certains expliquent ainsi la fin des grandes civilisations antiques, européennes et amérindiennes en particulier (1). On peut penser que la mondialisation actuelle nous conduit au même résultat, cette fois au niveau planétaire et non plus local. Espérons juste qu’ici ou là quelques chanceux échapperont provisoirement à l’extinction du plus grand nombre et trouveront des modes de survie plus durables que le nôtre...

* Chroniqueur énervant.

1 - Sur la disparition des civilisations amérindiennes, mais pas de leurs descendants, voir l’excellent hors série de Pour la science, «Dossier pour la Science» n° 72, juillet-septembre 2011.



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